CROISSANCE : ce qu’en dit Bruno Le Maire n’est que LITTÉRATURE

Mise à jour du 22 janvier 2021 : le gouvernement envisage maintenant une année 2021 sans reprise économique…

Retour aux chiffres, retour aux dures réalités. Selon le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance qui donnait hier mardi 12 janvier 2021 une conférence de presse à distance, ce sera un vrai « défi » que d’atteindre la croissance de 6 % qu’il a prévue pour 2021 avec un indéniable « volontarisme » (façon énarco-technocratique de dire « au pif »).

Loin de moi l’idée de remettre cette assertion en cause, bien au contraire. On sent gros comme une maison que Bruno Le Maire nous prépare à une nouvelle révision pessimiste de ses prévisions, mais il fallait s’y attendre car tout ce qu’il nous a raconté précédemment sur le rebond de la France dans l’enfer du Covid-19 était marqué au sceau d’un optimisme keynésien aussi béat que mal compris.

Relance par dizaines milliards, « quoi qu’il en coûte » sans restriction et plongeon consécutif assumé dans un niveau d’endettement dangereusement élevé – tout ceci ne devait en aucun cas susciter l’inquiétude puisque la croissance serait au rendez-vous et aurait tôt fait d’éponger ces petits excès nécessaires. Sans compter que le « principe de responsabilité sur les finances publiques » dont on sait qu’il est comme une seconde nature chez nos fonctionnaires et nos élus (iciiciici et ici) nous garantissait que pas un euro ne serait dépensé de travers !

Mais voilà, la croissance ne se décrète pas et M. Le Maire est inquiet, d’autant que l’on parle maintenant d’un troisième confinement possible – une mesure de ralentissement de l’activité économique dont il serait d’ailleurs co-décisionnaire si elle devait effectivement être prise. Ce qui pose un léger problème : son ministère est-il en charge de favoriser ou de décourager la reprise ? Il serait plutôt question de suivre une voie étroite entre découragement du virus et encouragement de l’activité, nous répond généralement Emmanuel Macron. Mais au point d’Absurdistan où en est arrivé le pays, se pose plus que jamais la question du bien-fondé des mesures d’interdiction qui émaillent notre vie depuis mars.

Toujours est-il que dans le Projet de loi de finances pour 2021 présenté fin septembre dernier, Bercy avait d’abord fixé les évolutions du PIB en volume à -10 % en 2020 et +8 % en 2021 et voyait la dette publique s’établir à 117,5 % du PIB à fin 2020. Mais avec le second confinement, il a fallu bricoler à la hâte de nouveaux chiffres, d’où une prévision de recul du PIB aggravée à -11 % en 2020 puis un rebond réduit à +6 % en 2021. Quant à la dette des administrations publiques, elle devrait atteindre aux alentours de 120 % du PIB en date du 31 décembre dernier (l’INSEE n’a pas encore donné sa première évaluation concernant l’année 2020).

Les inquiétudes de M. Le Maire quant à la possibilité d’obtenir ce 6 % de croissance sonneraient cependant plus juste si parallèlement, le gouvernement ne se déchargeait pas de ses responsabilités sur des boucs émissaires pratiques et s’il ne s’évertuait pas à freiner la reprise, voire à pousser ouvertement à la non reprise comme il le fait depuis le début de la pandémie avec des mesures qui deviennent de véritables incitations à rester chez soi au lieu d’aller travailler.

Pour le ministre, l’essentiel va en effet dépendre de la rapidité de la campagne de vaccination en France et de la vigueur de la reprise chez nos partenaires européens, notamment l’Allemagne.

On tombe quelque peu à la renverse devant ces raisons qui permettront lorsque l’échec sera venu de tout mettre sur le dos des Français qui manqueraient de rapidité à se faire vacciner ou sur le dos d’une conjoncture économique morose à laquelle nous n’aurions aucune part mais dont nous serions les malheureuses victimes éplorées.

Car sur le premier point, qui est en charge de la vaccination ? Qui n’a commencé à y réfléchir qu’à la mi-décembre ? Qui s’est octroyé alors, et comme d’habitude, les services d’un cabinet de conseil extérieur, McKinsey en l’occurrence, au tarif coquet de 2 millions d’euros par mois ? Et qui a amplement démontré ensuite que la France, incapable de s’organiser malgré sa pléthore d’élus, de fonctionnaires et de consultants, accusait, à nouveau comme d’habitude, un retard et une lenteur inexcusables par rapport aux autres pays ?

Quant au second point sur les partenaires européens, que voilà des propos bien audacieux et tout plein de paille et de poutre mal dirigés. Il est vrai que l’Allemagne table sur un rebond de son économie compris entre 3,5 et 4,4 % en 2021, soit moins que les 6 % français de Bruno Le Maire. Mais quand on sait que le recul du PIB allemand devrait se situer entre -5 et -6 % en 2020 quand nous autres Français seront entre -9 et -11 %, on voit la faible pertinence, pour ne pas dire l’impertinence satisfaite des remarques du ministre.

Et puis, il ne faudrait pas oublier non plus que depuis qu’il est entendu de compenser les fermetures administratives sur le mode du « quoi qu’il en coûte », le gouvernement s’ingénie à rendre les arrêts de travail les plus généreux possible. La prise en charge massive du chômage partiel, plus massive et plus avantageuse que dans tout autre pays, avait déjà joué contre une reprise dynamique du travail après le premier confinement, d’où un effondrement du PIB français plus radical qu’ailleurs au premier semestre 2020.

Aujourd’hui, les mêmes craintes sont à nouveau de mise en raison de la mesure annoncée par Jean Castex la semaine dernière avec effet au dimanche 10 janvier dernier qui permet à tout salarié non éligible au télétravail de se mettre en arrêt de maladie immédiat sans aucun jour de carence, pour peu qu’il pense être le siège d’un des nombreux symptômes du Covid-19.

Pas de visite chez le médecin pour confirmer la chose, juste la consultation d’une liste de symptômes dont on sait qu’ils peuvent s’appliquer aussi à de multiples pathologies parfaitement bénignes (ou au contraire être éventuellement le signe difficile à reconnaître sans avis médical d’une maladie beaucoup plus grave) :

« Voici la liste des symptômes du Covid-19 délivrée par le ministère de la Santé : fièvre, toux sèche, fatigue, courbatures, maux de gorge, diarrhée, conjonctivite, maux de tête, perte de l’odorat ou du goût, éruption cutanée ou décoloration des doigts ou des orteils, difficultés à respirer ou essoufflement, sensation d’oppression ou douleur. » (Site de France 3)

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Le salarié considéré n’est tenu à rien d’autre que de faire un test de dépistage du Covid-19 dans les deux jours suivant sa déclaration sur le site Ameli de la sécurité sociale puis attendre sagement le résultat. Il lui suffit donc dorénavant de se sentir un peu fatigué le matin (ou d’avoir un petit mal de gorge, etc.) et d’en conclure grâce aux bons soins du gouvernement : « Ça y est, j’ai le Covid », pour obtenir jusqu’à quatre jours d’arrêt maladie pas forcément justifiés.

Inutile de dire que cette nouvelle disposition visant à « protéger au mieux nos compatriotes » comme dirait Emmanuel Macron, mais qui ressemble à s’y méprendre à une couche d’assistanat supplémentaire étalée sur notre système social déjà obèse, est la porte ouverte à une nouvelle forme d’absentéisme qui aura peu de chance d’aider la croissance à s’envoler.

Mais ne soyons pas trop dur avec Bruno Le Maire et reconnaissons qu’il peut parfois faire preuve d’une grande lucidité. Malgré ses immenses responsabilités de ministre de l’Économie et malgré ce terrible Coronavirus qui bouscule méchamment tous ses plans sur la comète, il trouve encore le temps d’écrire… ses mémoires… provisoires ! Quelle sublime modestie !

L’ouvrage, son troisième depuis qu’il est à Bercy (si, si, je vous assure), ne sera en librairies que demain (et sur Amazon également – si, si, je vous assure), mais d’après le quotidien Le Figaro, voici le portrait qu’il y fait du responsable politique :

« Passer son temps en réunions interminables, discussions creuses, en déjeuners et dîners (…) toujours à l’affût de ce qui pourra être dit sur lui, son attention engloutie par le flot continu des informations en ligne, par les rumeurs, par les images, prenant le monde pour son miroir, pérorant, vitupérant (…), jamais serein, jamais en paix, s’accablant lui-même de nouvelles obligations pour ne surtout pas voir que sa vie est vaine, son influence nulle. » (L’ange et la bête : Mémoires provisoires)

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Voilà, c’est officiel, Bruno Le Maire est un responsable politique… considérable ! 


Illustration de couverture : Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire sur fond de cerfas d’arrêt de travail.

18 réflexions sur “CROISSANCE : ce qu’en dit Bruno Le Maire n’est que LITTÉRATURE

  1. Quand je pense que suite à une LRAR que je lui ai fait parvenir le 25/04/2020 à laquelle il n’a pas répondu … parce qu’il écrivait « L’Ange et la Bête » ! Que l’arrêt total de l’économie avec l’invitation/interdiction de verser des dividendes n’avaient aucun fondement économique mais que des inconvénients ainsi que des signaux négatifs en direction des IDE et que nous en sommes au seuil d’un troisième confinement. Je ne m’interroge plus je m’inquiète. Cet homme était incompétent pour le poste qu’il occupe mais il y était dangereux, aujourd’hui c’est un fou et les conséquences de ces déversements « massifs » d’argent qu’on a pas et qui ne vont rien coûter, ne se rend pas compte de la situation catastrophique à laquelle il participe.
    Quelle misère mais comment arrêter ça ?

  2. Bonjour.
    J’ai fait des bonds ce matin, en lisant dans le journal Sud Ouest cette déclaration de Bruno Lemaire :
    « Nous avons prévu une croissance de 6% pour 2021, soit le chiffre le plus élevé depuis les cinquante dernières années ».
    Cet homme est d’une malhonnêteté intellectuelle sans limites, même s’il est nul en économie comme vous l’avez déjà démontré….

    • @Philippe FULCHIC : Excellent ! on se demande comment ils trouvent le culot de débiter ce genre d’imbécillités en public. Ca me rappelle cette blague de l’humoriste Don McMillan :
      – la plupart des fumeurs meurent avant 65 ans
      – la maladie d’Alzheimer apparaît en général après 70 ans
      Conclusion : la cigarette protège contre la maladie d’Alzheimer

  3. Tout ceci me dit que l’inflation ou la stagflation vas exploser ( peut importe des deux notion qui vas l emporter, le résultat est le même, pauvreté et accaparement de la propriété privé ) ) , ce taré de Le Maire avec ces acronymes , PIB et autres, me fait faire un retour en arrière,  » flash back  » lorsque j’étais à écouter les théories fumeuses de la LSE en économie . Savoir que la France est économiquement sous tutelle d’un des  » big four  » ne m’étonne pas, ceci mit en perspective avec son taux d’endettement, la pratique dans ce cas est qu il faut contrôler et diriger les agissements du débiteur. Le droit anglo-saxon précise avec sa notion de propriété économique que c’est ceux qui détiennes la dette qui ont au final le titre de propriété sur l’agissement économique du débiteur , donc la situation général de la France est tout à fait dans le bon droit à qui de droit . En conclusion le capitalisme politique est comme à son habituelle de la pure prédation dans un marais de corruption et d’irrationalité . Ceci dit il y a quand même de l’espoir car selon l’édito des Echos de ce matin de David Barroux ,  » La France y croit  » ! Selon lui et en en dépit de la crise, les levées de fonds de start-up ont continué de progresser en France en 2020; j’aime bien la propagande , sans elle nos vies en deviendraient inquiétantes 😉 .

  4. Ce n’est pas pour vous rassurer, mais en Espagne, c’est la même chanson.
    Le ministre de la santé, Salvadore Illa ne trouve rien de mieux que de vouloir se présenter à la présidence de la Catalogne, en pleine crise sanitaire.
    Chacun ses priorités.

  5. Si l’activité peut repartir en 2021, ce sera un rebond « technique » qui peut porter la croissance vers les 5 %, scénario très optimiste mais Mr Le Maire qui vit et pense au jour le jour devrait réfléchir aux deux années suivantes qui selon Roxecode ne verront pas la France atteindre la croissance de 2019 (1,3 %). Peut-être en 2024, nous pourrions nous remettre à flot pour commencer peut-être à rembourser…
    http://www.rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Perspectives-economiques-et-Bilan-de-l-annee/Perspectives-economiques

    • Nous ne pourrons pas nous remettre à flot parce qu’ils ne le veulent pas. Ils suivent une ligne bien précise qui consiste à tuer l’homme blanc raciste et colonialiste pour construire une nouvelle économie marxiste avec un homme nouveau.
      Le même Bruno vient d’annoncer qu’en aucun cas Carrefour ne devait passer en des mains étrangères, on va donc nationaliser ? Sachant que les autres groupes en particulier Casino ne sont pas en bonne santé on nationalise aussi ?
      Connaissant les capacités de l’Etat pour détruire tout ce qu’il touche, on peut penser qu’après avoir saboté l’agriculture il va saboter la distribution … la famine approche.

  6. L’arrêt de travail libre et gratuit par Internet, sur simple demande : terrifiant… Ils ne se cachent même plus. C’est open bar. Le congé-maladie est un droit de l’homme. C’était déjà le cas, mais maintenant, c’est officiel.

    J’avais déjà été consterné par l’usage officiel et massif du congé-maladie au début de l’épidémie, comme moyen de financement des absences contraintes. C’était déjà désastreux sur le plan de la perception par l’opinion publique.

    Même les médecins craignent que cela ne retarde le diagnostic d’autres maladies… en plus du problème de la dépense publique…

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