Mise à jour du vendredi 2 décembre 2016 : Après avoir brossé un tableau flatteur de son action à la tête de l’Etat depuis 2012, le Président François Hollande a annoncé hier soir qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle de 2017. Lire détails ici.
Quant à savoir si l’on peut nourrir quelques vrais espoirs pour 2016, ne le demandez pas à la Ministre du travail Myriam El Khomeri, elle n’en sait rien, n’y peut rien, ne comprend rien, mais donne quand même des avis contradictoires du jour au lendemain sur le sujet. Le 9 janvier 2016 : Non, M. France Inter, la courbe du chômage ne s’inversera pas en 2016. Puis le 11 janvier : Oui, M. Europe 1, la courbe du chômage s’inversera en 2016. Et avant : Non, M. Bourdin, je n’ai aucune idée des modalités du CDD (Contrat à durée déterminée). Et encore avant : Oui, Françaises, Français, mes chers compatriotes, je suis Ministre ! Ministre du travail !
Comment le chef de l’Etat a-t-il pu s’engager aussi guillerettement sur un critère aussi lourd de signification pour le pays, ce n’est pas vraiment un mystère. Après la crise vécue depuis 2008 qui avait largement terni le quinquennat de Nicolas Sarkozy, pour le plus grand bien du retour de la gauche au pouvoir, François Hollande était convaincu qu’un inéluctable retournement de cycle économique interviendrait rapidement après son élection de 2012. Cela lui permettrait de se prévaloir d’une appréciable amélioration de la situation économique, sans trop d’efforts pour son gouvernement, et sans trop de reniements de ses valeurs de gauche fièrement portées pendant la campagne. Il y croyait si fort que, tout en voyant l’emploi se dégrader de mois en mois en dépit de mesures anti-chômage censées tout arranger, l’inversion de la courbe du chômage est devenue la condition sine qua non de sa candidature en 2017 (1′ 13″) :
Voilà un engagement qu’on ne risque pas d’oublier. Si François Hollande veut effectivement se représenter, il devra annoncer sa candidature au début de 2017, ce qui le contraint à afficher un résultat décisif sur l’emploi en décembre 2016. Un résultat décisif consistant au minimum en une baisse du chômage pendant trois mois consécutifs, l’inversion de la courbe devra impérativement s’amorcer au plus tard en septembre.
François Hollande a donc commencé à sortir quelque jolis lapins blancs de son chapeau lors de ses voeux 2016 aux français. Les techniques anti-chômage tentées en début de quinquennat, telles que les contrats de génération, ayant montré leur inutilité, et les retombées du Pacte de responsabilité se faisant plutôt maigres malgré les flonflons qui continuent à accompagner ce dispositif de création d’emplois en échange de baisses de charges sur les bas salaires, il devient urgent de passer aux choses sérieuses. François Hollande a même décrété l’état d’urgence économique et sonne le rappel des bonnes vieilles méthodes socialistes : service civique pour tout le monde et plus, plan de formation pour tout le monde et plus, grands travaux pour tout le monde et plus. Si avec tout ça, il n’arrive pas à faire baisser le chômage et à calmer le chahut permanent des frondeurs, c’est vraiment à désespérer des grandes mesures emblématiques de gauche. Des esprits chagrins font observer qu’on ne met pas 500 000 personnes en formation comme ça d’un claquement de doigts. Encore faudrait-il réfléchir aux formations souhaitées, et leur mise en place pourrait prendre un certain temps.
A vrai dire, pour François Hollande, l’état d’urgence économique a surtout les allures d’un état d’urgence politique. Alors que la tradition de la Vème République donne au Président sortant la priorité pour se présenter à sa propre succession, tandis que l’opposition organise, ou pas, des primaires pour déterminer son candidat, voilà que des voix de gauche commencent à évoquer la possibilité, ou pire la nécessité, de procéder aussi à des primaires à gauche. Ainsi, un attelage plutôt baroque incluant Daniel Cohn-Bendit, Thomas Piketty, Vikash Dhorasoo ou Philippe Torreton a lancé un appel en ce sens dans le journal Libération la semaine dernière, déclenchant pas mal de remous au parti socialiste (1′ 20″):
« Nous refusons les renoncements face aux inégalités sociales, à la dégradation environnementale, aux discriminations et à l’affaissement démocratique. » (Appel pour une grande primaire des gauches et des écologistes, 10 janvier 2016)
« Renoncement face aux inégalités, affaissement démocratique », c’est dire la défiance dans laquelle le Président de la République est tenu sur sa gauche. Mais ce n’est jamais que le simple constat du grand écart pratiqué depuis le début entre les promesses de campagne électorale et le déroulement effectif du mandat. Aux yeux des frondeurs, la timide loi Macron a transformé Hollande en ami de la finance, tandis que les projets d’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence et de la déchéance de la nationalité pour les bi-nationaux convaincus de terrorisme en font bel et bien l’ardent défenseur d’une politique aussi sécuritaire qu’inefficace contre le terrorisme.
Ajoutons que la cote de popularité de François Hollande, soutenue pendant la période post-attentats, est retombée à ses 20 % habituels. De plus, les sondages réalisés afin de tester les candidatures possibles pour la présidentielle persistent à le donner perdant dans à peu près tous les cas de figure sauf face à Nicolas Sarkozy. Selon une enquête de l’institut Odoxa publiée hier, Emmanuel Macron serait le mieux placé pour faire gagner la gauche, tandis que la droite sortirait gagnante avec Alain Juppé. 79 % des personnes interrogées ne souhaitent pas que François Hollande se représente et 59 % aimeraient voir la tenue de primaires à gauche. Pas folichon, tout ça, pour Hollande.
Si l’on en croit les chroniqueurs politiques, cette revendication d’une primaire à gauche ne perturbe pas le Président plus que ça. En campagne électorale, il s’y était montré favorable, mais il n’est plus à un petit revirement près, comme on l’a déjà vu cent fois depuis trois ans. Comment pourrait-il participer à une primaire, allant de réunions politiques en réunions politiques pour faire valoir sa candidature aux quatre coins de la France de gauche, alors qu’en tant que Président de la République les Français attendent de lui qu’il gouverne jusqu’au bout pour inverser cette foutue courbe ? Manuel Valls, en Premier Ministre loyal, a réaffirmé face à Laurent Ruquier samedi soir dans l’émission On n’est pas couché que François Hollande, futur Président sortant, est le « candidat naturel » de la gauche.
Il est cependant une primaire que François Hollande aimerait bien voir se tenir, celle qui permettrait de limiter les candidatures de premier tour entre les Verts, le Parti de Gauche et les communistes, voire également le Parti radical de gauche avec Christiane Taubira. Pour l’instant cette dernière est sous surveillance à l’intérieur du gouvernement, mais sa solidarité gouvernementale est mince. Et les socialistes ne se rappellent que trop le traumatisme du 21 avril 2002 : non seulement Jospin a été éliminé au premier tour au profit de Jean-Marie Le Pen, mais Christiane Taubira avait obtenu les 2,32 % qui auraient largement permis à Jospin de passer au second tour.
Qu’y a-t-il aujourd’hui dans le grand shaker politique de l’Elysée ? Une promesse d’inverser la courbe, une courbe qui ne s’inverse pas par les moyens naturels, un Président qui veut se représenter, des Français qui n’en veulent plus car il ne tient pas ses promesses, une ultra-gauche qui réclame des primaires à gauche, et un plan de baisse du chômage par emplois aidés. Secouons, et regardons : il n’y aura pas de primaire à gauche, François Hollande se représentera, et il pourra s’appuyer sur la courbe qui se sera inversée, il y veillera, grâce à la subventionnite aigüe qui caractérise les politiques socialistes et qui, malgré ce qu’ils en disent, rassure les Français, surtout quand ce sont les autres, les riches, les générations futures, qui paieront les impôts qui financeront tout ça. C’est du moins le plan de Hollande, les mesures pour l’emploi qu’il doit annoncer ce matin formant la première indispensable marche. De sa candidature, pas de la lutte conte le chômage.
(*) Auxquels il faut rajouter 600 à 700 mille personnes en catégories D et E, sans oublier un matelas mensuel de 200 000 chômeurs non comptabilisés pour défaut d’actualisation de leur situation.