OXFAM et les inégalités Carbone Mes réponses pour Atlantico

Petit article imprévu suite à une demande d’Atlantico hier soir sur mes réactions au rapport de l’ONG Oxfam publié hier (lundi 21 septembre 2020) sur la question des inégalités des émissions de CO2. Selon cette étude, les 1 % les plus riches ont été responsables de 15 % des émissions cumulées de CO2 sur la période 1990-2015, soit le double des émissions des 50 % les plus pauvres (7 %). Voici mes réponses :

1) En quoi estimez-vous que le rapport d’OXFAM est biaisé ? 

Les rapports d’Oxfam se suivent et se ressemblent. Qu’ils proviennent de la maison mère comme le célèbre rapport annuel sur les inégalités dans le monde ou de sa remuante succursale française dirigée par l’ancienne ministre et ex-présidente des Verts Cécile Duflot, ils tracent leur petit chemin idéologique selon trois codes aussi éprouvés qu’immuables :

· Toujours jeter le pavé dans la mare à quelques jours d’un sommet international ou d’une grande réunion champagne-petits fours afin de bénéficier de l’attention maximale des médias et des décideurs.

À l’instar du rapport sur les inégalités qui est systématiquement publié avant le Forum économique mondial de Davos, la nouvelle publication nous est arrivée pile à la veille de l’Assemblée générale de l’ONU qui s’ouvre ce jour et qui va notamment plancher sur le monde post-Covid. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, on assiste à une intense récupération écologique et climatique de la situation sanitaire ; il aurait été étonnant qu’Oxfam ne participe pas à la fête.

· Toujours trouver un ratio ou une comparaison numérique propre à stupéfier et culpabiliser l’opinion publique, à défaut d’avoir le moindre sens économétrique réel.

Ainsi, le rapport sur les inégalités est toujours merveilleusement calibré pour nous prendre à la gorge tant il décrit un monde de misère noire soumis à la volonté implacable d’une poignée de personnes. En 2016, nous apprenions que « 62 personnes possèdent autant que la moitié de la population mondiale ». À vous faire dresser les cheveux sur la tête ! En 2017, ce chiffre est tombé à 8. Et pas n’importe quels 8 : huit hommes ! Inégalités ET discriminations des femmes, tout va vraiment de pire en pire.

Le rapport du jour n’échappe pas à la règle si ce n’est que les riches sont non seulement odieusement riches mais également odieusement responsables d’une part odieusement élevée du réchauffement climatique :

« Les 1 % les plus riches sont responsables de deux fois plus d’émissions que la moitié la plus pauvre de l’humanité ».

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· Toujours placer la méthodologie au service de la conclusion voulue. 

Ici, la méthodologie est simple : les émissions de CO2 dues à la consommation ont été attribuées aux ménages en fonction de leurs revenus, et encore ne s’agit-il que d’estimations d’émissions. Autrement dit, l’idée consiste à dire que plus on est riche, plus on consomme et plus on consomme, plus on pollue et plus on émet des gaz à effet de serre.

De la règle de trois de base. Je suis sûre qu’on pourrait trousser un rapport qui dirait que les 1 % les plus riches vont X fois plus au cinéma, chez le coiffeur, etc. en une année que les 50 % les plus pauvres réunis. C’est pratiquement un truisme. Mais Oxfam oublie complètement que les consommations des uns, fussent-ils riches, sont les emplois des autres, fussent-ils pauvres, et une promesse de développement.

Conclusion de l’ONG : 

« Au cours des 20-30 dernières années, la crise climatique s’est amplifiée et le budget carbone mondial limité a été dilapidé au service d’une intensification de la consommation d’une population nantie, et non pour sortir des personnes de la pauvreté. »

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Malheureusement pour Oxfam, il se trouve que sur la période 1990-2015 qui est justement la période retenue dans son étude, le taux des personnes vivant dans l’extrême pauvreté est tombé de 37,1 % à 9,6 % de la population mondiale (et même à 8,6 % en 2019). Il en résulte que les 50 % les plus pauvres de l’année 2015 sont en moyenne beaucoup plus riches que les 50 % les plus pauvres de l’année 1990. 

Il se trouve également que ce sont les pays riches qui sont les plus avancés dans les méthodes de dépollution, le tri des déchets et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le monde est effectivement en pleine transition énergétique, et en ce domaine, le monde développé qu’Oxfam s’acharne à attaquer est en réalité celui qui innove et montre la voie.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), en 2019, les émissions mondiales de CO2 liées aux énergies en sont restées aux 33 Gt (gigatonnes ou milliards de tonnes) déjà observées en 2018 – et ceci en dépit de la croissance mondiale qui fut de 2,9 % en 2019 et en dépit de prévisions haussières.

Mieux, il s’avère que la stagnation est due à la baisse de 400 millions de tonnes enregistrée par le monde développé en 2019, dont 160 millions en moins dans l’UE et 140 millions en moins aux États-Unis, tandis que le monde en développement a émis 400 millions de tonnes de plus que l’an dernier. Globalement, le monde développé est sur un trend baissier depuis 2007 (schéma ci-dessous) :

Bref, l’ONG Oxfam montre une fois de plus qu’elle est douée d’un sens aigu du timing, du sensationnalisme et de la propagande, mais qu’elle n’a que faire des réalités. 

2) Les politiques inspirées de ce rapport ne risquent-elles pas, outre leur coût élevé de mise en place, de s’avérer inutiles ? 

Non seulement inutiles, mais dangereusement appauvrissantes, aussi bien pour les revenus des personnes que pour les savoirs et technologies de l’humanité.

Partant de mauvaises observations, Oxfam ne peut qu’aboutir à des conclusions erronées, comme on l’a vu ci-dessus, et faire ensuite des recommandations qui auront peut-être l’avantage de plaire aux idéologues du climat et de l’écologie mais qui risquent de se révéler catastrophiques pour la sortie de la pauvreté qui semble pourtant lui tenir à cœur.

Car que demande l’ONG ? Que les gouvernements luttent contre :

« la double crise du changement climatique et des inégalités extrêmes en s’attaquant aux émissions excessives des plus riches et en soutenant les communautés pauvres et vulnérables. »

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Traduction : Interdire et re-interdire, obliger et re-obliger, exactement comme préconisé dans les conclusions incroyablement autoritaires de la Convention citoyenne pour le Climat, et surtout, taxer et re-taxer les moyennement riches, les plus riches et les super-riches, c’est-à-dire le contraire exact de la libéralisation des échanges sur fond de bond technologique qui a permis à des centaines de millions de personnes  de sortir de la pauvreté au cours des trente dernières années.

Oxfam propose donc d’engloutir en dépenses publiques, subventions et aide internationale tous azimuts des sommes qui ont plus de chance de décourager les initiatives et d’alimenter le capitalisme de connivence et la corruption partout où elles seront distribuées (voir Afrique, voir Venezuela – un exemple à suivre d’après Oxfam en 2010 !) que de créer les emplois qu’elles ne manqueraient pas de générer, auraient-elles été consacrées à des investissements productifs sur un marché libre et concurrentiel.

Rien de bien nouveau, si ce n’est que ce mantra de la gauche hyper-redistributrice est maintenant enrobé dans un discours écolo-décroissant dont Emmanuel Macron vient de se rendre compte, avec la polémique sur la 5G, qu’il pourrait causer des dommages irréparables au développement technologique de la France, donc à la prospérité de ses citoyens.


Illustration de couverture : Rapport Oxfam sur les inégalités des émissions de CO2 du 21 septembre 2020. Capture d’écran.

9 réflexions sur “OXFAM et les inégalités Carbone Mes réponses pour Atlantico

  1. le monde développé nourrit (gave) Oxfam dont les dirigeants et membres (qui roulent grand train ou carrosse) sont plus riches à eux seuls que le quart des plus pauvres des pauvres de la planète

  2. Merci Nathalie, vos explications sont toujours rigoureusement et intelligemment argumentées, c’est un bonheur. Et vous avez raison de souligner les conséquences désastreuses auxquelles nous mèneraient l’application des recommandations OXFAM. Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir du passage de C. Duflot au ministère du logement et de la loi ALUR dont on ne finit pas de payer les dégâts. Le Venezuela, souvenons-nous toujours de ce pays, c’est l’ultime modèle des OXFAM et affiliés.

  3. Je ne vais sûrement pas me fatiguer à creuser la « méthodologie » de l’étude d’Oxfam, mais ce genre de comparaison est biaisé dès le départ.

    Les x % les plus riches ne pètent pas plus que les autres, ils ne dégagent pas plus de gaz que les autres. Les x % les plus riches contrôlent les entreprises, donc on compare Schneider Electric (au hasard) avec Madame Michu.

    Evidemment que Schneider Electric « dégage plus de CO2 » que Madame Michu, même si cette dernière fait beaucoup d’efforts. Evidemment que Schneider Electric consomme plus de pétrole, de ciment ou je ne sais quoi d’autre que Madame Michu, et évidemment que Schneider Electric fait plus de profits que Madame Michu ne touche de salaire.

    D’autre part, un kilomètre est plus long qu’un mètre, la Russie est plus grande que le Liechtenstein et certaines personnes sont considérablement plus idiotes qu’Einstein.

    Et donc ? C’est quoi, le scandale ? Qu’est-ce qu’on essaie de nous dire ? J’en ai plein le dos de ces prétendues « nouvelles » qui n’en sont pas, et dont les médias nous ramonent les oreilles.

  4. Bon, j’ai quand même jeté un coup d’oeil sur la méthodologie, et autant vous dire, c’est imbitable. Je ne comprends même pas le principe, ne parlons pas des détails. Je ne comprends tout simplement pas ce qu’ils mesurent.

    Ce qui est clair, c’est qu’en plus d’être parfaitement obscurs, ils incluent des chiffres complètement au doigt mouillé :

    « First, we assume that emissions per capita would not fall below a minimal level, regardless of income. We assumed that even if income were zero, there would still be consumption and thus emissions. For the minimal emissions level, which varied by country, we chose emissions at an income equal to 30% of median income. »

    Pourquoi ? Passke. C’est 30 %, et discute pas. Suit, naturellement, une justification incompréhensible, mais en gros, ils ont réglé le bouton à 30 parce que ça faisait joli.

    « Our approach also includes an arbitrary factor of one-half. We reason this way… »

    D’aaaacord. Il y a un « raisonnement », mais en fait c’est arbitraire. Moi aussi je peux faire ONG, si je veux.

    « Second, we assume that above a certain level, emissions do not continue to rise with income. »

    Pourquoi ? Fais pas chier. C’est comme ça.

    « For example, Gössling (2019) estimated the emissions associated with air travel in 2017 for a set of ten public personalities who regularly broadcast their travels on social media. »

    Donc les préconisations d’Oxfam, concernant les politiques publiques, sont basées sur des racontars de dix pipoles pris au hasard se vantant de leurs activités sur Twitter. C’est scientifique, comme approche…

  5. C’est génial les statistiques. Si on les tord dans le bon sens in peut leur faire dire ce qu’on veut. Allez je me lance:

    – Les 1 % les plus riches sont responsables de deux fois plus de création de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité
    – Les 1 % les plus riches emploient deux fois plus de salariés que la moitié la plus pauvre de l’humanité
    – Les 1 % les plus riches payent deux fois plus d’impôts que la moitié la plus pauvre de l’humanité

    J’ai bon? Je peux faire ONG moi aussi?

  6. Ce qui me sidère toujours, ce n’est pas la mauvaise foi d’olibrius comme ceux d’Oxfam, c’est le capital crédibilité et l’audience qui leur est accordée dans la presse.
    Ils sont nuls et menteurs, bon, ce ne sont pas les premiers ni les seuls. Mais pourquoi diable leur accorder autant d’importance ?

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