Il y a 40 ans, François Mitterrand devenait Président…

PRÉAMBULE   La presse nous rapportait récemment que les socialistes n’étaient pas parvenus à s’entendre sur la façon de célébrer le 40ème anniversaire du 10 mai 1981, date théoriquement chérie entre toutes puisqu’elle symbolise l’arrivée (triomphale, bien sûr) d’un Président socialiste dans la France de la Vème République. Entre Rwanda, bisbilles personnelles et course obsessionnelle après les écologistes, ils ont beau être de moins en moins nombreux, les occasions de discorde s’amoncellent. Mais comment font-ils ?

De presque 26 % pour François Mitterrand au premier tour de 1981, le Parti socialiste (PS) est tombé à 6,36 % des voix, écologistes compris, en 2017 et leur candidate la mieux placée pour 2022, la maire de Paris Anne Hidalgo a du mal à se hisser au-delà de 6 % dans les sondages. On se demande comment ils trouvent encore matière à accélérer la division cellulaire qui, de démissions en refondations, les entraîne vers le néant.

Quelques rappels préhistoriques s’imposent, surtout à l’intention de mes plus jeunes lecteurs qui n’ont jamais entendu parler de ce parti depuis qu’ils sont en âge de voter. Je ne les blâme pas, comment pourraient-ils savoir qu’à une époque, il y a très longtemps, le PS scandait le tempo politique de la France ?

Sachez donc que nous parlons du grand parti de Jaurès, Blum et Mitterrand (et Martine Aubry), du grand parti qui recueillait facilement 37 % des voix aux élections législatives dans les années 1980, du grand parti qui a fait « passer la France de l’ombre à la lumière » le 10 mai 1981, du grand parti qui, probablement un peu aveuglé par tant d’éclat auto-proclamé, a soutenu Ségolène Royal en 2007 et porté François Hollande et son scooter magnifique au pouvoir en 2012. Un François Hollande qui s’est montré si fier et si convaincu de son bon bilan qu’il a préféré ne pas se représenter en 2017 pour mieux le protéger !

Malgré quelques expériences « plurielles » branlantes tentées par le passé, c’est à ce moment-là que le travail de sape de la division cellulaire a véritablement commencé. Emmanuel Macron n’était pas encarté au PS, mais il avait participé de si près à la campagne présidentielle de François Hollande qui avait fait de lui son conseiller, puis son ministre de l’économie, qu’on pouvait sans peine le croire idéologiquement affilié à jamais en dépit de quelques blagues de fort mauvais goût à propos des 35 heures.

Pas de bol, il décèle des « immobilismes » chez Hollande, il se prétend « empêché » d’agir pour le bien de la France, il veut faire de la politique « autrement », bref, il démissionne, se déclare candidat et entraîne moult socialistes dans son sillage juvénile et printanier.

Suite à quoi la primaire de gauche qui devait symboliser l’unité des socialistes réussit surtout à mettre en scène deux gauches « irréconciliables » : ceux qui en sont restés au marxisme de base avec Benoît Hamon et ceux qui penchent du côté de la social-démocratie façon Rocard avec Manuel Valls. Sachant que ces deux tendances sont dorénavant déjà représentées à peu de choses près à l’extérieur du PS par Mélenchon et Macron respectivement. Hamon l’emporte sur Valls, provoquant immédiatement une seconde division cellulaire et son ample fuite de socio-démocrates vers Macron. On connaît la suite.

À y regarder de plus près cependant, on constate que dès la présidence Mitterrand, et malgré l’unification politique apparente réalisée à la hussarde par ce dernier lors du congrès d’Épinay de 1971, la cohérence et l’unité idéologiques faisait défaut aux socialistes. L’alliance avec les communistes dans le programme commun de la gauche conformément au principe de la « rupture avec le capitalisme » adopté lors du congrès donne d’abord la part belle à la version marxiste du socialisme, mais dès son échec prévisible, les socio-démocrates montent au créneau.

Même topo avec Hollande, second président socialiste de la Vème. Après Chirac et Sarkozy, et après la crise financière de 2008, il était assez facile de se faire élire en ciblant le monde de la finance et en promettant une tranche marginale d’imposition à 75 %. Mais la réalité s’impose à nouveau, scindant la majorité Hollandaise en frondeurs qui tirent plus à gauche et en pragmatiques dont beaucoup rejoindront Emmanuel Macron.

contrepoints-2Mais reprenons depuis le début (texte écrit initialement en 2016 pour le 35ème anniversaire de l’accession des socialistes au pouvoir) :

Il y a 40 ans, le 10 mai 1981, François Mitterrand devenait Président et la France passait « de l’ombre à la lumière », selon la célèbre formule quasi mystique de Jack Lang. C’est en effet ce jour-là que François Mitterrand, après deux tentatives ratées, accédait à la présidence de la République française en battant son prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing avec 51,76 % des suffrages exprimés, devenant le premier chef d’État de gauche de la Vème République.

C’est ainsi que la France s’est offert une sorte de produit « trois en un » :

♣ un changement politique qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre,
♦ la personne non sans ambiguïté de François Mitterrand
♠ et la mise en application vraie de vraie du Programme commun de la gauche.

Si Jack Lang, idolâtre des débuts, en est resté à sa première impression sur la bienheureuse lumière répandue par la Mitterrandie, au point de publier en décembre 2015 un Dictionnaire amoureux de François Mitterrand, je vois pour ma part beaucoup d’ombres au tableau, dont certaines se projettent jusqu’à nous et façonnent encore profondément les termes du débat politique français.

Mais il serait injuste de ne pas signaler d’entrée de jeu que je crédite François Mitterrand de trois attitudes remarquables dont la France peut être fière :

1. Étant farouchement opposée à l’exécution capitale dans tous les cas de figure, quelles que soient les caractéristiques de l’assassin et quelles que soient les caractéristiques de l’assassiné, je lui rends grâce d’avoir mené à bien avec Robert Badinter l’abolition de la peine de mort dont la loi fut promulguée en octobre 1981.

2. Étant également convaincue de la nécessité de faire vivre le projet européen au sein des grands ensembles qui composent un monde aujourd’hui confronté aux nombreux défis du terrorisme islamiste, de l’évolution démographique, du progrès technologique, je le remercie d’avoir placé la fidélité à l’Europe dans ses priorités.

3. Enfin, bien qu’ayant fait entrer quatre ministres communistes dès 1981 dans les gouvernements Mauroy successifs (pour mieux les impliquer dans le naufrage final ?), François Mitterrand, habile à ménager la chèvre et le chou par ambition personnelle, n’avait aucune sympathie profonde pour le communisme ou l’URSS.

En 1983, suite aux révélations d’un agent soviétique connu sous le nom de code « Farewell », il expulse 47 diplomates soviétiques accusés de se livrer à de l’espionnage sur le sol français et remet lui-même à Ronald Reagan lors d’un G7 la liste de tout ce que Farewell a révélé aux autorités françaises, ce dernier geste contribuant à rassurer les Américains sur le gouvernement français.

♣Le changement politique amené par l’élection de François Mitterrand n’est pas seulement une victoire de la gauche sur la droite, c’est peut-être aussi surtout une victoire du Parti socialiste dans sa forme rassemblée du Congrès d’Épinay (1971) sur le Parti communiste (PCF).

Dans les années 1970, ce dernier avait l’habitude de réunir environ 20 % des suffrages à chaque élection nationale ou locale. Il n’y avait pas de raison que ça s’arrête et la négociation du Programme commun entamée en 1972 avec le Parti socialiste et le Mouvement des Radicaux de gauche devait conforter cette position.

Les trois partis présentent un candidat unique lors de l’élection présidentielle de 1974 sans obtenir le pouvoir, mais à partir de cette date, le Parti socialiste domine systématiquement le Parti communiste aux élections car l’évolution économique de la France s’accompagne d’une baisse des effectifs ouvriers au profit des salariés des entreprises de service.

Afin de retrouver son attractivité, le Parti communiste souhaite durcir le Programme commun en augmentant les nationalisations prévues et les pouvoirs syndicaux dans les entreprises nationalisées, mais ses deux partenaires refusent net, précipitant la rupture en 1977 et la constitution de listes séparées pour les élections législatives de mars 1978.

                     

Un rabibochage de dernière minute intervient entre les deux tours (dessin de gauche) mais ne permet pas d’obtenir une majorité de gauche à l’Assemblée nationale. Les Français ont fait le « bon choix » demandé par Giscard dans son discours resté fameux de Verdun-sur-le-Doubs (dessin de droite).

En vue de l’élection présidentielle de 1981, le Programme commun est adapté par le Parti socialiste sous la forme des 110 propositions pour la France du candidat Mitterrand. Au premier tour, Georges Marchais se présente en propre pour le Parti communiste. Il ne recueille que 15 % des voix (contre encore 20 % aux législatives de 1978). Il appelle à voter pour Mitterrand au second tour, mais il semblerait qu’en sous-main le PC se soit activé à faire élire Giscard. À titre personnel, je me souviens fort bien que Brejnev avait fait savoir tout le bien qu’il pensait du Président sortant.

Finalement, François Mitterrand est élu avec 51,76 % des suffrages exprimés et une participation de 86 %, soit une avance de plus de 1 million de voix. Il a réussi à rassembler la gauche tout en avalant le PC qui ne regagnera jamais son influence électorale antérieure. C’est un coup de tonnerre dans la France de droite qui avait encore gardé une large majorité à l’Assemblée nationale en 1978 (notamment grâce à des manoeuvres en ce sens du Parti communiste, d’après Jean Lacouture dans sa biographie de Mitterrand).

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Une sorte de panique saisit certains milieux français qui envisagent de quitter la France devant la perspective de la politique socialo-communiste annoncée par le Programme commun. Pour s’en moquer, Plantu publie le dessin ci-contre. Eh oui, la Tour Eiffel n’a pas bronché ! Voici la vidéo INA de l’annonce officielle des résultats au 20 heures d’Antenne 2 (01′ 15″).

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♦ Il n’en reste pas moins que François Mitterrand est arrivé sur la scène de l’Histoire de France dans un halo permanent de contradictions et de duplicité. « Multiplicité », dit Jean Lacouture, mi-indulgent, mi-lucide :

« De Vichy à la Résistance, de la droite à la gauche, des Croix-de-Feu au socialisme : toujours multiple et dissonant, François Mitterrand a été en guerre avec lui-même. »

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Je suis plus sévère. Plus qu’en guerre avec lui-même, je vois surtout un François Mitterrand à l’aise dans toutes les tactiques favorables à ses ambitions. Jean Lacouture admet d’ailleurs que son portrait manque sans doute de quelques « coups de canif. » Pour ma part, j’aimerais rappeler trois événements marquants (il y en a beaucoup d’autres) qui selon moi éclairent sa personnalité perpétuellement opportuniste.

· Sous son ministère de Garde des Sceaux dans le gouvernement présidé par Guy Mollet à partir de février 1956, au plus fort de la guerre d’Algérie, 45 condamnations à mort sont prononcées. En complet désaccord avec cette politique coloniale, ses collègues Mendès-France, Defferre et Savary démissionnent, mais pas lui. Au contraire, il fait adopter une loi qui donne tous pouvoirs aux militaires en matière de justice sur le sol algérien, ce qui revient à autoriser la torture. Selon ses biographes, l’explication tient au fait qu’il souhaite absolument rester au gouvernement pour accéder à la Présidence du Conseil auquel sa prochaine nomination lui semble imminente.

· En 1959, dans le contexte d’autodétermination de l’Algérie que le général de Gaulle vient d’annoncer contre les tenants de l’Algérie française, François Mitterrand est simple sénateur de la Nièvre et sa cote de popularité a besoin d’un petit coup de main. Dans la nuit du 15 au 16 octobre à Paris, rentrant chez lui en voiture, il se sent suivi, abandonne sa voiture avenue de l’Observatoire (près des jardins du même nom) escalade une haie et se cache derrière. Sa voiture est criblée de sept balles.

Le lendemain, il incrimine l’extrême-droite Algérie française et prétend qu’il ne doit son salut qu’à sa rapidité de réaction (voir un joli moment d’hypocrisie dans la vidéo INA en lien ici). Le voilà redevenu le héraut de la lutte contre l’extrême-droite et pour l’Algérie indépendante. C’est risible vu ce que j’ai relaté au paragraphe précédent, et vu ce que je vais dire dans le point suivant.

Toujours est-il que quelques jours plus tard, un certain Pesquet, ancien gaulliste qui a rejoint l’extrême-droite, explique que lui et le sénateur se sont rencontrés pour mettre cette petite affaire au point. Par la suite, il explique aussi avoir participé à la machination pour discréditer Mitterrand alors que ce dernier n’avait pas d’autre objectif que de requinquer sa popularité.

· En 1965, François Mitterrand se présente une première fois à l’élection présidentielle comme candidat unique de la gauche. Il arrive en seconde position avec presque 32 % des voix, mettant le général de Gaulle en ballotage. Pour le second tour, il reçoit sans surprise l’appui de toute la gauche et, avec un peu plus de surprise, celui du candidat centriste malheureux Jean Lecanuet (un Bayrou avant l’heure ?).

Mais le pompon revient incontestablement à l’extrême-droite de Tixier-Vignancourt et à l’OAS qui appellent aussi à voter pour lui. Ça ne suffira pas loin s’en faut, mais c’est un exemple de plus des qualités morales à géométrie ultra-variable de l’homme qui devint Président le 10 mai 1981.

♠ Il y a des traditions qu’il faut respecter. Lorsque la gauche arrive au pouvoir, elle se doit d’inaugurer son mandat par des mesures symboliques. Se rêvant en successeur de Léon Blum, François Mitterrand ne pouvait faire moins que le Front Populaire. Il est donc prévu que les mesures emblématiques votées en 1936, la semaine de 40 heures et les deux semaines de congés payés, seront prolongées par la semaine de 35 heures et la cinquième semaine de congés payés.

Si cette dernière est votée facilement, les 35 heures reçoivent une forte résistance et seront pour l’instant limitées à 39. Martine Aubry se chargera de finaliser l’esprit du Programme commun lors de son passage au ministère du travail en 1998 et 2000 sous l’ère Jospin.

Pierre Mauroy, nommé premier Ministre dès le passage à la lumière jusqu’à la catastrophe économique qui arrive assez vite derrière, est chargé de mettre en oeuvre les 110 propositions pour la France. Elles valent le coup d’être relues aujourd’hui car on s’aperçoit que les revendications des syndicats et des partis de notre gauche frondeuse et extrême en sont largement inspirées :

Salaire minimum revalorisé de 10 %, impôt sur les grandes fortunes, grands travaux, embauches de 150 000 personnes dans des emplois publics, retraite à 60 ans, régularisation des étrangers en situation irrégulière s’ils peuvent justifier d’un emploi, blocage des prix et des loyers, programme de nationalisations, lois Auroux sur le droit du travail avec instauration du comité d’hygiène et sécurité dans les entreprises, relance de la politique agricole commune (PAC) avec prix garantis et marchés organisés, recul de la part du nucléaire, doublement du budget de la Culture et Fête de la Musique, Opéra Bastille, Grande Bibliothèque etc… etc…

Bien évidemment, tout cela coûte de l’argent. Bien évidemment, la confiance des investisseurs est au plus bas et de nombreux capitaux partent à l’étranger. Bien évidemment, tout cela n’a aucun effet sur le chômage et n’apporte aucune amélioration sociale. C’est même tout le contraire.

Mitterrand a été notamment élu sur sa capacité supposée à juguler le chômage. Peu important en 1974 (environ 600 000 personnes), il augmente beaucoup pendant le septennat de Giscard qui subit directement les effets du choc pétrolier de 1973, ce qui lui coûte en partie sa réélection. En 1981, le chômage atteint 1,5 million de personnes. Mais en 1995 il est à 2,5 millions. Le RMI, ancêtre du RSA, est créé en 1988 pour fournir un revenu aux personnes qui sortent des catégories du chômage, dans le contexte d’une situation sociale française très dégradée par les bons soins des politiques socialistes menées jusque là.

Et bien évidemment, tout cela ne fait aucun bien aux comptes publics. En 1981, la dette publique était de 110 milliards d’euros. Fin 1983, elle passe à 170 milliards et en 1995, date de fin des deux mandats mitterrandiens, elle est de 663 milliards, soit une multiplication par six. Le Franc sera dévalué trois fois (1981,1982,1983) et il faudra abandonner d’urgence la mise en application du Programme commun pour adopter en mars 1983 le « tournant de la rigueur » avec Laurent Fabius comme nouveau Premier ministre, seule alternative à une sortie du Système monétaire européen (SME) et une possible mise sous tutelle du FMI.

S’enclenche alors une période faussement réaliste qui voit la gauche au pouvoir s’enivrer de ses nouvelles possibilités économiques. C’est le triomphe de l’argent-roi, surtout pour la caste au pouvoir, non pas dans une acception libérale comme on l’entend ou le lit souvent, mais dans un dévoiement caractéristique du capitalisme de connivence.

Les « affaires » succèdent aux « affaires », du scandale financier du Crédit lyonnais au scandale moral du sang contaminé, pour lequel aucun ministre « responsable mais pas coupable » ne sera incriminé, en passant par la république des copains et des coquins, les écoutes de l’Elysée, pour lesquelles François Mitterrand a bien été reconnu comme en étant l’instigateur, etc. etc.

C’est le triomphe de la déchéance du socialisme.

Encore combien de temps faudra-t-il refaire les mêmes erreurs, largement documentées, pour enfin comprendre que la voie de la prospérité et de la progression sociale n’est pas sur le chemin de l’État-providence qui n’aime ni le travail ni l’entreprise, mais sur celui d’un recul de l’État dans les affaires des citoyens et d’une gestion rigoureuse de ses propres affaires limitées à ses fonctions essentielles de garant des libertés ?


Illustration de couverture : Écran d’annonce de la victoire de François Mitterrand (PS) à l’issue du second tour de l’élection présidentielle du 10 mai 1981.

31 réflexions sur “Il y a 40 ans, François Mitterrand devenait Président…

  1. fidèle lecteur, et admirateur de votre blog, je ne peux que désapprouver votre argumentaire sur la peine de mort.
    Comment oser comparer un procès dans une démocratie avec Kim et Daesch ?
    Je peux adhérer à la doxa chrétienne (« tu ne tueras point ») qui s’applique à l’individu. Mais je n’oublie pas l’Ancien Testament pour autant (« œil pour œil, dent pour dent »).
    Père de 8 enfants et 17 petits-enfants, j’attends de la société qu’elle punisse à hauteur du forfait qui s’en prendrait à eux ou mon épouse, de manière létale.
    A défaut, je le ferai moi-même.

    • « je n’oublie pas l’Ancien Testament »
      J’avais vaguement l’impression que le Christ avait aboli la loi du Talion.

      « A défaut, je le ferai moi-même »
      Ce n’est pas faire justice, c’est de la vengeance. Et l’enquête ? Et le procès à charge et à décharge ? Et les droits de la défense ? Ce que vous pouvez faire vous-même, c’est d’attraper l’accusé par la peau du cou et le remettre à la justice.

    • Me revient en tête l’affaire du petit Grégory.
      Pensez-vous que son père ait obtenu la moindre satisfaction, la moindre consolation, après avoir tué Bernard Laroche dont on ne sait même pas s’il était coupable ?

      Ceci dit, sur la peine de mort, il serait préférable de commenter directement au pied de l’article concerné, article écrit sur la base de l’actualité de l’époque.

  2. Merci Nathalie pour ce rappel très complet et détaillé.

    J’étais devant mon poste de TV ce jour du 10 mai 1981.

    J’avais brièvement cru à la réélection de VGE lorsque l’écran d’annonce débutait son remplissage vers le bas, la calvitie frontale à peu près identique sur une image de synthèse recomposée et sommaire à l’époque. Courte satisfaction.

    Du haut de mon statut de jeune primo électeur, je me convainquais alors que nous allions vers des lendemains qui déchanteraient.

    Les premières années du mitterrandisme me confortaient dans cette position. Les premières années d’austérité eurent raison du mirage socialiste en 1986 pour les législatives. Je garde un souvenir ému du carnet de change.

    40 ans plus tard, après avoir éprouvé plusieurs fois ce système délétère, nous parvenons encore à placer la gauche ou assimilée aux manettes. La montée du FN dès 1984-86, la proportionnelle (souhaitée sans doute pour réduire les possibilités RPR-UDF), placèrent 35 députés FN à l’AN en 1986.

    Les campagnes successives et répétées de diabolisation et dénigrement ont permis depuis 35 ans stigmatiser le RN au sein même de la droite qui, par jeu électoral, manœuvres clientélistes et partisanes s’est retrouvée à 8% aux européennes de 2019 après moult grands-écarts.

    Comme aucun(e) candidat(e) ne se profile pour redonner espoir et proposer un programme fédérateur, les sensibilités politiques n’étant plus, depuis longtemps, représentatives, je gage que 2022 verra une élection « animée », avec son lot de coups bas et tordus et un contexte social éruptif.

  3. François Mitterand, l’opportuniste, le Sphynx : « Couvrez ce portrait, que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées. »

    Le sang contaminé, une bagatelle à côté du génocide Rwandais (près d’un million de morts) dans lequel la France (sous Mitterand) a joué un très méchant rôle.

  4. S’agissant de votre préambule, rappelons que le PS n’en est pas à sa première crise. Il a connu un choc semblable à celui qu’il traverse aujourd’hui lors des législatives de 93. Le RPR et ses alliés avaient alors raflé 80% des sièges. A l’époque le ministre du budget s’appelait Michel Sapin, on ne change pas une équipe qui gagne. Je ne suis pas inquiet pour ce parti, bien que je ne le soutienne pas. Le PS bénéficie encore d’un fort ancrage local avec de nombreux cadres et élus, contrairement à LREM et au RN. A mon avis on n’a pas fini d’en entendre parler.

    Comme vous, je suis sensible à l’attachement européen de Mitterrand ainsi qu’à son rapprochement avec l’Allemagne, qui n’est pas sa spécificité, il était dans la continuation de ses prédécesseurs. Je me souviens d’un beau discours qu’il avait prononcé en pleine guerre d’ex Yougoslavie devant le parlement européen dans lequel il avait notamment dit : « le nationalisme c’est la guerre ». C’est exagéré bien sur, mais n’oublions pas que Mitterrand et sa génération avaient connu la 2nde guerre mondiale, même si son rôle alors était trouble. Deux bémols toutefois dans sa politique européenne : la création de l’Euro, un choix politique aux conséquences économiques incertaines, voire désastreuses, et la nomination de Delors à la commission.

    Parmi les qualités que j’ajouterais à celles que vous avez mentionnées, il y a tout d’abord le fait que Mitterrand a eu le courage de tourner le dos en 83 à la folle politique économique lancée en 81. Certes, la réalité l’y a un peu poussé, mais j’en connais d’autres, comme Mélenchon, qui auraient persisté dans l’erreur en invoquant les « complots » de la CIA.

    Par ailleurs, je trouve qu’il a bien compris les défauts de la 5ème république dans « le coup d’état permanent » et même s’il s’est par la suite glissé avec délice dans les habits du monarque-président, il a quand même essayé d’introduire la proportionnelle aux législatives. Aucun de ses successeurs n’a esquissé un seul geste en faveur d’une démocratisation de notre constitution, bien au contraire, pensons simplement au quinquennat décidé par Jospin/Chirac ou encore au projet macronien de sabordage du parlement par réduction des effectifs et modification de la mission.

    Côté passif, vous avez raison de rappeler le plan de relance de 81, les nationalisations, le scandale du Crédit Lyonnais, et l’affaire des écoutes de l’Elysée. On aurait pu y ajouter les faux communiqués médicaux lus par Hubert Védrine alors que Mitterrand était déjà malade en 81. Egalement l’instrumentalisation du RN afin d’affaiblir la droite parlementaire, un jeu auquel tous ses successeurs de gauche se sont livrés : Jospin, Hollande et Macron.

  5. En tant que démographe, je me bornerai à la décision peut-être la plus catastrophique : la retraite à 60 ans mise au programme électoral. Il paraît que Pierre Mauroy lui aurait dit : « Mais que va-t-il se passer à partir de 2006 lorsque les classes nombreuses arriveront à la soixantaine ? ». La réponse : « Pierre, de quoi parles-tu ? Nous sommes en 1981 et nous avons une élection à gagner ! »

    Si on chiffre les cinq ans de perdus depuis 1981, et les trois ans depuis que nous sommes remontés à 62 ans (pas pour tout le monde !) ça fait un nombre invraisemblable de milliards ! Mais ça fait surtout une perte gigantesque de production, donc du niveau de vie puisque l’on ne consomme que ce qu’on a produit.

    Je suis également sensible à l’imposture intellectuelle : « On m’a dit que c’était impossible, or je signe la loi aujourd’hui et vous voyez que c’est fait », comme si de l’encre sur du papier changeait la pyramide des âges : https://www.yvesmontenay.fr/2019/02/10/retraites-un-probleme-demographique-avant-detre-financier/

  6. le pire cadeau que nous ait fait Mitterrand ce fut de ressusciter le FN d’en faire le centre de la vie politique, l’épouvantail que tous rejettent, mais par rapport auquel ils définissent les propos et les actes.
    A droite c’est « surtout ne pas faire le jeu du FN/RN » à gauche et ailleurs c’est « tous contre le RN ».
    Cela dure depuis 40 ans, cela interdit tout débat sur des sujets sensibles, sécurité, immigration. Et ça a pour conséquence une situation qui se dégrade depuis 40 ans dans « les quartiers », malgré les tombereaux d’argents qui y ont été régulièrement déversés.

    Qu’il rôtisse en enfer plusieurs éternités, pour expier tout cela ! 🙂

    • Absolument.

      Nous sommes d’ailleurs, tous les évènements actuels le corroborent, au seuil d’un conflit social majeur.

      Pendant ce temps la propagande télévisuelle relayant la doxa « boboïde » se répand, dans un reportage célébrant les 40 ans, en panégyriques sur la simplicité de Mitterrand dans son repaire de Latche. Un homme proche du peuple.

      Pendant ce temps nos onanistes intellectuels appointés se repaissent de chimères et se trompent de priorités.

  7. La peine de mort, j’ ai vécu cette période. Mitterrand a été assez malin pour faire porter cela à son actif, mais franchement, c’était dans l’ère du temps, la population y était favorable, suite d’ailleurs aux retentissantes erreurs judiciaires vraies ou supposées.
    Idem pour la libération des radios et TV,
    Giscard aurait vraisemblablement fait de même. Il était probablement plus à gauche que Mitterrand, je pense.
    Quand à l’Europe, c’était une belle idée. Mais trop de pays participants, trop vite, trop d’administration, trop de dépendance aux USA. Franchement, les Anglais sont, comme d’habitude, plus malins que nous.
    Ce qui est le plus surprenant, c’est la capacité des gens à CROIRE toutes les sottises et promesses des candidats à une élection: j’étais sur les Champs Elysées le 10 mai 81. Il y régnait une incroyable ambiance de fête. Le changement, c’est maintenant, bla, bla, bla. Les gens y croyaient. Moi pas.

  8. Chere Nathalie, je crois qu’il n’y a rien a sauver des 14 annees de Mitterrand au pouvoir. La lecture du livre de Michel Onfray, « Vies paralleles, De Gaulle/Mitterrrand » est eclairante. Le verdict est sans appel : Mitterrand n’a pas servi la France; il s’est servi du pays pour son ambition personnelle. Parmi toutes les affaires qui entachent sa presidence, ne pas oublier la double vie – Anne Pingeot et Mazarine logees par la Republique; la mort de Pierre Beregovay, celle de Grossouvre. Les annees « fric » que vous decrivez n’ont pas aides les Francais a comprendre et accepter les lois de l’economie. L’Europe avec Jacques Delors est partie dans la mauvaise direction : une Europe bureaucratique calquee sur l’exemple de l’administration francaise. On doit a Mitterrand la cohabitation parce qu’il ne voulait pas quitter le pouvoir quand les Francais avaient sanctionne ses politiques par leurs votes.
    La liste pourrait etre longue des erreurs et impostures de ces annees nefastes pour le pays (Pensons aussi a la nomination de sa « plume » Anne Lauvergeon a la tete de Areva – un accident industriel qui a coute cher au pays. La destruction de l’education commencee avec Chevenement (80% de bacheliers et l’arrivee aupres des diiferents ministres des pedagogues – genre Meirieu – qui vont s’employer a changer
    les programmes. Certes le processus avait commence sous Giscard avec Rene Haby (Le college unique, etc.). En 1981, ceux qui ont fait Mai 68 sont dans les coulisses du pouvoir. Nous en voyons encore les resultats. Enfin, comme il a ete remarque, la montee du Front National pour diviser la droite dans un jeu machiavelien dont Mitterrand etait passe maitre depuis la 4eme Republique.Il faut dire que la droite « classique » avait developpe un complexe de culpabilite dans les domaines societaux et culturels.

    • @jacques carbou : oui j’avais oublié « Atomique Anne » et le naufrage d’Areva. C’est pas le meilleur cadeau que Tonton nous ait légué ! Vous aurez noté qu’on attend toujours le procès pour les mines d’Areva et la faillite.

    • Le règne du faux, dans tous les domaines. Le personnage, un mot pour le décrire : fourbe.

      René Haby avait inventé les cycles, quand un élève avait de bons résultats, il pouvait monter dans la classe suivante, à l’inverse redescendre, à l’intérieur d’un « cycle » de 3 classes, en pleine année scolaire. Les instits devenaient fous, car l’intendance ne suivait pas.

      Je me souviens d’un graffiti rue d’Ulm :
      l’Haby cyclette, la réforme des cycles, c’est son rayon.

  9. Ajoutons à ce bilan que Mitterrand porte exactement la même responsabilité que de Gaulle vis-à-vis des communistes : les deux hommes les ont fait entrer au gouvernement, pensant qu’eux-mêmes étaient si malins qu’ils allaient les neutraliser ; en réalité, ce sont bien sûr les communistes qui ont feinté leur maître. En 1945, comme en 1981.

    Le bref deuxième gouvernement du général de Gaulle, avec « seulement » 4 communistes et « pas à des postes régaliens », comme je l’ai entendu dire par des gens cherchant à justifier le gaullisme, a conduit à un coup d’Etat communiste silencieux sous la botte duquel nous vivons encore aujourd’hui : statut de la fonction publique, monopole de la Sécurité sociale, « co-gestion » syndicale de l’économie, mainmise de la gauche sur l’Education nationale…

    En 1981, Mitterrand a remis le couvert, en donnant aux communistes le même ministère que de Gaulle leur avait donné : la fonction publique, celui qu’il ne fallait surtout pas leur donner.

    Et bien sûr, comme à chaque fois que vous mettez un communiste à un poste stratégique, celui-ci s’empresse de noyauter le système autant qu’il le peut, et à créer des modifications de structure irréversibles.

    Maurice Thorez avait créé le statut de la fonction publique ; Anicet le Pors, en 1981, non content des exploits du camarade secrétaire général de 1945, en a créé trois là ou nous n’en avions qu’une seule ! (ce qui était déjà bien trop…)

    Et comme avec de Gaulle et Thorez, nous souffrons encore aujourd’hui de l’arrogance de Mitterrand, et de la duplicité d’Anicet le Pors. La fonction publique hospitalière a amplement montré son incurie lors de la présente épidémie, et la fonction publique territoriale a pris des proportions cancéreuses qui démultiplient la nocivitié de la fonction publique d’Etat.

    Lisez le blog d’Anicet le Pors, il est toujours en vie, et il n’a jamais exprimé de remords pour sa politique communiste : bien au contraire, il continue à militer tant et plus pour le culte du fonctionnariat à la française.

    Donc, que le parti communiste ait presque disparu formellement suite aux manoeuvres mitterrandiennes, c’est un trompe-l’oeil. Il a disparu parce qu’il a instauré le communisme, dans les institutions comme dans les esprits : même la droite est communiste, même l’extrême-droite, même les royalistes !

    Lisez le site de la Nouvelle Action Royaliste, voyez la liste de ses « invités du mercredi », ce sont en grande partie des personnalités de gauche. Même Anicet le Pors, le communiste Anicet le Pors, l’homme auquel nous devons la multiplication par trois du cancer fonctionnarial français, a été invité par les royalistes !

  10. Le plus grand tort de François Mitterrand et d’avoir poursuivi sa carrière de professionnel de la politique (un grand artiste) comme il l’avait commencée dans le gouvernement de Vichy. Les français étaient exténués et malheureux donc il fallait surtout être gentils avec eux comme avec des enfants, pas trop travailler, des loisirs pour oublier tous les tracas et quoi qu’il en coûte. Et il ne fallait surtout pas oublier non plus les copains.

    En bref une sorte de sultan qui distribue des cadeaux animé par un énorme besoin d’être aimé et admiré mais avec cynisme car sans aucune illusion sur la sincérité des admirateurs. Un personnage d’une profonde noirceur sur l’humanité finalement !

    Et tous ses affichages gauche communiste à droite nationaliste en passant par royaliste ou bonapartiste ne sont que des fariboles entre intellectuels ou professionnels de politique dont les français dans leur grande majorité, n’ont finalement que foutre tant leurs aspirations sont des plus modestes et si peu idéologiques d’où pour preuve leur apparente versatilité.

  11. Une présentation claire de ce personnage aux multiples facettes, comme pour Napoléon sa couleur dépend de l’angle de vue un Caméléon. L’époque avait je crois besoin de changement, quand au bilan.. Il fut surtout un homme des idées et de la culture nouveau ce réservoir de voix avec la réduction du monde ouvrier.

  12. Giscard assurément n’aurait rien redressé du tout. Quant à ne pas se représenter c’est une hypothèse que je n’ai jamais envisagée. Sa lente reconquête électorale des années 80 ne laisse guère de doute sur sa détermination.

  13. Une actualité récente nous a remis en mémoire les facéties de Mitterrand dans l’hémisphère Sud. Ne nous appesantissons pas sur le Rainbow Warrior, qui n’aurait été qu’une farce s’il n’y avait eu mort d’homme, mais sur l’immixtion de la France au Rwanda, un pays bien sympathique où deux tribus aimables, sœurs de lait de coco, identiques en tout, avaient depuis la nuit des temps l’habitude de s’exterminer.

    Naturellement personne dans le monde « sachant » n’eut jamais l’idée de se mêler de ces gens-là.

    Mitterrand si. Il fit rigoler la terre entière, Une patate chaude – 800.000 coups de machette – qu’aujourd’hui on nous refile !
    Même les boches et les belges s’en étaient tirés indemnes.

    François ne pouvait pas savoir qu’il aurait un jour un successeur nommé Emmanuel.

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