Épuisement des ressources : le DÉMENTI du Pari Simon-Ehrlich

On pourrait définir l’écologie en disant qu’elle consiste à inscrire le développement de l’homme de façon aussi harmonieuse que possible dans son environnement, mais ce n’est pas exactement comme cela qu’elle est née ni qu’elle s’est développée. Quand les questions écologiques font leur apparition dans le débat public à la fin des années 1960, l’inquiétude dominante concerne l’épuisement des ressources. La démographie est galopante, la consommation aussi ; comment tout cela ne finirait-il pas en effondrement de la planète et de l’humanité ?

Une angoisse quasi ancestrale. Vers 1800, l’économiste britannique Thomas Malthus (1766-1834) théorisait le fait que laissée à sa croissance naturelle, la population augmenterait de façon géométrique tandis que les ressources naturelles, en l’occurrence les vivres, n’augmenteraient que de façon arithmétique. D’où catastrophe assurée à plus ou moins brève échéance si aucun frein n’est mis à la cavalcade démographique. Il en vient donc à proposer ce qu’on continue à appeler une politique « malthusienne » consistant à limiter les naissances – de façon volontaire et non imposée, c’est à signaler.

Son idée est reprise en 1972 par le Club de Rome dans son célèbre rapport intitulé The Limits To Growth (Les limites à la croissance). Mais à ce moment-là, il n’est plus question de volontariat ni de choix des individus. Du planisme et de l’autoritarisme, point.

Fondé en 1968 par des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires et des industriels préoccupés de développement durable, ce Club influent considère que les ressources naturelles vont s’épuiser sous les coups conjugués des croissances démographique et économique débridées telles qu’ils les observent et telles qu’ils les modélisent sur une centaine d’années. La conclusion est apocalyptique : si rien n’est fait au plus vite, le système économique mondial s’effondrera en 2030. Peut-être même en 2020, selon une mise à jour réalisée en 2012.

Comment éviter pareille catastrophe imminente ? Selon le Club de Rome, il serait possible d’atteindre un « équilibre global » à condition de limiter les naissances à deux enfants par famille, taxer l’industrie pour limiter la production, et organiser la répartition des richesses afin de distribuer à chacun selon ses besoins. 

De quoi combler les attentes du biologiste et écologiste Paul R. Ehrlich(*) de l’université américaine de Stanford qui préconise aussi de limiter les naissances via un système de primes et d’amendes afin de dissuader les gens de procréer. Car lui aussi pense que l’humanité court à sa perte. En 1968, il publie son magnum opus The Population Bomb qui commence ainsi :

« La bataille pour nourrir l’ensemble de l’humanité est perdue. »

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Il annonce des famines effroyables et la mort de centaines de millions de personnes dans les années 1970 et 1980. Dans des publications et déclarations ultérieures, il prédit que les États-Unis devront rationner l’eau en 1974 et que les pesticides et le DDT feront chuter l’espérance de vie des Américains à 42 ans dans les années 1980. Si j’étais joueur, lance-t-il même un jour, je prendrais le pari qu’en l’an 2000 l’Angleterre aura disparu !

Rien de tout ceci ne s’est réalisé, heureusement – et nos écolos collapsologues d’aujourd’hui devraient peut-être en tirer quelques leçons – mais il faut croire qu’Ehrlich était un peu joueur. En 1980, l’économiste et professeur de management Julian Simon qui ne partage nullement ses idées lui propose un étrange pari qu’il accepte.

En voici les termes :

D’un côté, on a Ehrlich – et toute la planète écolo encore aujourd’hui – qui soutient que l’accroissement de la population conduira à la rareté des ressources et donc à leur renchérissement. Et de l’autre, on a Simon qui pense au contraire que l’homme est la « ressource ultime » : grâce à ses hautes capacités d’innovation, il sera toujours capable d’utiliser et de combiner au mieux les ressources dont il dispose afin de ne manquer de rien sur le long terme, ce qui entraînera la baisse des prix des matières.

Simon propose donc à Ehrlich de choisir un panier de cinq matières premières pour une valeur totale de 1 000 $, ainsi qu’une durée supérieure à 1 an. À l’issue de cette période, le prix déflaté du panier sera calculé. S’il est supérieur à 1 000 $, Ehrlich gagne le pari et empoche la différence. Dans le cas contraire, Simon gagne le pari et empoche aussi la différence. Il est prévu au contrat que le prix des biens ne doit pas être contrôlé administrativement et que les États-Unis ne doivent pas être en guerre au moment où le pari prendra fin.

Ehrlich, enthousiaste, choisit le cuivre, le chrome, le nickel, l’étain et le tungstène, pensant que leur prix va fortement augmenter, et il fixe la fin du pari 10 ans après sa signature, soit en octobre 1990. À cette date, il est contraint de constater son échec en dépit du fait que la population mondiale a augmenté de 870 millions d’individus sur la période et il envoie à Simon un chèque de 576,07 $. En dollars constants, le prix du panier a baissé de 36 %.

Il est certain que 10 ans ne forment pas une très longue période et peut-être Simon a-t-il juste eu de la chance. Une autre période décalée et/ou plus longue ne lui aurait peut-être pas été aussi favorable. 

Mais il se trouve qu’en 2018, le rédacteur en chef de Human Progress Marian Tupy et le professeur Gale Pooley de l’Université Brigham ont développé le concept de Simon en l’élargissant à 50 produits sur une période de 37 ans (de 1980 à 2017).

Résultat : sur cette période, le prix réel de leur panier a baissé de 36,3 %. Ils ont aussi constaté que les produits qui s’achetaient avec 60 minutes de travail en 1980 ne demandaient plus que 21 minutes de travail en 2017 :

Pour Tupy et Pooley, tout ceci confirme l’intuition initiale de Julian Simon et leur permet de conclure leur étude sur la disponibilité des ressources sur une note à la fois typiquement libérale et agréablement optimiste pour l’avenir de l’humanité, contrairement aux prédictions toujours plus « ehrlichiennes », mélanges d’apocalypse et d’autoritarisme, des écologistes et de leurs clones anticapitalistes décroissants :

« The Earth’s atoms may be fixed, but the possible combinations of those atoms are infinite. What matters, then, is not the physical limits of our planet, but human freedom to experiment and reimagine the use of resources that we have. »
La terre est composée d’un nombre fini d’atomes, mais les combinaisons possibles de ces atomes sont infinies. Dès lors, ce ne sont pas les limites physiques de notre planète qui importent, mais la liberté humaine d’expérimenter et d’imaginer de nouvelles utilisations des ressources que nous avons.

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Quant à Simon, et ce sera ma conclusion, voici ses prédictions à long terme :

« The material conditions of life will continue to get better for most people, in most countries, most of the time, indefinitely. Within a century or two, all nations and most of humanity will be at or above today’s Western living standards. I also speculate, however, that many people will continue to think and say that the conditions of life are getting worse. »
Les conditions matérielles continueront à s’améliorer pour la plupart des gens, dans la plupart des pays, la plupart du temps, indéfiniment. Dans un siècle ou deux, tous les pays et la majeure partie de l’humanité auront atteint ou dépassé le niveau de vie occidental actuel. Mais je suppose aussi que beaucoup de gens continueront à penser et à dire que les conditions de vie se détériorent.


C’était mon 700ème article ! Il rejoint ma page Le coin des Libéraux que je vous invite à consulter.


(*) À ne pas confondre avec le scientifique allemand Paul Ehrlich (1854-1915) nobélisé pour ses travaux en hématologie et immunologie et qui a donné son nom à l’agence allemande de réglementation médicale.


Illustration de couverture : L’économiste Julian L. Simon (1932-1998) et le biologiste Paul R. Ehrlich (né en 1932).

16 réflexions sur “Épuisement des ressources : le DÉMENTI du Pari Simon-Ehrlich

  1. Personne ne sera là dans mille ans pour vérifier les prédictions. Le fait énervant à l’origine de cette inquiétude, c’est qu’à l’échelle de l’histoire humaine, la révolution industrielle est très récente. Il paraît donc de bon sens de penser que cela ne peut pas continuer indéfiniment comme cela.

    Cependant, d’autres considérations de bon sens vont dans le sens contraire. On entend souvent dire que la croissance ne peut pas être infinie dans un monde de ressources finies. Mais qu’est-ce que les ressources ?

    Implicitement, dans l’esprit de beaucoup de gens, il s’agit du pétrole et du gaz.

    Mais le charbon, qui a précédé le pétrole, est d’ores et déjà largement abandonné. On le laisse dans la terre, parce qu’on n’en a plus besoin. Le pétrole et le gaz subiront vraisemblablement le même sort.

    Pour d’autres, la ressource limitée, c’est l’eau. Mais on ne manque pas d’eau, bien au contraire. Il y en a trop. L’eau ne s’use pas. Nous réutilisons toujours la même, depuis le début de l’humanité. L’eau est un excellent exemple du fait que la ressource par excellence, ce n’est pas ce qu’on tire du sol ou de la nature : c’est le travail.

    D’autres se tordent les mains face aux arbres qu’on coupe : mais s’il y a une ressource qui se renouvelle aisément et formidablement depuis les débuts de l’humanité, c’est bien le bois. On a beau couper des arbres, ces salopiots repoussent de plus belle.

    De même, le travail permet de recycler les ressources minérales. Je serais curieux de voir des chiffres sur le recyclage de l’acier ou du plastique. Je suis bien certain qu’il a explosé depuis que l’homme a commencé à utiliser ces matériaux.

    Tenez ! le plastique, justement. Cette substance honnie des écologistes, alors qu’elle permet de produire de merveilleux objets indispensables à la vie civilisée : sacs en plastique, pistolets de la police.

    Le plastique, à l’origine, venait du pétrole. On le fait de plus en plus avec des végétaux. Les végétaux sont une ressource… renouvelable.

    Notez que l’on n’entend plus beaucoup parler de la faim dans le monde. Parce que de moins de moins de gens ont faim, justement. Jadis, l’inquiétude primordiale, c’était le manque de nourriture. L’humanité allait mourir de faim.

    Maintenant, on nous explique que la croissance est très grave, parce que l’humanité va manquer d’iPhone. Il n’y aura pas assez de tritium, ou de polonium, ou de Novichok, pour fabriquer des iPhone. J’en doute.

    En fait de polonium, c’est sûr que si l’on suit Natacha Polony, et qu’on interdit les fermes de plus de dix vaches, on aura du mal à s’en sortir. Je doute que les lecteurs de Natacha Polony soient prêts à se priver de leur iPhone, pour prix de l’abandon des fermes de douze vaches. Il va falloir choisir.

  2. Je lisais dernièrement que les carburants fossiles et autres qui permettent de lancer des fusées étaient en voie de remplacement car elles limitent la vitesse à 38.000 km/h et que pour atteindre l’étoile du Centaure il faudrait 2.000 ans. Les vitesses actuellement étudiées serait de l’ordre de la vitesse de la lumière et l’étoile citée serait joignable en 38 ans sans énergies fossiles
    L’être humain est formidable, les écologistes devraient être humbles et se renseigner ainsi que se limiter à la propreté de nos sites et l’apprendre à tous ces cochons qui s’imaginent que quelqu’un va passer derrière eux pour ramasser leurs cochonneries, plastiques dans la mer inclus et là la tâche est déjà immense

    • J’abonde dans ce sens: si on avait dit aux gens du Moyen-Age qu’ils verraient un jour le roi chez eux, ils auraient crié à la folie. Alors pourquoi ne pas imaginer (comme certains auteurs de SF) qu’un jour nous pourrons nous déporter instantanément dans une autre galaxie ?
      L’inventivité de l’homme est infinie, et son aire de jeu sera l’Univers.

  3. Sympathique l’ article et très bonne recherche de votre part , Je pense que la climatologie politique est une forme de manipulation informationnelle qui a sa raison d’être dans la crise financière de 2008 non encore résolue en 2021. il y a à l’échelle des perceptions humaines peut être une activité climatologique qui s’écarte des modèles construits mais rien ne prouve à l heure actuel que cela est causée par l’activité économique ou la surpopulation et qui selon les projections ne généraient pas systématiquement de l’ activité économique impactante ex les prévision pour l’Afrique 2 milliard de population avec un taux de productivité très faible . Mon intuition m’amène vers une problématique cosmique comme le rapport terre et soleil incluant l’activité solaire, les tremblements de terre, l’astrophysique et la météo voir à ce propos le site https://suspicious0bservers.org/. Je tiens à préciser que l’indicateur de Simon est fantaisiste et ne signifie rien car les prix des matières premières sont financièrement cartellisés et dominés au final via le marché financier par les esprits animaux ex le Brent à 200 USD lors de la décennie à venir pourquoi pas ! mais cela ne signifierait rien en terme de prospective humaine car le Brent pourrait aussi bien s’échanger à 70 USD,  » La terre est composée d’un nombre fini d’atomes » cette assertion est floue car nous ne connaissons pas le nombre d’atomes produit et produisant l’activité en dessous de la couche terrestre , « 60 minutes de travail en 1980 ne demandaient plus que 21 minutes de travail en 2017 » il n’y a rien de significatif dans cela du fait de la révolution industrielle et de la prédominance du feu dans la situation actuelle de l’économie, « que l’homme est la « ressource ultime » : grâce à ses hautes capacités d’innovation, il sera toujours capable d’utiliser et de combiner au mieux les ressources dont il dispose afin de ne manquer de rien sur le long terme » et ceci est aussi un peu ridicule de la part de Simon sachant que l’humain est déterminé par la thermo dynamique et donc par la matière et qu il peut être placer sous le joug du déchainement de celle ci , le virus actuellement en est un exemple ou encore le concept géostratégie de « destruction mutuelle assurée ( DMA ) en serait la finalité. .

  4. Merci Nathalie pour cet article plein de bon sens.

    Le problème est que les modèles que l’homme élabore pour prouver ces catastrophes sont complètement faux, pour deux raisons:

    D’abord ils ne tiennent aucun compte de l’inventivité humaine, ils sont construit à technologie constante actuelle ou peu s’en faut. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, dans la mesure où l’histoire dément complètement cette attitude: la technologie a toujours fait des progrès dans le sens d’une amélioration des conditions de vie, et de l’économie de moyens, depuis la maîtrise du feux jusqu’aux centrales nucléaires et l’informatique.

    Ensuite, affirmer que les ressources de notre planète sont finies est une erreur, puisque nous recevons du soleil et constamment une énergie considérable. Or, finalement tout ce dont nous avons besoin, c’est d’énergie, grâce à elle nous pouvons tout obtenir: la biomasse pour nourrir l’humanité et la matière pour les biens matériels de confort.

  5. JOURNALISTE (définition) : « personnage qui ne connait absolument rien des sujets dont il parle. » = = = C’est votre cas. Vous ne comprenez absolument rien de ce sujet, votre compétence pour en parler est égale à zéro. Vous devriez lire mon site internet en entier : il contient environ 60 000 pages (soixante milles) de textes choisis sur l’énergie, l’économie et l’écologie. Ce qui représente 3 ans de lecture, chaque jour, 3 heures par jour. Et c’est seulement le début : pour ma part j’ai lu… 500 000 pages de textes, dont la majorité est de la science. Retournez vous couchez, vous n’avez rien compris.

  6. @ Jean-Pierre DeVincy
    J’admire votre maîtrise dans des domaines complexes aussi divers que « la » science, l’énergie, l’économie et l’écologie.
    Je vous propose d’ajouter 2 pages aux 500 000 que vous avez lues, deux pages ne traitant ni de « la » science, ni d’énergie, ni d’économie, ni d’écologie.
    Deux pages du niveau école primaire, qui ne vous prendront, d’après les données numériques que vous fournissez, qu’environ 6 à 7 minutes :
    – la première sur l’accord des nombres cardinaux
    – la seconde sur l’accord sujet-verbe
    Bien cordialement

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