Scandale du chlordécone : rien à voir avec le glyphosate !

Que les farouches contempteurs du glyphosate ne se réjouissent pas trop vite. Si la responsabilité de l’État dans le désastre sanitaire du chlordécone, insecticide extrêmement toxique utilisé en toute connaissance de cause dans les bananeraies des Antilles françaises jusqu’en 1993, semble avérée, ainsi que le conclut la commission d’enquête parlementaire dont le rapport a été présenté hier aux députés, il est absolument impossible d’en tirer un parallèle avec le célèbre herbicide de Monsanto en vue d’obtenir son interdiction.

Toute la différence, essentielle, tient au fait que la lourde toxicité du chlordécone était reconnue scientifiquement depuis très longtemps, ce qui avait donné lieu à des interdictions dans la plupart des pays utilisateurs dès les années 1970 – en 1975 aux États-Unis notamment – sans que la France ne s’en émeuve outre mesure, tandis que le glyphosate est utilisé depuis 1974 sans aucun signalement sanitaire, innocuité qui a été confirmée au fil des ans par toutes les grandes agences sanitaires mondiales.

Autrement dit, si le scandale du chlordécone réside dans le fait que l’État français a fermé les yeux sur les graves dangers encourus par les populations antillaises suite à l’utilisation massive de ce produit, on pourrait presque parler d’un scandale du glyphosate consistant, à l’inverse, à vouloir interdire un produit dont tout montre qu’il est un cancérigène et un neurotoxique « improbable » pour l’homme. Soyons précis : dont toutes les études sérieuses montrent qu’il est un cancérigène et un neurotoxique « improbable » pour l’homme.

Mais reprenons l’histoire du chlordécone :

Il s’agit d’un insecticide à base de chlore développé au début des années 1950 et utilisé principalement pour lutter contre le charançon, coléoptère nuisible qui sévit entre autres dans les plantations de bananes – d’où son intérêt pour la Guadeloupe et la Martinique.

Dès le début des années 1960, des études sur des souris de laboratoire provoquèrent de premières alertes sur la toxicité de ce produit. En 1975, une contamination particulièrement sévère dans l’usine de production d’Hopewell en Virginie poussa alors les États-Unis à l’interdire. Parallèlement à l’intoxication d’une centaine d’ouvriers, les autorités avaient également constaté une pollution hors norme de l’air, de l’eau et des sols proches de l’usine. Dans son rapport final sur le chlordécone publié en 1986, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) confirma sans ambiguïté la nocivité de cet insecticide.

En France, cependant – dans les Antilles, en l’occurrence – il fut utilisé dès 1972 grâce à des autorisations provisoires renouvelées régulièrement par les ministres de l’agriculture successifs – Chirac, Cresson, Mermaz, Soisson – pour répondre à la demande pressante des planteurs et des industriels locaux, bien relayés en cela par leurs élus.

Une société française racheta le brevet du produit et obtint l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1981. À partir de cette date, pratiquement, cette entreprise devint le seul producteur mondial de chlordécone et les Antilles françaises en furent le seul lieu d’utilisation.

En dépit des études négatives et des interdictions prises ailleurs dans le monde, il fallut attendre 1990 pour que l’AMM soit retirée en France. Mais face au lobbying intense des producteurs de bananes bien appuyés à l’époque par le député socialiste de la Martinique Guy Lordinot, Louis Mermaz la prolongea cependant jusqu’en 1993 pour les Antilles.

Résultat, on constate aujourd’hui que les sols, les rivières et toute la chaîne alimentaire sont contaminés pour encore plusieurs décennies. On estime de plus que 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont plus ou moins gravement atteints par la substance qui a été reconnue comme étant un facteur de risque supplémentaire de développer un cancer de la prostate (dont l’incidence est à la base naturellement plus élevée qu’en Métropole). Bref, un vrai scandale sanitaire d’État.

Passons maintenant au glyphosate :

Nul doute que le monde agricole français est extrêmement désireux de voir l’autorisation du glyphosate perdurer. Cet herbicide systémique, qui descend dans le système racinaire et tue la plante, permet d’éviter d’en passer par le labour profond, lequel suppose une agriculture plus mécanisée qui émet plus de dioxyde de carbone et qui perturbe plus les êtres vivants du sol. Deux choses que les écologistes n’aiment pas, en principe.

Mais à la différence du chlordécone, les préventions contre son utilisation relèvent principalement d’une forme d’hystérie écolo-médiatique à tendance décroissante et anticapitaliste, nullement d’un large consensus scientifique sur sa toxicité.

Certes, en 2015, le CIRC, c’est-à-dire l’agence cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé le glyphosate dans sa catégorie 2A des cancérigènes probables pour l’homme. Comme la viande rouge, en fait.

Et certes, en 2012, nous avions déjà eu droit à la farce de Gilles-Éric Séralini à propos de rats hideusement déformés par de multiples tumeurs cancéreuses trois fois plus grosses qu’eux. En cause, leur nourriture à base de maïs transgénique NK603 de Monsanto présentant une bonne tolérance au glyphosate.

Malheureusement pour le CIRC comme pour Séralini, leurs conclusions fracassantes furent (assez) rapidement reléguées au rayon des bidonnages sans intérêt.

Dans le cas de Séralini, son petit bricolage anti-OGM et anti-glyphosate fut définitivement invalidé par trois études successives (GRACE, G-TwYST et GMO90+) dont les méthodologies ne prêtaient pas au doute  : cohortes plus importantes, étude sur deux ans, rats Wistar au lieu des Sprague-Dawley de Séralini qui développent naturellement des tumeurs. Même le journaliste du Monde Stéphane Foucart s’est fait une raison sur le sujet, c’est dire !

Quant au CIRC, ironiquement, ce fut l’OMS elle-même, dans une étude conjointe avec la Food and Agriculture Organization de l’ONU (FAO) qui sonna la fin de la récré en 2016 :

« Il est improbable que le glyphosate pose un risque cancérigène à l’homme via son régime alimentaire. »
(glyphosate is unlikely to pose a carcinogenic risk to humans from exposure through the diet, § 1.2)

.
À noter que le CIRC s’est pour ainsi dire dédouané de toute responsabilité en indiquant dès 2015 que son avis :

« ne dit pas si la population générale court un risque du fait de telle ou telle substance. Cela, c’est le travail des agences de sécurité sanitaire. »

.
Or justement, les grandes agences de sécurité sanitaire se sont livrées à leurs propres études et toutes concluent à l’improbabilité du glyphosate d’être génotoxique (c’est-à-dire susceptible d’endommager l’ADN) ou cancérigène pour l’homme. On parle notamment de l’EFSA (agence européenne), du BfR (agence allemande), de l’EPA (agence américaine), de l’ANSES (agence française) et de l’ECHA (agence européenne des produits chimiques).

C’est en ce sens que l’on peut dire que l’État français entretient un scandale du glyphosate. Non pas pour avoir outrageusement négligé des alertes négatives comme dans le cas du chlordécone, mais en ayant promis de parvenir à une interdiction en 2020 en dépit de l’absence de dangerosité avérée.

Une promesse du candidat Macron qui semble cependant difficile à tenir sur le plan agricole puisque l’échéance a été reculée à 2021 puis à 2022, date à laquelle l’autorisation dans l’Union européenne devra être renouvelée. En attendant, le gouvernement a décidé de se donner du temps en demandant une nouvelle étude sur la cancérogénicité du glyphosate.

Mais pour Emmanuel Macron, le challenge reste simple ; on serait même tenté de dire simpliste. Ainsi qu’il l’a déclaré en début d’année au Salon de l’Agriculture avec une belle dose de fanfaronnade et fort peu de raisons valables, le vignoble français, très consommateur d’herbicides, doit absolument devenir « le premier vignoble sans glyphosate du monde ».

En voilà du « volontarisme » hors de propos ! Ou quand les prétendus objectifs de sécurité sanitaire se transforment finalement en une bête affaire de fierté écologique nationale mal placée. Ça promet.


Pour compléter cet article, je vous invite à lire « La bataille du glyphosate » (8 avr 2017)


Illustration de couverture : Bananeraie dans les Antilles françaises. Photo AFP.

31 réflexions sur “Scandale du chlordécone : rien à voir avec le glyphosate !

  1. Vous faites une grave erreur chère Madame car vous confondez Glyphosate et RoundUp. Si le premier comporte des risques pour la santé, le second, c’est à dire le « vrai » produit Monsanto est une bombe absolue. Le Glyphosate n’y représente que 50% environ et les « excipients » sont bien pires pour la santé. Lisez bien les études et vous verrez que celles sur le RoundUp sont catastrophiques pour l’avenir de nos enfants et de nos terres. Mais communiquer uniquement sur le Glyphosate est une manière déguisée de chercher à innocenter Monsanto. Je vous imagine plus objective donc j’ose penser que vous avez mal lu les études ou que vous vous êtes faite manipuler comme beaucoup d’autres. Bien Cordialement

    • S’il s’agit seulement des « excipients » du Round Up, pourquoi vouloir l’interdiction du glyphosate ? Car c’est bien cette dernière qui est recherchée.
      Quant au Round Up (avec glyphosate) il est déjà interdit pour les particuliers, sachant qu’il existe maintenant des produits appelés Round Up nouvelle formule, mais sans glyphosate.
      Il faut savoir aussi que les produits à base de co-formulations glyphosate / tallowamine sont aujourd’hui pratiquement tous sortis du marché.

      • Merci de votre réponse rapide
        Il ne s’agit pas « seulement » des excipients, car nous savons tous que le glyphosate est une molécule à risque. Le nier c’est faire prendre un risque inconsidéré à nos enfants en reproduisant les mêmes erreurs qu’avec le Chlordécone. Mais je comprends parfaitement les questions économiques qui existent derrière et qu’il faut savoir prendre en compte. Modifier les « excipients » pourrait être une solution à condition que les nouveaux soient évalués avant d’être pulvérisés à large échelle. On vient de voir combien le remplacement du Bisphénol-A était une parfaite hypocrisie puisque les autres Bisphénols sont aussi toxiques pour nos cellules. Je veux bien tout ramener à la politique, mais ici est-ce vraiment le sujet ? J’ai trop combattu l’écologie de gauche pour limiter le pb à ces questions politiques. Bien cordialement

      • Je confirme que le talowamine est interdit, y compris pour les usages professionnels, depuis plusieurs années.
        Les coformulants sont essentiellement des tentioactifs, c’est à dire les matières actives des détergents, lessives…

    •  » nous savons tous que le glyphosate est une molécule à risque »
      TOUTES les molécules sont des molécules à risques.
      Le sel de cuisine est plus toxique que le glyphosate: le problème à vos yeux est que c’est une molécule de synthèse et dans votre imaginaire, de synthèse c’est toxique, contrairement au naturel, forcément bon.
      Consommez une seule noix de muscade entière, vous m’en direz des nouvelles…à l’hôpital.

      Et SVP, épargnez nous de votre prose sur l’avenir de nos enfants et de nos terres, on dirait un slogan publicitaire.

      • Pourquoi de l’agressivité ? Vous avez le droit d’avoir votre avis sur les risques sanitaires et moi les miens. Comme je suis médecin je vois tous les jours la dégradation de la santé de mes concitoyens. Que vous ne vous sentiez pas concerné c’est votre droit le plus strict. Evidemment, le glyphosate n’est qu’un détail dans cette dégradation et l’évolution du système de santé y est pour beaucoup. Pour autant, l’augmentation dramatique des cancers du sein est bien liée à l’environnement et aux perturbateurs endocriniens. Et croyez moi, ça entraîne des souffrances dont vous n’avez peut-être pas idée !

    • @Menat NathalieMP se fend d’un long article argumenté avec des sources précises et qui font autorité pour expliquer que le glyphosate ne présente pas de danger pour la santé humaine. Vous lui opposez que « nous savons tous que le glyphosate est une molécule à risque », sans arguments et sans sources. Il n’est pire sourd …?

      • Ce sera ma dernière réponse à ce débat sans fin et manifestement stérile sur ce blog.
        Pour votre information, beaucoup de pesticides sont des perturbateurs endocriniens. Donc, quand on dit que les pesticides augmentent le risque de cancer du sein, ce n’est pas une ânerie même si elle est proférée par une ancienne candidate à la présidentielle que j’ai combattue.
        Ensuite, contrairement à d’autres, je signe de mon vrai nom et je n’affirme rien sans preuves. Je n’ai pas développé mes propos car ce n’est pas mon blog et mon but n’était pas de « contrer » Nathalie mais simplement de rappeler qu’il fallait différencier Glyphosate et RoundUp, ce d’autant que je suis d’accord avec ses propos sur le Chlordécone.
        Et si certains veulent des info objectives sur tout cela, qu’ils aillent sur le site de l’ASEF : http://www.asef-asso.fr/, association dont je suis un des représentants et où il s trouveront des données formelles et des livrets d’informations dont un, très bien fait, sur les perturbateurs endocriniens.
        Sur ce, Bonsoir !

      • Merci pour votre réponse. Je note au passage qu’elle ne cite pas de source directe non plus et en profite pour citer l’European Food Safety Authority (EFSA, 2017) sur le rôle du glyphosate comme perturbateur endocrinien: « The current assessment concluded that the weight of evidence indicates that glyphosate does not have endocrine disrupting properties through oestrogen, androgen, thyroid or steroidogenesis mode of action based on a comprehensive database available in the toxicology area. The available ecotox studies did not contradict this conclusion. » (https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.2903/j.efsa.2017.4979) Peut-être avez-vous connaissance d’études contradictoires plus récentes?

    • C’est le Dr Eric Ménat de l’assef. C’est juste une assos qui fait la promotion du bio en sortant les mensonges habituels. Ils ont aussi une tendance anti-onde. Il y a même Joël Spiroux du CRIIGEN dans cette assos, ça montre le niveau.
      Mr Ménat, si vous repassez sur cet espace commentaire lisez ce blogue qui traite de l’agriculture et donc du glyphosate et démonte vos arguments.
      http://seppi.over-blog.com/

      Lien vers assos et ses doc de promotion du bio.
      http://www.asef-asso.fr/nous-connaitre/notre-equipe-de-professionnels-de-sante-test/
      http://www.asef-asso.fr/wp-content/uploads/2018/12/guidesantebiojardinageBD2018.pdf
      http://www.asef-asso.fr/wp-content/uploads/2019/03/petitguidesantealimentation2019web.pdf
      http://www.asef-asso.fr/wp-content/uploads/2019/03/petitguidedubiobebe2019web.pdf

  2. On retrouve avec le débat sur le glyphosate tous les ingrédients de la disparition complète du débat contradictoire en France. Même problème avec le réchauffement climatique, pour ne citer que cet exemple.
    Toute personne qui va dans le sens inverse de la doxa est immédiatement suspectée d’être un lobbyiste pour « les grands groupes multinationaux, toussa, toussa ». Il est saugrenu de vouloir trouver une personne experte dans un domaine, tout en n’ayant jamais travaillé avec une firme impliquée dans ce domaine, et donc la suspicion de « conflit d’intérêts » sera toujours avancée pour discréditer la pensée d’autrui.
    C’est comme ça qu’on se retrouvera un jour avec des experts ferroviaires qui n’ont jamais eu le moindre contact avec la SNCF, et pour être encore mieux considéré, n’ont même jamais pris le train…
    Bizarrement, toute parole provenant d’une personne qui a passé toute sa vie biberonnée avec l’argent public est seule considérée comme acceptable a priori.
    Le dialogue étant impossible, il est assez compliqué pour moi de me faire une opinion définitive. Ou plus exactement, je me la fait, mais tout seul dans mon coin, sans en parler. Quant au glyphosate, je vous suis entièrement sur votre point de vue.
    Cordialement

  3. Le scandale du chlordécone ressemble beaucoup à celui de l’amiante. Là aussi, sa nocivité était connue depuis longtemps, et, là aussi, il y avait un fort lobby d’entreprises françaises productrices d’amiante.

    Pendant longtemps, il y a eu un « patriotisme économique » de l’amiante : c’était français, c’était moderne, donc c’était bon, forcément.

    Concernant le glyphosate et les médecins blogueurs, l’argument d’autorité ne vaut rien, comme devrait le savoir tout scientifique qu’est un médecin, en principe. D’ailleurs, être médecin ne protège nullement contre la pipologie : les médecins figurent en rang serrés parmi les adeptes des théories complotistes et des méthodes de charlatan.

    Le minimum, en tous cas, si l’on prétend réfuter un argumentaire en vertu de sa qualité de médecin, est d’écrire sous son vrai nom, précédé du titre de docteur. Ainsi, l’on engage sa responsabilité. Déjà que n’importe qui peut se prétendre n’importe quoi, sur Internet…

  4. Et les insectes pollenisateurs, pourquoi ils meurent tous là ou les champs sont traités au glyphosate, pourquoi les apiculteurs voient leur essaims mourir à proximité de ces champs traités . Pourquoi il n’y a plus d’oiseaux dans les campagnes traitées au glyphosate.
    Mais oui…. c’est bon pour la santé tous ces produits traités…💀

    • Quel méli-mélo et que d’approximations !
      Désolée de vous contredire, mais en ce qui concerne les insectes pollinisateurs, donc surtout les abeilles, ce n’est pas le glyphosate (herbicide) qui est incriminé mais la classe des insecticides à base de néonicotinoïdes. Premier point.
      Et, second point, l’analyse sérieuse (et pas écolo-médiatique) de l’effondrement hivernal des colonies d’abeilles, montre qu’il s’agit d’un phénomène multi-factoriel dans lequel la première menace est un acarien très féroce, le varroa destructor.

      En 2014, le Président Obama a demandé un rapport sur le sujet.
      À la question « Is Varroa Destructor or Neonicotinoid Pesticides Responsible for Bee Health Decline? » (Le Varroa Destructor ou les pesticides néonicotinoïdiques sont-ils responsables du déclin de la santé des abeilles ?) le rapport conclut (page 20) :

      « The state of the science makes clear that (1) Varroa destructor is, by far, the greatest threat to bee health; and (2) Neonicotinoids used according to regulatory requirements pose little threat to bees. »
      L’état de la science montre de façon clair que (1) le Varroa destructor est, de loin, le plus grand danger pour la santé des abeilles, et (2) que les néonicotinoïdes utilisés dans le cadre spécifié causent peu de dangers aux abeilles.

      Bref.

  5. Avec du recul, on ne peut qu’être étonné de la réaction des autorités françaises vis à vis du chlordécone.
    Je formule volontiers une hypothèse: la production de bananes dans les Antilles françaises était (est) essentielle pour l’économie de la région. Mais, elle était fortement subventionnée par l’Europe et n’était pas compétitive par rapport à ses voisins immédiats.
    Interdire le chlordécone risquait de porter un coup fatal à la production locale et provoquer des troubles sociaux dont les Antilles françaises sont coutumiers.
    Les politiques locaux ont dû faire face à ce dilemne.

  6. J’écrivais tantôt qu’il ne manque pas de médecins charlatans. Je confirme. Je suis allé faire un petit tour sur le site de l’Association santé environnement France, qui se vante de réunir exclusivement des professionnels de santé. Il ne faut pas cinq minutes pour sortir une pièce à conviction qui prouve le pipotage intégral des amis du docteur Eric Ménat.

    http://www.asef-asso.fr/notre-sante/mon-alimentation/notre-enquete-bio-vs-discount-2010/

    Voici donc une « enquête » sur l’alimentation qui s’appelle « Bio vs. discount » — rien que le nom est très scientifique, déjà. Réalisée en 2010, elle a été présentée dans l’émission « Pièces à conviction » d’Elise Lucet. Son but : répondre à la question « Est-on plus pollué si on mange ‘discount’ et peut-on changer les choses rapidement ? »

    Ça ne s’arrange pas : un objectif nébuleux écrit en petit nègre… Que veut dire « être pollué », pour un être humain ? Que veut dire « manger discount » ? Voilà une formulation singulièrement peu scientifique ! Mais peut-être la méthodologie rachète-t-elle le propos ?

    « Pendant 15 jours, les urines de trois personnes ont été analysées. »

    Okay. Foutage de gueule intégral. Une étude prétendument scientifique, dont l’échantillon est composé exactement d’une personne pour chaque catégorie. Et ces gens-là sont médecins…

    « La première a conservé une ‘alimentation classique’ composée de plats faits maison à base de produits standard. La deuxième est passée à une ‘alimentation discount’, constituée de plats tout préparés et de produits bas de gamme. Enfin, la dernière est passée à une alimentation ‘Bio’. »

    Remarquez la confusion complètement idéologique qui préside à la définition de ces trois catégories. « Alimentation discount » veut dire, en toute rigueur, produits bon marché, achetés dans des commerçants spécialisés dans les prix bas, voire les deux.

    Mais les auteurs de l’étude travestissent le sens de ce mot, sous lequel ils mettent des « plats tout préparés » et des « produits bas de gamme ». Déjà, des plats tout préparés, ça ne veut pas dire grand’chose. Si j’achète du cassoulet chez Lidl ou une salade au saumon fumé chez Fauchon, c’est dans les deux cas des plats tout préparés. Il n’y a pourtant pas la même chose dedans, et les prix ne sont pas vraiment les mêmes.

    Quant aux « produits bas de gamme », qu’est-ce que ça veut dire ? Absolument rien, mais on a bien compris que c’était mal d’en manger.

    En réalité, l’alimentation classique de la première catégorie, celle qui correspond à la ménagère qui fait sa cuisine elle-même, est composée, non pas de « produits standard », ce qui là non plus ne veut rien dire, mais justement de produits « discount » et « bas de gamme », beaucoup plus sains que les autres.

    Faire la cuisine chez soi, de façon traditionnelle, cela veut dire justement utiliser des ingrédients primaires, souvent moins coûteux et plus sains que les autres, et des aliments modestes, bon marché, qui peuvent à la fois procurer des plats délicieux et une alimentation saine.

    Mais on a bien compris que le but des auteurs n’était pas scientifique. Il est de confirmer leurs préjugés gauchistes :

    « Le niveau socio-économique est souvent un facteur d’inégalité de santé. On sait qu’à l’âge de 35 ans, un ouvrier a une espérance de vie inférieure de 6 ans à celle d’un cadre… On parle peu des problèmes d’accès aux soins, de leurs conditions de vie, et encore moins de la qualité des denrées alimentaires qu’on leur propose de consommer… On a tendance à culpabiliser le consommateur… Or, les supermarchés ‘Discount’ sont souvent la seule possible aux yeux des familles les plus défavorisées. »

    Voilà. Les supermarchés pas chers, c’est le mal. Il faut se nourrir chez Fauchon ou dans des boutiques bio hors de prix. Ça c’est de gauche, ça c’est ouvriériste.

    Je vous laisse prendre connaissance des « découvertes » de « l’étude », qui, sans surprise, « confirment » ce que ses auteurs avaient entrepris de « démontrer ».

    Aucune trace d’un vrai rapport d’étude à l’horizon, naturellement. Juste cette bafouille digne du Journal de Mickey.

    Evidemment, créer des « associations » de ce type, vouées à recycler les idées reçues, ça permet de collecter subventions et parrainages, et de passer à la télé. A Dieu ne plaise que ces gens-là se contentent de soigner leurs patients…

    • Il ne faut pas manquer de respect pour le journal de Mickey, qui s’adresse à des enfants et n’a pas de prétention scientifique. Du moins, pas à ma connaissance. Même si l’article que vous mentionnez est effectivement consternant.
      Dans le même ordre d’idée, la « communauté scientifique » a souvent tendance à confondre « approche statistique » avec « approche scientifique ». Ce qui prouve la chute vertigineuse de la rigueur scientifique dans nos facultés, pas uniquement en médecine et pas uniquement en France, d’ailleurs. On peut démontrer ce qu’on veut avec des statistiques, il suffit de mal poser les hypothèses de travail, de biaiser les paramètres, d’en éliminer certains pour en prendre d’autres, et de ne même plus se poser la question de savoir si on est cohérent ou pas. Je ne parle même pas de l' »effet cigogne »… Et quand vous lisez 90% des « études » de ces pitres sur n’importe quel sujet, vous vous rendez compte que les conclusions sont basées quasi exclusivement sur de la statistique mal ficelée.
      J’ajoute même qu’il s’agit probablement que d’un manque total de rigueur et de culture scientifique qui amènent ces « chercheurs » à raconter n’importe quoi. On pourrait encore comprendre qu’ils agissent de mauvaise foi, mais hélas, je crains qu’il ne s’en rendent même pas compte, persuadés comme ils sont d’être dans le camp du bien.

  7. Mon frangin et les copains agriculteurs avec qui j’ai usé mes culottes d’écolier n’utilisent plus de glyphosate. Parce que ça coûte cher et parce que c’est devenu inefficace. Une belle liste de plantes, liste qui ne cesse de s’allonger, ne sont plus détruites par le glyphosate.

    On observe en effet que des lignées génétiques sont devenues résistantes au glyphosate. Cette résistance est prouvée par les scientifiques pour certaines plantes. Pour d’autres, personne ne s’est soucié de la mettre en évidence en laboratoire, c’est un simple constat fait par les agriculteurs mais cela ne change rien au fait que « traiter » est devenu inutile. Dans ma petite région natale les agriculteurs sont particulièrement ennuyés par du raygrass et du gaillet gratteron parfaitement résistants au glyphosate.

    La dernière matière active qui était vraiment efficace sur le raygrass, l’isoproturon, a été interdite voici quelques années en raison de sa très forte toxicité.

    Comme des agriculteurs bio tous font maintenant du semis dérobé pour s’en débarrasser. Il s’agit de favoriser la germination des graines photosensibles qui sont en surface pour détruire mécaniquement les plantules. Un voire deux passages au vibroculteur ou à la herse rotative avant le semis proprement dit permet de détruire ce raygrass devenu aussi envahissant qu’indestructible par la chimie.

    Je ferai tout de même remarquer que le semis dérobé consiste en des façons culturales superficielles et non un labour qui est, de toute manière, aussi inapproprié que totalement inefficace pour détruire les adventices.

    Ma petite région céréalière natale, qui n’utilise plus guère de glyphosate, ne fait que préfigurer ce qui va se passer très vite un peu partout. Mais aussi ce qui est en train de se passer pour bien d’autres molécules. Je doute par exemple que l’on continue à acheter bien longtemps de coûteux fongicides qui ne sont plus efficaces sur l’oïdium perforant…

    • Ce que vous décrivez correspond à l’ordre normal des choses : c’est aux agriculteurs de décider ce qui est le mieux pour eux, à l’exception de produits dont l’interdiction serait légitime parce qu’ils seraient nocifs. A condition qu’une telle nocivité soit rélle, grave et prouvée, naturellement, et non le fruit de fantasmes et d’opérations de propagande.

      Si le glyphosate n’est pas efficace, eh bien, que ceux qui pourraient l’utiliser décident, en toute liberté, de ne pas le faire : l’Etat n’a rien à faire là-dedans.

    • Effectivement, les paysans se sont fait arnaquer pendant des dizaines d’années. Donc pour faire des économies de pognon, ce qui est quand même primordial, ils ont réfléchi un peu pour trouver d’autres solutions. On peut intellectualiser autant qu’on veut avec des termes bios, bio dynamic, plantes amies ou ennemies etc…Ce qui compte c’est le résultat et si il y a résultat avec rendement et pour pas cher, alors le paysan appliquera la méthode. Heureusement que ceux-là au moins n’ont pas perdu un minimum de bon sens.

      La campagne contre le glyphosate, c’est comme la 5G, une histoire qui mélange tout sur musique fin du monde et au final : Mais alors spécifiquement pour la 5G, il est où le problème ? Mystère.
      https://youtu.be/Xhtgobb7MIE
      Tremblez, un monde connecté au pognon et à la manipulation de masse !

      • Avec la 5G, ça devrait s’arranger. Les écolos-bobos-urbains ont vraiment trop besoin de leur petit confort « technologique », ils ne l’interdiront pas car ce sont eux qui écrivent les lois. Ça me rappelle une personne de ma connaissance qui était malade à cause des ondes électromagnétiques générées par une ligne à haute tension qui se trouvait dans son paysage visuel, à environ un kilomètre de sa maison. Un jour, la ligne a disparu, et ses malaises ont cessé. « C’est bien la preuve, non? ». En fait, la ligne avait été déplacée, et surtout enterrée, et plus proche de chez lui à vol d’oiseau. J’ai préféré ne pas faire de commentaires…

      • Ta-ta… (musique terrifiante qui va bien). Dans quelle poubelle avez-vous trouvé cette vidéo de désinformation sur la 5G ? A Saint-Pétersbourg ?

        Ça me rappelle cette manifestation, il y a quelques jours, dans une ville quelconque, contre un pylône 5G « qui allait faire baisser la valeur des maisons ». Moi, j’aurais plutôt tendance à penser qu’un pylône 5G va faire monter la valeur des maisons, mais c’est sûrement parce que je suis un ultra-libéral.

      • @ Pierre 82
        Ah oui mais là vous confondez les pbs justement.
        Une ligne à haute tension, ce sont des Kvolts à basses fréquences, en principe autour de 50 Hz. Effectivement, ces ondes sont extrêmement nocives pour nos organismes. D’ailleurs le parcours de ces lignes évite en principe les zones d’habitations ou ont été déplacées ou enterrées.
        En revanche pour la 5G, ce sont des très hautes fréquences et les puissances d’émissions sont comparativement très faibles. Aune nocivité pour nos organismes prouvée à ce jour.
        C’est pourquoi je ne comprends pas le pb de la 5G !

  8. 3 petits commentaires:
    – il y a 15 ans, j’ai acheté du round’up pour me débarrasser des mauvaises herbes qui prolifèrent entre les pavés de mon allée de garage: ça a marché quelques fois, puis plus aucun effet, les mauvaises herbes se sont adaptées très rapidement, ou peut être que j’ai ainsi sélectionné des variétés de mauvaise herbes résistantes.
    – Le chlordécone a continué à être utilisé de nombreuses années après l’interdiction en Martinique car des stocks importants avaient été constitués par certains revendeurs, au su et vu de tout le monde.
    – une petite blague sur la validité de certaines « études », ou comment faire dire n’importe quoi sous couvert de « science »: des chercheurs dressent des grenouilles à sauter quand ils disent: « saute ».
    Puis ils disent « saute », et les grenouilles sautent. Ils coupent une patte arrières des grenouilles, puis « saute », les grenouilles sautent. Ils coupent la deuxième patte arrière des grenouilles, « saute », les grenouilles ne sautent pas. Conclusion de l’étude: quand on coupe les pattes arrières d’une grenouille, elle devient sourde…ce qui montre bien que le nerf auditif de la grenouille passe par la patte arrière, hein…

  9. “Manger 5 fruits et légumes par jour !” … avec ou sans pesticides ?
    Petit échange en rapport avec votre article, une série de dessins clin d’oeil à l’oeuvre de René Magritte “Ceci n’est pas une pomme”. La légende diffère cependant. Sous l’image d’un fruit ou d’un légume la liste exhaustive des produits phytosanitaires que contiennent pommes, fraises, pomme de terre … : ” Ceci est du Abamectine , Acequinocyl , Clofentézine , Etoxazole …”
    A découvrir la série en cours de réalisation : https://1011-art.blogspot.com/p/hommage-magritte.html
    Bonne dégustation !

  10. J’arrive tard — bonne année à tous –, juste pour ajouter ceci : la toxicité d’un produit se définit sous la forme du LD50 (dose létale 50), la quantité nécessaire pour tuer 50 % des sujets tests. Dans le cas du glyphosate, le LD50 est de 5,6 g par kg. En d’autres mots, un humain de 80 kg devrait avaler en une seule fois 448 g de glyphosate pour qu’il ait un risque sur deux de mourir !

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