Thermostats : c’est pas cher, c’est l’État qui paie ! #PlanSobriété

Élisabeth Borne, égale à elle-même. Il y a deux ans, celle qui était à l’époque ministre de la Transition écologique et solidaire confiait à Paris Match combien elle se réjouissait de voir qu’en quelques semaines, la crise du Covid avait « fait gagner des années de politique vélo ! » Aujourd’hui, même scénario. Le plan de sobriété énergétique qu’elle présentait avant-hier (6 octobre 2022) ne vise pas uniquement à « passer l’hiver » dans le contexte des pénuries d’énergie liées à la reprise post-Covid et à la guerre russe en Ukraine ; il se nourrit aussi très opportunément, presque cyniquement, de ces nouvelles crises.

Comme le répètent sans relâche Mme Borne (devenue entre-temps Premier ministre) et sa ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, il n’est que la « première marche » d’un plan beaucoup plus vaste consistant à réduire notre consommation d’énergie de 40 % d’ici 2050 dans le contexte de la lutte contre le réchauffement climatique. La pandémie et la guerre sont d’horribles maux qu’on souhaite évidemment voir disparaitre au plus vite, mais ils ont quand même l’incomparable avantage de nous pousser plus vite plus fort vers l’objectif ultime de la neutralité carbone.

Ainsi que je l’écrivais déjà à l’époque des ravissements extatiques d’Élisabeth Borne pour le vélo, il se confirme qu’un politicien avisé prendra soin de ne « jamais gaspiller une bonne crise ». Pour les esprits férus d’étatisme, rien ne vaut ces moments de choc et d’angoisse où les repères habituels des citoyens sont chamboulés pour légitimer l’urgence absolue de mettre en place telle ou telle politique publique et renforcer l’idée qu’il est naturel voire essentiel que l’État s’occupe de tout et étende son domaine à des secteurs, petits ou grands, qui échappaient encore à son emprise.

Dans le cas qui nous occupe, l’effet est triple. D’abord, accélérer le rythme de la transition énergétique comme mentionné ci-dessus. Masquer, ensuite, que « la fin de l’abondance » dramatiquement et hypocritement déplorée par Emmanuel Macron résulte largement d’une succession de décisions aussi petitement politiciennes que grandement désastreuses aboutissant à réduire la part du nucléaire (pourtant décarboné) dans le mix électrique français dans le seul but de s’assurer l’appui électoral des écologistes.

Et, last but not least, en profiter pour accroître le périmètre des interventions de l’État sur des citoyens en instance d’infantilisation accélérée par l’appropriation d’une activité humaine de plus, avec tout ce que cela entraîne d’effets pervers en matière de comptes publics, de bureaucratie, de clientélisme et de perturbation d’un marché qui fonctionnait très bien tout seul.

C’est ainsi que s’agissant de son plan vélo, Élisabeth Borne n’avait pas négligé d’inclure dans le package un stage de « remise en selle » dispensé par des moniteurs agréés et financé par nos impôts ainsi qu’une aide de 50 € pour faire réparer son vélo. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, au milieu d’une liste à la Prévert de bons comportements à adopter, le Plan Sobriété comprend, ô surprise, une subvention destinée aux particuliers pouvant aller jusqu’à 65 € pour l’achat… d’un thermostat programmable. Oui, oui.

Il fallait y penser. Encore un de ces exemples caractéristiques et affligeants de cette société du « care » qui se développe de plus en plus sur le terreau de notre État-providence jusqu’à le transformer en un État-nounou qui prend soin de nous comme d’un bébé de la naissance à la mort. Les adeptes de l’interventionnisme étatique vous diront que cela n’a rien de scandaleux ni d’extraordinaire. Politique archi-classique d’incitation, Madame MP, rien de plus. Il est parfaitement normal que l’État réponde présent dans les grands moments de transition, autant sur le plan de la solidarité économique que sur celui de l’évolution des modes de vie.

Cet aimable point de vue, largement partagé par nos élites politiques et tout autant admis comme une évidence nationale par une très vaste majorité de Français – la meilleure preuve de cela étant que les uns et les autres s’entendent à merveille dès lors qu’il s’agit d’assurer la pérennité de notre sublime modèle social – appelle cependant plusieurs remarques.

Pour commencer, l’État n’ayant aucunes ressources propres (hormis les dividendes qu’il reçoit au titre de ses participations dans des entreprises par ailleurs privées) et l’argent ne poussant pas encore spontanément dans les arbres, l’aide qu’il se flatte d’apporter aux citoyens pour se doter d’un thermostat programmable (ou pour suivre un stage vélo) sera forcément payée un jour par ces mêmes citoyens (via l’impôt ou l’accumulation de la dette qui n’est qu’un impôt différé). Ne nous illusionnons pas, l’État ne paie rien. Il prend, de façon obligatoire, et il redistribue aux uns et aux autres selon son bon vouloir, selon son idéologie du moment, selon sa clientèle, selon les élections à venir, etc.

Ensuite, que dire de la tenue des comptes publics quand un gouvernement qui parvient déjà à dépenser 59 % du PIB en une année (2021) et va de déficit en déficit depuis presque cinquante ans se croit autorisé à faire le généreux pour une simple affaire de thermostat ? Dans le commerce, il est aisé de trouver de tels équipements pour moins de 65 € (en filaire). Résultat, l’annonce de l’aide aura à coup sûr un effet inflationniste sur ces produits comme c’est le cas de toutes les aides sans exception (exemple type, l’aide au logement), et les comptes publics en seront encore un peu plus dégradés – ce qui n’est pas sans conséquences dommageables sur la croissance, le pouvoir d’achat et l’emploi.

Que dire également d’un modèle social qui, tout en se parant de l’immense vertu d’une solidarité unique au monde depuis 1945, ne parvient pas à assurer emploi et prospérité à ses citoyens ? Ou du moins n’y parvient qu’à un niveau très en deçà des performances d’autres pays nettement moins redistributeurs et doit y ajouter en permanence une politique de « chèques pouvoir d’achat » tous azimuts ?

Ensuite, lorsqu’on parle d’incitations, et que pour cela, on est prêt à mettre en jeu des millions ou des milliards d’euros prélevés aux contribuables, encore faut-il être très sûr de la direction dans laquelle on souhaite orienter les citoyens. Dans ma petite vie de soixante ans, j’ai assisté à suffisamment de revirements dans les préconisations plus ou moins obligatoires de l’État (dans le domaine de la santé, sur le diesel, etc.) pour penser qu’un peu plus de modestie et un peu moins de dirigisme seraient du meilleur effet.

Et puis, dernier point, mettez bout à bout toutes les aides, redistributions, recommandations, interdictions et obligations en vigueur en France. Ce n’est plus de l’incitation, ce n’est plus de la solidarité. Ce n’est plus un modèle social déployé en vue de favoriser épanouissement personnel et autonomie des citoyens, mais un corset social tout exprès organisé pour façonner les « bons citoyens ». Tout un programme dont les couches perpétuellement surajoutées nous rapprochent dangereusement d’un système de contrôle social qui ne dit pas son nom. Stop.


Illustration de couverture : la Première ministre Élisabeth Borne présente son Plan Sobriété le 6 octobre 2022. Photo AFP.

13 réflexions sur “Thermostats : c’est pas cher, c’est l’État qui paie ! #PlanSobriété

  1. Vous avez raison: infantilisation et controle social sont les deux moyens qu’utilisent depuis une quarantaine d’annees de nombreux hommes politiques avec l’appui de nombreux hauts-fonctionnaires (On n’entend jamais parler des « bas-fonctionnaires) qui au pretexte de vouloir notre bien nous deresponsabilisent et montrent par la le mepris dans lequel ils tiennent la population. Le « care » que Madame Aubry est alle chercher pour l’adapter en France est un des masques de ce mepris.

  2. Bonjour dans les années 70, suite aux chocs pétroliers, le gouvernement et EDF planifiait et vantait un projet d’augmentation de la consommation d’energie, et d’abondance, et d’indépendance.
    Cela se fit en favorisant l’invention et l’utilisation de machines peu consommatrices, voitures, chaudières, machines-outils, avions, etc…
    Et par la construction du parc de centrales nucléaires, et la recherche sur d’autres sources d’energie, marémotrice, solaire, etc… qui ont rapidement été mises en sommeil, vu leur inefficacité constatée.
    Le gouvernement subventionnait la recherche et les entreprises, et non les particuliers, car c’etait favoriser le futur par l’emploi et l’industrie.
    Aujourd’hui le gouvernement fait tout le contraire, et ne propose que d’accepter la misère, le chomage et la dependance.

  3. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi nos politiques se sentent-ils obligés de draguer la frange écolo de la gauche. On nous répète pourtant sans cesse, stats & sondages divers à l’appui, qu’ils ne pèsent rien dans le paysage politique. Nos bureaucrates auraient-ils mystérieusement perdu l’once de courage et de dignité qu’ils leur restaient en sortant de l’ENA et d’X ?

    • Bonjour ce n’est pas la frange écolo, ce sont tous ces gens qui sont intoxiqués par la propagande et croient dur comme fer au changement climatique qui va conduire à la fin du monde.
      Et puis les énergies dites renouvelables c’est un très gros business.

      • Bonjour, c’est bien ce que je me dis, mais, étant encore « jeune » (25-35) ça me paraît dingue que tous ces gens soient aussi facilement manipu-lables/lés.

    • Bonjour j’ai reçu de nombreux jeunes cyclistes ces dernieres annees. L’ideal de beaucoup de jeunes est seulement fondé sur la peur, changement climatique, surpopulation, et la recherche de la transe, drogues alcool discothèques techno. Ce sont des millénaristes.
      Ils n’ont pas un idéal d’amélioration, vie quotidienne techniques ou quete spirituelle, mais de sauvons les meubles.
      En plus ils sont ignorants, sur l’agriculture, les techniques, la philosophie et les religions, l’antiquité. Il ne font guère de recherche personelle via la lecture. Regarder une vidéo est superficiel et très dévoreur de temps. À chaque fois j’avais l’impression de devenir prof, d’expliquer les bases.
      Dans ces conditions, les jeunes, qui par nature sont manipulables parce qu il leur manque l’expérience de la vie, – tous nous avons suivi des chimères – n’ont guère les outils pour résister au vents dominants.

      • Bonne remarque sur les vidéos. Prendre connaissance d’une déclaration filmée requiert beaucoup plus de temps que de la lire. Se fier aux vidéos génère automatiquement l’ignorance.

        A cet égard, on peut relever ce qui est probablement l’unique supériorité du régime russe sur le régime français : les discours de Vladimir Poutine sont scrupuleusement retranscrits sur le site du Kremlin, peu de temps après avoir eu lieu. Y compris dans une traduction anglaise officielle, de très bonne qualité.

        Tout y est retranscrit, y compris les formules de politesse, les interruptions, les applaudissements, etc.

        En comparaison, lorsqu’on cherche la version originale d’un discours d’Emmanuel Macron sur le site de l’Elysée, on trouve, la plupart du temps… une vidéo. Le pays champion du monde de la dépense publique est trop fatigué pour retranscrire les propos de son président. Tout le monde est fonctionnaire, tout le monde a une heure à perdre pour prendre connaissance d’un discours d’une heure.

        J’ajoute à cela cette détestable habitude de l’administration française : lorsqu’une version écrite du discours de tel ou tel est disponible, c’est toujours avec cette mention imbécile : « seul le prononcé fait foi ». Autrement dit, là aussi c’est le règne de la paresse généralisée : ils vous refilent le papelard que le type avait sous les yeux avant de commencer. S’il s’est écarté du texte préparé au cours de son intervention, vous n’en saurez rien.

        Mais « seul le prononcé fait foi », hein. Vous n’aviez qu’à être là. Les comptes-rendus de l’administration ne sont pas opposables à l’administration.

  4. Sur cet opportunisme des crises, ça me rappelle une discussion il y a quelques jours avec ma voisine enceinte (pas de moi, je précise) qui a perdu son plus grand fils.
    Comme je lui disais, c’est un mal pour un bien, vous n’aurez pas besoin de déménager pour un logement avec une chambre de plus, soyons optimiste !

  5. Ce genre de commentaire (que votre histoire soit vraie ou non) montre que vous êtes prêt à toutes les bassesses pour faire le malin. Mais il présage que vos idées n’arriveront jamais jusqu’au pouvoir et qu’elles resteront stériles. Un mal pour un bien.

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