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Vandalisme écolo chez BlackRock ou le bal des petits TYRANS

Bernard Arnault peut enfin souffler. Cible récurrente de la hargne anticapitaliste depuis que François Ruffin (LFI) en a fait le grand méchant dans son film « Merci patron », le PDG de LVMH semble en bonne voie de perdre son titre. Réforme des retraites aidant, c’est maintenant le gestionnaire d’actifs BlackRock qui caracole en tête des détestations de nos permanents de l’indignation. Américain, actif dans la finance, manipulant des milliards et coupable d’investissements dans des entreprises liées aux énergies fossiles, il est devenu le bouc émissaire idéal et « tout-en-un » de la convergence des luttes.

C’est ainsi qu’après avoir été accusé au prix de pas mal de complotisme et de « fake news » de vouloir s’emparer de notre système de retraites par répartition pour le transformer en champ de ruines inégalitaire via la capitalisation, ce qui lui a valu une première intrusion syndicale début janvier, BlackRock Paris fut ce lundi le théâtre d’une opération militante écolo pas très chic mais clairement choc, à l’appel du mouvement Youth for Climate fondé il y a un an dans la foulée des grèves scolaires pour le climat lancées par Greta Thunberg.

Une quarantaine d’étudiants et de lycéens se sont introduits avec force et fracas dans ses bureaux parisiens qu’ils se sont ensuite employés à « redécorer avec de la peinture, des bombes de tags etc. » – dixit Lucie, jeune manifestante manifestement ravie de sa trouvaille lexicale et de sa matinée. Curieusement, cette action pudiquement qualifiée de « symbolique » par Gaël, autre activiste, ne fut pas du goût de l’entreprise, qui a condamné « avec la plus grande fermeté » une intrusion violente et des actes de vandalisme (vidéo, 01′ 35″ et photos) :

Galerie Photo du jeune lycéen en « lutte climatique »
Vandalisme, slogans réflexes, convergences bizarres et poings levés

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Bureaux du gestionnaire d’actifs américain BlackRock, Paris, 10 fév. 2019

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Objectif ultime de l’opération, dénoncer l’inaction climatique criminelle de BlackRock, dénoncer l’inaction climatique du monde occidental en général et in fine – on finit toujours par y arriver – dénoncer le « mensonge du capital » et l’ultra-libéralisme :

« On y est allé un peu symboliquement, plus qu’autre chose, pour leur dire qu’on n’était pas contents et qu’il fallait qu’ils laissent nos retraites tranquilles, notre planète tranquille et nos générations futures tranquilles. » (Gaël, militant)

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Quel dommage que l’Agence internationale de l’énergie (IEA) n’ait pas sorti son communiqué sur la stagnation des émissions de CO2 en 2019 un jour plus tôt ! La consultation du document publié mardi 11 février n’aurait pas manqué de montrer à nos jeunes guerriers du climat et de la justice sociale que le monde est effectivement en pleine transition énergétique et qu’en ce domaine, le monde développé qu’ils s’acharnent à attaquer est en réalité celui qui innove et montre la voie.

En 2019, les émissions mondiales de CO2 liées aux énergies en sont restées aux 33 Gt (gigatonnes ou milliards de tonnes) déjà observées en 2018 – et ceci en dépit de la croissance mondiale qui fut de 2,9 % en 2019 et en dépit de prévisions haussières.

Attribuant cette pause à la montée en puissance des énergies renouvelables, au remplacement progressif du charbon par le gaz et au développement du nucléaire, l’IEA en donne aussi la décomposition par grandes régions et selon le niveau de développement.

Il s’avère donc que la stagnation est due à la baisse de 400 millions de tonnes enregistrée par le monde développé en 2019, dont 160 millions en moins dans l’UE et 140 millions en moins aux États-Unis, tandis que le monde en développement a émis 400 millions de tonnes de plus que l’an dernier (schéma de gauche). Globalement, le monde développé est sur un trend baissier depuis 2007 (schéma de droite) :

   

À vrai dire, ces éléments et de nombreux autres sont connus, divulgués et analysés depuis longtemps. Ils intéressent hautement tous ceux qui sont en recherche sincère de Factfulness (du nom de l’excellent livre d’Hans Rosling), c’est-à-dire de faits plutôt que de propagande gauchiste de base.

Mais ce n’est évidemment pas la préoccupation première du jeune militant en mal de frisson révolutionnaire (et qui plus est en vacances). Il n’a que faire de savoir que la capitalisation n’est (hélas) pas au menu de la réforme des retraites et il n’a que faire de la situation effective du monde occidental au regard des émissions de CO2.

Son tour est venu de changer le monde, son tour est venu de dire aux adultes qu’ils ne comprennent rien à la vie, son tour est venu de se prendre pour Voltaire, ou plutôt pour Marx, voire Piketty, et de dire aux bourgeois qu’ils sont comme des cochons qui salissent le monde.

Et si, pour cela, il faut renverser la table, eh bien, pourquoi pas ?

Vous qui pensiez, comme moi, que l’atteinte aux biens et aux personnes était la limite infranchissable de la joute politique dans une société libre, j’ai une bonne nouvelle pour vous : il semblerait que pour l’instant les violences aux personnes soient écartées des moyens d’actions envisagés par Théophile, Lucie et les autres. Ils ont certes écrit sur les murs « Le kérosène, c’est pas pour les avions, c’est pour brûler les flics et les patrons », mais ce n’est qu’un simple tag ; cette extrémité n’est pas pour tout de suite. On les remercie, c’est très gentil de leur part ! (pour reprendre l’expression d’Arlette Chabot sur LCI) :

En revanche, s’introduire sur la propriété privée d’autrui et casser tout ce qui s’y trouve, cela s’appelle de la « désobéissance civile », expression savante qui, dans la bouche de Carmen, 14 ans, semble conférer une respectabilité révolutionnaire évidente à toute l’affaire.

Comme les multinationales et les gouvernements persistent dans leur inaction climatique – ou plutôt comme ils n’obéissent pas au doigt et à l’œil aux injonctions de jeunes écolos remontés comme des coucous – le mouvement est obligé de se radicaliser. Si on casse, c’est de votre faute. Pratique, et très classique, le renversement de la culpabilité. Toute ressemblance avec un enfant colérique qui lance ses jouets pour faire céder ses parents ou avec les blocages de la CGT pour faire céder le gouvernement n’est pas fortuite du tout (vidéo ci-dessous, 02′ 13″) :

« Notre but, c’est de rendre hors service vos locaux, c’est de faire en sorte de saboter tout pour faire en sorte que vous puissiez plus continuer à détruire notre planète. » (Carmen, militante, 14 ans)

Ce qui est bien, c’est qu’on trouve toujours un politicien ou un autre pour soutenir ce genre d’action violente typique d’un esprit illibéral. Les poussées d’hormone juvéniles sont toujours récupérées. Oh bien sûr, ni Jean-Luc Mélenchon (FI) ni David Belliard (EELV) ne sont « partisans de la violence dans la mobilisation » MAIS… car il y a toujours un « mais ». Et il y a donc toujours une légitimation subliminale de la violence.

Comme chacun sait, et comme Mélenchon le répète à longueur de coups de gueule, le pouvoir actuel est illégitime, nous vivons en dictature et la répression policière est intense. Quand on pense que la police a procédé à 17 interpellations après l’opération « déco » de lundi ! Pauvres lycéens, pauvres étudiants, ils sont sortis d’eux-mêmes de l’immeuble, mais ils ont été piégés par des CRS « armés très lourdement » !

C’est tout simple, et tellement évident : France Chine, même répression même combat. D’où les parapluies noirs sous lesquels s’abritaient plusieurs manifestants en hommage aux citoyens de Hong Kong en rébellion contre le gouvernement pro-chinois.

Une militante qui était en garde à vue a finalement écopé d’un rappel à la loi. Interrogée par Quotidien (vidéo) elle admet qu’elle a eu de la chance. En effet. Et vous êtes de Paris ? lui demande le journaliste. Non, de banlieue, de Versailles. Oh, pauvre mignonne !

Je crois que tout est dit. Chez BlackRock lundi dernier, on a assisté au bal de petits tyrans ignorants et trop gâtés.

Il faut que jeunesse se passe, me direz-vous. Mais le problème, c’est que des individus moins naïfs, des Mélenchon, des Ruffin, des Oxfam, des Piketty, etc. avancent (plus ou moins) masqués sous les dehors généreux de la justice sociale et écologique. Comptez sur eux pour entretenir la flamme des petits tyrans.


En complément de cet article, je suggère la lecture de :
· Le climat ou le nouvel enjeu de la tentation autoritaire (14 mars 2019)
· LUTTES : plus elles convergent, plus elles divaguent ! (9 décembre 2019)
· Affaire BlackRock : un joli précipité de schizophrénie française (6 janvier 2020)


Illustration de couverture : Dégradations des locaux parisiens de BlackRock par des activistes écolos du mouvement Youth for Climate, 10 février 2020. Photo AFP.

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