Le chiffre IDIOT du jour : 211 Mds d’aides publiques aux entreprises

C’est un rapport du Sénat publié cet été qui l’affirme : les aides publiques aux entreprises se sont montées à 211 milliards d’euros en 2023. Pas de conditionnel, « c’est un chiffre indiscutable », a assuré le sénateur Olivier Rietmann (LR) qui a présidé la commission d’enquête ad hoc formée en janvier dernier à l’initiative du groupe communiste, le sénateur (et accessoirement directeur du journal l’Humanité) Fabien Gay (PCF) en étant le rapporteur. Ce dernier sait de quoi il parle : son journal a englouti 5,6 millions d’euros de subventions à la presse en 2024.

Le chiffre indiscutable est en fait une reconstitution réalisée à partir d’une multitude d’informations éparpillées dans les ministères, à l’Urssaf, à Bercy et dans les entreprises. Mais surtout, le chiffre est magnifiquement élevé et son potentiel médiatique est colossal. « Premier budget de l’État ! », « deux fois le budget de l’Éducation nationale ! »… Un peu comme la taxe Zucman, il permet à la gauche d’occuper le devant de la scène politique et de se livrer à son activité favorite : mettre tous les maux de la France sur le dos de ces prédateurs invétérés que sont à coup sûr les ultra-riches et les entreprises. 

L’émission de France 2 « Complément d’enquête », toujours en pointe en ce domaine, a immédiatement saisi la balle au bond. Et si les vrais assistés de la République, c’était eux, les ultra-riches et les multinationales ? Telle est en effet la problématique annoncée pour son émission de ce soir, consacrée justement à ces 211 milliards :

Ma position sur les subventions est simple : il faut les supprimer pour tout le monde, pour les particuliers, pour les associations, pour les entreprises… ET baisser les prélèvements obligatoires en conséquence. Le problème, ici, c’est que si le chiffre de 211 milliards est indiscutable, il est aussi complètement idiot.

Nos sénateurs arrivent à ce montant (voir schéma ci-dessous, extrait du rapport) en prenant d’abord 41 milliards d’euros en provenance de Bpifrance, notre banque publique d’investissement. Ceci correspond soit à des prêts (que les entreprises remboursent avec intérêts), soit à des investissements (donc avec des titres en contrepartie), soit à des garanties (très rarement exercées). Mais en aucun cas il ne s’agit de dépenses publiques, et certainement pas de subventions ou d’aides.

Ils y ajoutent 88 milliards de « dépenses fiscales ». Du pur jargon bercynois. Pas l’ombre d’une dépense là-dedans non plus ; on n’a toujours pas touché à nos presque 1 700 milliards d’euros de dépenses publiques (PLF 2025). On parle en fait de réduction d’impôts, soit sous la forme des taux réduits de TVA (2,1 % pour la presse, M. Gay !), soit sous la forme du Crédit d’impôt recherche (CIR), soit sous la forme du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) – ce dernier ayant été transformé récemment en allègement de charges sociales.

Les allègements de cotisations sociales forment justement le troisième poste retenu par les sénateurs pour un montant de 75 milliards d’euros. Même chose que précédemment, il n’est pas question ici de dépenses publiques, mais des efforts menés au cours du temps sur les bas salaires pour ne pas pénaliser l’emploi et tenter de ramener le coût du travail français dans les moyennes de l’Union européenne ou de l’OCDE. 

Une réduction d’impôt ou une baisse de charges sociales ne sont pas des cadeaux faits aux entreprises, c’est de l’argent qu’on leur prend en moins. Ne pas oublier que ce sont les entreprises qui créent la richesse, pas l’État. Ce dernier se contente de ponctionner les entreprises et les particuliers à un niveau devenu délirant, 45 % du PIB, et c’est précisément pour atténuer ce délire qui plombe année après année la compétitivité et l’emploi du pays que ces politiques d’allègement ont été mises en place.

Tout ceci étant dit, l’on constate qu’il ne reste plus qu’un paquet de 7 milliards d’euros, intitulé « subventions aux entreprises » par les sénateurs, qui puisse rentrer effectivement dans la catégorie des aides publiques appartenant à la grande marmite des dépenses publiques. Comme le chiffre est « indiscutable », je me vois obligée d’en conclure que les vraies aides publiques aux entreprises se montaient à 7 milliards d’euros en 2023. Et pour tout vous dire, je trouve ce chiffre ridiculement faiblard. Où sont les subventions déversées par milliards sur nos glorieuses entreprises publiques ?

211 milliards ou 7 milliards, tout ceci a surtout l’air d’une vaste fumisterie. Peut-être certains sénateurs membres de la Commission d’enquête ont-ils eu eux aussi cette désagréable sensation de participer à une farce. Toujours est-il que la commission a calculé ensuite un montant des aides « au sens strict », le précédent étant considéré « au sens large ».

La part Bpifrance disparaît. Logique, elle n’a rien à faire ici. Et parmi les dépenses fiscales, les effets des taux réduits de TVA sont enlevés du calcul, de même que ceux des dépenses fiscales dites « déclassées » : ce sont des « dépenses fiscales » que Bercy n’appelle plus dépenses fiscales car elles concernent un mode de calcul de l’impôt, pas une politique publique. Exemple : le régime de l’intégration fiscale. Les allègements de cotisations restent inchangés.

Une fois ces petites rectifications apportées, les aides publiques aux entreprises tombent à 108 milliards d’euros. Un chiffre qui reste idiot pour les mêmes raisons que précédemment.

Dans le PLF 2025 signé Bayrou, les prélèvements obligatoires sont évalués à 1 300 milliards d’euros, soit 45 % du PIB, plus haut niveau en Europe et dans l’OCDE. Si l’on y rajoutait les 88+75 = 163 milliards d’impôts et charges sociales prélevés en moins aux entreprises (dans la version « au sens large »), c’est-à-dire si l’on annulait toutes les mesures de réduction d’impôts et de charges sociales, la France se hisserait à un taux de prélèvements obligatoires de… 50 % ! Le paradis socialiste est bien un enfer fiscal.

En réalité, la France est en train de mourir à petit feu de son trop d’impôts, de son trop de dépenses publiques… et du mélange d’incompétence et de malhonnêteté intellectuelle de ses élites politiciennes. Dans la cure d’amaigrissement qu’elle sera bien obligée d’entreprendre un jour, tant ses conditions d’emprunt commencent à se durcir sévèrement, les subventions sont clairement à éliminer. Mais n’allez surtout pas croire qu’on vient de trouver à point nommé 211 milliards d’économies à réaliser.


Illustration de couverture : le rapporteur Fabien Gay (PCF) et le président Olivier Rietmann (LR) de la commission d’enquête sur les aides publiques aux entreprises.

19 réflexions sur “Le chiffre IDIOT du jour : 211 Mds d’aides publiques aux entreprises

    • @Michel Albouy: si ça peut aider, je suis prêt à participer à une collecte pour faire parvenir à nos chers sénateurs une sélection des meilleurs ouvrages d’économie et de finance, à commencer par les vôtres, bien évidemment !

      Mais soyons lucides : ces braves sénateurs seraient capables de s’en servir pour caler la vieille commode bancale, estampillée « réalisme socialiste », qui leur tient lieu de pensée logique.

      Tout bien réfléchi, il serait plus charitable de leur envoyer un roman de Bruno Le Maire ou une autofiction de Marlène Schiappa à colorier. Naturellement, le Smecta restera à leur charge. À défaut, un exemplaire de « Viva la Regulación ». En tir tendu.

  1. Merci pour cette salutaire mise au point.
    Qui aurait du faire la une de tous les journaux.
    Au lieu de quoi, la presse s’est globalement jetée avec avidité sur ce rapport stupide ; à ce titre, la bande-annonce de « complément d’enquête », racoleuse et malhonnête est un chef d’oeuvre de désinformation…. avec l’argent du contribuable.

  2. 211 + ZUCMAN = Consternation. Depuis 1981, nous sommes à rebours de l’histoire et nous perdons du terrain

    Effet ciseau:
    Côté dépenses, toujours ++: Retraite à 60 ans, cinquième semaine de congés payés, 35 heures, Quoi qu’il en coûte, mille feuille territorial, état guichet, etc…
    Côté recettes: toujours – – : Désindustrialisation, délocalisations, pression fiscale accrue, recours énorme à la dette, etc…
    Dans le même temps, pas question de dire aux français que nous sommes à contresens sinon… défaite aux élections. Or, il faut être élu. Coûte que coûte.
    Alors, aides données aux entreprises pour que la pilule passe et préserver un tant soit peu de compétitivité.
    Comme disait François « ça ne vous coûtera rien, c’est l’état qui prend en charge ».
    Au final, 2027 ne devrait pas échapper à la règle de la démagogie sachant que la France ne se réforme jamais autrement que par une grave crise: Un drone russe au dessus de Strasbourg ?

  3. Très juste.
    S’il ne fallait retenir qu’une phrase : « Ne pas oublier que ce sont les entreprises qui créent la richesse, pas l’État. »
    Puissent les nombreux grévistes du jour s’en souvenir…

  4. Excellent papier qui remet l’église au milieu du village. Cela mériterait une très large diffusion et en particulier un débat sur A2 après l’émission de la gauchiste caviar archi corrompue, j’ai nommé E. Lucet

    • @Rob: Cher Rob, permettez-moi de vous rappeler les règles élémentaires de bienveillance en vigueur sur ce blog. Pour parler des journalistes peu scrupuleux de France Pravda-vision, il est préférable d’employer l’expression de « travailleurs à référentiel de sincérité variable », voire de « personne en situation de probité discontinue ». Merci de laisser une chance de réinsertion à la calomnie.

  5. Et je me demande si l’exonération totale d’impôts sur les sociétés coopératives agricoles a été comptabilisé?
    Les coops ne payent aucun impôt sur le résultat.
    Même si elles ne sont guère efficaces, ça représente un paquet d’argent, et un avantage absolument anormal contre les opérateurs non coopératifs.

  6. Autre « chiffre idiot du jour » auquel vous allez être confrontée, chère Nathalie : un sondage IFOP nous apprend que la Taxe Zucman est soutenue par 86 % des Français (dont 89 % sympathisants LR et 92 % Renaissance).

    • En effet.
      Mais facile d’être favorable à un impôt qu’on ne paiera jamais. Et puis, si ça peut faire oublier le problème des retraites… Les français s’accrochent à des mirages. C’est l’avenir qu’on est en train de dévorer, comme disait déjà Bastiat en son temps dans Justice et Fraternité (1848) :

      « Le peuple sera écrasé d’impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l’avenir. (…) On verra le peuple tout entier transformé en solliciteur. Propriété foncière, agriculture, industrie, commerce, marine, (…) tout s’agitera pour réclamer les faveurs de l’Etat. Le Trésor public sera littéralement au pillage. Chacun aura de bonnes raisons pour prouver que la fraternité légale doit être entendue dans ce sens : ‘Les avantages pour moi, et les charges pour les autres.’ L’effort de tous tendra à arracher à la législature un lambeau de privilège fraternel. » Etc.

    • @Mildred: Je ne suis pas sympathisant LR, tout juste compatissant. Mais face à des scores aussi brejneviens, une question me taraude : ce sondage a-t-il été commandité par France Inter ? Par France Jédévisions ? Ou par un autre courant télévisuel public du Parti Socialiste ? Mystère et Cahuzac.

      • @Blondin: le problème, ce n’est pas que le PS ait commandité le sondage. Non.
        Ce qui s’est passé, c’est que les deux commanditaires en recopiaient les résultats à la main, entre deux Picons bières festifs. Au restaurant, en compagnie de deux journalistes intègres de France Inter.

        Évidemment, dans cette ambiance de confraternité joviale, certains chiffres ont été légèrement adaptés à la situation politique du moment, disons, contextualisés.

        Ensuite, Annie Dingo est arrivée dans son somptueux manteau Blueberry à trois SMIC et demi, portant un des superbes pantalons qu’elle a achetés dans toutes les tailles, et là, tout est parti en vrille. Carnaval général. Tout le monde s’est mis à danser sur les tables, à refaire le programme du PS à la guitare sèche. Forcément, l’attention portée aux statistiques s’est un peu dissipée.

  7. Tous les conseils en matière de dynamique de changement exigent de partir d’un constat de dysfonctionnement du système.
    Si l’état des lieux est caché, tronqué ou maquillé, il ne faut pas s’étonner que les Français soient réticents puisque tout va bien, pourquoi changer ou se lancer dans une aventure qui demandera forcément des efforts ou des déconvenues provisoires, hein ?

    Ainsi pour la réforme des retraites, il court le bruit en boucle, que le système est équilibré, financé par les seuls prélèvements obligatoires dédiés aux retraites selon le COR, le déficit officiel du système de retraite devrait s’établir « seulement » à 13 milliards € en 2029. Pourtant en 2023, le système est financé à 244 milliards € grâce à des cotisations et à des impôts et taxes affectés (ITAF, CSG dont la TGVA et 8 autres catégories d’impôts) représentant près de 45 milliards € soient près de la moitié de l’impôt sur le revenu.

    Pour l’immigration, la contribution économique positive reste pour le moins douteuse, rapports Cour des comptes ou INSEE cachés ou édulcorés sans évoquer les rapports ministériels particulièrement négatifs et très peu publiés.
    On se souvient par exemple que Pierre Moscovici a retardé la publication d’un rapport sur l’immigration pour « qu’il ne soit pas « déformé » dans le cadre d’un débat parlementaire houleux. »

    De même système de soins le meilleur du monde, comparaisons mensongères affirmées sur la santé, contraires au rapports OCDE.

    etc…

    Avec des chiffres idiots, pourquoi changer quand tout va bien, on vous le dit enfin !

    A propos des allègements de cotisations sociales, à noter l’effet pervers de cela mis en évidence par l’Ifrap :
    https://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/les-effets-pervers-de-la-defiscalisation-des-heures-supplementaires

  8. Et même si c’était vrai? Si je prends 1000 euros à quelqu’un un jour, et que je lui rends 100 euros le lendemain… ce n’est pas une “aide”, ce n’est pas un “cadeau” versé à un “profiteur”. C’est juste une ristourne qui est très loin de compenser tout ce qui a été pris!

    • @Fm06: Sachant que, sur les 1000 euros, 900 sont immédiatement mobilisés pour faire vivre :
      1) le service des impôts,
      2) le ministère du budget et du consentement volontaire,
      3) une ribambelle de ministères absolument vitaux allant du Ministère de la Confiscation Durable à celui de l’Égalité entre les Maris et les Chats,
      4) sans oublier les autorités administratives indépendantes, toutes plus essentielles les unes que les autres, allant du Haut Conseil de Synchronisation des Claquements de Portes à l’Autorité Supérieure de Régulation des Panneaux Trop Explicites.

      Il reste donc, effectivement, 100 euros, dont l’affectation budgétaire se décompose ainsi :
      1) 0,25 euro pour les vêtements haute couture des duchesses républicaines,
      2) 99,75 euros pour financer les agents zélés de l’URSSAF, qui traquent sans relâche les immondes fraudeurs, tels ces élèves de CM1 vendant à la sauvette des cupcakes faits maison sous prétexte de financer un voyage pédagogique à la Cité des Sciences (la bonne blague !)

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