Mélenchon, les Tchétchènes et le coup classique de la victimisation

Je pense que tout le monde sera d’accord là-dessus : la victime du drame de Conflans-Sainte-Honorine, c’est Samuel Paty, cet enseignant décapité la semaine dernière par un jeune Tchétchène parce qu’il avait eu l’audace blasphématoire inexpiable de montrer à ses élèves les caricatures de Charlie Hebdo relatives au prophète Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression.

Oh, bien sûr, on trouvera toujours des gens pour dire que les victimes sont en fait les musulmans attaqués dans leur foi. Et à voir nos gouvernants s’agiter pour manifester leur fermeté inébranlable face aux intimidations terroristes, on devine déjà que la liberté d’expression risque aussi de faire partie des victimes collatérales du drame.

Mais il y a bien pire !

Il ne faudrait quand même pas oublier que la première victime politique de cette affaire, c’est Jean-Luc Mélenchon ! Le malheureux Insoumis s’est retrouvé cloué au pilori par toute la classe politico-médiatique pour une innocente formule à l’encontre des Tchétchènes dans laquelle des esprits chagrins et malveillants ont cru voir pointer l’amalgame qu’il est toujours prompt à dénoncer chez les autres :

“Je pense qu’il y a un problème avec la communauté tchétchène en France.”

Ses proches en politique ont fait de leur mieux pour minimiser la portée de l’incident. La sénatrice Marie-Noël Lienemann concède volontiers que Mélenchon aurait pu être “un peu plus diplomate”, mais sur le fond, elle ne trouve rien à redire. Quant au député de la France insoumise Eric Coquerel, il reconnaît que “le mot communauté est sorti un peu vite”.

Mais pour le lider maximo de la France insoumise, malgré tous ces efforts, “une semaine noire” commençait néanmoins.

Car figurez-vous qu’il y a dans notre République des gens d’une bassesse inouïe qui ont profité de cette petite phrase sans conséquence, ce non-événement, ce micro-rien qui ne représente en aucune manière la façon de voir de Jean-Luc Mélenchon, pour faire croire qu’il “attribuerait à tous les Tchétchènes l’horreur du comportement individuel de quelques-uns.”

On croit rêver ! Se laisser aller à de telles accusations contre un homme politique qui a toujours placé “l’Humanisme et le courant des Lumières” au sommet de ses convictions les plus exigeantes ! Contre un homme qui a toujours fait campagne au nom de “l’humain d’abord” comme en témoigne abondamment son admiration indéfectible pour le Venezuela d’Hugo Chávez, le Cuba de Fidel Castro, la Chine qui opprime le Tibet et la Russie de Vladimir Poutine ! Mais où va-t-on ?

Et comme si cela ne suffisait pas dans la désinformation la plus ignoble, voilà que les mêmes ne se sont pas gênés pour enchaîner ensuite sur le prétendu islamo-gauchisme que la France insoumise câlinerait sans honte et sans réserve, et sur l’odieuse récupération politique que constituerait sa participation au rassemblement d’hommage à Samuel Paty qui a eu lieu dimanche dernier.

Autrement dit, si les accusations mensongères du parent d’élève Brahim Chnina à l’encontre de Samuel Paty ont agi comme une cible bien visible accrochée au front du professeur, “les abus de langage infamants” auxquels les politiciens et commentateurs se sont livrés ces derniers jours contre les Insoumis avec une joie sordide reviennent aussi à leur placer “une cible dans le dos en les accusant sans pause ni trêve des pires absurdités.”

Bref, Jean-Luc Mélenchon nous refait le coup de “la République, c’est moi” et tous les autres ont tort et me persécutent. Tous les autres, c’est-à-dire les journalistes, les juges, les opposants internes, l’extrême-droite, Macron, le PS et tout le reste du monde.

Mais les accusations dont il se plaint sont-elles aussi absurdes qu’il le prétend ?

En réalité, sa sortie sur les Tchétchènes n’a pas été l’erreur d’un bref instant d’un homme par ailleurs irréprochable, mais une formule répétée à plusieurs reprises – au micro de BFM TV puis sur le plateau de LCI – comme pour mieux fixer l’attention et la faute sur cette communauté (qui a en plus l’inexcusable tort de causer quelques soucis à son ami Poutine) et nous empêcher de regarder du côté des accointances louches de la France insoumise avec l’islamisme via ses relations avec le Collectif contre l’islamophobie en France ou CCIF.

Il s’agit là d’une des associations que Gérald Darmanin a annoncé vouloir dissoudre en raison de ses proximités avec les Frères musulmans et l’islamisme radical :

Or il se trouve que lors de la “Marche contre l’islamophobie” du 10 novembre 2019 à laquelle la France insoumise a participé à grand renfort de publicité et de trémolos vertueux, l’un des meneurs était justement Marwan Muhammad, un ancien dirigeant du CCIF. Et il se trouve également que ce dernier a eu l’idée vraiment lumineuse de faire scander par les participants le fameux cri “Allahu Akbar” qui a accompagné et pour ainsi dire signé tous les attentats islamistes perpétrés en France et dans le monde ces dernières années.

On était à trois jours de la date anniversaire du massacre du Bataclan. Il fallait le faire. La voilà, l’expression claire et nette de l’islamo-gauchisme même pas larvé de la France insoumise.

Naturellement, Mélenchon se défend maintenant de toute compromission en rappelant qu’en 2015, il condamnait haut et fort la reconnaissance de quelque blasphème que ce soit, et que jamais au grand jamais il n’était tombé dans le piège tendu par le concept d’islamophobie :

Mais il y a un an, il prenait néanmoins sa plus belle plume de blog pour persister et signer dans sa volonté inébranlable et sublime de participer à la marche du 10 novembre :

“Nous avons appris à connaître avec la ‘théologie de la Libération’ en Amérique latine comment la religion pouvait aussi ne pas être qu’une drogue qui annule la volonté d’agir pour changer le monde mais parfois l’exact contraire.”

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Traduction : la religion n’est pas toujours l’opium du peuple.

Quand il s’agit des Tibétains qui s’opposent à la Chine ou des Tchétchènes qui s’opposent à la Russie ou de la France catho de droite qui s’oppose à l’insoumission de Mélenchon, alors oui.

Mais quand la religion adopte les canons de la gauche, comme ce fut le cas de la théologie de la libération dans les années 1970 et 1980 et comme c’est le cas de l’islamo-gauchisme qui fait actuellement son chemin au Parti communiste, à la CGT et à la France insoumise, il faut y voir “le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur”, nous explique Mélenchon en citant Marx.

Pas d’erreur involontaire chez le patron des Insoumis, pas de malheureux lapsus évidemment excusable, mais un immense talent de cabotin colérique destiné à masquer ses basses œuvres idéologiques. 

Le coup des Tchétchènes et la victimisation subséquente devant l’indignation soulevée avaient un objectif précis parfaitement calculé : faire oublier combien Jean-Luc Mélenchon, déjà amplement connu pour donner l’absolution aux plus sanguinaires dictateurs pourvu qu’ils soient estampillés “de gauche”, est également toujours prêt à jouer les idiots utiles de n’importe quelle religion, charia incluse, pourvu qu’elle soit gaucho-compatible. 


Illustration de couverture : Jean-Luc Mélenchon en meeting en 2018. Photo AFP.

10 réflexions sur “Mélenchon, les Tchétchènes et le coup classique de la victimisation

  1. Merci pour votre analyse très juste concernant la compromission et l’hypocrisie de Mélenchon et de l’extrême gauche. Quand on pense qu’ils étaient à deux doigts de passer au second tour en 2017 ! Et quand on pense également à la complaisance générale dont ils jouissent, qu’elle soit issue des médias ou des institutions qui tolèrent, par exemple, leur propagande dans les collèges, lycées et surtout les universités.

  2. Pauvre Méluche ! Il était en campagne électorale. Il était en perdition ! Il a joué la carte islamistes contre Tchétchènes ! Il a perdu, et c’est l’Union sacrée contre lui !
    Était-ce bien nécessaire ?
    Voici ce que pense (entre autres choses bien plus importantes) Alexandre de Valle de ce qui n’est qu’une péripétie électorale pour Méluche et ce qu’il lui reste d’électeurs :

    https://www.tvlibertes.com/terrorisme-samuel-paty-decapite-sur-lautel-de-la-republique-le-samedi-politique-avec-alexandre-del-valle

    • Pour la “réflexion”, permettez-moi d’en douter.
      Si je comprends bien, vous êtes un adepte du “si ça se trouve, il l’a bien cherché, il a mis de l’huile sur le feu”. On connait cette ritournelle qui revient in fine à exiger le silence sur certains sujets qui déplaisent à certaines personnes.
      Non, “tout” ne dépend pas de la façon dont le professeur a présenté les caricatures :
      1. (et ce point devrait suffire) Parce que rien, absolument rien, ne justifie le meurtre.
      2. Parce que de toute façon, tous les témoignages parlent d’un enseignant très bienveillant avec ses élèves. Il a même proposé de ne pas regarder les caricatures.
      3. Parce que l’engrenage s’est mis en marche via un parent d’élève qui a fait des déclarations mensongères sur Facebook (sa fille n’était pas dans le cours), histoire d’alimenter un scandale inexistant à des fins de pure intimidation islamiste.

      PS : En plus, ce n’est pas du tout le sujet de l’article.

  3. Ces déclarations de Mélenchon ne sont pas dues à la maladresse ni au surmenage, c’est la ligne politique de la maison LFI sur ces questions délicates : on évacue les questions, façon “homme de paille”
    On peut également ajouter “Face au débat sur l’islamisme, “la France a perdu la tête”, juge l’Insoumise Clémentine Autain
    https://www.valeursactuelles.com/politique/face-au-debat-sur-lislamisme-la-france-perdu-la-tete-juge-linsoumise-clementine-autain-124961

  4. Tout cela est horrible, yes ! La suite va l’être encore pire. Erdogan est en train d’enflammer une guerre Islamique en France. Tous nos beau discours et philosophies bellissimes ne feront rien contre la réalité du terrain : le musulman va se battre, mais pas l’Etat trop politiquement correct. Nathalie, vous qui êtes si intellectuellement bien formée, dites-nous votre solution. Lorsque les massacres de “souchiens” deviendront gênants, je vous demanderais votre évaluation.

    • Entièrement d’accord Erdogan est un danger manifeste et ne cache pas ses intentions. Que ne lui opposons-nous aucune fermeté ?
      J’avoue que s’il pouvait glisser sur une “peau de banane”, je m’en verrais fort réjoui.

      Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.

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