Sciences Po Grenoble ou la tyrannie décomplexée du syndicat étudiant

Mise à jour du 8 décembre 2021 : Les 17 étudiants du syndicat Union lycéenne poursuivis pour leur participation à la diffusion (début janvier 2021) d’accusations de fascisme et d’islamophobie à l’encontre de deux professeurs de Sciences Po Grenoble ont été relaxés par la commission de discipline de l’université de Clermont-Auvergne (où l’affaire avait été dépaysée), à rebours complet des conclusions et recommandations du rapport de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).


Cet article est la suite de Sciences Po Grenoble : avoir tort avec SARTRE, encore et toujours publié ici le 11 mars 2021.

On ne sait toujours pas qui sont les étudiants directement responsables du collage placardé en mars dernier à l’entrée de Sciences Po Grenoble accusant nommément deux enseignants de l’établissement de « fascisme » et « d’islamophobie » (photo de couverture).

En revanche, on apprend aujourd’hui que le syndicat étudiant maison (une scission de l’UNEF baptisée Union syndicale ou US), avait installé depuis plusieurs mois un « climat de peur » parmi les étudiants en diffusant sur les réseaux sociaux – sans vérification aucune, naturellement – de graves accusations, notamment en matière de harcèlement sexuel voire de viol, et qu’il en usait abondamment afin de « déstabiliser, marginaliser ou exclure tous ceux qui ne lui semblent pas partager ses positions » :

Ces propos que je viens d’écrire entre guillemets et dont j’ai inséré la photo ci-dessus décrivent parfaitement un environnement soumis à une terreur autoritaire et arbitraire. Or ce sont ceux des deux inspecteurs de l’IGESR (Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche) qui furent chargés par la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal d’éclaircir les responsabilités dans l’enchaînement des événements qui ont abouti le 4 mars dernier au collage précité.

Ils ont rendu leur rapport vendredi dernier, et le moins qu’on puisse dire, c’est que s’ils considèrent que tous les acteurs de cette affaire – enseignants, direction, syndicat étudiant, étudiants – ont commis à un moment ou un autre « des erreurs d’appréciation, des maladresses, des manquements et fautes, plus ou moins graves, plus ou moins nombreux », ils se montrent particulièrement sévères quant au rôle absolument déterminant et délétère de l’Union syndicale dans la « grave détérioration » du climat de Sciences Po Grenoble.

Ils révèlent même que la veille du collage, des personnels de l’école « avaient décidé de réagir aux pratiques violentes de l’US qui, selon eux, rendaient depuis plusieurs mois tout dialogue impossible ».

→ Résumé des épisodes précédents :

Le rapport d’inspection établit le déroulé des faits de façon très précise dans sa première partie.

Disons seulement ici, comme je l’ai déjà écrit au moment où l’affaire a éclaté, que dans le cadre de la préparation d’une « semaine de l’Égalité et contre les discriminations », Klaus K. (M. A dans le rapport), qui enseigne l’allemand depuis 25 ans dans l’école, s’est inscrit dans un groupe de travail intitulé « Racisme, islamophobie, antisémitisme ».

Dans un échange de mails fourni, il fait valoir ses doutes sur la pertinence du terme islamophobie associé à racisme et antisémitisme auprès de sa collègue Claire M. (Mme C dans le rapport) qui pilote le groupe. Il fait également état du soutien que lui apporte son collègue Vincent T. (M. B dans le rapport) qui dispense un cours de spécialité optionnel sur l’Islam et les musulmans en France aujourd’hui.

Le ton monte. La direction de l’école demande à M. A de s’excuser auprès de Mme C, ce qu’il fait à deux reprises. Les élèves du groupe ne sont pas en reste qui se disent « agressés » par la nature des échanges.

Suite à quoi Mme C se plaint de harcèlement auprès du laboratoire PACTE dans lequel elle travaille au CNRS, lequel laboratoire fait immédiatement savoir par communiqué officiel que :

« Nier, au nom d’une opinion personnelle, la validité des résultats scientifiques d’une collègue et de tout le champ auquel elle appartient, constitue une forme de harcèlement et une atteinte morale violente. »

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Et pourquoi pas une forme de blasphème pendant qu’on y est ? La recherche en sciences humaines appartiendrait-elle à l’ordre des vérités révélées, statut quasi divin qui lui permettrait d’échapper à tout débat contradictoire ?

L’Union syndicale s’empresse alors d’exploiter la situation à son profit et sollicite des témoignages (anonymes, bien sûr) de propos islamophobes dans le cours susmentionné pour soutenir une demande de suppression du cours auprès de l’administration de l’école. Touche finale, elle demande des sanctions contre les deux professeurs incriminés tant qu’ils ne se seront pas « excusés » de leur propos jugés « islamophobe » par des personnes « concernées ». On frôle l’exigence d’autocritique à la chinoise.

→ Mais qu’en est-il effectivement de ces propos violemment islamophobes qui constitueraient l’ordinaire des cours de MM. A et B ?

Pour les auteurs du rapport, rien d’autre qu’un ensemble de rumeurs sans aucun fondement. Il arrive aux deux enseignants de tenir le rôle de l’avocat du diable pour pousser leurs étudiants à approfondir leurs arguments, mais pour le reste :

« La mission (d’inspection) n’a trouvé aucun élément dans les multiples pièces qu’elle a collectées auprès de ses nombreux interlocuteurs (dont l’US), ni aucun témoignage permettant d’accréditer les rumeurs d’islamophobie de MM. A et B relayées ou diffusées par l’US à partir de début janvier 2021. »

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Dans les faits, les accusations de l’US ne reposent sur aucun témoignage précis mais attestent de la volonté du syndicat de faire pression sur la direction de l’école pour obtenir le plus rapidement possible l’éviction de M. A (le « fasciste ») et la suppression du cours de M. B. (« l’islamophobe ») sans apporter la moindre preuve tangible à cet effet.

« Tirant parti d’une division des enseignants en deux camps à laquelle conduisait le communiqué (…) du laboratoire PACTE (…), l’US a voulu en profiter pour exclure de (l’école) deux enseignants qui ne partagent pas ses opinions politiques. Comme l’ont dit tous les étudiants et un certain nombre d’enseignants avec lesquels la mission s’est entretenue : ‘en fait, ce sont les deux seuls profs de droite à l’IEP… ‘. »

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Comme vous voyez, de la « cancel culture » de très haut niveau !

À ce titre, toute rumeur, tout racontar, toute extrapolation branlante de propos rapportés par l’ami de l’étudiant dont la copine etc., bref tout est bon à prendre, et tant pis pour les droits de la défense. Les deux inspecteurs, désagréablement surpris par la « suffisance » ignorante manifestée par les étudiants représentants de l’US, se sont rendus compte que pour eux, il suffisait de se sentir victime (de propos fascistes, islamophobes, racistes, machistes, etc.) pour être réellement victime.

Mieux, la présomption d’innocence n’est à leur yeux que la manœuvre d’un régime profondément et injustement discriminatoire pour « invisibiliser » la détresse des personnes « s’estimant victimes » :

« Lorsque la mission (d’inspection) interroge les représentants de l’US sur les droits de la défense (…), la seule réponse qu’elle obtient est une condamnation sans appel de la présomption d’innocence, outil d’une justice de classe, qui muselle la parole des victimes et sert uniquement à perpétuer l’ordre établi, alors que seule la parole des victimes (comprendre : s’estimant victimes) devrait compter. »

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Se dire étudiant et répéter comme un perroquet tous les poncifs de la vulgate marxiste la plus élémentaire… Quel conformisme désolant !

Nulle intention chez nos syndicalistes de reconnaître qu’ils se livrent au quotidien à de la diffamation et des injures publiques. Nulle idée d’admettre qu’après la mort de Samuel Paty, cet enseignant de collège décapité pour avoir utilisé des caricatures du prophète Mahomet dans un cours sur la liberté d’expression, leurs dénonciations publiques d’islamophobie revenaient à accrocher une cible potentiellement désastreuse au front de MM. A et B.

Finalement, chez eux, nulle étincelle cognitive leur permettant de comprendre qu’ils se sont comportés en cette affaire – et qu’ils se comportent depuis longtemps au sein de leur école – selon le modèle type des fascistes qu’ils s’emploient à dénoncer bruyamment à longueur de publications sur les réseaux sociaux.

On aimerait penser qu’il ne s’agit que d’un monstrueux dysfonctionnement isolé, mais force est de constater que les petits tyrans prétendument animés des plus belles intentions humanistes, égalitaristes, climatiques et inclusives se succèdent dans notre actualité à une cadence inquiétante.

Obtenir l’annulation d’une conférence, empêcher une pièce de théâtre d’avoir lieu, dégrader des locaux privés, justifier la censure de certains propos qui déplaisent, diffamer à tort et à travers pour mieux éliminer les empêcheurs de tourner en rond comme A et B, annuler, annuler et encore annuler les opposants – telle est devenue l’activité principale et envahissante des mouvements qui se prétendent antifascistes. Ça promet.


Illustration de couverture : Accusations de fascisme et d’islamophobie contre deux enseignants de Sciences Po Grenoble. Collage mural, 4 mars 2021.

9 réflexions sur “Sciences Po Grenoble ou la tyrannie décomplexée du syndicat étudiant

  1. Merci d’avoir pris la peine de creuser la question. Ces événements rappellent furieusement l’époque de la révolution culturelle, en moins sanglant. Et comme vous le montrez bien, il s’agit là de méthodes utilisées depuis longtemps aussi bien par les fascistes que par l’extrême gauche, seules les cibles étant différentes.

    La dénonciation du fascisme par l’extrême gauche est une vaste blague comme en témoigne les antifas et leurs méthodes très profas. Tous ces bourgeons totalitaires sont issus du même rameau, de l’idéologie socialiste radicale que Marx et Mussolini ont promu et développé en leur temps.

    Votre article montre bien le climat d’intolérance politique à l’université. Ca fait longtemps que j’ai quitté les bancs de la fac, je me souviens qu’à l’époque il y avait le syndicat de droite, l’UNI, qui était présenté comme faisant partie de la mouvance d’extrême droite, ce qui n’était pas le cas à Grenoble, il était plutôt proche du RPR. Mais déjà l’UNI était très minoritaire face à l’UNEF.

    On retrouve ce même climat d’intolérance dans les médias, notamment les radios de service public dont France Culture. Certains propos sont franchement comiques tant ils sont naïvement pro-gauche et anti-droite. Je pense aux émissions comme Culture Monde ou encore à l’émission d’économie dont le titre m’échappe et qui parlait récemment de la « révolution Biden » sur un mode enthousiaste. C’est impressionnant de manque d’impartialité. Et tout payé avec nos impôts.

    Avec de tels verrous, les idées de droite, ou les idées libérales, ont bien du mal à se faire entendre. Pourtant, au contraire, tous ces gens de gauche qui pullulent dans le service public vous expliquent que nous sommes confrontés à un danger imminent à cause de CNEWS.

  2. « Je me sens victime, dont je suis une victime », c’est la doctrine qui a droit de cité désormais aux Etats-Unis et en Angleterre, notamment dans toutes les questions de prétendu « racisme ».

    Dès lors qu’un membre d’une « catégorie protégée » (c’est le terme officiel) déclare qu’il est victime de racisme, c’est qu’il l’est. Peu importent les actes commis, les paroles prononcées, etc.

    Ah ! et bien sûr, les Blancs ne peuvent pas être victimes de racisme, par définition. Tandis qu’ils sont racistes même lorsqu’ils ne le sont pas, par définition. C’est le fameux « privilège blanc », tache héréditaire dont on ne peut se défaire, qui produit le « racisme institutionnel », ou « structurel ».

    Nier l’existence du « racisme structurel » est, vous vous en doutez, un acte de « racisme » en soi.

    Tout cela est très concret : d’innombrables personnes ont été sanctionnées, exclues des réseaux sociaux, renvoyées de leur emploi ou privées de leurs sources de revenus en vertu de ces règles.

  3. Ayant lu dans le dernier livre de Philippede Villiers : « La cancel culture vient d’arriver dans notre pays. Nos élites, nos dévots l’escortent de leur zèle progressiste.
    Notre Evergreen à nous, les Français, c’est Sciences-Po. »
    J’ai voulu savoir de quoi on me parlait, et voici ce que j’ai trouvé :

  4. Le bouquin de Robert O Paxton la France de Vichy nous informe que la création de l’ENA recherchait à l’origine de réduire l’influence de l’Ecole libre des Sciences politiques, cette vieille pépinière de l’élite, selon ses propos en partie responsable de la catastrophe de 40. Hélas en pensant réduire une chapelle il ont construit une cathédrale. Ces deux écoles sont à supprimer.

  5. Mais à quelle carrière, ces étudiants se destinent-ils ?
    De combien notre pays a-t-il besoin de spécialistes en RH et relations sociales, les principaux débouchés ?

    Cet entre-soi (avec tous les scandales récemment révélés + gestion et direction improbable décriés par la Cour des Comptes), qui semble régner dans ce temple de « l’excellence à la française » n’est-il pas un miroir de la société franchouille et de ses élites qui se donnent du travail pour quelle utilité ?

    Je m’interroge… (Oui la catastrophe de 40 est totalement reproductible avec ce type d’élites).

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