Replay du 26 nov. 2019 : Encore un rapport de lâONU pour nous marteler LâURGENCE climatique. Mais attention, comme je lâĂ©crivais il y a quelques mois, certaines prĂ©conisations du GIEC pourraient choquer gravement votre fibre Ă©colo !
Greta, climat, Ă©cologistes et rapports du GIEC : entrez dans un monde dâincohĂ©rences !
Le buzz mĂ©diatique autour de Greta Thunberg nâen finit pas de sâamplifier ! Quand je vous ai quittĂ©s pour les vacances, elle faisait une entrĂ©e remarquĂ©e Ă lâAssemblĂ©e nationale et appelait les dĂ©putĂ©s français trop indiffĂ©rents Ă ses alarmes sur le climat Ă suivre les rapports du GIEC. Je vous retrouve, et la voici maintenant qui navigue sur les flots atlantiques Ă bord dâun voilier de course « zĂ©ro carbone » appartenant au neveu du Prince Albert de Monaco afin de rejoindre New York dans des conditions Ă©cologiques Ă peu prĂšs conformes Ă ses engagements climatiques !
Ă peu prĂšs seulement, car il semblerait que le retour du voilier en Europe exige le transport en avion de plusieurs membres de lâĂ©quipage, ce qui confĂšre Ă toute lâĂ©quipĂ©e une dimension nettement plus proche de lâaimable divertissement pour « happy few » que celle dâun choix franchement et sobrement Ă©cologique.Â
Mais Greta nâa que 16 ans ; on comprend que la perspective dâun tel voyage puisse lâenchanter :
« Jâai essayĂ© le voilier hier et câĂ©tait trĂšs amusant. Ăa va ĂȘtre une sacrĂ©e aventure. » (Greta Thunberg quelques jours avant son dĂ©part)
Et disons-le clairement, il nây aurait aucun mal Ă cela sâil Ă©tait uniquement et simplement question de sa vie privĂ©e.
Mais dans le cas prĂ©sent, il sâagit pour elle dâaller Ă la tribune de lâONU pour expliquer au monde entier, et notamment Ă un nombre considĂ©rable de personnes qui nâauront sans doute jamais ses opportunitĂ©s de dĂ©couvrir New York (ou toute autre destination lointaine) si ce nâest peut-ĂȘtre via lâachat dâun billet dâavion low cost, que lâavion câest mal et que les modes de vie actuels sont Ă proscrire dorĂ©navant. Lutte contre le rĂ©chauffement climatique anthropique (RCA) oblige.
Mais oblige Ă quoi, finalement ?
Nul besoin de tendre beaucoup lâoreille pour comprendre que pour les Ă©cologistes de combat, câest-Ă -dire pour tous ceux qui rĂ©pĂštent en boucle et en substance : « la planĂšte est en danger, le climat est en danger, les abeilles sont en danger, la fin du monde est proche et il faut dâurgence sauver ce qui peut encore lâĂȘtre » â pour comprendre, disais-je donc, que pour ces Ă©cologistes de la peur dont Greta fait indubitablement partie, rien nâest pire que le nuclĂ©aire, les OGM, le glyphosate et, naturellement, le terrible CO2 qui dĂ©termine le non moins effroyable rĂ©chauffement qui va tous nous engloutir Ă brĂšve Ă©chĂ©ance dans les eaux tumultueuses des ocĂ©ans ou la fournaise accablante de terres en dĂ©sertification croissante.
Le GIEC lui-mĂȘme, ce Groupe dâexperts intergouvernemental sur lâĂ©volution du climat chargĂ© par lâONU dâĂ©tudier les consĂ©quences du RCA et de proposer des solutions, nâest certes pas en reste de catastrophisme de grande ampleur.
Dans son rapport dâoctobre 2018, il estimait que si rien ne bougeait, le seuil dâun rĂ©chauffement de 1,5 °C par rapport Ă lâĂšre prĂ©-industrielle (objectif fixĂ© par la COP21 de Paris en dĂ©cembre 2015) serait atteint entre 2030 et 2052 et il invitait les pays Ă se lancer sans plus tarder dans des politiques de transition Ă©nergĂ©tique sans prĂ©cĂ©dent :
« Contenir le rĂ©chauffement exige des actions trĂšs ambitieuses dans tous les domaines (âŠ) ce qui signifie un changement radical de comportements et de modes de vie. Si nous nâagissons pas dâici Ă 2030, la porte se refermera. » (ValĂ©rie Masson-Delmotte, co-prĂ©sidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC.)
DĂ©cidĂ© Ă frapper fort, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâONU Antonio Guterres parlait mĂȘme de 2020 sous peine de « consĂ©quences dĂ©sastreuses ».
Mais il se trouve que dans ce mĂȘme rapport, les experts du GIEC Ă©chafaudaient aussi moult scĂ©narios de mix Ă©nergĂ©tiques compatibles avec cette limitation Ă 1,5 °C et, ĂŽ
Traduction du gouvernement français un mois plus tard (programmation pluri-annuelle de lâĂ©nergie, novembre 2018) : ramener la part du nuclĂ©aire dans la production dâĂ©lectricitĂ© de 75 % Ă 50 % dâici 2035 !
Une décision néanmoins trÚs mal reçue par les écologistes car du temps de la vibrionnante SégolÚne Royal, les potentialités des ENR était tellement surcotées (cf. le retentissant échec de sa fameuse « route solaire ») que la date du passage à 50 % avait été fixée à 2025.
LâĂ©nergie nuclĂ©aire combine pourtant les avantages dâĂȘtre faiblement carbonĂ©e, peu polluante et plutĂŽt bon marchĂ©. De plus, les catastrophes sont rares, le traitement des dĂ©chets est de mieux en mieux apprĂ©hendĂ© et les Ă©volutions vers la fusion (dont la rĂ©action sâeffondre en cas dâincident) plutĂŽt que la fission et vers le thorium (abondant et non militarisable) plutĂŽt que lâuranium semblent prometteuses.
Des vĂ©ritĂ©s pas toujours bonnes Ă dire Ă tel point que dans un de ses articles de vĂ©rification des faits (« Check News ») consacrĂ© prĂ©cisĂ©ment Ă ce sujet, le quotidien LibĂ©ration sâempressait de nous faire savoir que si le GIEC a pour mission de faire des propositions, son mandat est strictement « descriptif et non prescriptif » et sâattachait ensuite Ă minorer autant que possible la « description » concernant le nuclĂ©aire.
Sâen remettre aux rapports du GIEC comme Greta Thunberg y invitait les dĂ©putĂ©s français le mois dernier risque de froisser bien des sensibilitĂ©s Ă©cologistes⊠car le nuclĂ©aire, point dâincohĂ©rence particuliĂšrement remarquable de la lutte contre le rĂ©chauffement climatique, est loin dâĂȘtre seul en cause.
Ce mois-ci (8 aoĂ»t 2019), le GIEC sâest intĂ©ressĂ© Ă la part du rĂ©chauffement climatique attribuable Ă la gestion des sols, Ă lâagriculture et Ă lâalimentation. Un rapport Ă©videmment qualifiĂ© dâ« alarmant » par le site gouvernemental « vie-publique ».
Inutile de dire que ses recommandations incluent des changements drastiques dans notre façon de nous alimenter : pour lâessentiel, il faudrait Ă©liminer la viande, traquer impitoyablement les gaspillages et adopter un rĂ©gime Ă base de cĂ©rĂ©ales complĂštes, fruits, lĂ©gumes, graines et lĂ©gumineuses (§ B6 du RĂ©sumĂ© pour les dĂ©cideurs). Jusque-lĂ , tout va bien, nos Ă©cologistes sont enchantĂ©s ; mĂȘme la moustache de JosĂ© BovĂ© frĂ©tille de satisfaction !
Mais au dĂ©tour du paragraphe B6.1, patatras ! VoilĂ que le GIEC se met Ă parler dâamĂ©liorations gĂ©nĂ©tiques des plantes afin de leur permettre de rĂ©sister Ă la chaleur et Ă la sĂ©cheresse. Autrement dit, le GIEC se met Ă parler dâOGM. Mais câest la porte ouverte Ă toutes les abominations environnementales contre lesquelles se bat le valeureux JosĂ© depuis son premier arrachage de plants de maĂŻs transgĂ©nique expĂ©rimental ! Car les OGM, câest comme lâavion et comme le nuclĂ©aire : câest mal, point.
Entre temps, les rĂ©sultats aussi spectaculaires que complĂštement bricolĂ©s de lâĂ©tude SĂ©ralini qui concluait Ă la dangerositĂ© extrĂȘme du maĂŻs transgĂ©nique NK603 de Monsanto prĂ©sentant une bonne tolĂ©rance aux glyphosates (herbicides) ont pourtant Ă©tĂ© complĂštement et dĂ©finitivement invalidĂ©s. Mais quand mĂȘme ! Et le principe de prĂ©caution ? se rĂ©crient nos Ă©cologistes affolĂ©s.
Pour Marcel Kuntz, directeur de recherche sur les OGM au CNRS et enseignant Ă lâUniversitĂ© Grenoble-Alpes :
« On est dans un discours lénifiant sur le changement climatique mais on refuse, par principe et idéologie, les biotechnologies qui pourraient apporter des solutions. »
.
MĂȘme sans parler de rĂ©chauffement climatique, les OGM prĂ©sentent de nombreux avantages pour le dĂ©veloppement humain. Par exemple, le riz dorĂ©, une variĂ©tĂ© de riz enrichi en ÎČ-carotĂšne, permet de compenser les graves carences en vitamines A qui affectent 250 millions dâenfants dans le monde selon lâOMS. Chaque annĂ©e, 250 000 Ă 500 000 deviennent aveugles, la moitiĂ© dâentre eux mourant dans les douze mois aprĂšs la perte de la vue.
Mais constatons néanmoins une seconde incohérence majeure de la lutte contre le réchauffement climatique portée par les écologistes radicaux.
Et comme jamais deux sans trois, passons au paragraphe B5.1 du rapport du GIEC sur les sols. Selon Valérie Masson-Delmotte :
« La dégradation des terres réduit la capacité du sol à absorber le carbone, ce qui aggrave le changement climatique. »
En consĂ©quence, lâune des propositions du GIEC consiste Ă enrayer lâĂ©rosion des terres agricoles par suppression de la pratique du labour et adopter plutĂŽt la solution du couvert vĂ©gĂ©tal entre deux cultures.Â
Pour lâagriculteur, câest vraiment lâinjonction paradoxale.
Car comment procĂšde-il ? Une fois la rĂ©colte de blĂ© dâune saison effectuĂ©e, il gratte un peu son champ en surface pour faire germer toutes les graines (de blĂ© ou dâautres herbes) qui sây trouvent.
Quand elles ont germĂ© et poussĂ©, deux solutions. Soit lâagriculteur passe partout un dĂ©sherbant systĂ©mique (qui descend dans le systĂšme racinaire et tue la plante), afin dâobtenir un terrain oĂč sa rĂ©colte suivante ne sera pas en concurrence avec dâautres herbes inutiles pour lâaccĂšs Ă lâeau, aux engrais et aux sels minĂ©raux de la terre. En pratique, il sâagit du glyphosate, produit haĂŻ des Ă©cologistes.
Soit il lui faut labourer en profondeur tout le terrain pour enterrer les plantes rĂ©siduelles et les faire mourir avant dâensemencer pour la rĂ©colte de la saison suivante. Cela suppose une agriculture plus mĂ©canisĂ©e qui Ă©met plus de CO2 et qui perturbe plus les ĂȘtres vivants du sol, deux choses que les Ă©cologistes nâaiment pas non plus.
De ce fait, le rapport a Ă©tĂ© accueilli avec scepticisme par le monde rural. Les jeunes sont revenus au labour pour Ă©viter le glyphosate qui leur sera interdit tĂŽt ou tard ; passer au couvert vĂ©gĂ©tal entre deux cultures (que ce soit avec des mauvaises herbes ou mĂȘme une culture dite « dĂ©robĂ©e » quâon ne rĂ©coltera pas) afin de ne jamais avoir un sol Ă nu supposerait de revenir au glyphosate pour ensemencer proprement la rĂ©colte suivante.
Le moins quâon puisse conclure de ces trois exemples emblĂ©matiques du combat des Ă©cologistes les plus bruyants (nuclĂ©aire, OGM et glyphosate), câest que la cohĂ©rence fait largement dĂ©faut au discours environnemental et climatique ambiant et que rien nâest aussi simple ni aussi Ă©vident que Greta Thunberg & Co voudraient nous le faire croire. Un peu de modestie, plus de nuance et moins de cinĂ©ma ne seraient sans doute pas pour nuire au dĂ©bat.