Parti socialiste : CAMBADÉLIS et son référendum de pacotille

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Pour le Parti socialiste et le gouvernement, qui nous entourent constamment de leur sollicitude fiscale et morale, nous vivons environnés de deux périls cataclysmiques majeurs : le réchauffement climatique anthropique qui va nous engloutir, nous, les îles des mers du sud et les ours polaires, à brève échéance si nous n’y prenons pas garde, et le Front national, suivi de près par la droite, qui va engloutir notre « vivrensemble » et détruire notre République, à ultra-brève échéance pour le coup, puisque ce malheur pourrait survenir dès le 13 décembre prochain à vingt heures, instant précis où seront proclamés les résultats des prochaines élections régionales. 

Aux grands maux, les très très grands remèdes de la politique de l’affichage et du spectacle. Sur le réchauffement climatique, le gouvernement nous mitonne pour début décembre le sommet international COP21 qui ne souffre pas la moindre opposition tant l’enjeu écologique est crucial pour François Hollande, et accessoirement pour la planète. J’en ai déjà parlé et j’aurai l’occasion d’y revenir plus en détail sous peu.

Quant à la conjuration du péril FN, le Parti socialiste, en la personne de son Secrétaire général Jean-Christophe Cambadélis, a lancé pratiquement du jour au lendemain un grand référendum par lequel le peuple de gauche est appelé à faire le choix de l’unité pour les élections régionales des 6 et 13 décembre prochains.

Personnellement, je considère les propositions d’un parti étatiste et collectiviste tel que le FN comme hautement nuisibles et, question immigration mise à part, fort peu différentes de celles de l’extrême gauche, mais il me semble qu’il y aurait des méthodes moins incantatoires, et sans doute plus efficaces, de procéder. Par exemple en menant une politique économique libérale digne de ce nom (puisque « le libéralisme est une valeur de gauche », parait-il) qui ne soit pas une véritable prime au chômage, et en arrêtant de traiter de racistes et de fascistes tous les sympathisants de Marine Le Pen comme le premier exorciste venu.

Mais regardons d’un peu plus près à quoi ressemble ce grand référendum de l’unité et donnons directement la parole à son maître d’oeuvre, M. Jean-Christophe Cambadélis (vidéo de 5′ 49″) :

Le PS s’alarme donc que non seulement la droite se droitise et le Front national se banalise, mais surtout que la gauche se fragmente. Ou plutôt, le PS s’alarme de ne plus faire la loi à gauche, écartelé qu’il est entre son « libéralisme de gauche » et son peuple de gauche qui ont l’air de ne pas partager exactement les mêmes « valeurs de gauche ». Comment rabibocher tous ces fragments éparpillés et faire revivre l’union sacrée de la gauche en vue d’une élection, la dernière avant les présidentielles de 2017, qui risque de voir plusieurs régions et tout ce que ça implique d’influence locale, lui échapper ?

Facile. Quand on n’a aucun accomplissement politique à mettre en avant, rien ne vaut les bonnes vieilles méthodes. Celle mise au point par François Mitterrand en son temps, qui consiste à agiter l’horrible perspective d’une possible victoire de l’extrême-droite (et de la droite qui se droitise, naturellement) après avoir tout fait pour rendre cette victoire possible dans le seul but de déstabiliser la droite (qui se droitise), semble tout indiquée.

Selon les derniers sondages disponibles, la victoire de l’extrême-droite est du reste parfaitement envisageable dans la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie où Marine Le Pen en personne est candidate en tête de liste. Dans ce cas précis, la gauche, même en rangs très serrés, a fort peu de chance de tirer son épingle du jeu de massacre qu’elle a elle-même mis au point.

Le peuple de gauche est donc invité à répondre massivement et positivement à la question suivante :

« Face à la droite et l’extrême-droite, souhaitez-vous l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales ? »

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Cette question étant incontestablement du style : « Souhaitez-vous que le monde soit meilleur ? » il ne fait guère de doute que la réponse sera positive. C’est même pour cela qu’on la pose. En quête d’une unité qui semble nettement inexistante pour le premier tour des élections, et dont il n’est pas totalement certain qu’elle devienne réalité au second, Jean-Christophe Cambadélis se met ainsi à l’abri de tout échec électoral futur en manifestant avec moult gesticulations la volonté d’unité du Parti socialiste qui aura alors beau jeu de pointer le jeu perso des écologistes et du Front de gauche dans les raisons de la défaite.

En revanche, il y a tout lieu de penser que la réponse ne sera pas massive, si ce n’est en termes de fraudes et d’anomalies.

Je me fais donc un devoir de vous parler de ce référendum ce matin, même si un jour de vote s’est déjà écoulé, car il vous reste encore aujourd’hui et demain jusqu’à 20 heures pour accomplir votre bonne oeuvre en faveur de l’unité de la gauche, projet qui, j’en suis certaine, vous tient à coeur et que vous seriez désolés de laisser passer sans en profiter pour rire un peu.

Il est en effet fort possible que vous fassiez partie des 70 % de Français qui ne sont pas du tout au courant de ce grand événement de démocratie, ainsi que nous en informe un sondage Odoxa publié hier par Paris-Match. S’il s’agissait des 70 % de Français qui ont résolument tourné le dos à la gauche sous toutes ses formes, ce serait un résultat assez réconfortant pour M. Cambadélis, mais l’animation incluse dans l’article de Paris-Match montre malheureusement qu’une telle ignorance affecte toutes les sensibilités politiques. Il en résulte que la démocratie risque de n’être guère participative sur ce coup-là, en dépit des espoirs du PS de voir la participation atteindre 200 000 votants, après avoir tablé sur 300 000, tout en n’ayant que 130 000 militants.

Pourtant, pour voter, rien de plus simple. Il y a d’abord la possibilité du vote sur internet grâce au site https://jevote.referendum-unite.com. On commence par se créer deux ou trois adresses mail amusantes, puis on remplit les cases et on clique sur OUI. Une « Haute autorité éthique » du vote est là pour éviter tout dérapage, mais nos journaux nous apprenaient dès hier à quel point les internautes, et même des journalistes, se sont amusés à faire voter qui leur chien, qui le Dalaï Lama et qui un alias de Cambadélis. Référendum socialiste oct 2015L’autre possibilité consiste à voter de façon plus traditionnelle en allant dans un bureau de vote pour mettre un bulletin dans une urne.

Or certains bureaux de vote font peine à voir, comme celui de la gare Montparnasse, modeste table de camping chichement abritée de la pluie par un parapluie noir (voir photo ci-contre extraite du site lefigaro.fr). Là aussi, les contrôles sont si dérisoires que la régularité du scrutin en devient fortement douteuse. Cependant, ce n’est guère l’excès de votants qui pourra être mis en cause. C’est tellement vrai et tellement anticipé par le PS que le Premier secrétaire en est à faire de la retape directe en annonçant la fin du monde par SMS ou par message audio, auprès des militants qui se montrent parfois surpris, voire carrément très agacés :

« Bonjour, c’est Jean-Christophe Cambadélis. Je viens te parler de notre référendum (…) L’enjeu, tu le connais : l’extrême droite veut remettre en cause la République. » etc. etc.

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Écoutons encore un peu M. Cambadélis interrogé par Patrick Cohen sur France Inter (jusqu’à 4′ 23″ dans la vidéo ci-dessous) :

Je crains fort que « l’électrochoc » que Jean-Christophe Cambadélis compte administrer au peuple de gauche ne soit qu’une plaisante illusion. Même s’il s’efforce de faire passer le message que le « bilan de la gauche dans les régions est positif », ce qui n’est pas faux si l’on s’en tient à l’évolution exponentielle des impôts locaux et des embauches de fonctionnaires territoriaux, même s’il est vrai que le PS a toujours pu compter sur l’appui du reste de la gauche dans les conseils régionaux, le parti écologiste EELV et le Front de Gauche ne l’entendent plus du tout de cette oreille (pour l’instant) et ont vivement exprimé leur opposition à cette idée de référendum.

Les verts ont même profité de l’occasion pour lancer une seconde consultation pendant le week-end. La question posée, symbole des désaccords avec le « libéralisme » du gouvernement, qui ne serait donc pas si « de gauche » que ça, y devient :

Face à la droite et l’extrême droite, souhaitez-vous que le gouvernement tienne ses engagements et mène une politique de gauche ?

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Du côté du parti socialiste, l’ambiance est à peine meilleure. Plusieurs fédérations ont fait savoir qu’elles n’avaient pas de temps à perdre avec l’organisation de ce vote, leur priorité étant la campagne pour les élections régionales. Leurs militants pourront se tourner vers le vote internet s’ils le souhaitent. Quant aux frondeurs, dont la motion est arrivée en second au congrès du PS en juin dernier, ils sont définitivement cambadélo-sceptiques, et il y a assez peu de chance qu’on voit ce vocable évoluer vers le cambadélo-réalisme, et encore moins vers le cambadélo-optimisme.

En conclusion, dès hier soir, premier jour d’un vote qui en compte trois, on pouvait dire que la participation au référendum serait faible, que le OUI l’emporterait, que le scrutin ne serait pas d’une fiabilité exemplaire, qu’il ne changerait rien aux listes de premier tour des régionales et probablement rien non plus aux arrangements de second tour (lesquels se font généralement dans le sens de l’unité de la gauche, façon Mélenchon se ralliant à Hollande, après l’avoir beaucoup critiqué). C’est même dès que l’idée en fut lancée qu’on a pu dire sans risque d’erreur qu’il ne servirait à rien, et certainement pas à faire reculer le vote FN.

Il est pourtant en train d’avoir lieu, et on imagine déjà Jean-Christophe Cambadélis se félicitant dimanche soir d’un fort mouvement du peuple de gauche en faveur de l’unité, tout en gardant dans sa manche la possibilité de rejeter la défaite future sur la désunion orchestrée par les habituels partenaires du PS.

Ce référendum est le parfait exemple de la politique menée depuis plus de trois ans maintenant par le Parti socialiste au pouvoir : « much ado about nothing. » Beaucoup de bruit, beaucoup de spectacle et beaucoup d’affichage pour rigoureusement rien. Je dirais même, et c’est plus grave : beaucoup de bruit pour rien de bon, et largement trop de mauvais résultats.


Mise à jour du dimanche 18 octobre 2015 à 22 h : Quelle surprise ! Le OUI l’a emporté à 90 % ! Par contre, contrairement à ce que je pensais vendredi, la participation aurait dépassé les 250 000 votants, modulo toutes les « bizarreries » de ce scrutin, bien sûr. Entre autres bizarreries, il parait qu’Emmanuel Macron a voté, et il faudrait prendre ce gars-là au sérieux ! Regardons encore une fois Cambadélis : « Le Parti socialiste dans sa majorité a été au rendez-vous. (…) Nous avons démontré que nous voulions tous ensemble l’unité aux élections régionales ! »  

Mais la fête a été gâchée par des plaisantins qui ne vont pas s’en tirer comme ça :


Référendum du parti socialisteIllustration de couverture : l’entrée du siège du parti Socialiste, rue de Solférino à Paris.

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