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Droite ? Gauche ? Centre ? Nathalie Loiseau « choisit tout » !

Drôle d’histoire que celle qui vient de s’abattre sur le bec de Nathalie Loiseau. Tête de liste LREM pour les élections européennes du 26 mai prochain dont la première ambition politique semble être de « battre le RN » (ex-FN), cette ancienne directrice de l’ENA qui fut jusqu’à tout récemment ministre en charge des affaires européennes d’Emmanuel Macron est soudain rattrapée par une sombre histoire de participation à une liste étudiante d’extrême-droite pour des élections internes à Sciences Po Paris alors qu’elle avait 20 ans. Eclat de rire général !

La révélation nous vient de Mediapart, le site d’Edwy Plenel dont les engagements à l’extrême-gauche sont connus ; et c’est peut-être ce qui permettra in fine à Mme Loiseau de s’en tirer.

Car si Edwy Plenel use et abuse lui aussi de cette ficelle politique éculée qui consiste à dissimuler ses intentions politiques derrière l’appel forcément vertueux et citoyen à battre la droite et l’extrême-droite, il entretient un deux poids deux mesures absolument insupportable quand on en vient à examiner ses propres engagements « de jeunesse » dans la mouvance trotskiste de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et le soutien au groupe terroriste palestinien Septembre Noir.

On a vu plus humaniste. Ah oui, mais j’oubliais : la gauche a le monopole du coeur. Ce ne sont pas deux ou trois famines par-ci et deux ou trois goulags par-là qui pourraient changer ce dogme absolu de la bien-pensance.

D’autre part, il est difficile de penser que ce scoop – même parfaitement exact comme a dû finalement le reconnaître Nathalie Loiseau – ne résulte que de la volonté candide de Mediapart de voir la vérité politique émerger et la transparence des élus s’imposer. Tandis que la date du scrutin européen se rapproche, les sondages montrent une gauche PS et une extrême-gauche plus émiettées et plus déconfites que jamais. Il est loin le temps où Jean-Luc Mélenchon raflait 19 % des voix à la présidentielle. Son parti est tombé à 9 % des intentions de vote tandis que le PS semble incapable de s’extraire des piteux 6 % obtenus lors de l’élection présidentielle de 2017.

Bref, il se confirme tous les jours que le match va se jouer entre la République en Marche (23 %) et le Rassemblement national (21 %). Dans cette configuration, il est d’ailleurs assez logique que Mme Loiseau ait identifié le RN comme son premier adversaire. Parvenir à l’amalgamer elle-même avec l’extrême-droite pour faire remonter la gauche et surtout la France insoumise, quitte à se contenter de voir LREM passer au second range et hurler ensuite au loup face à la victoire du RN, en voilà une bonne idée ! Ce document trouvé à Sciences Po dans le cadre d’une autre enquête, c’est vraiment l’occasion qui fera peut-être le larron !

Il n’en demeure pas moins que Nathalie Loiseau a contré cette révélation avec une … « maladresse », pour ne pas dire une mauvaise foi, qui commence à prendre une tournure coutumière chez elle. On se rappelle par exemple qu’elle avait tenté de faire de l’humour aux dépens des Britanniques en expliquant que son chat s’appelait Brexit par référence à son indécision à sortir d’une pièce quand on lui ouvrait la porte. Sauf qu’on a appris peu après qu’elle n’avait pas de chat. Encore une « fake news » à l’approche des élections ! Mais que fait le gouvernement ?

Plus récemment, la mention de sa participation à la messe des Rameaux qui figurait sur son programme officiel de déplacement à la Réunion distribué aux journalistes a été hâtivement attribuée à une « erreur humaine ».

Dans l’affaire Mediapart, ses équipes ont commencé par tout démentir et qualifier le document produit à l’appui de la révélation de « faux ». Malheureusement pour elle, il sort directement des archives de Sciences Po et fait bien état de sa candidature sur la liste de l’UED (Union des Etudiants des droites) lors des élections à la commission paritaire de l’école en 1984. Ré-interrogée ces derniers jours, Nathalie Loiseau a plaidé ensuite l’absence totale de souvenir puis finalement l’erreur de jeunesse.

C’est légèrement difficile à croire car cette année-là, elle préparait le concours de l’ENA, ce qui suppose – du moins je l’imagine – une certaine connaissance du paysage politique français.

Au sein de Sciences Po, l’UED prônait l’union des droites contre l’omniprésence de la gauche marxiste dans l’école de la rue Saint-Guillaume et n’avait de cesse de dénigrer « les petits tâcherons du libéralisme mou ou du passéisme fossile » également présents dans l’école, autrement dit un collectif d’étudiants centristes et un parti gaulliste – étiquette que LREM applique maintenant à Nathalie Loiseau pour blanchir ses liaisons politiques de l’époque (voir tweet ci-dessus). Elle avait donc amplement la possibilité d’exprimer directement sa sensibilité « gaulliste » pour autant que cet axe de défense ne soit pas une fable de plus.

Mais pourquoi pas, après tout ? Nathalie Loiseau n’avait que 20 ans au moment des faits. Titulaire du bac C avec mention très bien à 16 ans, elle avait de plus le profil de l’élève intellectuellement brillante et en avance, se révélant probablement plus à l’aise pour disserter sur tout et son contraire en deux parties deux sous-parties que véritablement mature. Et du reste, rien n’interdit d’évoluer.

Ce qui reste gênant chez elle cependant, c’est cette amnésie bien pratique aujourd’hui, doublée d’une remarquable capacité de girouette à endosser un peu tout, tout le temps, au gré des nominations, des mentors et des opportunités.

Alors qu’elle était directrice de l’ENA – école que Macron veut maintenant supprimer, ce qui rend sa position en tête de la liste LREM relativement bizarre, mais passons – Nathalie Loiseau a écrit un livre intitulé « Choisissez tout ». Dans cet ouvrage, elle encourage les femmes à ne pas se laisser réduire à un arbitrage entre leur vie professionnelle et leur vie de famille. Elle-même a eu quatre enfants dont elle a assuré l’éducation tout en menant une carrière de haut fonctionnaire puis de ministre. Ne rien sacrifier, « choisir tout », voilà le conseil qu’elle souhaitait donner pour pousser les femmes à s’affirmer dans leur vie professionnelle sans culpabiliser.

À regarder le déroulement de sa carrière cependant, on a vite le sentiment assez net que cette idée de « tout choisir » s’applique également. Rocardienne un temps d’après Libération – avant ou après son « gaullisme » ? – elle a monté les échelons de la haute fonction publique dans le sillage de Juppé, Sarkozy et Jean-David Levitte (ambassadeur de France aux Etats-Unis, fidèle de Chirac et Sarkozy), c’est-à-dire poussée par la droite.

Évincée ensuite du quai d’Orsay en 2012 avec l’arrivée de Laurent Fabius dans la foulée de l’élection de François Hollande, elle est repêchée quand même par la gauche avec sa nomination à la tête de l’ENA (elle-même n’est pas énarque mais diplômée de l’Institut des langues orientales).

« Ce qui lui sert d’opinion, c’est le service de l’Etat » dit d’elle un ami proche, sans qu’on puisse vraiment discerner si c’est un compliment ou une critique. Un autre ajoute plus ouvertement :

« Tout son discours est de gauche. Mais sa carrière est à droite. C’est très bizarre. »

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Pour les élections présidentielles de 2017, elle soutient Juppé lors des primaires de droite, exprime son opposition à la candidature Fillon, trop « manif pour tous » pour son goût pro PMA et GPA et trop catholique pour son catholicisme éloigné des positions de l’Église sur ces sujets, et rejoint logiquement … Macron, qui la fera accéder à un poste de ministre dans le gouvernement Philippe.

Droite, gauche, centre, Nathalie Loiseau « choisit tout » ! Quoi de plus résolument « en même temps » que son parcours ? Quoi de plus « à la fois de droite et de gauche » ? Incontestablement calibrée pour répondre aux multiples injonctions jupitériennes aussi paradoxales soient-elles, reste à savoir si le 26 mai prochain, en dépit d’un manque de « charisme » criant (pour mettre les choses au mieux) elle sera l’oiseau multicolore qui fera à nouveau le « printemps » macronien.


Illustration de couverture : Nathalie Loiseau – Photo Le Parisien.

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