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Les deux « Gilets jaunes » ou le double échec du socialisme

Comme il semble loin ce temps où des Français rassemblés par la symbolique du gilet jaune obligatoire dans les voitures décidaient de descendre dans la rue pour s’opposer à la hausse des taxes sur les carburants ! Comme il semble loin ce temps où ils se retrouvaient nombreux à brandir des pancartes stigmatisant à juste titre la France comme le pays « champion du monde des taxes » ! (voir photo ci-dessous : Gilets jaunes, Acte I, 17 novembre 2018).

Du ras-le-bol fiscal de départ, les doléances sont passées ensuite aux fins de mois difficiles et au chômage qui nous colle à la peau, mais elles ne disent qu’une chose : comment se fait-il que la prospérité française soit à ce point asthénique alors qu’on parle du pays où la redistribution est plus élevée et plus radicale que partout ailleurs ?

Ne perdons pas de vue cette première leçon : la révolte initiale des Gilets jaunes signe l’échec de notre modèle social fondé sur la dépense publique et la redistribution. Elle signe l’échec de Keynes, ou, pour être plus exact, l’échec de tous ceux qui trouvent pratique de se réclamer doctement de Keynes pour accéder au pouvoir et s’y maintenir en promettant « toujours plus » à leur clientèle électorale.

On pouvait alors espérer que notre Etat-providence intouchable et tout le « volontarisme » politique qui l’accompagne apparaîtraient enfin au grand jour pour ce qu’ils sont réellement, c’est-à-dire une redoutable machine à créer de la pauvreté et du chômage à force d’impôts toujours plus élevés, redistribués dans une dépense publique tout aussi débridée, faussement solidaire, idéologique, insoutenable et inefficace.

C’est à ce moment-là que les libéraux, percevant les doutes et les questionnements d’une opinion publique ébranlée, ont accueilli la colère des Gilets jaunes comme une occasion de faire passer quelques idées sur les avantages qu’il y aurait à enclencher un mouvement liant la baisse de la pression fiscale à la baisse des dépenses publiques, c’est-à-dire l’exact inverse de ce qui se pratique en France depuis plus de quarante ans sans résultat.

Rien d’extraordinaire en vérité : cela s’est déjà fait dans de nombreux pays – aux Pays-Bas par exemple – avec un franc succès entrainant non seulement une nouvelle prospérité économique, mais également regain de liberté et de responsabilité individuelles.

Mais les libéraux sont quelques-uns tandis que les adeptes de la dépense publique financée par l’impôt sont nombreux et répandus à profusion dans tous les partis politiques organisés. Quel politicien se priverait d’un outil qui lui permet de passer pour un grand défenseur de l’égalité et de la justice sociale tout en lui donnant la vertigineuse possibilité de façonner la société selon les « fins sociales » qu’il juge désirables ?

Du reste, de la France insoumise au Rassemblement national, il existe fifty shades of Keynes dont Emmanuel Macron lui-même exprime une tonalité particulière. Mais aux yeux de ses principaux opposants, il passe pour un tiède, voire un libéral. N’a-t-il pas dévitalisé l’ISF et mis fin au statut des cheminots, ce totem emblématique du service public et de la solidarité nationale ? J’ai souligné à de multiples reprises combien le macronisme n’avait rien d’un libéralisme (ici et ici, notamment) mais pour son opposition la plus virulente, c’est encore trop.

C’est pourquoi, très rapidement, tous les anti-Macron façon Mélenchon, Le Pen et leurs petits clones dispersés se sont empressés de récupérer à fond l’aspect « révolte » des Gilets jaunes tout en oubliant allègrement qu’au départ elle était « fiscale ». Affaiblir Macron, oh oui ! Commencer à vouloir réduire la dépense publique et la redistribution, certainement pas !

Les revendications sont alors devenues de plus en plus « vénézuéliennes », les riches ont été désignés comme les responsables des difficultés des moins riches et l’idée que la justice sociale ne serait accomplie qu’en les taxant plus a fait son chemin dans les esprits.

Totalement coincé sur le plan budgétaire et soucieux de reprendre l’initiative, le gouvernement a lui aussi saisi la balle au bond : il en est à proposer une nouvelle taxe presque chaque jour. On peut ajouter que totalement coincé idéologiquement, il en est même à remettre sur la table la fiscalité sur les carburants qu’il avait annulée en décembre dernier pour tenter de calmer la grogne.

Parallèlement à cette récupération doctrinale du mouvement à travers l’exacerbation des jalousies et des ressentiments, les cortèges dans lesquels on voit défiler chaque samedi des personnes portant le fameux gilet jaune (dont rien ne dit que ce sont les mêmes que celles qui défilaient en novembre) ont attiré de plus en plus de casseurs et ont donné lieu à de plus en plus de slogans haineux.

Jusqu’à arriver aux insultes innommables que le philosophe et académicien français Alain Finkielkraut a dû endurer alors qu’il croisait par hasard un rassemblement de Gilets jaunes lors de l’acte 14 du mouvement qui se déroulait avant-hier (samedi 16 février 2019). Reconnu par certains manifestants, il a été immédiatement hué et pris à partie violemment (vidéo ci-dessous, 01′ 25″) :

Libération a donné un verbatim de l’altercation à partir des deux vidéos disponibles. Petit résumé :

Barre-toi, sale sioniste de merde – La France elle est à nous – Le peuple va te punir – Palestine ! – Nous sommes le peuple français – Rentre chez toi en Israël – Rentre chez toi – Ici c’est la rue !

On note à l’évidence que la présence de Finkielkraut, qui est juif et soutient l’existence d’Israël, fait ressortir la question palestinienne, laquelle n’est pas un marqueur des Gilets jaunes, en tout cas pas de ceux qui se sont soulevés à l’origine contre la hausse des carburants.

Mais on note également d’autres postures qui témoignent de façon tout aussi évidente combien les Gilets jaunes ont été récupérés par les extrêmes. « La France, elle est à nous » est typique d’un discours d’extrême-droite tandis que « Le peuple va te punir » et « Ici, c’est la rue » font irrésistiblement penser aux diatribes d’un Mélenchon.

Plus fondamentalement, au-delà de l’aspect antisioniste, on observe dans ces quelques mots proférés avec une haine indescriptible que la redistribution organisée en faveur de tel ou tel groupe de personnes (les femmes, les jeunes, les chômeurs, les pauvres, etc.), très loin de réaliser la moindre « justice sociale », crée au contraire une concurrence ravageuse entre les différents groupes susceptibles d’avoir accès à la manne étatique et les dresse violemment les uns contre les autres.

Dans ce système où il n’est nullement question d’encourager la création de richesse, les ressources disponibles sont considérées comme limitées. Améliorer le sort des uns ne peut donc passer que par une dégradation du sort des autres. Dès lors, chacun est poussé à se voir comme le « vrai peuple » qui a droit à tout tandis que les autres n’ont droit à rien et sont priés de quitter le terrain.

En l’occurrence, les riches, mais aussi les juifs qui combinent souvent la faute inexpiable d’être « riches » et quasi-étrangers (« Rentre chez toi en Israël ») deviennent les coupables faciles des malheurs du « vrai peuple ». Eradiquons le faux peuple, éradiquons les ennemis du peuple, et les lendemains chanteront. Une ritournelle délétère connue.

C’est ainsi que l’on peut dire que les Gilets jaunes ont pris tour à tour deux visages qui révèlent l’un après l’autre le double échec du socialisme. Dans leur format initial de révolte fiscale, ils en soulignent l’échec économique ; dans leur format récupéré par les collectivistes, ils en soulignent l’échec social. l’opposé de la « justice sociale » et du « vivre ensemble » dont pourtant il se targue sans cesse, on observe grandeur nature et sous nos yeux que le socialisme conduit à la fois au marasme économique et à l’affrontement civil.


Illustration de couverture : Les deux visages des Gilets jaunes.

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