Sébastien Lecornu ne fera RIEN

Nouvelle rentrée, nouveau Premier ministre, nouveau budget à préparer. Est-ce à dire qu’un vent de fraîcheur et de nouveauté s’est mis à souffler sur la France ? Qu’une nouvelle ère politique est annoncée ? Que tous les rêves de liberté et de prospérité retrouvées pourraient devenir réalité ? La réponse est trois fois non. Le Premier ministre n’est nouveau que parce que les précédents ont été consciencieusement renversés par le Parlement, lequel reste identique à lui-même, tandis que le débat politique et économique activement proposé dans nos médias n’est autre qu’un piteux réchauffé de la vulgate mitterrandienne de 1981.

Il se trouve que le nouvel occupant de Matignon s’appelle Sébastien Lecornu. Mais son nom ou les détails de son curriculum vitae n’ont pas la moindre importance. Comme ses prédécesseurs depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et les élections législatives subséquentes qui ont accouché d’une chambre basse morcelée en trois blocs dont aucun n’a la majorité absolue, il ne fera rien, il n’arrivera à rien. Du moins à rien de foncièrement significatif qui permettrait de redonner à la France son lustre de contrée qui compte dans le concert des nations.

Nous, les Français, aimerions penser que notre pays, débarrassé de ses envahissantes lourdeurs inutiles, est supérieurement équipé pour gérer les défis démographiques (retraite, éducation, santé, emploi) et technologiques (recherche, innovation, croissance, emploi) qui s’annoncent. Force est de constater cependant que chaque nouvelle statistique, chaque nouveau rapport le concernant attestent de son incapacité accrue à produire de l’excellence en ces domaines. En cause, ses comptes publics qui, quoique caractérisés par des dépenses annuelles rondelettes et des impôts à l’avenant, nous tirent vers les fonds périlleux de la dette vertigineuse réclamée par son modèle social structurellement insatiable et insoutenable, à commencer par le service des pensions de retraite.

Or voici donc que M. Lecornu, 39 ans, vient d’être propulsé à la tête du gouvernement par la grâce d’Emmanuel Macron. Il faut dire qu’il fait partie de ses « fidèles » de la première heure. Après des débuts en politique à l’âge de 28 ans en tant que maire de Vernon (Eure, Normandie) sous l’égide de l’UMP devenue LR et avec l’appui de notre ex-ministre de l’Économie Bruno Le Maire, également élu LR dans l’Eure, il ne tarde pas (comme ce dernier) à rejoindre la Macronie présidentielle qui le nommera dès 2017 secrétaire d’État auprès du ministre de l’Écologie (Hulot puis Rugy). Suivront plusieurs postes ministériels dont, depuis 2022, celui de ministre des Armées. 

Il lui a été reproché récemment d’avoir manqué de transparence sur l’état exact de ses diplômes. Toujours est-il qu’il pourra dorénavant se vanter sans mentir d’avoir été Premier ministre de la France. Et peut-être est-ce là la seule raison qui l’a poussé à accepter ce poste. Une ligne glorieuse, indélébile et incontestable dans sa biographie. Car entre le contexte politique actuel et le peu que l’on sait de ses projets, il n’existe hélas guère de chances de le voir devenir le Premier ministre du retournement nécessaire du pays.

Plutôt silencieux depuis sa nomination il y a trois semaines et toujours en quête d’un gouvernement, Sébastien Lecornu vient de se livrer longuement dans un entretien accordé au Parisien. Longuement ne signifiant nullement qu’il y ait dévoilé le détail de ses projets. À se demander, même, s’il a en tête le moindre projet bien défini, car on observe chez lui une cadence intellectuelle toute normande : 

  • Le gouvernement va présenter un budget transparent ; « pour autant », le budget final ne sera pas un budget Lecornu mais le budget amendé par la représentation nationale. (→ Défausse préalable.)
  • La priorité est la réduction des dépenses, ce qui passera par une diminution de 6 milliards d’euros sur l’État et son train de vie ; « pour autant », les attentes sociales sont fortes, donc en 2026, les moyens alloués aux retraites et à la santé augmenteront respectivement de 6 et 5 milliards d’euros. (→ Allez comprendre.)
  • Des hausses d’impôts seraient malvenues car nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE ; « pour autant », il faudrait être sourd pour ne pas entendre la demande de plus grande justice fiscale des Français. (→ À bon entendeur, salut !)
  • La réforme des retraites de Mme Borne s’est donné pour objectif de conforter et pérenniser notre modèle. Observons qu’aucun gouvernement n’a jamais remis en cause les réformes engagées avant lui ; « pour autant », les cas spécifiques de la pénibilité et du travail des femmes seront examinés. Quant à l’émergence d’autres modèles, ce n’est pas l’affaire de ce gouvernement mais plutôt un sujet de débat présidentiel. (→ Propos typiques d’un simple exécutant.)

Bref, comme je le disais plus haut, M. Lecornu fera deux pas en avant, trois pas en arrière, autrement dit : rien. 

Il a certes beau jeu d’expliquer que nous sommes entrés dans un régime parlementaire qui place son futur gouvernement « sous la tutelle et même le contrôle du Parlement » ; et il est vrai que l’arithmétique de l’Assemblée nationale semble lui donner raison. Mais la réalité, c’est que même dans ce contexte où les différentes sensibilités politiques des Français, de la gauche de la gauche à la droite de la droite, sont presque proportionnellement représentées dans l’hémicycle, l’élection présidentielle reste l’événement fondateur de notre démocratie.

De ce fait, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, tous les partis d’opposition, tous les candidats potentiels, y compris ceux qui jouent au centre, en sont à peaufiner leur meilleur profil et à affûter leurs couteaux en vue de 2027. Qui, dans les deux grands blocs d’opposition à l’Assemblée (NFP et RN), va prendre le risque de voter des hausses d’impôt ou des baisses de dépenses qui ne seraient pas en faveur directe de son électorat et/ou conformes au discours politique qui sera servi lors de la prochaine campagne présidentielle ? Et même dans les rangs du groupe central, qui… ?

Résultat, la stratégie politique de chacun consiste à tout tenter pour s’éloigner au maximum du macronisme et d’Emmanuel Macron, dont la popularité n’en finit pas de s’effondrer en éclaboussant sévèrement Sébastien Lecornu au passage. Et à tout faire pour peser de quelques marqueurs de gauche extrême (ISF, abandon de la réforme des retraites et taxe Zucman) ou de quelques marqueurs de droite extrême (immigration, AME, budget européen et impôt sur la fortune financière) qui pourraient venir alimenter les crédibilités respectives des candidats présidentiels le moment venu.

Quant au nouveau Premier ministre, qu’il s’appelle Lecornu ou Tartempion, la seule question qui se pose à son sujet consiste à savoir s’il sera le Barnier ou le Bayrou de cette rentrée 2025. Parviendra-t-il à faire adopter un budget pour 2026 ? Sachant que ce budget, acceptable (ou du moins pas repoussant) pour les trois blocs de l’Assemblée nationale, sera forcément un budget de continuité fade dans le marasme ambiant…


Illustration en couverture : le Premier ministre Sébastien Lecornu (depuis le 9 septembre 2025). Photo AFP.

9 réflexions sur “Sébastien Lecornu ne fera RIEN

  1. Dieu sait que j’apprécie vos textes. Mais à l’évidence il n’y a plus rien à dire de ce magma institutionnel où une tribu se goinfre au détriment de ceux qui paient. Il ne nous reste plus que les fourches. On ne peut que constater que des pays voisins se détachent de tous les machins europe onu fmi , mais nous non, nous n’avons plus de pouvoir depuis le référendum de 2005

  2. Chère Nathalie, je souscris pleinement à votre propos ! Permettez-moi toutefois d’en contester la conclusion. Car Tartempion surpasserait Lecornu sans difficulté. Grâce à son effacement volontaire, sa réserve légendaire et notre incapacité chronique à mettre un visage sur son nom, à défaut d’y coller des tartes.

    Après toutes ces années, on parle toujours de lui (ou d’elle ?). A l’inverse, qui se souvient d’Édith Cresson ? Seul subsiste son héritage philosophique : les Anglais seraient des gays, les Chinois des fourmis. Ah, c’était l’époque faste où les socialistes collectionnaient les casseroles diplomatiques avec autant d’ardeur que les naufrages budgétaires. Eh oui, déjà ! Hollande et Macron n’ont rien inventé. Juste industrialisé le procédé.

    Toujours est-il qu’en tant que militant présumé de « Demain Peut-être», ce parti que Tartempion n’a ni créé ni intégré, voire dont il ignore probablement l’existence, je soutiens comme il se doit, c’est à dire mollement, sa candidature hypothétique à Matignon.

      • @Mildred: Vous me rassurez ! Moi non plus je n’avais rien compris, mais je n’osais pas l’avouer. Concernant la Harley, méfiez-vous des promesses de commentateurs anonymes. Souvenez-vous de cette infortunée ayant dilapidé ses économies pour un pseudo Brad Pitt, propriétaire d’une prétendue Ferrari rouge s’avérant être, à l’examen, une modeste C3 dotée de son airbag Takata d’origine.

  3. Nous n’avons pas encore touché le fond. Il n’y a quasiment aucun domaine où nous sommes au-dessus de la ligne de flottaison. Bon courage à ceux qui veulent sortir la France de ce bourbier dont Macron est absolument responsable. C’est lui qui devrait aller en taule et pas Sarkosy !

    • « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir… »

      Il vaut mieux avoir la bonne étiquette; blasonnée à senestre, donc.

      D’autres suivront. Inutile de les citer.

  4. « En vue de 2027 » en admettant d’atteindre l’échéance « sain et sauf », les menteurs de compétition vont effectivement nous promettre ISF, les impôts c’est leur seule compétence; pas de réforme des retraites et d’ailleurs en général aucune réforme structurelle; fin immigration et Europe, sont-ils seulement en capacité d’y arriver, sérieusement; ah, faut pas oublier un peu de lutte pour le climat hein, encore des normes et de la fiscalité, on peut là leur faire confiance.
    Comment croire que l’horizon 2027 va nous sortir de l’impasse et du déclin avec de tels programmes ?

    Je rappelle Mateo Renzi en 2014 « ce n’est de la faute ni de l’Allemagne, ni de l’euro, ni de la banque centrale, ni de la commission de Bruxelles, ni d’un quelconque bouc émissaire extérieur. Si l’Italie est en difficulté, c’est qu’elle a été incapable de résister aux contraintes de la crise et de la mondialisation. Il faut donc qu’elle se mette à niveau. Il faut que les Italiens se reforment eux-mêmes. L’Italie ne s’en sortira qu’en développant l’offre industrielle et cette offre viendra principalement des PME. il faut donc donner aux entreprises de l’oxygène, pour qu’elles retrouvent de la marge, des financements, et de la compétitivité. Parallèlement : de la formation, de l’apprentissage, de l’innovation.
    Enfin, le système ne tient la route que si et seulement si, l’oxygène est financé par des économies sur les dépenses publiques. »

    Et j’ajoute l’état d’esprit général a toujours été de protéger les entreprises familiales en particulier en Italie, nous autres en étions aux 200 familles dans les années 30 et nous en sommes maintenant aux 1800 familles à qui il faut faire rendre gorge !
    Un gap « libéral » non négligeable.

    • @Tino: Comme le criait Richard III dans sa pièce (« Eponyme » selon Wikipédia, mais je suis presque certain que ce n’est pas le vrai titre) : « Un coupable ! Un coupable ! Mon royaume pour un coupable ! » Slogan parfait pour les agités de LFI, du RN ou du PS, que je cite comme ça, dans le désordre. Peu importe d’ailleurs puisque, même bien classés, ils ne feront jamais un tiercé gagnant. Dans ce PMU sans vainqueur, Lecornu est la Rossinante de notre Don Quichotte présidentiel, une brave monture, certes, mais dont il serait illusoire d’attendre autre chose que son successeur.

  5. Il n’y a pas d’équation. Seulement attendre de toucher le fond.
    Un gouvernement courageux aurait pourtant des moyens simples de réduire le déficit sans passer par le Parlement. Arrêter toute embauche de fonctionnaires et contractuels, geler les rémunérations pendant une année.
    À bon entendeur. Il n’y a pas de bon entendeur.

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