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Climat dans la CONSTITUTION : Le référendum est enterré et c’est très bien comme ça

Le Premier ministre a annoncé mardi 6 juillet dernier que le gouvernement renonçait à organiser un référendum visant à inscrire la protection du climat et de l’environnement dans l’article Ier de la Constitution. Comme on pouvait s’y attendre, et comme Emmanuel Macron s’y attendait certainement, l’Assemblée nationale à majorité LREM et le Sénat à majorité de droite ont échoué à s’entendre sur une formulation commune, ce qui met un terme au projet de référendum constitutionnel promis par le Président de la République aux membres de la Convention citoyenne pour le Climat.

Il faut se rappeler d’abord que cette dernière ne fut instituée par Emmanuel Macron que comme l’instrument passablement opportuniste qui pourrait l’aider à se sortir de la crise des Gilets jaunes sans trop de casse politique pour lui. Sans doute pensait-il se donner un peu de répit aussi bien du côté des revendications d’inspiration « citoyenne » comme le RIC que du côté des revendications climatiques, et ce d’autant plus qu’une sorte de convergence des luttes avait fini par s’opérer entre ceux qui pensaient à leurs fins de mois et ceux qui pensaient à la fin du monde. 

Mais la machine s’est emballée. Cornaqués de près par un comité de gouvernance très écolo-militant, les 150 citoyens tirés au sort n’ont eu de cesse d’obtenir que la lutte climatique devienne l’alpha et l’omega de l’action publique au point de vouloir y assujettir nos droits et nos libertés par une modification du Préambule de la Constitution absolument terrifiante d’autoritarisme. Quoique ayant clamé partout avec une belle démagogie que les propositions des Conventionnels seraient reprises « sans filtre », Emmanuel Macron a dû retenir ses chevaux. Exit, donc, la modification du Préambule, et heureusement.

Mais concernant l’article Ier, qui a pour objet de définir les contours fondamentaux de notre République, difficile d’écarter les conclusions de la Convention puisque le Président lui-même proposait quelque chose de très similaire à l’époque où il envisageait une réforme globale de nos institutions. Et c’était parti en fanfare pour un référendum sur l’introduction du climat dans la Constitution.

À l’issue de ses travaux, la Convention citoyenne pour le climat a proposé d’élargir le contenu de l’article en question aux considérations écologiques via l’introduction d’un troisième alinéa qui serait rédigé de la façon suivante :

« La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique. »

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C’est le terme « garantir », jugé par les sénateurs trop risqué juridiquement et trop susceptible de bloquer l’avenir, qui a enlisé les débats. Pour obtenir l’accord du Sénat, les députés ont proposé de remplacer « lutte contre » par l’expression moins militante « agit contre » mais les sénateurs sont revenus avec « agir » au lieu de « garantir » et la suppression pure et simple de « lutte contre ». Bref, blocage. Comme il faut identité de texte entre les deux chambres du Parlement pour poursuivre, le gouvernement s’est finalement résolu à acter la fin du processus.

Cette reculade en rase campagne de la part d’un gouvernement largement accusé sur sa gauche et chez les ONG environnementales de manquer d’enthousiasme écologique ne manque pas de susciter son lot d’interrogations politico-politiciennes. Alors qu’on abordera la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle de 2022 dès la rentrée de septembre, Emmanuel Macron n’aurait-il pas lancé ce projet de référendum à seule fin de montrer que la droite en était la principale cause d’obstruction ? Quant aux sénateurs de droite, n’aurait-il pas voluptueusement pinaillé sur les mots à seule fin de priver le Président d’une possible victoire référendaire avant les élections ?

Il serait étonnant que de telles manœuvres n’aient pas influencé les positions relatives des uns et des autres sur l’échiquier politique hexagonal, mais là n’est pas le plus important. Ce qui compte, en revanche, c’est de réaliser que la réécriture de l’article Ier en des termes favorables à la préservation de l’environnement n’aurait rien apporté de plus aux garanties écologiques déjà définies dans notre Constitution mais qu’elle aurait dangereusement ouvert la voie à une dénaturation de la raison d’être de ce texte aussi fondamental qu’indispensable.

Il se trouve que la Constitution de 1958 n’est pas l’unique texte qui fonde notre République. Il est rattaché à ce qu’on appelle le bloc de constitutionnalité qui comprend également la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004 (et son désastreux principe de précaution qui agit en fait comme un principe hostile à l’innovation).

Or la Charte de l’environnement prévoit déjà en son article 6 que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable » tandis que l’article 34 de la Constitution mentionne déjà que « la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement. » Ces formulations englobent les dispositions détaillées dans l’ajout proposé, lequel n’apporte pas grand-chose hormis le plaisir de faire de la politique de pur affichage. Un aspect superficiel des choses qui n’avait certainement pas échappé à M. Macron, lui qui est perpétuellement mis en demeure de mettre fin à sa prétendue « inaction climatique » comme ce fut encore le cas la semaine dernière de la part du Conseil d’État.

Au-delà du doublon, une telle inscription imposerait encore plus un modèle de société basé sur la peur de l’avenir, la décroissance et l’abandon progressif de tout ce qui a permis au monde de sortir progressivement puis radicalement de la pauvreté, à savoir les progrès scientifiques, la libre entreprise, le capitalisme et les échanges internationaux. En cela, elle n’a aucune place dans une constitution, sauf à transformer cette dernière en simple tract électoral qui aurait force de loi.

Force est de constater que la Constitution est de plus en plus souvent instrumentalisée en vecteur démagogique des idéologies à la mode au gré des pouvoirs en place. Chaque parti, chaque faction, chaque groupe d’opinion tente de faire prévaloir son point de vue en essayant de le graver dans le marbre de la Constitution.

Ici, il est question d’impératif climatique, mais on a vu par exemple des parlementaires proposer des amendements pour que le droit à l’avortement et à la contraception soit inscrit dans le préambule de la Constitution ; une député voulait même y ajouter « le droit à une vie sans violence sexiste et sexuelle. » À droite, lors des élections européennes de 2019, il était à nouveau question d’inscrire les racines chrétiennes de l’Europe dans le Traité constitutionnel européen (TCE, 2005).

Tout ceci participe malheureusement du détournement d’un texte fondateur en programme politique mêlant communication, effet d’affichage et volonté constructiviste. Or une constitution, texte fondamental trônant au sommet de la hiérarchie des normes, n’a pas d’autre objet que de limiter les pouvoirs des gouvernants et définir les rapports entre les gouvernants et les gouvernés afin de garantir à chaque citoyen que ses droits naturels seront protégés. 

À ce titre, les meilleures constitutions sont celles qui ne tombent pas dans les particularismes de circonstance. Ce sont celles qu’il n’est pas nécessaire de changer tous les quatre matins au gré des opportunismes politiques. Ce sont celles qui s’occupent de faire régner l’État de droit, pas de définir l’état de la science, de la culture, de l’histoire ou de l’opinion.

Quelles qu’en soient les plus ou moins bonnes raisons, l’abandon du référendum pour inscrire l’impératif écologique dans l’article Ier de la Constitution est donc une excellente nouvelle. Un coup de canif de moins dans notre texte fondamental, un peu de liberté préservée. L’avenir n’est pas écrit et la créativité humaine est immense.


Illustration de couverture : Emmanuel Macron s’exprime devant la Convention citoyenne pour le Climat, décembre 2020. Photo AFP.

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