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2017 : Où en est notre jeu de Go présidentiel ?

Mise à jour du lundi 27 février 2017 : Finalement, il n’y aura pas de candidature unique à gauche. Hamon et Mélenchon se sont rencontrés « secrètement » et Mélenchon a géré sa problématique électorale en confirmant son intention de se présenter. Fillon et Macron peuvent poursuivre leur campagne, pas de concurrence à prévoir de ce côté-là pour l’instant.


Ou la problématique électorale de Jean-Luc Mélenchon.

Il y a trois semaines, suite aux petits et grands coups de théâtre qui s’étaient succédés dans la désignation des candidats – renonciation de Hollande, désignation de Fillon pour la droite puis de Hamon pour la gauche, affaire Penelope – j’écrivais que notre élection présidentielle de 2017 me faisait penser à un jeu de Go. Les encerclements d’un jour s’évanouissaient le lendemain par mouvement d’un pion, puis se reformaient ailleurs le surlendemain. 

À ce moment-là, le pion Hamon venait de sortir du chapeau de la primaire de gauche et le premier mouvement qui d’après moi devait avoir lieu d’évidence pour faire gagner la gauche consistait en la formation d’un bloc idéologiquement homogène à gauche, fort de 26 % d’intentions de vote, par rapprochement de Yannick Jadot (EELV), Mélenchon (PC et Parti de gauche) et Hamon (PS « ancien » mais officiel).

Si les intentions du candidat écologiste en vue d’un ralliement semblaient assez claires dès le départ, le frein à ce processus résidait dans le caractère très personnel, voire égocentrique de Jean-Luc Mélenchon. Il n’était pas du tout certain que ce qui, sur le papier, paraissait couler de source puisse se réaliser concrètement avant la présidentielle.

Mais depuis, plusieurs pions ont bougé en quelques jours, le premier mouvement rendant les suivants presque automatiques. Contrairement aux débuts « complètement dingues » de la campagne présidentielle, pour reprendre l’expression de Yannick Jadot, nous assistons maintenant aux conséquences assez prévisibles de la situation des candidats telle qu’elle est sortie des différentes primaires.

Le premier pion s’est manifesté mercredi 22 février 2017 après s’être tortillé en tous sens depuis l’automne. Il s’agit de François Bayrou, un habitué des candidatures présidentielles et un habitué des désistements plus ou moins clairement annoncés en faveur de la gauche. En 2002, pas de socialiste au second tour, l’affaire était réglée. Mais en 2007, il avait officialisé sa décision personnelle de ne pas voter pour Nicolas Sarkozy, ce qui avait poussé Ségolène Royal à chercher à le rencontrer entre les deux tours dans un épisode digne du théâtre de boulevard où la dame, recluse dans sa voiture, l’avait attendu en vain en bas de son immeuble. Et en 2012, il avait annoncé son intention de voter pour François Hollande.

Aujourd’hui, abandonnant une candidature en propre qui ne lui laissait entrevoir que 5 % d’intentions de vote au 1er tour, le voilà soudain accroché aux basques d’Emmanuel Macron, devenu pour lui une sorte de sauveur qui va extirper la France des griffes de la droite, de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche. Disons avec plus de réalisme que le possible N°2 du premier tour va surtout l’extirper lui, Bayrou personnellement, des affres de l’oubli politique complet. C’est d’autant plus amusant qu’à une époque il considérait avec horreur que Macron était le candidat des « forces de l’argent » tandis que Macron le prenait pour une sorte de vieux beau qu’on a largement trop vu sur la scène politique, comme l’explique fort bien h16 ici.

Toujours est-il que ce mouvement a redonné une vigueur appréciable à la candidature d’Emmanuel Macron. Les annonces politiques de cette nature donnent toujours une prime à court terme aux candidats concernés, il faudra donc attendre quelque jours pour mesurer l’impact de fond de ce rapprochement. Mais si l’on en croit le sondage en continu OpinionWay pour Les Échos en date d’hier, Marine Le Pen est toujours stable en première position avec 26 % des intentions de vote, Macron la suit avec 23 %, Fillon est à 21 %, puis on a Hamon 13 %, Mélenchon 11 %,  Dupont-Aignan 3 %, Jadot  2 % et Poutou 1 %.

Pour Hamon, la distance à franchir pour atteindre le second tour s’est clairement élevée d’une marche mercredi. Hasard ou nécessité, dès le lendemain, Yannick Jadot confirmait officiellement ce qui était clair depuis un moment, à savoir son désistement en faveur de Benoît Hamon, moyennant les conditions habituelles sur le programme (proportionnelle, vote des étrangers, sortie du nucléaire, notamment) et les postes de députés.

Le soir même, Jean-Luc Mélenchon faisait savoir dans l’Emission politique de France 2 combien il était ouvert au dialogue avec le candidat du PS, lui proposant même une rencontre pour dimanche ou lundi prochains :

« Je suis pour l’ouverture du débat. Je suis prêt à discuter d’une candidature unique. »

Pourtant, il y a seulement quatre jours, toute possibilité de rapprochement semblait complètement écartée des deux côtés tant les conditions de l’un et l’autre semblaient inacceptables aux deux leaders. Le « co-voiturage » avec Mélenchon, c’est terminé, avait expliqué Hamon. Il faut croire que nécessité fait loi, car hier Benoît Hamon s’est empressé d’accepter très gracieusement le nouveau round de négociations proposé par Mélenchon :

« J’accepte volontiers sa proposition. Je lui propose même que nous ayons une discussion à quelques-uns (…) Je propose même de la faire avec Yannick Jadot. (…) Si Jean-Luc Mélenchon le souhaite, et veut y associer les communistes, c’est avec plaisir. »

Si les discussions aboutissent, et je suis maintenant tentée d’affecter à leur réussite une probabilité bien supérieure à 50 %, on se retrouverait avec une force de gauche de 26 % suivant les résultats du sondage ci-dessus. Observons d’ailleurs que si les cotes de Fillon et Macron ont pas mal bougé depuis le début du mois, celles d’Hamon, Mélenchon et Jadot sont assez stables. Dans ces conditions, les candidats admissibles au second tour seraient Hamon contre Le Pen, peu ou prou au coude-à-coude.

Aussi, la problématique de Mélenchon est d’après moi la suivante. Soit il accepte de se ranger derrière Hamon et l’appareil du PS dès avant le premier tour pour s’assurer une participation à la victoire finale et la prise en compte de ses idées. Dans ce cas, notre élection présidentielle change complètement d’allure.

Ou alors il décide de maintenir sa candidature personnelle, car c’est son score de premier tour qui lui donne de la valeur et flatte son ego, et il fait en sorte que Benoît Hamon parvienne à se hausser au second tour pour se désister ensuite en sa faveur. Mais à moins qu’il n’arrive à trouver un gros scandale concernant Macron, je ne vois pas trop comment il peut s’en tirer dans cette seconde alternative.

Il est aussi possible que ni lui ni Hamon n’aient vraiment envie de remporter l’élection. Les programmes complètement utopiques se portent mieux dans l’opposition qu’aux commandes. Dans cette hypothèse, les manœuvres actuelles auraient plus pour but de forger une opposition forte qu’une candidature gagnante. Je crois cependant que le PS, appareil politique lourd, central dans le paysage politique français depuis plus d’un siècle, et qui a pris le goût du pouvoir, compte malgré tout sur tous ses postes d’élus et poussera à un rassemblement en vue de la victoire.

J’exclus l’hypothèse où le PS déciderait finalement d’abandonner Hamon pour soutenir Macron. Ce serait un déni de démocratie qui me paraît trop gros pour être envisageable. J’exclus également un rapprochement Macron Hamon qui reviendrait à placer les deux candidats dans des positions inverses de ce qu’ils défendent chacun de leur côté. De plus, même si Bayrou est très mobile idéologiquement, je ne crois pas qu’il irait jusqu’à accepter une telle alliance.

Supposons donc qu’un accord Hamon Mélenchon ait finalement lieu. Que devraient faire les candidats Macron et Fillon pour essayer malgré tout de se hisser au second tour ? D’abord tout faire pour empêcher cette alliance ou la casser. Mais à part s’ils parvenaient à déterrer un petit scandale bien juteux, on voit mal comment ils pourraient y arriver. Il leur reste soit à compter sur leur momentum personnel, ce qui paraît plus à la portée de Macron que de Fillon – d’autant que le Parquet financier a ouvert hier soir une information judiciaire dans le cadre des emplois présumés fictifs de sa femme – soit essayer pour ce dernier de se rallier Nicolas Dupont-Aignan, lequel me semble cependant plus compatible avec Marine Le Pen.

Il existe alors une solution audacieuse, qui semble certes assez folle. Mais comme « cette élection est complètement dingue », comme Fillon, affaibli sur le plan moral, est obligé de rogner sur son programme, comme Emmanuel Macron veut convaincre qu’il va faire une autre politique « au-delà des clivages gauche droite », serait-il alors complètement hors du possible d’envisager un ultime mouvement de rapprochement Macron Fillon pour éviter Le Pen d’un côté et l’extrême-gauche de l’autre ? L’avantage pour Macron serait de pouvoir compter sur une majorité législative et pour Fillon (et la droite en général) de rester dans la course. Ce mouvement n’est exprimé nulle part, mais cela m’étonnerait beaucoup que personne n’y pense.

Si Fillon est mis en examen et s’il peut être remplacé, il est probable que Macron y gagnera (Marine Le Pen aussi), mais dans quelle proportion par rapport aux 26 % du bloc Hamon Mélenchon ? Là encore, une alliance sur sa droite serait une solution, et probablement plus facile encore à négocier que si Fillon échappe aux ennuis judiciaires.

Dernière hypothèse : Fillon est mis en examen à un moment suffisamment tardif pour qu’il ne puisse plus être remplacé. Dans ce cas, le boulevard pour Macron au premier tour semble assuré, mais la confrontation avec Marine Le Pen au second tour pourrait tourner à l’avantage de cette dernière tant le timing de la justice aurait des allures de sabotage de la candidature de la droite pilotée par Hollande. Avec l’instruction judiciaire décidée hier, cette hypothèse ne peut plus être écartée. Il n’y a plus qu’à espérer que Les Républicains seront assez fermes pour imposer le plus vite possible un remplaçant ou une doublure à Fillon.

Tout ceci étant dit de ma part sans aucun enthousiasme pour les montages et les sabotages possibles qui se profilent. Une certitude cependant : nous n’aurons ni grand soir libéral (ce n’est d’ailleurs pas vraiment souhaitable) ni transformation progressive du pays vers plus de liberté dans nos structures. Encore un grand rendez-vous présidentiel manqué.


Illustration de couverture : Au 25 février 2017, les candidats principaux de l’élection présidentielle sont Le Pen, Fillon, Macron, Mélenchon et Hamon (ordre de la photo). Nicolas Dupont-Aignan recueille 2 à 3 % des voix dans les sondages et Poutou et Arthaud sont entre 0 et 1 %.

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