MACRON : la magie des MOTS, le VIDE du renouveau

Il y a presque quarante ans, alors que je m’apprêtais à convoler avec mon cher et tendre, ma belle-mère a tenu à me révéler le secret d’un mariage réussi : si vous n’avez pas grand-chose à servir pour le dîner, compensez toujours par une belle table bien décorée. La boîte de sardines la plus sinistre aura soudain un charme fou à la lueur merveilleusement transformante des chandeliers.

L’anecdote est certes un peu désuète et elle ne manquera pas de faire sourire dans les cercles féministes qui rêvent d’instaurer un délit de non-partage des tâches ménagères. Mais elle n’en comporte pas moins des éléments très éclairants sur le rôle prépondérant de l’illusion, de préférence lyrique, dans le marketing politique à l’œuvre en macronie à l’approche des élections législatives.

Les partis qui composent la majorité présidentielle – le Modem de François Bayrou, le tout nouveau parti Horizons de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et bien sûr, au centre du jeu, La République En Marche d’Emmanuel Macron – viennent justement de faire savoir qu’ils se regroupent officiellement dans une sorte de confédération baptisée « Ensemble ! » Quant au parti du Président, il abandonne son sigle fondateur pour devenir « Renaissance » à l’orée du second mandat d’Emmanuel Macron.

Beaucoup de motivations politiques de court terme dans ces annonces :

· D’abord reprendre la main dans une campagne des législatives monopolisée par le feuilleton des accords de la France insoumise avec le PCF, le PS et les écologistes dans le but de forcer une cohabitation qui verrait Jean-Luc Mélenchon devenir Premier ministre.

· Montrer ensuite que les investitures législatives de la majorité, loin des tractations houleuses qui continuent à agiter la gauche, répondent à une vraie cohérence politique unifiée et pacifiée.

· Couvrir enfin le curieux silence d’Emmanuel Macron depuis sa réélection alors que tout le monde attend depuis quinze jours qu’il nomme un nouveau Premier ministre. Et commence à tirer de ce délai inhabituel la conclusion ravageuse pour l’image du Président que les candidats ne se précipitent pas aux portes de Matignon.

Mais on y décrypte aussi la volonté manifeste de retrouver l’élan printanier de 2017.

Emmanuel Macron a toujours su placer ses apparitions de candidat ou de Président dans un décor soigneusement calculé pour auréoler sa personne de modernité et de dynamisme, et il excelle à envelopper le tout dans un discours étudié pour déchaîner l’enthousiasme des foules plus que pour communiquer sur un projet précis.

La période de l’entre-deux tours de la présidentielle où le vote des électeurs de Mélenchon était perçu comme crucial pour remporter l’élection a confirmé son aptitude remarquable à se saisir de l’air du temps à pleins poumons et à reprendre à son compte les propositions de ses concurrents, quitte à oublier ce qu’il avait dit peu de temps auparavant sur les mêmes sujets. Et c’était parti pour la planification écologique, l’intensification des énergies renouvelables, l’économie circulaire, le flou sur l’âge légal de départ en retraite, le flou sur le voile islamique dans l’espace public, le flou sur tout.

Sans que tous ces revirements-tortillements, effectués bien évidemment au nom de la prise en compte démocratique des aspirations des Français, ne l’engagent à quoi que ce soit. Bien malin celui qui pourrait dire de quoi le nouveau quinquennat sera fait.

Instruits par le précédent et par la tribune « Rejoignez-nous » adressée par trois ministres issues de la gauche aux socialistes hostiles au rapprochement avec la France insoumise, on pressent qu’on ne pourra échapper au constructivisme écologique et sociétal(*) qui est devenu la caractéristique inébranlable de toute social-démocratie qui se respecte, ni aux stratégies pour l’emploi, la souveraineté industrielle, l’hôpital ou l’éducation, le tout noyé dans des budgets abondés et revalorisés, mais certainement pas analysés pour voir où se situe l’efficacité et où commence le gaspillage pur et simple.

Mais dans l’immédiat, il importe de présenter un front politique uni et profondément teinté de renouveau.

Le résultat et l’abstention de l’élection présidentielle le démontrent, il est impératif de faire oublier que La République En Marche porte les stigmates d’une République qui se voulait irréprochable, qui a même lancé une loi de moralisation de la vie politique à grand renfort de flonflons télévisés, mais qui a accouché d’une série « d’affaires » – Ferrand, Bayrou, Rugy, Benalla, Delevoye, Griveaux, sans oublier la député Coralie Dubost tout récemment – à un rythme tout aussi frénétique qu’à l’époque de l’ancien monde.

Impératif, également, de faire oublier le divorce accompli depuis cinq ans entre les technocrates du gouvernement, trop certains d’avoir raison sur tout, et la pression fiscale unique au monde qui pèse sur les entreprises et les ménages, sur fond de ruine incompréhensible de l’hôpital et de l’école.

Il convient en outre d’enterrer définitivement les multiples épisodes où l’on a entendu le Président ou ses militants les plus acharnés (donc peu susceptibles de la moindre prise de recul sur les événements) dégouliner de mépris pour qui refusait de prendre les bonnes raisons macroniennes, peu importe le sujet, pour argent comptant.

Bref, il faut continuer à éluder le bilan du quinquennat écoulé, glisser les libertés individuelles écornées sous le tapis, oublier les 600 milliards de dette en plus, faire comme si la majorité présidentielle n’était pas éclatée en de multiples courants et repartir à zéro pour cinq ans de plus de lendemains enchantés.

Quoi de mieux pour cela qu’une « Renaissance » ? Pas de passé, comme si rien n’avait existé auparavant, ni le Macron du premier mandat, ni les Français qui l’ont vécu. Depuis ce renouveau fantasmé, il est d’autant plus facile à Emmanuel Macron de faire miroiter un avenir évidemment radieux :

« Le peuple français n’a pas prolongé le mandat qui s’achève. (…) Ce peuple nouveau, différent d’il y a cinq ans, a confié à un président nouveau un mandat nouveau. »

« Je fais le serment, à nos enfants et à notre jeunesse, de léguer une planète plus vivable, et une France plus forte et plus juste. »

.
Le comble de l’illusion. Surtout lorsque l’on voit que le renouveau dont le Président prétend être porteur au nom des Français passe par le recyclage de tant d’anciens politiciens déchus, à l’image d’un Manuel Valls, ex-Premier ministre de François Hollande, grand perdant de la primaire socialiste de 2017, en recherche désespérée d’un point de chute politique un peu sexy et soudain érigé en fringant candidat de la renaissance macroniste.

Ce sera donc « Ensemble ! » que lui et les tous les autres se présenteront. Une illusion de plus puisque l’on sait que le souhait d’Emmanuel Macron de former autour de lui un parti centriste unique n’a pas fait que des heureux chez ses alliés, inquiets de sa voracité politique, et qu’il a dû se contenter des apparences d’une confédération au sein de laquelle les différentes composantes gardent leur identité, leur champion et leur structure politique propre.

Une chose est certaine, cependant : Emmanuel Macron fait tout ce qui est en son pouvoir pour bien manifester à quel point il n’a aucune affinité avec le libéralisme que ses opposants les plus farouches lui collent systématiquement à la peau. La preuve par le nom « Renaissance » – Renew Europe, en langage bruxellois – qu’il a imposé après les élections européennes de 2019 pour rebaptiser le groupe parlementaire européen « Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe » (ADLE) afin de gommer toute référence au libéralisme.

Bref, derrière la magie des mots et le vide du renouveau, l’aventure continue. L’aventure au sens danger et pilotage à vue. Ce n’est pas réjouissant.


(*) Je préfère préciser une fois de plus qu’il ne s’agit pas ici de rejeter l’écologie ou le féminisme, mais de mettre en garde contre leur application sociale à marche forcée.


Illustration de couverture : Édouard Philippe (Horizons), Richard Ferrand (LREM), François Bayrou (Modem) et Stanislas Guerini (LREM) à Paris le 5 mai 2022. Photo AFP.

10 réflexions sur “MACRON : la magie des MOTS, le VIDE du renouveau

  1. Votre belle-mère avait bien raison… l’art de la table, c’est important !

    Sinon, Macron se prend-il pour Staline ? Il veut « léguer une planète plus vivable à nos enfants » ? Il est le chef de la planète, maintenant ? S’il commençait par s’occuper de la France, ce serait déjà pas mal.

  2. Ben il fallait s’ y attendre, Macron comme le chef d’ une entreprise qui ne lui appartient pas propose des produits mal finis mal ficelés qui fonctionne à moitiés et ne durent pas longtemps et coûtent cher mais bon la droite et les libéraux ont votés pour il me semble en pensant à leurs intérêts plutôt que remettre la France dans les rails d’ une économie saine et démocratique.

    • Je ne comprends pas : il faudrait voter contre ses intérêts ? ce n’est pas l’intérêt de la droite et des libéraux d’avoir une économie saine et démocratique ? La droite et les libéraux auraient intérêt à ce que l’économie se porte mal ?

      Et au fait, une économie démocratique, c’est quoi ? sinon une économie libérale ? Donc les libéraux voteraient pour une économie étatiste ?

      Donc vous, en fait, vous avez voté contre vos intérêts ? Vous pourriez nous dire pour qui vous avez voté, en quoi c’était contre vos intérêts, et pourquoi c’était vertueux de votre part ?

      Si je comprends bien, vous êtes de gauche et étatiste ?

  3. La cérémonie d’intronisation par Fabius est une séquence de « monarchie républicaine décontractée » avec allégeance entre ceux du premier cercle, on se tutoie, on s’embrasse.

    Ces élites sont d’une intelligence tout à fait moyenne et d’une culture limitée, souvent héréditaires car cooptées. Ils ne peuvent rien faire pour améliorer la situation, tout les dépasse. Ils ne font que déclamer des promesses simplistes idéologiquement à la mode (« une planète plus vivable » par exemple), qu’ils seront incapables de tenir dans un monde extrêmement complexe. Il s’agit effectivement d’un vide.

    Après un premier quinquennat Emmanuel Macron confirme la formation autour de lui d’un parti centriste du bloc bourgeois, sans équivalent depuis la monarchie de Juillet et son vote censitaire (illustré par l’exemple de l’article précédent d’Aymeric Caron).
    Cette bourgeoisie qui a voté pour lui, est formée de ses quatre composantes sociologiques : la bourgeoisie d’argent et la banque ; la bourgeoisie intellectuelle et ses clercs ; les notables de province guidés par les grands médias parisiens ; et les retraités aisés détachée du monde du travail.
    Les classes dirigeantes ont délégué à l’État et à des professionnels l’assistance sociale, et se scandalisent que le « pognon de dingue » ne suffise pas. Il n’y a plus d’ascension sociale pour les exclus, elle est réservée à une élite et ses enfants. Ces gens suivent une pente, un courant qui n’a comme objectif que la reproduction de l’ordre en cours et le maintien d’un statu quo qui leur convient.
    Flaubert disait : « J’appelle bourgeois quiconque pense bassement ».
    Seul De Gaulle, qui méprisait cette bourgeoisie, est parvenu à la dominer parce qu’elle avait collaboré sans vergogne avec les nazis.

    La classe des exclus, véritable carburant d’une guerre civile en devenir, serait à questionner en urgence. 30 à 40 millions de Français modestes, autrement appelés les classes populaires, voient leurs conditions d’existence se dégrader depuis trente ans.

    Emmanuel Macron ne sait se placer que dans un décor soigneusement calculé pour auréoler sa personne de modernité et de dynamisme.
    Je suis en train de lire le récent ouvrage de Maurizio Serra, « Le mystère Mussolini ». Les historiens d’aujourd’hui, outre qu’ils ont beaucoup plus de moyens d’investigations, ouvertures de nouvelles archives et moyens d’accès, s’attachent souvent à étudier les psychologies des protagonistes et en l’occurrence pour Mussolini, je ne peux m’empêcher de trouver quelques analogies. Il n’a jamais rien décidé et épousé d’idéologie (socialisme, fascisme) qui ne mettent sa personne en relief et uniquement cela compte avec plus ou moins de succès d’ailleurs. Très isolé du peuple, décidant seul, il remplaçait même 3 ministres, se méfiant de toute personnalité qui lui serait intelectuellement supérieur.
    Et jusqu’au environ de 1930, lui au moins était entouré avec succès de ministres libéraux, commerce, industrie et finance puisqu’il n’y comprenait rien. Ensuite ils disparaitront avec sa politique coloniale pour ruiner totalement l’Italie mais lui permettant de se mettre en valeur.

    En ce qui nous concerne la dangereuse aventure va continuer inexorablement jusqu’à disparition du personnage fatalement.

    • Quel salmigondis intellectuel ! A l’instar de beaucoup actuellement, vous concentrez votre haine sur ce que vous appelez la « bourgeoisie ». C’est une étiquette infamante fort à la mode aujourd’hui, à droite comme à gauche.

      Force est de constater que la « bourgeoisie » n’existe pas. En 1789, ce mot signifiait quelque chose. En 2022, il n’est qu’un totem idéologique qui trahit l’affiliation communiste de ceux qui l’emploient.

      D’ailleurs, il suffit d’analyser vos propos. D’un côté, vous désignez à la vindicte des foules la « bourgeoisie d’argent » et « les retraités aisés détachés du monde du travail ». (Euh… un retraité, c’est en effet, par définition, quelqu’un qui est détaché du monde du travail.) Donc il semble que pour vous, un bourgeois se définit par son aisance financière.

      De l’autre côté, vous distinguez « la bourgeoisie intellectuelle et ses clercs ». Etre un intellectuel ne garantit nullement l’aisance financière. En fait, les professions intellectuelles sont souvent mal payées.

      Et enfin, vous nous tirez un copié-collé de la boîte à outils pseudo-culturelle en disant que pour Flaubert, un bourgeois était quelqu’un qui pensait bassement.

      Nous y sommes : un bourgeois, c’est un salopard, un enculé, une ordure. En fait, il s’agit uniquement d’une insulte héritée du communisme, se faisant passer pour une analyse politique.

      Vous opposez aux « bourgeois » « 30 à 40 millions de Français modestes, autrement appelés les classes populaires ». A nouveau, que signifient, ici, « modestes » et « classes populaires » ?

      Le premier qualificatif ne saurait se référer à la modestie de ces personnes, si l’on en juge par l’attitude de celles qui fustigent la « bourgeoisie ». Prétendez-vous qu’un Français « modeste » est un Français pauvre ? C’est faux. Il n’y a pas 30 millions de pauvres en France. Il y en a, très officiellement, quelque chose comme 8 % (je cite de mémoire, vérifiez) : soit nettement moins que la moyenne de l’Union européenne.

      Prétendez-vous que les « classes populaires » seraient les Français pauvres ? A nouveau, il n’y a pas, en France, 40 millions de pauvres sur 67 millions d’habitants.

      Que peut donc bien signifier ce terme de « peuple » réservé à 40 millions de personnes ? Cela veut-il dire que vous déniez leurs droits civiques aux 27 autres millions de Français ? Et dans ce cas, comment les distinguez-vous ? Par le fait que leurs opinions diffèrent des vôtres ?

      Ce serait une curieuse conception de la démocratie, mais elle serait pleinement compatible avec le communisme qui infecte depuis longtemps la société française.

      • Je suis bien obligé de prendre des raccourcis sous peine d’encombrer les commentaires.

        Entendez par bourgeois ceux qui suivent une pente, « un courant qui n’a comme objectif que la reproduction de l’ordre en cours et le maintien d’un statu quo qui leur convient. » Cela n’a rien d’une aisance financière forcément….

        Entendez par français modestes ceux « qui voient leurs conditions d’existence se dégrader depuis trente ans » et l’angoisse pour leurs enfants, voir le ressentiment. Il ne sont pas forcément pauvres.

        Et la moyenne européenne, nous sommes effectivement pas dans les plus mauvais grâce au pognon de dingue que j’évoque. En revanche pour l’ascension sociale, nous sommes très mauvais.

        Je n’ai pas évoqué l’aisance financière comme déterminante dans ma très modeste analyse mais plutôt la lâcheté de certains que j’ai qualifié de bourgeois par simplification mais certainement pas par référence marxiste…Rien à voir !

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