Climat : n’enterrons pas trop vite les hautes capacités de l’esprit humain

Je vous ai déjà parlé de mes conversations déprimantes sur le climat et la démocratie. En voici une troisième qui s’est tenue samedi dernier : mon interlocuteur, ingénieur, admet volontiers que la terre a déjà connu des évolutions climatiques d’ampleur, mais il considère que le contexte actuel des émissions anthropiques de CO2 va provoquer un changement à la fois si dramatique et si rapide, plus rapide que jamais auparavant, que l’homme sera incapable de mettre en œuvre son génie technologique dans les temps pour s’adapter à la nouvelle donne.

D’où, hélas, la nécessité d’adopter au plus vite des mesures strictes de limitation des émissions de gaz à effet de serre ; d’où, hélas, la nécessité de rogner un peu sur les libertés publiques. Ce n’est pas de gaité de cœur qu’il en vient à juger souhaitable de revenir sur les acquis démocratiques des deux cent cinquante dernières années, mais nécessité fait loi. Quand l’avenir qui se profile à brève échéance est si sombre – guerres à répétition, migrations massives, luttes à mort pour l’eau et les autres ressources – il n’est plus temps de faire les délicats sur les libertés individuelles.

La conversation se porte alors sur l’énergie nucléaire et, plus spécifiquement, sur les espoirs qu’on peut mettre dans la fusion thermonucléaire – laquelle est l’objet de vastes travaux de recherches, notamment le programme international ITER de Cadarache en France et le programme américain du laboratoire national Lawrence Livermore basé en Californie. Le problème, me dit mon interlocuteur, c’est que pour l’instant, l’énergie consommée est supérieure à l’énergie produite. Gênant. De ce fait, il est exclu d’imaginer la moindre mise en œuvre concrète avant un siècle au moins, et encore, seulement si les recherches aboutissent, et à ce moment-là, il sera trop tard.

Coïncidence à peine croyable (qui a motivé cet article), trois jours après cette conversation, le laboratoire Livermore a annoncé avoir réussi à produire par fusion nucléaire expérimentale plus d’énergie qu’il n’en a consommé pour obtenir ce résultat :

Excellente nouvelle, car la fusion nucléaire, qui consiste à reproduire à notre échelle ce qui se passe au cœur du soleil, possède de nombreux avantages appréciables par rapport à la technologie de la fission utilisée actuellement pour produire de l’électricité. Les déchets, peu nombreux, sont faiblement radioactifs ; pas de haute activité et vie longue (HAVL) parmi eux. Et surtout, du point de vue de la gestion des incidents, la fusion entraîne des réactions qui s’effondrent si elles ne sont pas entretenues, c’est-à-dire s’arrêtent net en cas de problème, au contraire de la fission qui peut devenir critique (et exploser).

Oh, bien sûr, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le rendement énergétique obtenu reste faible et rien ne permet pour l’instant d’envisager une application industrielle fiable et durable à court terme. De l’avis même des chercheurs du laboratoire Livermore, les défis à relever restent énormes. Première étape indispensable, reproduire l’expérience. À ce propos, il n’est pas interdit de penser que cette annonce a aussi pour objectif de relancer l’intérêt pour la fusion et de faire affluer en conséquence les financements nécessaires pour la suite.

Mais est-il vraiment nécessaire de faire grise mine d’entrée de jeu ? À lire les comptes-rendus de certains médias, on a la triste impression que cette avancée technique les dérange, à tel point qu’ils font tout pour en minimiser l’impact, histoire d’éteindre immédiatement tout espoir de trouver des solutions d’adaptation au changement climatique. On devine chez certains comme une sorte de joie maléfique à expliquer que « cette très vieille idée (…) ne sera de toute façon pas mûre pour aider à lutter contre le réchauffement climatique » (Le Monde) ou que « la perspective d’une centrale électrique dérivée d’un tel dispositif reste, elle, complètement fantasmatique » (Libération). Circulez, il n’y a rien à voir.

Dans cet état d’esprit, tout se passe comme s’il existait un dogme infranchissable sur le réchauffement climatique : rien, jamais, ne nous permettra de nous adapter. La seule solution s’appelle décroissance à marche forcée impliquant limitation des déplacements, limitation de l’habitat, limitation des consommations agricoles, limitation des consommations industrielles, limitation démographique. Une pure perspective de pauvreté obligatoire, sans aucune liberté pour chercher à améliorer nos conditions de vie.

Les prophètes de malheur s’en défendent, mais l’aboutissement de leur pessimisme est invariablement un autoritarisme. Rappelons-nous par exemple ce que disait Aurélien Barrau, astrophysicien et star hexagonale du catastrophisme écologique :

« J’exécrerais évidemment l’avènement d’une dictature, mais si on continue à dire que chacun peut faire ce qu’il veut, on oublie le commun. » (Le Point, 17 juin 2019)

Si cette phrase signifie quelque chose, c’est qu’il existerait des circonstances – gravissimes, bien sûr, et jamais vues depuis la nuit des temps, naturellement – qui pourraient justifier l’avènement d’une dictature.

Or il n’est qu’un seul ingrédient absolument indispensable au développement harmonieux de l’homme dans la nature, et cet ingrédient s’appelle liberté. Liberté d’inventer, de créer, d’imaginer et d’expérimenter à foison. Sur la fusion nucléaire comme sur de multiples autres sujets tels que la santé ou les déplacements, gardons l’esprit ouvert plutôt que de nous engouffrer tête baissée dans des décisions purement politiques qui reviennent à figer l’état de la science sans aucune base scientifique ou technologique (choix du tout-électrique en Europe, par exemple). 

La posture perpétuellement pessimiste n’est pas plus raisonnable que l’optimisme béat invétéré. Entre les deux, l’homme a démontré depuis les débuts de son existence sur la terre qu’il était largement doté d’un judicieux mélange de prudence nécessaire et d’audace indispensable pour s’adapter à son milieu et améliorer sa vie. Il a même montré depuis une bonne cinquantaine d’années qu’il était conscient des soins à apporter à son environnement.

Aussi, n’enterrons pas trop vite les hautes capacités de l’esprit humain. Après tout, c’est bien un pas en avant qui vient d’être fait en fusion nucléaire.


Pour plus d’informations sur la fusion nucléaire au cœur du soleil, je suggère la lecture de Dans la courbure de l’univers (15 février 2016).


Illustration de couverture : Annonce du laboratoire américain Lawrence Livermore sur ses avancées en fusion nucléaire, 13 décembre 2022, capture d’écran.

13 réflexions sur “Climat : n’enterrons pas trop vite les hautes capacités de l’esprit humain

  1. Le plus surprenant dans le dogme du réchauffement climatique lié aux gaz à effet de serre c’est que les résultats expérimentaux surprennent !!! Il a fallu attendre 2022, oui 2022 pour qu’une expérience digne de ce nom soit effectuée pour mesurer de façon scientifique la transmission de la chaleur dans une enceinte remplie de ces gaz. Cette expérience a été effectuée en Allemagne par Hermann Harde et Michael Schnell à l’université Helmut Schmitt de Hambourg. Le résultat est que si, effectivement, il y a un effet de serre pour les gaz étudiés CO2, méthane, oxyde d’azote il reste faible et n’augmente que peu avec une plus grande concentration de ces gaz. Sachant que de loin le principal facteur est la vapeur d’eau qui n’est pas étudiée dans l’expérience on ne peut que regretter cette aberration scientifique. On comprend l’attrait actuel du charbon par les allemands, au passage leur attrait pour le charbon du Donbass !!!

  2. SI on veut se rendre compte de toutes les idioties qu’on peut lire dans les médias et répétées par les écolos il faut lire « Climat, la part d’incertitude » de Steven E.Koonin. Il y a de quoi calmer les idiots utiles de la nouvelle religion.

  3. « Or il n’est qu’un seul ingrédient absolument indispensable au développement harmonieux de l’homme dans la nature, et cet ingrédient s’appelle liberté. Liberté d’inventer, de créer, d’imaginer et d’expérimenter à foison »…
    Vous avez oublié : « liberté d’exterminer (Pol Pot, Poutine, Mao, Staline, Hitler liste non exhaustive mais il faut aussi ajouter liberté de réduire la biotope des animaux sauvages entrainant l’élimination des plus fragiles (après tout l’humain vit très bien sans le dodo). Je rapporte une petite anecdote lue récemment : dans le temps nos braves évangélisateurs qualifiaient de « sauvages » les peuplades d’Afrique qui vivaient au contact direct avec la nature et en la respectant (pas folle la guêpe ils avaient tout compris et surtout que leur vie dépendait de la nature) alors aujourd’hui qui sont les sauvages ?

    https://www.laselectiondujour.com/index.php?id=143477&upart=LSDJ-EMPT-CP&lsdj=338690

  4. Je crois que le grand mal de notre époque est qu’il y a pas mal de gens qui s’ennuient et qui ont besoin de trouver une cause et se donner une mission pour occuper leur ennui et trouver un sens à leur vie. Les mêmes ou d’autres à qui ni le travail ni le reste permet de satisfaire leur besoin de reconnaissance.
    Peu importe les arguments, peu importe la réalité, si ce n’est pas le climat ce sera autre chose, ils chercheront tjs qq chose qui permettra de satisfaire leurs manques et leurs besoins.
    Au passage la fission nucléaire permettrait largement de couvrir nos besoins, mais voilà olala c’est dangereux. Ce n’est dangereux que pour les incultes qui n’ont aucune idée de comment on gère un risque. Par ailleurs, ce n’est pas la seule industrie dangereuse, et il y en a pas mal d’autres qui ont le potentiel de faire autant de morts.
    Comptez le nombre d’humains morts sur la route et le nombre de morts de l’explosion d’une centrale. Person j’interdirai plutôt la voiture.

  5. Y a quand même un truc pas clair
    La catastrophe est tellement proche que je me demande ce que l’on attend pour construire des vaisseaux spatiaux pour quitter cette Terre mourante et voguer vers des cieux plus accueillants… pas tous hein, juste pour certains d’entre nous triés sur le volet, les méritants 😀 comme dans les films
    Se pourrait-il que des projets secrets soient en cours, on nous cache tout, on nous dit rien ! Ça doit être là dedans que passe tout le pognon de dingue…

  6. J’ai trouvé le résumé de la pensée (sic) de votre interlocuteur assez amusant, quoi que sans doute pénible à entendre pour vous qui l’avez eu sous sa forme développée. Ce Monsieur souffre visiblement d’angoisse existentielle, et bénéficier d’une oreille attentive a dû le soulager un moment. Mes sincères félicitations pour votre dévouement !
    Vous a-t-il justifié de cette accélération extrême des évènements qui le conduit au pire pessimisme? Personnellement, je ne peux croire qu’ à un réchauffement climatique modéré qui ne demande pas de réponse à la fois urgente et globale et pourrait même se refroidir n’importe quand.
    Joyeux Noël !

  7. « Aurélien Barrau, astrophysicien et star hexagonale du catastrophisme écologique » n’est pas à sa place : il aurait dû être le moine « bibliothécaire » (« allergique » au rire) du film Le nom de la Rose, tellement il lui est semblable : prêt à T…out (je me censure, mais j’espère que vous saisissez le sens général !).

  8. Une autre nouvelle qui n’a guère intéressé nos « chez médias » : »Fusion nucléaire: la Russie envoie vers la France un aimant géant essentiel pour le programme ITER (1er Nov. 2022). Et pourtant si les Russes continuent la coopération dans ce programme critique pour l’humanité -et que les autres pays signataires de la convention l’acceptent- c’est qu’ils y trouvent un intérêt supérieur à leur gaz!

  9. C’est absolument effrayant la propagande sur le climat et le CO2; elle touche tous les individus dés le plus jeune âge jusqu’aux adultes même ceux considérés comme formés aux sciences rationnelles. C’est assurément la marque de ce début du 21ème siècle, puissance des médias et réseaux; Espérons qu’il en soit rapidement corrigé la perversité.

    « si les recherches aboutissent, et à ce moment-là, il sera trop tard »
    Evidemment, à force de subventionner majoritairement des technologies qui n’ont pas montré la preuve de leur efficacité pratique et opérationnelles, on défavorise, voir on paralyse des secteurs comme le nucléaire, maintenance et recherche. Toutes les innovations sont bonnes à expérimenter, encore faut-il rationnellement et de façon implacable évaluer leur coût/rentabilité.
    Et d’ailleurs acceptons d’augmenter l’empreinte carbone de la France (à la marge) comme l’évalue l’iFRAP :
    https://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/pour-reindustrialiser-acceptons-daugmenter-lempreinte-carbone-de-la

    Nous avons pourtant un modèle qui s’avère en perdition et pour autant, maintient des objectifs chimériques :

    Selon le rapport.de l’Institut économique allemand (IW), l’Allemagne souhaite que les énergies renouvelables représentent au moins 80 % de la production d’électricité d’ici à 2030, contre 42 % en 2021. Toutefois, au vu des taux d’expansion récents, cet objectif reste lointain.
    L’Allemagne n’a installé que 5,6 gigawatts (GW) de capacité solaire et 1,7 GW de capacité éolienne terrestre en 2021, dernière année enregistrée.,
    Pour atteindre l’objectif de 80 %, les nouvelles installations éoliennes terrestres doivent être multipliées par six environ pour atteindre 10 GW par an, selon un rapport publié en octobre par le gouvernement fédéral et les États allemands. Les installations solaires doivent quadrupler chaque année pour atteindre 22 GW,

    « de relancer l’intérêt pour la fusion et de faire affluer en conséquence les financements nécessaires pour la suite. »

    Vanguard (deuxième gestionnaire de fonds mondial après BlackRock) quitte l’alliance pour le climat dans le cadre du projet Net Zero Asset Managers, dont les membres se sont engagés à atteindre zéro émission nette de carbone d’ici 2050.
    https://teknomers.com/fr/vanguard-quitte-lalliance-pour-le-climat-dans-le-cadre-du-projet-net-zero/#google_vignette
    Ainsi les grands financiers commencent à évaluer la rentabilité, et se tourner vers des investissements plus « opérationnels » disent-ils.

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