Confinement : le Pr DELFRAISSY change encore d’avis !

C’est dimanche, amusons-nous un peu : Mesdames et Messieurs, voici l’éminent Professeur Delfraissy et ses 50 nuances de confinement !

« Éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au Coronavirus » –telle est en quelques mots la mission confiée au Conseil scientifique Covid-19 installé par le ministre de la Santé Olivier Véran le 11 mars 2020 à la demande du Président de la République. Oui, vous avez bien lu, é-clai-rer… Pourtant, à écouter son président le professeur Jean-François Delfraissy souffler le chaud, le froid et son contraire dans les médias, on jurerait qu’il s’est surtout donné pour objectif de pouvoir se dédouaner de tout quoi qu’il arrive.

On est toujours frappé de voir à quel point en France tout événement sortant un tant soit peu de l’ordinaire est systématiquement pris en charge par la création compulsive d’un nouveau comité forcément très spécial, comme si, par le simple fait de sa nomination, il allait instantanément permettre de résoudre tous les problèmes. Non pas, bien sûr, qu’il faille s’abstenir de multiplier les avis et les études nécessaires à la compréhension du problème et aux choix des solutions les plus appropriées.

Mais s’agissant de la santé, comme de beaucoup d’autres domaines (l’écologie par exemple), le fait est que la France dispose déjà d’une jolie ribambelle d’instances : le ministère de la Santé, pour commencer, dont la Direction générale de la santé dirigée actuellement par Jérôme Salomon est justement en charge de la sécurité sanitaire. Puis Santé publique France, puis la Haute Autorité de santé, puis le Haut Conseil de la santé publique, tous organismes qui contribuent en principe à éclairer et assurer la gestion publique de la santé en France.

Du moins l’espérait-on, jusqu’à ce que l’épidémie de Covid-19 ne vienne révéler que notre prestigieux système bien gentiment collectivisé n’était pas du tout à la hauteur des enjeux – hôpitaux submergés par les malades, manque du matériel le plus élémentaire, masques, respirateurs, etc… Et hop, à nouveau problème, nouveau grand machin, en l’occurrence le « Ségur de la Santé » dont les conclusions à 8 milliards d’euros par an en revalorisations de salaires auront surtout pour effet de conforter la première place mondiale de la France pour la dépense publique à défaut d’enclencher une réflexion de fond sur l’organisation et la qualité des soins.

Mais il y a un an, Olivier Véran se disait archi-convaincu que notre système de santé était fin prêt à accueillir les malades du Covid, et de toute façon, Emmanuel Macron avait déclaré la guerre au Coronavirus « quoi qu’il en coûte » à grand renfort d’État d’urgence sanitaire et de Conseil de défense, c’est-à-dire un Conseil des ministres restreint et « éclairé » par les sages recommandations du tout nouveau tout beau Conseil scientifique présidé par Jean-François Delfraissy.

Ce dernier n’est ni un novice de l’immunologie et des maladies infectieuses – ce qui est un bon point – ni un nouveau venu dans la sphère des différents comités plus ou moins importants et plus ou moins politiques qui gravitent autour de la planète étatique – ce qui est déjà plus inquiétant. Il fut directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida de 2005 à 2017 et il préside le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) depuis 2016.

D’après l’ancien Président de l’Assemblée nationale et médecin Bernard Accoyer, François Hollande l’a spécifiquement nommé à ce poste car il le savait ouvert à l’extension de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de femmes alors que son prédécesseur, démissionnaire, était jugé trop timide sur le sujet. Une nomination qui tombait à pic pour Emmanuel Macron qui a inscrit la PMA pour toutes dans son programme présidentiel. Et disons que sur ce point, Delfraissy ne l’a pas déçu : dès le 15 juin 2017, le CCNE rendait un avis favorable sur le sujet !

Sur le Covid-19 en revanche, M. Delfraissy semble avoir un net penchant pour l’alarmisme doublé d’une fâcheuse tendance à désavouer ensuite dans les médias les recommandations du Conseil scientifique qui ont guidé (ou pas) les choix gouvernementaux quelques jours plus tôt.

Premier couac significatif, le déconfinement du 11 mai dernier. Dans le JDD du 7 juin, il s’exclamait « laissons les gens vivre » et plaidait pour un allègement des restrictions sanitaires, notamment en direction des enfants à la cantine, en cours de sport ou en récréation. Bonne idée. Mais stupeur au gouvernement car au moment du déconfinement, il préconisait de maintenir les écoles fermées jusqu’à la rentrée de septembre et qualifiait la décision du ministre de l’Éducation de les rouvrir avec protocole sanitaire spécifique de « décision politique » – sous-entendu, inconsciente du point de vue médical.

De là à penser que son revirement ne visait qu’à le couvrir alors qu’on commençait à évoquer dans la presse les désastreux dommages collatéraux (sociaux, économiques, psychiques) des confinements, il n’y a qu’un pas. Lui préfère dire qu’entre temps, on a découvert que les enfants transmettaient peu le virus – ce qui est vrai aussi, sauf qu’on commençait à s’en douter depuis avril.

Il n’empêche qu’avec l’apparition des virus variants qui a marqué ce début d’année 2021 sur le plan sanitaire, Jean-François Delfraissy a provisoirement laissé tomber son « laissons les gens vivre » pour devenir le chantre du reconfinement à titre préventif. Qualifiant religieusement le mutant britannique de « virus diabolique et plus intelligent qu’on ne le pense », il considérait le 24 janvier sur BFM TV qu’il y avait « urgence à reconfiner » :

« Plus on prend une décision rapide, plus elle est efficace et peut être de durée limitée. On est dans une semaine un peu critique. »

.
Dès le lendemain dans Libération, il déclarait à l’inverse :

« Pour ma part, je pense qu’on n’est pas dans l’extrême urgence. On n’est pas à une semaine près. »

…tout en continuant à parler de la « stabilité trompeuse » de l’épidémie qui exigeait selon lui des mesures à la hauteur des incertitudes sur les variants.

Autrement dit, le couvre-feu national à 18 heures ne suffisait plus. Quant à l’idée d’un auto-isolement des personnes fragiles, il la jugeait utile et même chaudement recommandable, mais très en deçà des nécessités de l’heure. Seul un confinement strict comme au Royaume-Uni était en mesure de casser la dynamique de la maladie.

Mais jeudi 18 février dernier, nouveau son de cloche.

Dans un petit article de la célèbre revue médicale britannique The Lancet, Delfraissy ainsi que quatre autres membres du Conseil scientifique s’alignent maintenant sur les préconisations de l’OMS, à savoir que le confinement est une mesure à ne prendre qu’en dernier recours – sauf que l’OMS tient cette position depuis plusieurs mois déjà. Cerise sur le gâteau de ce retournement radical, les signataires mettent en garde contre les « approches basées sur la peur » ! Avouez que c’est croquignolet, venant de Delfraissy.

Ce dernier a l’air de découvrir soudain les implications socio-économiques et psychologiques des confinements. Est-ce à dire qu’il reviendrait au « laissez les gens vivre » de juin dernier ? On ne sait pas trop. On ne sait même pas si l’on peut considérer cette nouvelle position comme un progrès vu la rapidité avec laquelle il pourrait fort bien changer à nouveau d’avis.

Toujours tétanisé par les variants dont les nouvelles apparitions risquent selon lui et ses quatre collègues de vouer les vaccins à l’inefficacité, il remet sur le tapis la mesure qu’il jugeait insuffisante il y a seulement trois semaines, celle de l’auto-confinement des personnes fragiles et âgées, et il y ajoute un « contrat social » avec les jeunes générations qui s’engageraient de leur côté à respecter les mesures de distanciation sociale.

Froideur polie du côté du gouvernement. Il se murmure d’ailleurs que les « éclairages » changeants voire brouillons voire opportunistes de Delfraissy auraient fini par agacer l’Élysée. Peut-être faut-il ne voir dans cette indiscrétion qu’une fuite habilement calculée pour les besoins d’un certain affichage médiatique de séparation des avis médicaux et des décisions politiques. Il est cependant vrai que le gouvernement a résisté à l’injonction de troisième confinement portée par le Conseil scientifique.

Mais ce n’est pas pour autant qu’il est question de lâcher le vénérable professeur même si, vu son âge de presque 73 ans, on s’attendrait plutôt à le voir s’appliquer à lui-même l’auto-confinement qu’il préconise aimablement pour les autres. Emmanuel Macron vient en effet de proposer qu’il soit reconduit dans ses fonctions de patron du Conseil consultatif national d’éthique.

Tant il est vrai qu’un politicien, surtout s’il est Président de la République et surtout si les élections présidentielles se rapprochent, a moins besoin d’éclaireurs de l’action publique que de partisans. Ça promet.


Delfraissy a rejoint les soixante et quelques articles de ma page « Portraits politiques ».


Illustration de couverture : le professeur d’immunologie Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19.

21 réflexions sur “Confinement : le Pr DELFRAISSY change encore d’avis !

  1. concernant l’efficacité du confinement, je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’information, sur l’étude de Stanford, dirigée par John P. A. Ioannidis une pointure reconnue : « Assessing mandatory stay‐at‐home and business closure effects on the spread of COVID‐19 » et dont la conclusion est « While small benefits cannot be excluded, we do not find significant benefits on case growth of more restrictive NPIs. Similar reductions in case growth may be achievable with less‐restrictive interventions. »
    https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eci.13484

    • Merci de rappeler cette étude fondamentale. De fait, les confinements n’ont pas prouvé leur utilité, notamment la version stricte que nous avons connue à deux reprises ainsi que le confinement partiel que dissimule mal le terme de couvre feu.

    • @ Pheldge

      Il faut tout de même dire un mot de cette fameuse « étude Ioannidis », censée montrer que le Covid se combat mieux avec moins de contraintes qu’avec plus de contraintes. C’est une étude extraordinairement contestable, à laquelle il convient de n’accorder aucune crédibilité.

      Je remarque que vous nous donnez du « John P.A. Ioannidis, une pointure reconnue », sans vous sentir obligé le moins du monde de nous dire qui a mesuré sa « pointure » et qui l’a « reconnue ».

      Didier Raoult aussi, est une « pointure reconnue », et on a vu ce que ça a donné. Luc Montagnier a vu sa « pointure » reconnue par le prix Nobel, et pourtant c’est surtout son charlatanisme qui est reconnu, par la communauté scientifique, concernant ses interventions sur le Covid — et aussi sur d’autres sujets, comme l’autisme.

      Encore une fois, les règles en vigueur, dans le domaine scientifique, ne sont pas les mêmes que celles qui ont cours dans les médias, le spectacle ou la politique.

      Suivant le ronron complotiste bien connu, vous nous assurez également que cette étude n’a pas été reprise par les médias. C’est, bien évidemment, faux. Quelques liens parmi d’autres :

      https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-le-confinement-est-il-inefficace-comme-l-affirme-une-etude-de-l-universite-de-stanford-02-02-2021-8422724.php

      https://www.nouvelobs.com/confinement/20200621.OBS30311/le-confinement-a-t-il-ete-une-mauvaise-idee-cet-epidemiologiste-de-renom-le-pense.html

      https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/letude-qui-met-en-cause-lefficacite-des-confinements-1285796

      https://www.ledauphine.com/sante/2021/02/04/non-une-etude-ne-prouve-pas-l-inefficacite-du-confinement

      Votre mensonge est à double détente, puisque, non seulement vous prétendez que les médias n’en ont pas parlé, mais vous omettez de réfuter… les critiques qu’ils ont apportées à cette étude.

      John Ioannidis est effectivement un scientifique doté d’une certaine crédibilité dans son domaine. Il a, par exemple, publié une méta-analyse en septembre dernier (en pré-print seulement), montrant que la chloroquine n’avait aucune efficacité sur la mortalité du Covid, et que l’hydroxychloroquine aggravait cette mortalité :

      https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.09.16.20194571v2

      Cette étude est conforme au consensus scientifique en la matière.

      C’est aussi quelqu’un qui s’est élevé, à juste titre, contre l’usage des sondages parmi les médecins pour accréditer tel ou tel traitement (en l’occurrence, la chloroquine contre le Covid) :

      https://www.bmj.com/content/371/bmj.m4048

      Cependant, Ioannidis s’est fait une spécialité de critiquer les études scientifiques en général. Il est surtout connu pour un article de 2005, intitulé « Pourquoi la plupart des résultats de recherche scientifique publiés sont faux » :

      https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Ioannidis

      Quel que soit l’intérêt d’une telle démarche (et il est incontestable que le mécanisme actuel de la publication scientifique comporte des caractéristiques très critiquables), on voit bien, dans le titre de son article, le côté contrarien et provocateur du personnage.

      Il semble bien que dans le cas de son étude sur le confinement, il ait surtout voulu faire parler de lui, sur la base de conclusions fortement contestables. Et qu’il faille lui appliquer les conclusions de son propre article.

      C’est sûr que si vous lâchez, en pleine pandémie, un article censé prouver que le Covid se guérit mieux avec moins de contraintes qu’avec plus de contraintes, votre cote de popularité va fortement monter, et vous allez être repris par les médias du monde entier.

      Mais en quoi consiste ce travail ? Premièrement, c’est une étude sociologique mimant une étude médicale. Le propos est relatif à une maladie, l’auteur est professeur de médecine ; le public aura donc naturellement tendance à attribuer, à une matière politique et sociale, la crédibilité qu’il est possible d’obtenir par un essai clinique de médicaments.

      Ce n’est pas le cas. Si l’on peut réaliser des études sociologiques crédibles, il est manifeste que la certitude des conclusions est beaucoup plus difficile à atteindre lorsqu’il s’agit de sciences humaines, et non de sciences exactes.

      Voyons donc comment Ioannidis s’y est pris.

      https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eci.13484

      Son étude cherche à évaluer ce qu’il appelle les NPI (« non-pharmaceutical interventions », mesures non pharmaceutiques).

      Il les répartit en deux catégories, et deux seulement : les « mrNPI » (mesures non pharmaceutiques plus contraignantes), et les « lrNPI » (mesures non pharmaceutiques moins contraignantes).

      Il y a là, déjà, une suspicion de manipulation. Prétendre analyser fidèlement la réalité, en répartissant l’ensemble des mesures politiques, sociales et économiques prises par tous les pays du monde dans deux catégories seulement, c’est absolument irréaliste.

      Comme par hasard, il y a la catégorie des mesures gentilles, et la catégorie des mesures méchantes. On pressent immédiatement la démarche : postuler dès le début que les pays « gentils » ont obtenu de meilleurs résultats que les pays « méchants », et s’arranger pour tripatouiller les chiffres de telle sorte que ce soit le cas.

      Le soupçon se renforce lorsque l’on cherche à connaître la liste de ces fameuses mesures.

      Les médias ont rendu compte de l’étude en affirmant qu’elle prouvait que le confinement et la fermeture des entreprises n’étaient pas efficaces. Mais quelle est la liste des mesures prises en compte ? Quelles sont les mesures dites « plus contraignantes », et celles dites « moins contraignantes » ?

      La liste ne figure tout simplement pas dans l’étude ! La seule source que j’ai pu trouver, c’est la légende d’un graphique :

      https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eci.13484#eci13484-fig-0002

      A partir de ce graphique, j’ai reconstitué la liste suivante (dont rien ne dit qu’elle soit exacte) :

      – Confinement national
      – Confinement à domicile
      – Distanciation sociale (optionnelle)
      – Distanciation sociale (obligatoire)
      – Arrêt des transports en commun
      – Interdiction des déplacements locaux
      – Interdiction des déplacements intérieurs
      – Interdiction des déplacements internationaux
      – Quarantaine pour les contaminés
      – Interdiction des rassemblements publics
      – Interdiction des rassemblements privés
      – Financement des congés maladie
      – Télétravail
      – Fermeture des entreprises
      – Fermeture des lieux de culte
      – Fermeture des écoles
      – Instructions d’hygiène
      – Déclaration d’état d’urgence

      Nulle part ne figure la répartition des mesures entre « plus contraignantes » et « moins contraignantes ». L’article dit bien que le « confinement à domicile obligatoire » et la « fermeture des entreprises » sont les mesures les plus contraignantes, mais y en a-t-il d’autres, dans la catégorie « plus contraignantes » ? On n’en sait rien.

      Il n’y a pas, non plus, de définition de chacune de ces mesures. Qu’appelle-t-on, exactement, un « confinement », ou la « fermeture des entreprises » ? Il est évident qu’à moins d’une définition de ces critères, l’étude est dépourvue de toute rigueur scientifique.

      Plus fondamentalement, si l’on prétend réaliser une étude scientifique, basée sur des chiffres, la moindre des choses serait de partir des analyses déjà réalisées, et qui ne prétendent pas à l’exactitude statistique : articles de journalistes spécialisés dans les pays concernés, d’experts, de centres de recherches…

      Or, de nombreuses analyses de ce type, consacrées aux pays qui ont lutté efficacement contre la pandémie, mentionnent le rôle crucial de critères qui n’ont pas été pris en compte par l’étude de Ioannidis.

      La quarantaine des personnes contaminées, c’est bien beau, mais quelles sont les conditions de cette quarantaine ? Se passe-t-elle à domicile, où l’on veut, ou bien dans des établissement spécialisés contrôlés par le gouvernement ?

      S’agit-il de dire aux gens : isolez-vous chez vous, s’il vous plaît, ou bien : la police vous surveille, et si vous sortez de votre chambre, vous aurez une forte amende, ou vous serez puni de prison ? Il est évident que les conséquences ne sont pas les mêmes.

      L’interdiction des déplacements internationaux, c’est bien beau, mais de quoi parle-t-on ? Interdiction aux citoyens du pays de partir en vacances et d’en revenir ? Interdiction aux étrangers de pénétrer sur le sol national ?

      Ce n’est pas pareil. Le lien de cause à effet présumé, observable à l’œil nu, c’est que les pays qui ont lutté avec succès contre l’épidémie ont interdit aux étrangers, à certaines périodes, de pénétrer sur leur territoire. Soit en provenance de certains pays, soit entièrement.

      Cette mesure spécifique ne figure nulle part dans l’étude de Ioannidis.

      Un autre critère de réussite majeur, relevé par tous les observateurs, c’est la précocité des mesures. Ce n’est pas tout de décider ce qu’il faut faire, encore faut-il le faire rapidement — et le faire bien.

      Ce critère n’est pas, non plus, pris en compte.

      Mais voyons un point encore plus simple : combien de pays ont été étudiés ? Il y en a 10 seulement ! Se baser sur 10 pays, pour étudier l’efficacité de mesures politiques, sociales et économiques prises dans le cas d’une épidémie mondiale, avec toutes les variations que l’on imagine d’un pays à l’autre, ce n’est tout simplement pas sérieux.

      Et quels sont ces pays ? Voici la liste :

      – Allemagne
      – Corée du Sud
      – France
      – Grande-Bretagne
      – Espagne
      – Etats-Unis
      – Iran
      – Italie
      – Pays-Bas
      – Suède

      Autrement dit, les pays qui ont le mieux lutté contre le Covid n’y figurent pas !

      On n’y trouve ni Taïwan, qui, avec que 9 décès en tout et pour tout, est le champion mondial, ni les autres champions de la « méthode asiatique » que sont Singapour et Hong-Kong, ni les autres pays de la région qui ont appliqué cette méthode avec un certain succès (Japon, Vietnam et Thaïlande), ni les pays occidentaux qui l’ont eux aussi appliquée victorieusement (Australie, Nouvelle-Zélande).

      Mais on trouve, en revanche, l’Iran, qui n’est absolument pas représentatif : ses mauvais résultats sont largement dus à la superstition de ses dirigeants, qui ont pratiqué le déni, le complotisme et le fanatisme religieux face à la pandémie.

      Autre vice méthodologique majeur : les auteurs se sont servis de la Suède et de la Corée du Sud comme pays-témoins. Ils ont comparé les 8 autres pays à ces deux références, sous prétexte que ni l’un ni l’autre n’auraient appliqué de confinement obligatoire à domicile, ni de fermeture d’entreprises.

      Or, ces deux pays sont justement à l’opposé l’un de l’autre ! Tout aussi bien par leurs résultats (ils sont mauvais en Suède, bons en Corée du Sud), que par leurs méthodes (laxisme généralisé en Suède, mesures rigoureuses en Corée du Sud).

      On retrouve là l’un des biais idéologiques les plus graves des négationnistes du Covid, des rassuristes, des c’est-pas-gravistes, des anarchistes et autres je-m’en-foutistes : contrairement à ce qu’ils prétendent ou suggèrent, selon le cas, la méthode asiatique, et coréenne en particulier, ne consiste pas à être « gentil » avec les populations et à les contraindre aussi peu que possible.

      C’est le contraire. Il se trouve juste que la contrainte se porte ailleurs que dans les pays européens : dans la fermeture impitoyable des frontières, dans la quarantaine dans des conditions très strictes, dans la surveillance électronique impitoyable et obligatoire, dans les sanctions sévères imposées aux contrevenants, et dans le caractère précoce des mesures.

      L’ambassadeur de France en Corée du Sud qualifie même la méthode de « modèle militaire » !

      Un autre biais de l’étude découle du fait qu’elle se limite au printemps 2020 (la plage exacte de temps n’est même pas précisée !). Or, les différentes vagues se sont déroulées de façon très différente. Des pays qui ont eu de bons résultats lors de la première vague ont eu plus de difficultés ensuite.

      Si les auteurs avaient étudié la totalité de la période écoulée, ils n’auraient pas pu prendre la Corée du Sud en référence : en effet, des fermetures d’entreprises ont bel et bien été imposées lors des vagues ultérieures.

      Quant aux Etats-Unis, qui ne font pas partie des deux pays « de référence », et qui sont, par conséquent, classés implicitement parmi les pays « méchants », à « fortes contraintes », ils figurent, en réalité, parmi les pays qui ont, longtemps, appliqué une politique particulièrement laxiste — avec les résultats catastrophiques prévisibles.

      Et d’ailleurs, loin des gros titres médiatiques que seuls lisent 99 % des gens… les auteurs écrivent, noir sur blanc, que leur étude n’est pas fiable et ne veut rien dire !

      « NPIs are motivated by the notion that they lead to anti-contagion behaviour changes, either directly through personal compliance with the interventions, or by providing a signal about disease risk. »

      « The degree to which risk communications motivate personal behaviours has been used to explain South Korea’s response to NPIs, where large personal behaviour changes were observed following less restrictive NPIs. »

      Autrement dit, les auteurs reconnaissent qu’un critère majeur d’efficacité n’a pas été pris en compte : la discipline des populations (soit ce que j’écris ici depuis le début). Bien que la Corée du Sud se soit contentée de mesures « moins contraignantes » (selon la définition des auteurs), les habitants ont radicalement modifié leur comportement en conséquence.

      Evidemment, il se pourrait que dans des pays à la population moins disciplinée, par exemple ceux en forme d’hexagone et dotés de nombreux fromages, des mesures « plus contraignantes » soient à peine suffisantes, voire pas vraiment suffisantes, à déclencher les mêmes « changements radicaux de comportement » propres à limiter l’épidémie !

      « Data on individual behaviours such as visits to businesses, walking or driving show dramatic declines days to weeks prior to the implementation of business closures and mandatory stay-at-home orders in our study countries, consistent with the behavioural mechanisms noted above. »

      « These observations are consistent with a model where the severity of the risk perceived by individuals was a stronger driver of anti-contagion behaviours than the specific nature of the NPIs. »

      « In other words, reductions in social activities that led to reduction in case growth were happening prior to implementation of mrNPIs because populations in affected countries were internalizing the impact of the pandemic in China, Italy and New York, and noting a growing set of recommendations to reduce social contacts, all of which happened before mrNPIs. »

      [Ça ne gêne pas du tout l’auteur de mentionner la Chine, qui n’est pas couverte par son étude…]

      « This may also explain the highly variable effect sizes of the same NPI in different countries. »

      Ce passage détruit l’étude tout entière : les auteurs avouent que la perception du risque par les individus, et les précautions qu’ils prennent spontanément en conséquence, comptent davantage que la sévérité des mesures elles-mêmes !

      « While we find no evidence of large anti-contagion effects from mandatory stay-at-home and business closure policies, we should acknowledge that the underlying data and methods have important limitations. First, cross-country comparisons are difficult : countries may have different rules, cultures and relationships between the government and citizenry. »

      Autrement dit : nos critères sont pourris, et on ne peut pas comparer les pays entre eux sur ces bases.

      « Because the location and timing of policies are endogenous to perceived epidemic stage, the noise in case counts is associated with the policies, making bias possible and very difficult to eradicate. »

      En bon français : les biais possibles sont tellement nombreux, qu’il est, en pratique, impossible de faire de pareilles études.

      « […] this study casts doubt on any firm conclusions about the effectiveness of restrictive NPIs […] »

      « Notre étude montre qu’on ne peut aboutir à aucune conclusion ferme concernant l’efficacité des mesures de restriction non pharmaceutiques. »

      Autrement dit : cette étude n’apporte aucune information concernant l’efficacité du confinement ou les autres restrictions, qu’elles soient « gentilles » ou « méchantes » ; ni dans un sens, ni dans l’autre ! Notre « étude » est un travail biaisé à visée politique, qui dément, en petits caractères, ce qu’elle affirme en façade !

      « It also underscores the importance of more definitive evaluations of NPI effects. »

      En bon français : notre étude est un tas de bouse fumante, elle ne veut rien dire, il faut que d’autres fassent à notre place le boulot que nous n’avons pas réussi à faire !

      Comme le dit un certain John Ioannidis : « la plupart des résultats de recherche scientifique publiés sont faux ».

    • à ceux qui souhaitent se faire une opinion par eux-mêmes, voici la conférence données par Ioannidis à Marseille. Je doute qu’après le brillant exposé plus haut certifiant que Ioannidis est un guignol et Raoult un charlatan, à l’appui des sources médicales internationalement reconnues comme le Parisien l’Obs, ou le Dauphiné, beaucoup de lecteur.e.s en ressentent l’envie.
      Personnellement, je l’ai visionnée, avec un masque et des lunettes, puis je me suis aspergé de gel HA dosé d’un soupçon d’eau bénite, parce qu’on n’est jamais assez prudent ! 😉
      Bon visionnage.

      • @Pheldge : oui je l’ai vue, c’est une excellente conférence, très instructive, intelligente, à la hauteur du personnage. Le genre de conférence qu’on ne verra jamais à la télé. Merci à Internet ! Et aux équipes de l’IHU bien évidemment !

      • @ Pheldge

        « A l’appui des sources médicales internationalement reconnues comme le Parisien l’Obs, ou le Dauphiné. »

        Soit vous faites l’imbécile, soit vous démontrez ici votre incompréhension radicale des problèmes évoqués. C’est, probablement, les deux.

        Si j’ai donné des liens vers les recensions de l’étude de Ioannidis faites par ces journaux, c’est que vous avez, de façon mensongère, prétendu que son étude avait été dissimulée par les médias.

        Ce n’est, évidemment, pas pour prétendre que Le Parisien ou d’autres sont des sources médicales. D’autant que la tonalité générale de la presse est complaisante par rapport aux conclusions de l’étude. Contrairement à moi.

        J’ai, par ailleurs, redonné le lien vers l’étude elle-même. J’attends toujours avec curiosité que vous la défendiez avec vos propres arguments, et que vous réfutiez les miens.

        Vous n’êtes, manifestement, capable que de sarcasmes et d’ironie idiote. Vous vous imaginez que donner un lien vers une conférence de votre champion prouve la validité de ses propos. Une fois de plus, vous ne comprenez rien à la façon dont fonctionne la science.

        Depuis que j’ai procédé, ici, à la réfutation de cette étude de Ioannidis (sans que personne ait été en mesure de me contredire), le chirurgien américain David Gorski, spécialisé dans la dénonciation des fraudes scientifiques, a publié un article accablant sur John Ioannidis : jadis savant respectable, il a versé, explique-t-il, dans la fausse science à son tour :

        https://sciencebasedmedicine.org/what-the-heck-happened-to-john-ioannidis

        Notez bien le nom de ce site : Science-Based Medicine. Ce n’est pas exactement Le Parisien.

        Et ce n’est, évidemment, pas l’IHU de Didier Raoult, ce haut lieu de la fraude scientifique, du terrorisme intellectuel et du harcèlement moral des jeunes chercheurs par leurs dirigeants. Eric Chabrière, le bras droit du fou furieux à la chloroquine, vient de nous apprendre, il y a quelques heures, que John Ioannidis va entrer au conseil scientifique de IHU :

        https://twitter.com/EChabriere/status/1382726487925739527

        Voilà qui signe définitivement sa faillite morale et scientifique.

  2. Merci pour ce travail de fond. Je me demande si les gens les plus affectés par les décisions du gvt, ceux qui ont bcp ou tout perdu sont conscient du type de baltringue par qui les décisions sont prises. A la lecture de votre exposé, cela donne l’impression que ce professeur, au fond, ne sait pas ce qu’il faut faire et change d’avis en fonction de son humeur du jour. Un clone macronesque.

  3. Ce Professeur semble appartenir à cet aréopage d’incompétents qui prétendent nous diriger et qui ne gèrent cette crise que par la coercition.

    Pendant ce temps nous devons toujours rentrer chez nous à 18h; mesure qui ne devait durer que 15 jours et que nous subissons jusqu’à date « ultérieure » pendant que l’Italie et l’Espagne semblent assouplir leurs mesures.

    L’ère post-Covid n’augure rien de bon.

    Merci pour cet article. Je vous lis avec toujours autant d’intérêt.

    • @Fm06- Vous savez c’est comme le vin quand on ne sait pas quoi dire, l’argument est « il est complexe »
      Pour les systèmes complexes les experts ne sont ils pas des idiots utiles, profitant de la non-connaissance de la majorité des gens ?
      Alors que les élites devraient permettre à tous d’œuvrer en totale Liberté individuelle…

  4. Après le « quoi qu’il en coûte », Nathalie a remarqué le « quoi qu’il arrive », c’est excellent. L’opacité dans laquelle sont prises les décisions est préoccupante. Ni les minutes des conseils de défense, ni les compte rendus du conseil scientifique ne sont disponibles. Pour ces derniers certains députés disent même qu’ils n’existent tout simplement pas.

    Pourquoi tant de secrets ? Qui sont les agents ennemis auxquels il faut cacher nos plans et nos décisions? Pourquoi le parlement est-il tenu dans l’ignorance de tout ce qui se passe ? Je viens de lire le dernier livre d’Agnés Verdier-Molinié qui explique s’agissant du budget à quel point le parlement est assujetti à l’exécutif. Je pense qu’on est en droit d’affirmer que la France n’est plus une démocratie parlementaire mais bien un régime présidentiel illibéral, pour l’instant encore relativement modéré mais qui se radicalise à chaque extension de la loi d’urgence sanitaire.

    Il y a l’événementiel et le permanent. L’événementiel ce sont les crises économiques, les crises politiques, les guerres, le terrorisme, etc. Le permanent ce sont tous les principes qui fondent notre démocratie et notamment le parlementarisme. Ce que je regrette dans cette histoire c’est de voir à quel point nous avons sabordé ce qui devrait rester permanent au nom de la lutte contre un événement, quelle que soit sa gravité et son caractère exceptionnel.

    Il viendra un jour où le COVID sera derrière nous. Nous le regarderons comme un événement du passé. Mais à ce moment là, nous subirons toujours les graves atteintes que ce gouvernement a porté à la démocratie.

  5. « le Covid se combat mieux avec moins de contraintes qu’avec plus de contraintes. »
    Ce n’est pas ce qu’affirme le rapport Ioannidis qui conclut avec plus d’humilité qu’il n’est pas à priori possible de conclure à un avantage du confinement généralisé. Il n’y a pas du tout de « mieux » avec moins de contraintes, et même qu’on ne peut pas exclure qu’il pourrait y avoir quelques bénéfices !

    Cette étude a parait-il trainé à l’Elysée et eu parait-il, une certaine influence…

    Comme le rappelle Nathalie, l’OMS a toujours eu la position « que le confinement est une mesure à ne prendre qu’en dernier recours ».

    Et à ce jour sous réserve de fiabilité des comptages et interprétations, la Suède montre un degré de létalité / million d’habts, toujours inférieur à celui de la France.

    Quoi qu’il en soit l’épidémie régresse mondialement et c’est très embêtant car ce n’est pas du tout ce que prévoyaient les modèles mathématiques qui tablaient sur une explosion des variants, et en plus bien avant l’arrivée du printemps salvateur.

    En définitive la Covid échappe à toute tentative de modélisation assortie de projections en tout cas en l’état actuel des nos connaissances et des facteurs qui importent. « L’épidémie recule et les variants se répandent » titrent les médias. Ce calme annonce-t-il la prochaine tempête prévue par l’Inserm ? A moins que le virus ne se calme par on ne sait quelle explication d’ordre physiologique ou saisonnière ou cosmologique ?

    La seule chose qui soit sûre c’est que dés qu’un résultat est inquiétant (un coup en Moselle, un autre dans les Alpes-maritimes en attente du suivant), il est largement diffusé pour ne pas dire amplifié dans les médias et que l’éminent Professeur Delfraissy devrait être beaucoup plus avare de ses paroles.

    • @ Tino

       » ‘Le Covid se combat mieux avec moins de contraintes qu’avec plus de contraintes’ : ce n’est pas ce qu’affirme le rapport Ioannidis. »

      N’essayez pas de nier l’évidence. C’est évidemment ce que tout le monde a compris, et c’était le but de l’opération. L’étude Ioannidis (et non le « rapport » : c’est un article scientifique, ou prétendu tel) dit une chose en gros caractères, au début, et le contraire en tout petits caractères, à la fin.

      Sans surprise, c’est la conclusion en gros caractères qui est reprise aussi bien par la presse, que par les membres du public qui se prévalent de l’étude pour soutenir leur point de vue. C’était, bien entendu, le but de Ioannidis.

      Le Parisien : « Dans une vaste étude, John Ioannidis, un épidémiologiste américain assure que les mesures de restrictions n’ont pas d’effet sur le nombre de cas de Covid-19. »

      L’Obs : « Dès le mois de mars, John Ioannidis, l’un des épidémiologistes les plus influents du monde, a vertement critiqué les mesures de confinement généralisé. » (Et il s’agit d’une interview de l’intéressé !…)

      Les Echos : « L’étude qui met en cause l’efficacité des confinements. »

      Et ainsi de suite.

      Commentaire ici même : « Merci de rappeler cette étude fondamentale. De fait, les confinements n’ont pas prouvé leur utilité. »

      Ces gens-là n’ont pas inventé. Ils tirent leurs affirmations du résumé de l’étude, qui dit : « Conclusion : while small benefits cannot be excluded, we do not find significant benefits on case growth of more restrictive NPIs. »

      En fait, ce qui est extraordinaire dans cette étude, c’est à quel point elle est incompréhensible. On peut se demander si ce n’est pas fait exprès… Ça commence avec du jargon inutile (les « mrNPI » et « lrNPI »), et ça se poursuit avec un texte absolument imbitable, et des données fondamentales pour la compréhension tout simplement omises.

      J’ai lu de nombreux essais cliniques pendant cette pandémie, et je peux vous dire qu’ils sont infiniment plus faciles à comprendre que ça, bien qu’ils portent sur une matière infiniment plus complexe (biochimie, pharmacologie, médecine…).

      Ici, on parle de notions a priori accessibles à tout le monde : interdiction de sortir de telle à telle heure, fermeture des restaurants… et pourtant, j’ai dû lire l’article trois ou quatre fois avant de commencer à y comprendre quelque chose.

      Soyons honnêtes : qui, ici, a lu intégralement l’article de Ioannidis ?

      Ce n’est pas la matière statistique qui est en cause : une étude sociologique fondamentale d’un millier de pages, comme The Bell Curve, est limpide en comparaison de ce torchon qui ne fait jamais que 9 pages.

      « La Suède montre un degré de létalité / million d’habts, toujours inférieur à celui de la France. »

      Vous pinaillez : la mortalité en Suède est à peu près la même qu’en France : 1,2189 pour mille chez eux (12 649 morts à ce jour selon John Hopkins University, population 10,37 millions) ; 1,2590 pour mille chez nous (84 430 morts, population 67,06 millions).

      Et de toutes façons, l’argument est malhonnête. La résultats suédois sont mauvais, et c’est cela qui importe.

      Le raisonnement des négationnistes consiste à dire : puisque la Suède a des résultats qui ne sont pas très différents de ceux de la France, et qu’elle n’a pas confiné (ce qui est faux : elle a, bel et bien, confiné), alors autant ne pas confiner, puisque ça nous casse les couilles d’être confinés.

      Mais l’objectif n’est pas de supprimer le confinement, ou le cassage de couilles : il est de minimiser le nombre de morts ! Si l’absence de confinement était la recette magique que les suédistes prétendent, alors la Suède devrait avoir des résultats bien meilleurs que ceux de la France, pas identiques à peu de choses près !

      Il faut donc se pencher sur l’exemple taïwanais (9 morts pour 23,57 millions d’habitants), et c’est précisément ce que ne font ni Ioannidis, ni les négationnistes du Covid.

      Taïwan, c’est une mortalité de 0,0004 pour mille ! C’est 3 000 fois moins qu’en Suède !

      C’est seulement une fois qu’on a fait cela, et qu’on a identifié les motifs du succès taïwanais, que l’on peut commencer à parler de compromis, et à mettre en balance les morts et les confinés.

      La première étape est scientifique, la seconde est politique.

      Les négationnistes sautent la première, et sélectionnent uniquement les données qui favorisent leur thèse.

      Et en plus, ces données sont fausses ! J’ai souligné que la Corée du Sud avait, bel et bien, ordonné des fermetures d’entreprise, contrairement aux allégations de Ioannidis, qui parvient à ce résultat en se restreignant au printemps 2020 — alors que son étude a été publiée le 5 janvier dernier.

      Mais c’est aussi le cas de la Suède ! La Suède a bel et bien ordonné des fermetures de restaurants le soir, etc. L’opinion publique en reste à « La Suède n’a pas confiné », parce que l’opinion publique est idiote, et ne met jamais à jour ses informations, lorsque la paresse arrange ses inclinations politiques.

      Mais qu’un « chercheur en médecine qui est une pointure bla-bla » en fasse autant, voilà qui relève de la falsification scientifique.

      En fait, c’est toute l’étude qui s’effondre de ce seul fait : les deux pays pris comme référence, et auxquels sont comparés tous les autres, la Corée du Sud et la Suède, l’ont été parce qu’ils n’auraient ni confiné, ni fermé d’entreprises.

      Or, c’est faux pour les deux pays ! C’est une certitude pour la fermeture d’entreprises, et c’est probablement aussi le cas pour le confinement. C’est simple à vérifier, et au demeurant, le confinement est une notion dont la définition est très élastique.

      Il faut souligner un autre fondement de l’arnaque ioannidesque, particulièrement subtil, et inaccessible au profane.

      Son étude singe tous les signes extérieurs de l’essai clinique de médicaments : publication dans l’European Journal of Clinical Investigation, forme du texte… Mais, comme je l’ai dit, il s’agit en réalité d’une étude sociologique.

      Non seulement il y a, ainsi, usurpation de l’autorité accordée à la médecine, mais il y a confusion des règles applicables dans le cas d’une décision médicale, et de celles applicables dans le cas d’une décision politique.

      Lorsqu’on se donne la peine de lire l’étude de façon approfondie, on se rend compte que la véritable conclusion à laquelle elle prétend est la suivante : rien ne permet de dire que des contraintes fortes (confinement, fermeture d’entreprises…) — ni d’ailleurs des contraintes plus modérées — permettent de limiter la pandémie.

      Si c’était un essai médicamenteux, la règle déontologique consisterait à dire : par conséquent, il ne faut pas administrer ce médicament.

      Donc Ioannidis nous dit : par conséquent, il ne faut pas administrer le remède que sont les contraintes fortes (et en réalité, sa logique implique qu’il ne faudrait appliquer aucune contrainte, pas même les plus modérées).

      Mais c’est une escroquerie intellectuelle : les règles qui régissent les décisions politiques (car c’en est une) ne sont pas celles-là. Personne n’a jamais prétendu qu’il ne fallait pas prendre une décision politique, à moins qu’une étude scientifique ne prouve de façon objective, rigoureuse et chiffrée qu’elle produira de bons effets ! Si c’était le cas, 100 % des politiciens seraient au chômage !

      Concrètement, au cours de la pandémie, les pays du monde entier ont pris, à juste titre, des mesures restrictives inspirées par le bon sens et l’intuition, sans avoir, à l’avance, la preuve scientifique qu’elles marcheraient. Encore heureux !

      On a beaucoup oublié le bon sens, dans cette histoire. Toute l’entreprise de Ioannidis consiste à singer la science, à faire semblant de faire de la science, à sortir de beaux graphiques et de belles abréviations imbitables, pour que les ravis de la crèche puissent dire : Oooooh ! mais c’est de la science ! Machin est une « pointure », les journaux me l’ont dit, et je comprends que dalle à ce qu’il raconte, donc ça doit être vrai !

      Ce qui est manifeste, pour quiconque a deux doigts d’honnêteté, c’est que faire une évaluation globale des politiques de lutte non médicamenteuse contre la pandémie, c’est impossible à réaliser au moyen d’une étude scientifique, statistique, telle que prétend la faire Ioannidis.

      Il y a tout simplement trop de critères, et trop de critères non quantifiables.

      De même qu’on ne peut pas répondre, à l’aide d’une étude scientifique, à la question : est-ce que Donald Trump est un gros con, ou est-ce que c’est le sauveur de l’Amérique ?

      On peut, à l’aide d’études scientifiques, essayer de répondre à des questions simples : est-ce que la politique protectionniste de Trump a permis de créer des emplois ?

      Ou bien : quelle a été l’incidence des ouvertures d’écoles sur la contamination des élèves et des professeurs par le Covid ?

      Ça, c’est scientifiquement modélisable.

      La réponse à la question posée par Ioannidis ne peut pas être obtenue par une étude telle que la sienne. Elle relève d’un travail plus modeste, plus humain, plus personnel. Celui des journalistes, des analystes, des experts, qui se penchent sur les données et qui tentent d’en tirer des conclusions.

      Ces travaux existent, ils peuvent et doivent être améliorés, bien sûr, mais ils montrent le contraire de ce que conclut Ioannidis — lequel n’a même pas pris ces bases en compte pour les approfondir. Ce qu’il était censé faire.

      Il était censer apporter une analyse scientifique et chiffrée rigoureuse, permettant d’aller plus loin que l’analyse personnelle des meilleurs experts. Il ne l’a pas fait — et c’était, d’ailleurs, impossible à faire.

    • Ah oui ! encore un clou supplémentaire dans le cercueil de « l’étude » Ioannidis : parmi les « mesures non pharmaceutiques », il n’a pas tenu compte du dépistage, du traçage et de la surveillance électronique. Ce n’est jamais que l’une des principales méthodes ayant assuré le succès du modèle asiatique de lutte contre le Covid. Elle est totalement absente de l’étude.

      Ce fait suffirait, à lui seul, à discréditer l’intégralité de l’article. Et il y a tous les autres…

      • Ok mais l’étude hors toutes autres considérations voudrait démontrer qu’on ne gagne pas grand chose à un confinement généralisé.
        Elle ne prétend pas pour autant donner les meilleures dispositions à prendre.

    • Exactement, sauf que l’auteur de l’article évite soigneusement de dire en quoi consiste, précisément, la méthode « zéro Covid » de Taïwan et des autres pays cités. Et qu’il insinue, suivant le clicheton franchouillard et négationniste, qu’il suffirait de ne pas faire de confinement.

      Il ne dit pas que les contraintes du modèle asiatique sont beaucoup plus fortes que celles du modèle européen. Il ne détaille pas les mesures prises : auraient-elles été acceptées en France ? Rien n’est moins sûr, si l’on en juge par les réactions sur ce blog, et ailleurs.

      Moyennant quoi, il est parfaitement exact qu’à Taïwan, et dans d’autres pays à philosophie similaire, on a eu, à la fois, peu de morts (pratiquement pas de morts dans le cas de Taïwan) et moins d’impact économique.

      Cela signifie une chose : c’est la méthode asiatique qui marche. Et non pas la méthode suédoise, que même ses inventeurs ont récusée.

      Petit rappel : à Taïwan, 2 ans de prison pour ceux qui violent les conditions de quarantaine. En Australie, un Etat entier confiné parce qu’on avait découvert 13 contaminés… dans un établissement de quarantaine gardé par la police ! En Nouvelle-Zélande, plus d’un million de personnes confinées dans la région de la capitale, suite à la découverte… d’une seule personne contaminée (décision prise 6 heures seulement après la découverte de la contamination).

      D’accord pour en faire autant en France ? Ou va-t-on encore entendre des chouineries à n’en plus finir sur ma liberté et gna-gna-gna ? Là est la question.

      • Vous avez très certainement raison mais rappelez-vous, au tout début, ce que prétendaient nos éminents dirigeants (Macron en tête), notamment par la voie (et la voix) de la Ministre de la Santé d’alors:

        https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/morning-glory-il-y-a-un-an-le-gouvernement-disait-quoi-sur-le-covid-deja-25134749.html

        Je précise n’être en aucun cas un aficionado de Yann Barthes ni de son émission. De ce genre d’émissions racoleuses et provocatrices en général. Seul le lien vers la séquence m’intéressait.

        Un avion pour récupérer des ressortissants qui vivaient dans la zone de Wuhan pour les rapatrier en France fut affrété, si je me souviens bien. On « omit » de tester l’équipage.

        La gestion de cette crise à ses débuts fut minimisée et totalement négligée. Voilà mon avis.

        Alors le couvre-feu à 18 h et les autres « pignolades » genre pas de remonte-pentes dans les stations de sports d’hiver, ça me conforte dans l’idée que je me fais des guignols à roulette qui prétendent nous diriger.

        La suite, j’ai peur de me la figurer. C’est un autre sujet.

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