PLF 2026 : de quels EFFORTS parle-t-on ?

EFFORT – Tel est le mot magique que François Bayrou a trouvé pour caractériser la nouvelle saison budgétaire. On sait que cette dernière s’annonce plus périlleuse que jamais, aussi bien sur le plan de l’équilibre des comptes publics, jugés hors de contrôle par la Cour des comptes, que sur le plan de la survie de son gouvernement. Il prévoit donc de « demander un effort à tous les Français, le plus juste possible, mais un effort suffisant pour que la France sorte » enfin de son irrépressible descente aux enfers dans les déficits et la dette.

Les intentions de redressement des finances publiques du Premier ministre sont évidemment louables et beaucoup de ses constats – sur l’ampleur unique au monde de notre modèle social (école, université, santé, retraite) alors que la production française par personne est faible comparativement aux pays pairs – sont parfaitement exacts.

Mais concrètement, le flou domine. Exemple : pouvez-vous dire à tel patron de PME qui ne peut plus se permettre d’embaucher compte tenu du poids des cotisations sociales dans les salaires que les cotisations sociales vont baisser, lui demandait récemment la journaliste Apolline de Malherbe sur BFMTV. Pas de réponse directe, si ce n’est que les partenaires sociaux doivent se saisir de la question du financement du modèle social. Modèle social qui, dans son idée, reste intouchable car faisant partie intégrante de ce qui définit la France en tant que nation.

Tout juste sait-on que le gouvernement de M. Bayrou présentera début juillet un grand plan d’ensemble de retour à l’équilibre budgétaire en trois ou quatre ans qui ne ciblera pas de catégories particulières de la population. Les efforts seront pour tout le monde. Il en va de l’avenir de la France et de la responsabilité de tous, gouvernement compris.

En attendant, lesdits efforts annoncés évoquent immédiatement l’idée indécrottablement étatique d’impôts supplémentaires. Et ce d’autant plus qu’on a vu défiler dans la presse une multitude de propositions de renflouement fiscal. Citons notamment la hausse de la TVA pour en attribuer une part au financement des prestations sociales, la suppression de tel ou tel abattement sur le revenu (pour les retraités), la suppression de telle ou telle niche fiscale (sur les services de jardinage), et, last but not least, la fameuse taxe Zucman de 2 % sur le patrimoine de 1 800 super-riches.

Dans toutes ces discussions, dans toutes ces idées qui fusent pour taxer plus et encore plus, une donnée essentielle reste la grande absente du débat : les comptes publics français sont peut-être dans une situation de déficit et de dette devenue intenable, mais les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) imposés aux citoyens (à tous les citoyens, n’oublions pas la TVA, première recette fiscale en montant) sont depuis longtemps les plus hauts du monde :


         Taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB – OCDE – 2022

Malgré ses grandes difficultés – emploi en berne, croissance atone, niveau éducatif en chute libre, hôpital débordé et système social en déficit chronique – le problème de la France n’est pas d’avoir un niveau d’impôts trop faible ou de ne pas parvenir à faire rentrer ses recettes fiscales. 

De même, malgré ce que Gabriel Zucman ou son inspirateur Thomas Piketty peuvent nous dire sur l’injustice fiscale qui règne en France, pays où les super-riches paieraient selon eux proportionnellement moins d’impôts (tous les prélèvements rapportés aux revenus déclarés) que toutes les autres catégories de citoyens (super-pauvres, pauvres, intermédiaires, riches), il ne faudrait pas tomber dans l’erreur d’oublier l’immense redistribution rendue possible par ce niveau d’impôts très élevé. Or c’est précisément ce qu’oublie Gabriel Zucman dans ses calculs, comme l’a signalé sur X l’économiste Gilles Raveaud.

En septembre 2023, l’INSEE a justement publié une intéressante étude sur la répartition des revenus en France et sur les effets de la redistribution. En plus des transferts monétaires correspondant aux prestations sociales et aux pensions de retraite habituellement retenus dans de telles analyses, les auteurs de l’étude ont intégré une redistribution élargie prenant en compte la valorisation des services publics – les individuels tels que santé et éducation, et les collectifs tels que défense ou recherche.

La population est partagée selon cinq catégories de niveau de vie, comme indiquée ci-contre, et l’on se concentre sur les deux catégories situées aux extrémités hautes et basses de la répartition, intitulées « pauvres » et « aisés ».

La conclusion est frappante. L’écart de revenu entre les 13 % les plus pauvres et les 10 % les plus aisés est de 1 à 18 avant transferts élargis et il se rétracte à un rapport de 1 à 3 après transferts élargis, ainsi que le montre très clairement le schéma ci-dessous, extrait de l’étude :

Bref, si la France va mal et si sa dette se creuse d’année en année, ce n’est ni parce qu’elle serait insuffisamment fiscalisée ni parce qu’elle serait un territoire d’injustice sociale inacceptable. Tout au contraire, c’est à mon sens parce qu’elle compte trop sur la dépense publique et sur les effets miraculeux de la redistribution au dépend de la création de richesse qu’elle s’enfonce irrémédiablement dans la déprime productive et, conséquence directe, dans la déprime sociale.

De ce fait, je suis extrêmement hostile à toute solution budgétaire qui passerait à nouveau par des hausses d’impôts. On peut se dire que quand les temps sont durs, il faut se serrer les coudes autant que la ceinture et faire preuve d’encore plus de solidarité que jamais. Mais dans ce cas, il faut savoir que les temps ne feront que se durcir. Compter sur l’impôt alors que son niveau est déjà si élevé, c’est renoncer à s’attaquer à la racine du problème, c’est renoncer à réduire les dépenses publiques, c’est renoncer à se remettre sur le chemin de la prospérité. Cela revient en fait à se donner la possibilité de continuer à dépenser.

Alors oui, je pense qu’il y a bien un effort à faire, un effort qui va en effet concerner tous les Français. Mais il s’agit d’un effort intellectuel, d’un effort sur les principes de notre système économique et social. Il faudrait parvenir à réaliser que le modèle collectiviste sur lequel nous vivons depuis 1945 n’est ni juste ni efficace ; qu’il est devenu une formidable fabrique à chômage et à déclassement ; qu’il est si coûteux pour les Français qu’il ne permet même pas de financer correctement les missions régaliennes de l’État et qu’il prive les secteurs innovants (dans la santé, dans le numérique, etc.) des financements qui leur seraient nécessaires pour prendre toute leur place dans l’innovation mondiale.

Bref, économiquement et socialement, il faudrait que la France se réinvente dans le sens d’une plus grande autonomie donnée à l’initiative individuelle. Pas simple, je sais. Mais tel est l’effort à fournir au plus vite.


Illustration de couverture : le Premier ministre François Bayrou sur BFMTV le 27 mai 2025. Capture d’écran.

26 réflexions sur “PLF 2026 : de quels EFFORTS parle-t-on ?

  1. Article vain. Dit et redit depuis 20 ans ce constat n’arrive jamais aux oreilles des politiciens ou alors est volontairement ignoré par ces derniers.

    La France a perdu trop de temps tous nos voisins se sont reformés il y a bien longtemps.

  2. On ne changera que quand le FMI sera là. J’espère que nous avons quelque part un plan tout prêt pour ne pas perdre des mois et des mois à tergiverser et discutailler avec lui -et nous enfoncer encore plus pendant.

  3. Merci pour ce rappel bienvenu. Ceci dit, je me demande s’il sera possible un jour de réformer notre « modèle social » (socialiste en fait) si coûteux ? Je ne vois pas encore celui ou celle qui pourra porter une telle réforme qui mettra dans la rue les 3/4 des Français.

  4. Votre article, Nathalie, est peut-être une redite, mais enfoncer le clou n’est pas du temps perdu. Ceci dit, je m’étonne que le coût faramineux de fonctionnement de notre système ait échappé à votre sagacité. Outre le fait qu’il faille le réformer de fond en comble, l’augmentation des frais de fonctionnement du secteur public de près d’un quart depuis 2021 peut provoquer la colère; dans un contexte de dégradation du service rendu. Les Français courbent l’échine….pour le moment.

  5. Comme quoi, la communication, c’est compliqué.
    Je m’échine depuis 10 ans à expliquer dans ce blog que notre système économique et social collectiviste nous entraîne à l’abîme, et ceci selon divers angles d’attaque au gré de l’actualité, et non, on me dit que le coût faramineux de notre système a échappé à ma sagacité ! Et puis on me dit aussi que je radote ! Pauvre de moi !

    • Et non, vous analysez et exprimez au mieux ce qu’est devenu le système économique et social français tout en indiquant les voies à suivre.
      Le problème du pays est beaucoup plus grave à mon sens. Il s’agit d’un état d’esprit qu’il faut changer. Depuis la révolution, la France est un pays fondamentalement étatiste et communiste. Ne jamais oublier que le communisme est né en France, pays qui a formé la plupart des leaders communistes criminels de la planète. L’égalitarisme, le collectivisme, l’étatisme sont viscéralement enracinés dans le cerveau de tous les français, même ceux qui se targuent d’être libéraux ou qui ont des patrimoines à 8 chiffres. Le changement à effectuer est copernicien et même le FMI aura du mal sans violence à redresser le pays. La voie pacifique serait longue car la tâche pour reformater les prochaines générations est immense. J’écris « serait » car je crains qu’aujourd’hui le pays ne soit plus maitre de son agenda.

      • @Rob: Oui, je suis d’accord : la bataille culturelle est perdue depuis longtemps.
        Mais il reste quand même en moi un optimisme ardent, héroïque et invincible qui me crie, jour et nuit : « Pars, pars pendant qu’il est encore temps ! »

    • Bonjour Nathalie,
      Ne vous désespérez pas … il y a beaucoup de positif dans nos échanges.
      En ce moment je relis « le zéro et l’infini » (A. Koestler). Il y a des passages riches d’une vérité qui m’avait échappée en mes jeunes années. Notamment « l’extrait du journal de Roubachof – 20e jour de prison » dont je recommande la relecture. Je vous en communique de brefs extraits :
      « La quantité de liberté individuelle qu’un peuple peut conquérir et conserver dépend de son degré de maturité politique » …
      « la maturité des masses consiste en leur capacité de reconnaître leurs propres intérêts » …
      En sommes-nous capables ? Savons-nous où se situent nos propres intérêts ou bien ceux de nos enfants. J’en doute.
      Si Koestler a raison, et qu’il ait une vision juste de l’humanité, il faudra patienter encore longtemps pour parvenir à un État libéral, je le crains.
      Merci, Nathalie, pour vos billets toujours très justes et documentés.

  6. Bonjour Madame,

    Vos papiers sont toujours très intéressants, très documentés, une véritable recherche mais pour quelle audience ?

    Pourquoi n’allez-vous pas développer votre vision de la France, votre analyse et vos suggestions auprès d’Apolline de Malherbe (BFM) ou Sonia Mabrouk (Cnews) ce qui vous permettrait de toucher d’un seul coup des centaines de milliers voire des millions de personnes, car votre réflexion mérite d’être plus largement diffusée… 2027 c’est demain !

  7. Merci pour ces rappels salutaires, Madame.
    J’insisterais pour ma part sur l’immense gaspillage des deniers publics dont la plupart des fonctionnaires peuvent témoigner car ils en sont complices. C’est un professeur d’université qui vous parle : auditoires analphabètes qui n’ont rien à faire là mais qu’on est content d’avoir pour garder les « postes », locaux vides la plus grande partie de l’année, options maintenues pour une poignée d’étudiants, enseignants chercheurs qui ne cherchent plus rien, etc.

  8. Quels que soient les efforts que tous les français consentiront à faire, et même si la décision douloureuse est prise de leur piquer leurs économies (d’autres y pensent) … il n’y en aura encore pas assez, puisque les dépenses augmentent proportionnellement aux impôts nouveaux ! L’année suivante, nos dirigeants nous annonceront que les caisses de l’Etat sont vides, une fois de plus. Et ça fait plus de 40 ans que nous entendons ce même refrain.
    Il faudrait réduire les dépenses publiques, oui. Mais pour cela, courage et audace sont indispensables. Il faut chercher et trouver celle ou celui qui possède de telles qualités.

  9. Effort : le mot préféré des gens qui vivent de celui des autres.

    Merci à Nathalie de rappeler une vérité simple, et chiffrée : en France, les inégalités sont déjà rognées jusqu’à l’os par une redistribution massive. Mais on ne bâtit pas une religion sur un fait. Alors le clergé trotskyste poursuit ses incantations égalitaristes, inlassablement, partout où il règne : dans les médias, l’Éducation nationale, et les temples subventionnés de la culture.

    La gauche et son extrême ne reculent devant rien : ni les contre-vérités, ni les manipulations, ni cette bonne vieille démagogie poisseuse qui constitue le fond de cuve de leur idéologie mortifère.

    Le combat est inégal, certes. Mais on ne va tout de même pas se rallier à leurs idéaux déglingués sous prétexte qu’ils sont plus nombreux, non ? Surtout quand ils se battent contre nous avec notre propre argent (vous seriez surpris de l’étendue des dégâts). Alors oui, il faut dire les faits, les redire, les marteler. C’est essentiel. Merci à Nathalie et à tous ceux qui s’obstinent à le faire.

    Quant au problème budgétaire, la solution, on la connaît : fermer les vannes qui alimentent le clientélisme et la corruption. Non pas réformer, mais couper. Les lignes budgétaires. Net. Sec. Afuera

  10. En tout cas ce n’est pas avec les politiques qui nous ont mis dans la situation qu’il faut espérer s’en sortir avec ou sans le FMI d’ailleurs.
    « Modèle social qui, dans son idée, reste intouchable car faisant partie intégrante de ce qui définit la France en tant que nation. » selon Mr Bayrou est bien la preuve que ces gens sont en aucune façon ceux qui pourraient mettre en œuvre les solutions qu’ils sont même incapables de concevoir.
    Des plans et des expériences, il y en a une myriade réussis de façon souvent spectaculaires chez nos voisins, il suffit d’avoir courage et volonté.

    Souhaitons seulement que les évènements se précipitent grâce à leur incompétence.

    Un article de Lydia Pouga (que je lis pour la première fois) et qui nous dit exactement tout sur les malheurs de la France :
    https://www.causeur.fr/atlas-baisse-les-bras-et-la-france-aussi-312097

  11. Puisque c’est vous, chère Nathalie qui, d’une part, nous avez appris que EFFORT est le mot magique » de Bayrou, et d’autre part, déploriez – « Pauvre de moi ! » écrivez-vous – d’être incomprise dans votre communication, à toutes fins utiles, permettez-moi de vous signaler que ce matin-même, j’ai entendu dire à la radio, que Bayrou, conscient que ses efforts n’ayant pas été appréciés à leur juste valeur, il s’apprêtait à quitter le gouvernement pour se consacrer entièrement à sa candidature à l’élection présidentielle de 2027 !
    Alors, comme on dit par chez nous : elle est pas belle la vie ?

    • @Mildred: Mais non, il s’en sort très bien Bayrou. Avec Macron, ils forment un duo à la Tanguy et Laverdure, à ceci près que chacun des deux est le faire-valoir comique de l’autre. Et inversement.

  12. @Mildred : bon j’ai amélioré la blagounette, je vous envoie la dernière version (après j’arrête c’est promis, demain je bosse) :
    Vous avez vu Papy Boyington-Bayrou sanglé dans son avion de chasse ? Avec Macron, ils forment un duo à la Tanguy et Laverdure. Enfin, plutôt Laverdure et Laverdure, tant chacun des deux joue le faire-valoir comique de l’autre. Tanguy, lui, s’est barré au RN, séduit par les sirènes martiales de la Marine (Est-ce pour ça qu’il tient tant aux mâts ?). Ne reste que les deux amateurs, en tandem sur un Mirage sans moteur planant comme des junkies socialistes shootés aux 35 heures. D’après les sondages, ils frôlent la vitesse de décrochage. Fort heureusement, ils ne sont plus qu’à quelques centimètres du sol. Le crash déclenchera la dissolution.

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