ONU : Droits de l’homme et foutage de gueule !

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 27 septembre 2015

27 septembre 2015

Je passe sur les chiffres du chômage à fin août 2015 annoncés jeudi 24 septembre dernier, + 20 000 en catégorie A, comme d’hab, c’est facile à retenir (voir le tableau du Chômage en France dans la colonne latérale du blog). Je passe sur les déclarations de Manuel Valls le soir même lors de l’émission Des paroles et des actes de France 2 : « J’ai une conviction, c’est que nous allons réussir » (comme d’hab) qui montrent assez clairement que si les paroles sont là, les actes laissent nettement à désirer et les résultats sont dérisoirement absents.

Et j’en viens à une actualité plus discrète, mais tout aussi spectaculaire dans le grand n’importe quoi du monde : lundi 21 septembre 2015, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a nommé l’ambassadeur de l’Arabie saoudite auprès des Nations unies, M. Faisal Trad, à la tête de son Comité consultatif.

L’Arabie saoudite ! Ce pays qui, par exemple, et ce n’est qu’un mince exemple parmi des centaines d’exécutions au sabre, a condamné le blogueur contestataire Raïf Badawi à mille coups de fouet et dix ans de prison ! Pour un poste aux Droits de l’homme, c’était clairement le pays tout indiqué.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (ou CDH) existe dans sa forme actuelle depuis 2006. Il fut précédé depuis la création de l’ONU en 1945 par la Commission des droits de l’homme dont les missions étaient, comme on se l’imagine, de promouvoir les droits de l’homme partout dans le monde.

Cependant, il est apparu de plus en plus nettement que pour certains pays la participation à cette commission ne correspondait plus aux objectifs initiaux. En 2005, le Secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan, écrivait dans un rapport :

« Des États ont cherché à se faire élire à la Commission non pas pour défendre les droits de l’Homme mais pour se soustraire aux critiques, ou pour critiquer les autres. »

« La politisation a miné ses sessions à un tel point que la crédibilité déclinante de la commission fait une ombre sur la réputation du système des Nations unies dans son ensemble. »

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À l’appui de ces remarques sévères du Secrétaire général, on peut citer la Conférence Durban I contre le racisme de 2001, ainsi que l’élection de la Libye à la tête de la Commission en 2003 :

  • En septembre 2001, environ une semaine avant le 11, Durban (Afrique du Sud) a été le théâtre de rencontres extrêmement houleuses sous l’égide du haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU. Des pays arabes ont en effet lancé un appel afin de rétablir une résolution de l’ONU visant à assimiler le sionisme à du racisme. Les délégations d’Israël et des États-Unis ont quitté la conférence, et les pays de Union européenne ont menacé d’en faire autant. Les représentants du Canada et de l’Australie ont dénoncé l’hypocrisie des débats, regrettant qu’il ne soit question que de « délégitimer l’État d’Israël et déshonorer son histoire et la souffrance du peuple juif. » Dans le même temps, le forum des ONG a été complètement perturbé par des groupes tiers-mondistes pro-islamistes et antisémites qui ont distribué des tracts regrettant Hitler et organisé une exposition de caricatures antisémites. Pour une conférence contre le racisme, c’était réussi.
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  • En 2003, la Libye, pays responsable de l’attentat de 1989 contre l’avion DC10 d’UTA, pour citer un de ses faits d’armes qui concerne directement la France, est élue assez facilement à la présidence de la Commission des Droits de l’homme de l’ONU. Il ressort du décompte des votes que les sept pays de l’Union européenne membres de la Commission, dont la France, se sont abstenus. La Libye a d’ailleurs rendu hommage à la France suite à cette élection. La France, pays des droits de l’homme…

Ajoutons à tout cela que le mode de nomination des pays n’était pas parfaitement transparent. Il fut ainsi décidé d’abolir la Commission et de la remplacer en 2006 par le Conseil des droits de l’homme dont la composition de 47 pays membres serait directement votée par l’Assemblée générale de l’ONU.

Ses responsabilités consistent à renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme autour du globe au moyen de conventions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies, à aborder des situations de violations de droits de l’homme et à émettre des recommandations à leur encontre. Le CDH est assorti d’un « Comité consultatif » qui lui sert de « groupe de réflexion » fournissant expertise et conseil sur des questions thématiques relatives aux droits de l’homme.

On pourrait naïvement penser que suite à ces modifications de gouvernance, le Conseil se trouve maintenant à même de conduire ses missions en tout bien tout honneur. Or ce n’est pas franchement le cas.

Dès 2007, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon regrette que le conflit israélo-palestinien soit en permanence au coeur des débats alors qu’il y a bien d’autres violations des droits à examiner de par le monde.

Puis en 2009, une conférence Durban II prend une tournure antisémite similaire à celle de Durban I (le Président iranien Ahmadinejad commence son discours en accusant Israël d’être un État raciste) et se heurte à l’exigence des pays musulmans d’introduire le concept de blasphème des religions. Etc. etc.

La plupart du temps, les controverses découlent du biais nettement anti-israélien des décisions du Conseil. En 2011, Hillary Clinton a déploré que depuis cinq ans « Israël soit le seul pays sujet à un ordre du jour permanent » :

« And I must add, the structural bias against Israel – including a standing agenda item for Israel, whereas all other countries are treated under a common item – is wrong. »
(Discours prononcé le 28 février 2011 à Genève devant le CDH par Hillary Clinton, Secrétaire d’État américain).

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Et cette semaine, comme pour mieux parachever son absence totale de crédibilité, le Conseil vient de nommer l’Arabie Saoudite à la tête de son Comité consultatif, lequel est notamment chargé « de sélectionner les rapporteurs en charge de thématiques précises comme les camps de travail en Corée du Nord ou les violences faites aux femmes, » ainsi que le rapporte l’ONG UN Watch. On sent que le travail sera bien fait.

L’Arabie saoudite est devenue membre du CDH en 2013. A l’époque, personne, et certainement pas la France, ne s’était opposé à cette nomination. Actuellement présidé par l’Allemagne, le CDH doit changer de tête à la fin de l’année, et la nouvelle présidence sera choisie parmi le groupe des pays asiatiques dont l’Arabie saoudite fait partie. On frémit à l’idée de ce qui pourrait se manigancer.

Il se trouve que l’Arabie saoudite est revenue cette semaine en une de nos journaux, pas pour la douceur de ses pistaches ou de ses loukoums, mais pour son sens maladivement exacerbé de la justice. En ce qui concerne le blogueur Raïf Badawi dont je parlais en introduction, pas de nouvelles depuis le début de ce mois, si ce n’est qu’il a échappé pour le vingt-neuvième vendredi consécutif à sa peine de cinquante coups de fouet hebdomadaire, bien que sa condamnation coure toujours.

Mais le royaume de la famille Saoud est loin d’avoir abaissé sa garde vis-à-vis des opposants au régime. Mardi, on apprenait que le jeune chiite Ali Mohammed Al-Nimr, âgé aujourd’hui de vingt ans, pouvait être exécuté à tout moment.

Il est accusé d’avoir participé en 2012 à une manifestation d’opposants. On lui reproche surtout d’être le neveu d’un cheik dont l’action fut centrale dans le mouvement de contestation chiite contre le régime. Selon lONG Reprieve qui assure sa défense, ses aveux signés auraient été obtenus sous la torture. La peine qui l’attend est à la hauteur d’un pays membre éminent du CDH : il devrait être décapité au sabre, puis crucifié et exposé publiquement jusqu’au pourrissement de ses chairs.

C’est le moment de rappeler que l’Arabie saoudite est l’un des premiers pays au monde pour la peine de mort. Depuis 1985, il y a eu au moins 2208 exécutions et l’année 2015 s’annonce particulièrement faste avec déjà 134 victimes de cette justice conforme à la Charia. La moitié des exécutions concerne des affaires de stupéfiants, mais outre les meurtres et les viols, la peine capitale s’applique également à l’adultère et à l’apostasie (offense qui par chance n’a pas été retenue contre le blogueur Raïf Badawi).

Maintenant que François Hollande est soulagé d’avoir revendu à l’Égypte, « sans perte financière », les deux porte-avions Mistral promis puis refusés à la Russie, opération dont on sait que l’Arabie saoudite a participé au financement, il n’y a plus qu’à espérer qu’il garde suffisamment de crédit auprès du Roi Salmane pour faire connaitre avec toute la netteté possible la position de la France au regard de la peine de mort, et surtout pour faire pression sur les autorités du Royaume afin qu’elles abandonnent leur projet de décapitation d’ Ali Al-Nimr, ainsi que tous leurs projets similaires.

Le Général de Gaulle qualifiait l’ONU de « machin » (1960). Ça parait presque trop poli. Il est certes normal de se poser la question de savoir comment traiter des pays qui ne respectent aucun droits naturels et qui n’accordent pratiquement aucune libertés individuelles à leurs citoyens. Faut-il les mettre au ban des nations ou faut-il au contraire essayer de leur parler et de les ramener dans le concert des nations afin de pouvoir échanger avec eux sur un certain nombre de valeurs incompressibles, non seulement à nos yeux d’occidentaux, mais surtout à nos yeux d’êtres humains ?

Je suis généralement en faveur du dialogue, mais faut-il absolument dérouler le tapis rouge et réserver les postes les plus sensibles à des régimes purement et simplement criminels, dont le seul et unique attrait consiste à avoir un portefeuille bien garni, des ressources en énergies fossiles (mais ça, c’est moins fashion, COP21 oblige) et des habitants en nombre pour constituer un marché alléchant ? Pour ces pays, je préconise une décision occidentale commune impliquant dialogue rigoureux et minuscule strapontin au poulailler des instances internationales.


Mise à jour du dimanche 3 janvier 2016 : L’Arabie saoudite, pays qui préside le Comité consultatif du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU depuis septembre dernier (foutage de gueule !), a commencé l’année 2016 dans la plus pure tradition du régime, c’est-à-dire en exécutant par décapitation 47 personnes accusées de terrorisme.
Parmi elles se trouve le Cheikh chiite Nimr Baqer Al-Nimr, 56 ans, figure de l’opposition chiite au régime sunnite saoudien et condamné à mort pour « sédition, désobéissance au souverain et port d’armes. » Son neveu Ali, âgé de 20 ans, qui avait participé à des manifestations (voir ci-dessous), est emprisonné et condamné à mort, mais ne figure pas parmi les personnes exécutées.
Au-delà de la politique intérieure, en exécutant aussi des radicaux sunnites liés à Al-Qaïda, l’Arabie saoudite semble vouloir envoyer un message à tous ses ennemis, qu’il s’agisse de l’Iran chiite, des groupes terroristes sunnites Al-Qaïda et Al-Nostra ou du sinistre Etat islamique, d’obédience sunnite également, qui avait récemment appelé à renverser le régime impie de Ryad.
Les luttes de pouvoir dans la région apparaissent tous les jours plus compliquées que le simple affrontement chiites vs sunnites, ce qui tend à me convaincre que les Occidentaux vont avoir beaucoup de mal à savoir qui sont leurs alliés et qui sont leurs ennemis dans cette affaire. D’abord partisane d’une lutte sans merci contre Daesh, dont les exactions ne peuvent laisser personne insensible, je me demande maintenant quelle serait la bonne politique : laisser les peuples se déterminer eux-mêmes, laisser la recomposition politique du Moyen-Orient se faire ? ou bien voler au secours des populations brimées et menacées, quitte à former des alliances locales à l’aveugle, dont les conséquences nous échappent totalement ? 

Mise à jour du mardi 19 juin 2018 : Les Etats-Unis ont annoncé ce jour qu’ils quittaient le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Cette décision, en rapport avec le traitement d’Israël qui figure systématiquement à l’agenda du Conseil, couvait depuis longtemps et avait déjà été prise du temps de George W. Bush. 


ONU DUDHIllustration de couverture : Logo de l’ONU et Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 1948 – Photo Les Echos.

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