Congé parental : on ne change pas la société par décret

La réforme du congé parental mise en œuvre à partir de 2015 n’a pas donné les résultats escomptés, loin s’en faut…

Nous sommes au XXIème siècle et le monde persiste à être extrêmement mal fait. Les femmes continuent à subir l’intégralité de la charge de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement, sans compter l’odieuse « charge mentale » de toute l’organisation familiale. Résultat : à la maison, les hommes ne font rien et au travail, ils accaparent les postes en vue et les meilleurs salaires. C’est parfaitement scandaleux. Ce modèle patriarcal ne peut plus durer !

J’ironise naturellement, mais il n’empêche qu’une sorte de programme obligatoire de rééducation des hommes est en marche.

D’aucuns avanceront l’argument de la rencontre nécessaire entre le nouveau papa et son bébé, d’autres insisteront sur le partage des tâches domestiques. Mais le but ultime véritablement recherché consiste essentiellement à lutter contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.

Comment procéder ? C’est très simple : la vie et la carrière des femmes étant profondément perturbées par un déterminisme biologique injuste qui se double d’une désolante soumission aux « stéréotypes de genre », il est urgent que des lois « réparatrices » viennent perturber tout autant la vie et la carrière des hommes pour s’assurer qu’ils ne prennent surtout pas d’avance sur leurs collègues féminines dans leur carrière. Le pouvoir d’achat des ménages ? On s’en fout. Là, on parle d’é-ga-li-té !

C’est ainsi qu’à partir du 1er juillet prochain, le congé paternité passera de 14 jours laissés à la libre appréciation des éventuels bénéficiaires à 28 jours, le grand bond en avant étant que 7 jours seront dorénavant obligatoires.

C’est ainsi qu’après avoir décidé dans la loi PACTE que le non-respect du quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises (loi Copé-Zimmermann de 2011) entraînerait la nullité d’office des décisions qui y seraient prises, le ministre de l’économie Bruno Le Maire se fait fort d’obtenir la plus stricte égalité dans tous les domaines et toutes les instances dirigeantes des entreprises. Argument massue : les quotas, ça marche ! Le fait est que quand on a un révolver posé sur la tempe, en général on obtempère.

C’est ainsi également que depuis 2019, les entreprises doivent calculer leur « Index d’égalité salariale femmes-hommes », véritable usine à gaz non exempte d’arbitraire pour laquelle le Medef, raisonnablement enthousiaste, a quand même développé un petit mode d’emploi de plus de 30 pages. Les pénalités commencent à tomber si la note obtenue reste inférieure à 75 points sur 100 pendant 3 ans d’affilée. 

Et c’est ainsi que dès 2014, Najat Vallaud-Belkacem qui était ministre des droits des femmes à l’époque s’employait à réformer le congé parental (qui intervient après le congé maternité/paternité) afin d’inciter les hommes à y recourir plus fréquemment et les femmes à revenir plus vite sur le marché de l’emploi. Objectif affiché : parvenir à un taux de recours chez les pères de 25 %.

Avant le 1er janvier 2015, date de début d’application des nouvelles dispositions, le droit au versement de l’allocation de congé parental lié à la naissance du second enfant était de 3 ans et on observait que dans 96 % des cas il était pris par les femmes.

Après la réforme, la durée totale de versement de l’allocation reste de 3 ans, mais une limite de deux ans par parent est mise en place afin de pousser les hommes à prendre au moins un an de congé parental pour couvrir toute la période jusqu’aux 3 ans de l’enfant (âge de la scolarisation).

Une étude comparative avant-après publiée le 6 avril dernier par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur la base des allocations versées par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) montre que les efforts de Mme Vallaud-Belkacem n’ont pas eu les effets escomptés, loin s’en faut, car les pères n’ont pas pris les congés auxquels ils avaient droit. Curieusement, il semblerait que les membres de la société ne réagissent pas toujours au doigt et à l’œil aux injonctions de l’envahissante sollicitude gouvernementale.

Si l’on se concentre sur le congé parental ouvert à la naissance du second enfant, le taux de recours des pères qui ont pris un congé à plein temps est passé de 0,5 à 0,8 %. Les taux sont tout aussi faibles et immuables dans les autres cas de figure possibles (congé pris à temps partiel et congé spécifique de 6 mois par parent à la naissance du premier enfant).

On observe également que les pères qui travaillaient à temps partiel avant la naissance de leur enfant et qui pouvaient bénéficier du dispositif d’allocation sans modifier ni leur activité, ni la rémunération qui va avec, ni les droits de leur conjointe, sont que peu nombreux à en profiter. C’est du reste la raison pour laquelle les auteurs du rapport pensent que le niveau plutôt faible de l’allocation (399 € par mois pour un congé parental plein temps) n’est pas le seul facteur déterminant dans la décision des parents.

Notons d’ailleurs que le taux de recours des mères au congé parental n’est pas aussi extraordinairement élevé qu’on pourrait le croire : 14 % pour le premier enfant et 20 % pour le second avec un effondrement logique après la réforme lors la troisième année. Alors 25 % pour les pères, ce ne pouvait être qu’une vue de l’esprit.

Sur le plan des revenus d’activité (salaires et indemnités de chômage), rien à signaler du côté paternel, ce qui n’a rien de bien étonnant au vu du faible nombre de pères qui ont choisi de profiter du dispositif avant comme après la réforme. Chez les mères en revanche, la limitation du congé parental à deux ans et non plus trois ans a pour effet obligé de les faire revenir sur le marché du travail plus tôt et donc d’augmenter leurs revenus par remplacement d’un an d’allocation de congé parental par un an de salaire ou d’allocation chômage.

Difficile néanmoins de parler de réussite. S’il s’agissait de voir les pères se précipiter dans le congé parental, c’est raté. Et s’il s’agissait de favoriser la carrière des femmes sans les obliger à voir disparaître un an de congé parental, c’est raté également.

Conclusion des auteurs du rapport : 

« Ces résultats suggèrent qu’une réforme plus ambitieuse est nécessaire pour encourager les pères à prendre une partie du congé parental ».

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Il est toujours étonnant de voir les promoteurs d’un dispositif social qui ne marche pas vouloir pousser ce dispositif à l’extrême.

Première piste, augmenter l’allocation en l’indexant sur le salaire passé. Mais de l’aveu même des auteurs du rapport, une telle option serait largement insuffisante compte tenu du comportement observé chez les salariés à temps partiel, ainsi qu’on l’a vu plus haut. 

On tombe ensuite sur les préjugés habituels du féminisme hyper-militant : le regard négatif de l’entourage, l’autocensure pour ne pas déplaire à l’employeur et les « biais de genre » affectent la répartition de ce congé qui reste trop associé à une « affaire de femmes » dans l’esprit encore trop patriarcal de la vaste majorité des parents. Il faut changer tout cela !

L’idée toute simple que les nouveaux parents se connaissent, se parlent entre eux et ont discuté de l’organisation qui leur convenait le mieux à l’un et à l’autre, socialement économiquement et affectivement, pendant les jeunes années de leurs enfants n’effleure même pas nos constructivistes. L’idée que les femmes ont des stratégies différentes de celles des hommes dans la vie et que le souhait de concilier carrière et famille est plus présent chez elles sans qu’une quelconque discrimination machiste s’en mêle non plus.

Ils ont un modèle en tête et veulent l’imposer immédiatement et absolument. Les individus font de la résistance ? Amplifions les contraintes. 

Pourtant, tout comme le souci environnemental a fait son chemin progressivement dans les esprits depuis plusieurs décennies, les rapports hommes femmes au sein du couple et vis-à-vis des enfants évoluent énormément, comme chacun peut s’en convaincre en observant ses propres enfants adultes et en repensant à ses propres parents ou grands-parents.

Un sondage réalisé en 2016 montrait que si les Français dans leur ensemble étaient 60 % à juger le congé de paternité suffisant dans sa version initiale, 63 % des 18 à 24 ans – donc de futurs ou très jeunes parents – étaient favorables à son allongement. De plus, avant que ce congé ne devienne en partie obligatoire, sept hommes sur dix le prenaient. J’ai tendance à penser que ces taux sont très appréciables et qu’ils montrent que la société évolue beaucoup sur ces sujets sans qu’il soit nécessaire de lui tordre le bras.

Aussi, comment ne pas s’inquiéter devant le mépris des choix individuels, le constructivisme assumé et l’obsession de l’homme nouveau qui semblent être la marque du « progressisme » sociétal obligatoire ?


Pour compléter cet article, notamment sur la distinction essentielle entre choix et obligation, je suggère la lecture de la partie consacrée à l’égalité H/F dans l’article Être libéral – Take Two de février 2019.


Illustration de couverture : une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) met en évidence l’échec de la réforme du congé parental de 2015.

16 réflexions sur “Congé parental : on ne change pas la société par décret

  1. Heureusement qu’avec les progrès de notre jurisprudence, les hommes pourront arguer d’une « bouffée délirante » après avoir assassiné leur femme, et ce d’autant plus facilement qu’il est question de faire de la légalisation du cannabis un thème de la campagne 2022 de Macron !

    • Hélas, vous avez raison d’évoquer l’incroyable non lieu de l’assassin de Mme Halimi. C’est incroyable ! Imaginez seulement ce qui se serait passé si la femme avait été noire et l’assassin blanc. C’est un déni de justice. Et personne ne bouge ! Ca promet.

      S’agissant de la légalisation du cannabis, je ne suis pas contre, ça permettrait de régler une partie de la délinquance économique et les produits seraient contrôlés en terme de qualité. La prohibition crée toujours des Al Capone.

    • Comme depuis un temps certain, la victime qui ose se défendre encourt plus volontiers les foudres de la justice que la crapule patentée, vous admettrez que nous n’avons le séant sorti des ronces.

      Le cannabis en 2022 ? Il racle les fonds de tiroir, le poudré.

      Après les couteaux déséquilibrés, la bouffée délirante. Quelle honte. En effet, c’est décourageant et affligeant.

      • « Le cannabis en 2022 ? Il racle les fonds de tiroir »

        Pas trop d’accord avec vous. La prohibition ne marchant manifestement pas et n’ayant d’ailleurs jamais marché, la dépénalisation du cannabis aurait toutes sortes d’avantages (baisse de la délinquance et de la violence, désengorgement des tribunaux et des prisons pour la détention de quelques grammes, etc.) Et puis si l’on considère que l’on est assez grand pour savoir ce que l’on fait, pourquoi cela ne s’appliquerait-il pas au cannabis ?

      • Bonjour Nathalie.

        Je mentionnais simplement les marges de manœuvre de notre président.

        Quant à la dépénalisation, les avis sont partagés. L’Etat prélève déjà sa dîme sur l’alcool et le tabac, pourquoi ne pas réglementer le cannabis ?
        Je crains surtout une banalisation de ce genre de consommation dont nous sommes les champions en Europe, déjà.

        Les ravages du cannabis sur le cerveau sont désormais connus et admis. Sur celui de notre jeunesse, a fortiori, qui y verrait un effet de normalisation subséquent.

        Certes le Volstead Act n’avait pas été probant il y a un siècle mais je redoute surtout une guerre de monopole dont les quartiers « émotifs » n’entendront certainement pas se laisser spolier. J’ai bien peur que cela ait un effet de concurrence avec baisse des prix et un accès encore plus facilité que par voie légale si dépénalisation actée.

        J’aimerais y voir autant d’avantages que vous. J’ai bien peur de n’y parvenir.

  2. Merci pour ce bel article. Ces idéologues vont finir par démoraliser tout le monde avec leur conception dogmatique et psychorigide des rapports humains. Vous faites bien de rappeler que le couple est une unité de base, qu’il n’y a pas l’homme d’un côté et la femme de l’autre, mais qu’il y a un projet de vie commun basé notamment sur les capacités et les préférences de chacun. Ce n’est pas une nouveauté, c’est tellement présent dans les sociétés humaines qu’on peut affirmer que c’est un trait de notre espèce.

    Et vous avez également raison de dénoncer les conséquences économiques pour les familles et pour les entreprises de ces diktats idéologiques qui ne reposent sur rien de sérieux. C’est l’exemple type des lois inutiles que personne ne demande et qui plombent artificiellement la compétitivité déjà bien écornée de la France. Etonnez-vous ensuite que les entreprises ferment ou délocalisent ! Mais non, on dira que c’est la faute au marché, à l’ultra-libéralisme comme ils disent.

    Il en va de même pour la PMA vers laquelle on pousse les femmes célibataires sans les alerter sur la difficulté d’élever un enfant quand on est seul (c’est déjà pas simple à deux !). Sans parler des problèmes comportementaux de certains enfants qui grandissent sans père. Ni même du coût pour la sécu.

    En disant cela je ne me sens pas macho, je me suis occupé de mes enfants, je suis très papa poule et c’est moi qui fait les tâches ménagères à la maison. J’ai également pris le congé parental de 15 jours à la naissance de mon premier, j’ai apprécié ce moment familial et je regrette de ne pas avoir pu le faire pour mon second.

    Le pire du dogmatisme politique est certainement devant nous lorsqu’on voit ce qui se passe sur les campus américains avec notamment ce déni de réalité qu’est la théorie du genre, pour s’en tenir à ce seul exemple. Nous devons résister, pour nos valeurs et surtout pour l’avenir de nos enfants qui devront vivre dans ce monde orwellien.

  3. Ou alors, on pourrait appliquer le modèle Philip-Elizabeth : Madame se cogne le gros des tâches professionnelles, tandis que Monsieur s’occupe d’aménager la maison, et meuble son temps libre en s’amusant follement à piloter une tripotée d’avions, civils et militaires.

    Avant de jouer aux petites voitures avec le patron de Land Rover, et de dessiner lui-même le véhicule qui portera son cercueil.

    En prime, Monsieur gagne le droit de balancer les vannes de son choix sans souci du qu’en-dira-t-on, tandis que Madame est obligée de ne pas dire un mot plus haut que l’autre, du début à la fin de sa vie.

    Ça me paraît assez smart, comme système. Je serais partant pour essayer.

  4. Sur le thème, on pourra se reporter au « Face à l’Info du 12/03/2021 » Cnews Wargon-Zemmour sur le féminisme.
    https://www.dailymotion.com/video/x7zwj71

    A la 42:49 et 44:34 « De quoi vous vous mêlez » répété plusieurs fois, me fait jubiler. A repasser en boucle !
    Zemmour que je n’apprécie que peu, nous fait là sur ce registre un super numéro.

    Et d’abord quelle autre personne politique ou chroniqueur s’adresse au gouvernement pour dire de quoi vous mêlez vous concernant le sociétal ?

    • Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, confirme : 70 % des Français sont éligibles au logement social. Et elle ne comprend pas l’énormité de ce fait ! C’est elle qui prend l’initiative ce citer ce chiffre !

      Sinon, pourquoi tous les ministres femmes, en France, ont une tête, comment dire… enfin, voyez la vidéo.

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