Site icon Le Blog de Nathalie MP

Sisco & Co : Oui, je suis dans le déni de la réalité transformée !

Vendredi 16 septembre dernier, le tribunal correctionnel de Bastia a rendu son jugement dans l’affaire de la bagarre de Sisco et a distribué les peines de prison (avec sursis parfois) dans les deux camps. Ce fait divers du 13 août 2016 s’était retrouvé au coeur de la bataille sur le burkini qui a enflammé les plages et les esprits cet été. Et pourtant, pas un seul burkini dans cette affaire. Des entorses à la loi, des atteintes aux personnes, oui, et en quantité, beaucoup de mensonge partout, mais pas de burkini. 

Après les attentats terroristes islamistes que nous subissons depuis dix-huit mois, et contre lesquels il est bien évident qu’il faut se défendre sans états d’âme, Sisco est un exemple particulièrement éclatant du fol emballement identitaire qui saisit la presse puis une bonne partie de l’opinion dès lors que des musulmans sont impliqués.

Pour ma part, j’ai pris position contre les interdictions du burkini et j’ai tenté, comme beaucoup d’autres, d’expliquer mes raisons : le fait seul de porter un burkini ne peut représenter un trouble à l’ordre public sauf à ce que la France se mette à criminaliser des intentions supposées.

Lassée de recevoir des remarques du style « Quand vous convertissez-vous ? » ou de voir traitée de « collabo du fascisme islamiste » toute personne qui tente de faire acte d’un peu de nuance dans ce sujet clairement délicat, toute personne qui fait l’effort de ne pas tomber dans l’amalgame facile (oui je sais, il est de bon ton d’ironiser), j’ai décidé de quitter le terrain qui consiste à se justifier pour aborder celui qui consiste à attaquer.

Et là, le travail est facile ! Un ami, qui ne cache pas ses tendres penchants électoraux pour Marine Le Pen, m’accuse régulièrement de ne pas vouloir voir « ce qui se passe », de m’aveugler sciemment, d’être en plein « déni » de réalité. Quelle réalité ? L’islamisation de la France, qui se répand apparemment comme une trainée de poudre sous mon oeil beaucoup trop complaisant.

Curieusement, quand on demande aux personnes qui tiennent ces propos de dire en quoi elles sont empêchées de vivre à leur façon, selon leur culture et leurs croyances, les seuls exemples qu’elles sont capables de citer concernent non pas leur expérience personnelle, mais des faits divers hautement médiatisés dont on va voir qu’ils ont tous besoin d’une lourde couche de « transformation » pour passer dans un premier temps pour des témoignages probants de l’emprise de l’islam sur la France.  Dans un second temps, la baudruche créée tend à se dégonfler sans gloire.

Alors oui, mon ami, quand la réalité est si régulièrement maquillée, comme à Sisco et ailleurs, pour paraître plus belle et plus convaincante, je n’ai aucun scrupule à être dans le déni. Non pas le déni de la réalité, mais le déni du mensonge, le déni du fantasme obsessionnel sur l’invasion et l’islamisation de la France.

Et je redis le plus nettement possible ce que j’ai toujours dit : fermeté la plus totale à l’égard de toutes les atteintes aux biens et aux personnes, fermeté la plus totale à l’égard des comportements inadmissibles au regard de nos lois, abandon du laxisme électoraliste qui conduit les socialistes à fermer les yeux sur des appropriations scandaleuses de l’espace public et des comportements inacceptables, à l’hôpital par exemple.

En parlant de « fermeté », je signifie que la justice doit prononcer des condamnations proportionnées aux faits conformément à notre code pénal – c’est en général le cas – et que les peines doivent être appliquées. C’est hélas moins le cas, surpopulation carcérale et idéologie « taubiresque » contribuant à faire préférer des solutions alternatives à la prison, parfois avec des conséquences létales.

Mais une fois qu’on est droit dans ses bottes sur tout cela, inutile d’inventer. Or on invente beaucoup, et c’est de ces inventions que je veux parler aujourd’hui.

Si l’on s’en tient à la période qui s’est ouverte le 7 janvier 2015 par l’attaque islamiste contre les dessinateurs de Charlie Hebdo, j’ai recensé cinq « affaires », de gravité différente, qui toutes ont été instrumentalisées d’une façon ou d’une autre au mépris des faits pour intensifier la réalité, la rendre plus belle, c’est-à-dire plus horrible, la déformer jusqu’à la dénaturer afin de donner faussement plus de crédit au récit du péril islamiste qui menacerait notre identité partout et à tout moment.

Reims, 22 juillet 2015

Trois jeunes filles sont en train de bronzer dans un parc. Elles sont vêtues de shorts en jean et de hauts de maillots de bain. Passe un groupe de filles. L’une d’elles lance : « Allez vous rhabiller, c’est pas l’été ! » En face on lui répond : « C’est sûr qu’avec ton physique de déménageur… » Et les deux filles en viennent à se griffer et se gifler.

C’aurait dû rester un fait divers pris en charge par la justice à hauteur des faits établis. C’est devenu une polémique invraisemblable car le journal local l’Union parle de « relents de police religieuse. » Tout le monde, Twitter et Facebook compris, s’engouffre dans ce récit qui vient confirmer les pires horreurs auxquelles il faut s’attendre dorénavant en France. Le maire de Reims dit « C’est intolérable. » Eric Ciotti, dans le style « je dirais même plus » qu’on lui connaît bien, déclare « C’est une agression inacceptable par laquelle on veut nous imposer un mode de vie qui n’est pas le nôtre. » Et des gens défilent en maillots de bain à l’appel de SOS racisme.

Entre temps, le parquet a fait son travail et peut déclarer : « Ni la victime ni les auteurs des coups n’ont fait état, lors des auditions, d’un mobile religieux ou d’un mobile moral qui aurait déclenché l’altercation. » On est en présence d’une sombre histoire de filles plus ou moins bien dans leur peauLe journal L’Union opère un rétropédalage en urgence, tout comme le maire de Reims qui demande à tout le monde de reprendre son calme.

Mais le mal est fait, et d’autant mieux fait que la version inventée est tellement plus intéressante, tellement plus exploitable politiquement, que la réalité !

Cologne, viols de la Saint-Sylvestre 2015

J’ai traité ce sujet longuement dans l’article Cologne, les femmes, les hommes, et j’ai bien précisé que la seule attitude possible face à ces faits gravissimes était l’application immédiate de la loi prévue dans de tels cas.

Mais très vite une bataille d’images s’est mise en place : comme si la réalité n’était pas suffisamment éloquente, des photos, toutes plus horribles les unes que les autres, ont circulé sur les réseaux sociaux dans le but de bien attester de la sauvagerie des agresseurs musulmans. Or ces photos étaient soit des montages soit ne correspondaient pas à cet événement mais à des situations antérieures sans aucun rapport.

Sisco, 13 août 2016

Le Parisien a donné la semaine dernière un récit très circonstancié de la bagarre de Sisco. Je vous invite vivement à le lire.

Mustapha Benhaddou est un Marocain (déjà condamné pour trafic de cocaïne) qui a grandi en Corse et vit maintenant à Bastia. Le 13 août, lui et sa famille (11 personnes au total dont 3 enfants) sont installés dans la crique de Sisco. Mustapha a tenté d’en limiter l’accès (comportement « inadmissible » dira le parquet à raison) en redressant un panneau de chantier qui traînait par là. Un couple de vacanciers descend dans la crique et s’installe aussi. Pour l’instant, pas de problème à signaler.

C’est plus tard, lorsqu’un touriste belge prend des photos de la crique incluant les membres de la famille Benhaddou, que les noms d’oiseaux commencent à voler. « Pas de photos ici, dégage ou sinon je monte ! » a entendu le touriste belge. Les esprits s’échauffent, les hommes en viennent aux mains, des renforts du voisinage arrivent en masse. Ce sont finalement une centaine de villageois contre les 11 Benhaddou qui s’affrontent.

Par la suite, certains témoignages seront hautement fantaisistes, incriminant une machette et un burkini inexistants, ainsi qu’une banlieue de Bastia, Lupino, qui n’a rien à voir à l’affaire, mais qui sera quand même la cible d’une descente de Corses contre les musulmans du quartier le lendemain.

Vendredi dernier, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné Mustapha Benhaddou, reconnu comme l’élément déclencheur, à 2 ans de prison ferme. Deux habitants du village, un boulanger et un pompier, écopent de peines de prison avec sursis, de même que deux frères Benhaddou.

Pour le procureur, les événements de Sisco relèvent d’une crise « paroxystique » où tous les  instincts reptiliens de tous les protagonistes ont refait surface :

« La société française et la société corse, qui en fait partie, sont traversées par des fractures, mais ce n’est pas la réalité du dossier, qui est à la fois quelque chose de plus classique et de plus minable. »

Dans le Parisien, l’un des habitants reconnaît que cette violence aurait pu être évitée :

« C’était un sentiment de peur, toutes générations confondues, amplifié par tout ce qui se passe en ce moment. »

L’affaire de Sisco, une affaire « minable », n’est glorieuse pour personne.

Cela n’a pas empêché Natacha Polony, toujours au premier rang pour affirmer sans savoir, de nous servir dès le 19 août dans le Figaro Vox une tribune grandiloquente où elle chante les louanges du peuple corse qui aurait selon elle sauvé l’honneur du peuple français ! Et dire que, selon ses habitudes de donneuse de leçons, elle commence son plaidoyer en nous expliquant : « Les faits n’existent pas. Il n’existe que le récit de ces faits, et les mots pour le dire valent en eux-mêmes interprétation » ! Que n’a-t-elle attendu l’aboutissement de l’enquête judiciaire, ça lui aurait évité le ridicule de voir de l’honneur là où il n’y avait de part et d’autre que la testostérone de petites frappes !

Nice, Photos du Daily Mail sur une verbalisation anti-burkini, 23 août 2016

Un photographe free-lance décide de travailler sur les arrêtés anti-burkini pris par plusieurs maires du sud de la France. Le 23 août il est sur une plage de Cannes et repère des policiers municipaux. Ceux-ci verbalisent une femme portant un voile dans une démonstration d’autorité passablement ridicule. Situé assez loin de la scène, le photographe prend une série de photos au téléobjectif. C’est le Daily Mail, journal conservateur et populaire britannique, qui les publie :

Ces clichés n’ont donc rien de mystérieux. Il s’est pourtant trouvé des personnes, Julien Dray du PS, par exemple, ainsi que le politologue Laurent Bouvet, connu pour ses positions anti-libérales et en faveur d’une laïcité strictissime, pour mettre en doute leur réalité et hurler à la mise en scène et au complot visant à déconsidérer la police et placer les musulmans en position de victimes.

Le Daily Mail n’a eu aucun mal à apporter la preuve de la parfaite authenticité des photos, obligeant les vigilants ci-dessus à reculer platement. « On a bien le droit de se poser des questions » s’est défendu Laurent Bouvet. Et faire sa petite enquête avant de lancer des accusations en l’air, ce n’est plus comme ça qu’on procède, à l’université ?

Toulon, 4 septembre 2016

Deux familles se font violemment agresser alors qu’elles rentrent chez elles après une sortie en vélo. L’une des jeunes femmes prises à partie explique : « Nous n’étions pas en short. Nous étions en tenue de sport. Un premier jeune nous a mal parlé et puis les choses ont rapidement dégénéré alors que nous étions en famille et avec nos enfants … » Elle évoque « de la violence gratuite. »

Pourtant, la polémique vestimentaire est lancée par Var Matin (qui reconnaîtra une erreur) en titrant : « Habillées en short, leurs maris et amis se font passer à tabac. » La mécanique de l’insinuation se met en route : ça y est, la police des moeurs islamistes est à l’oeuvre. Marion Maréchal Le Pen (FN), Lydia Guirous (LR) et tant d’autres, trop pressés ou trop contents de pouvoir étayer leurs prises de position identitaires, s’y engouffrent avec délectation :

On se trouve une fois de plus face à un fait divers violent qui doit trouver sa solution auprès de la justice. Mais on est loin, je crois, de cette islamisation de la France tant redoutée, et surtout tant construite sur l’erreur, la surenchère et le mensonge.

Sur le plan moral, ces tromperies ne sont pas dignes de la « clairvoyance » revendiquée par ceux qui accusent un peu trop facilement les autres de « déni » de réalité. Sur le plan pratique, elles poussent à des actions générales à l’encontre des musulmans qui n’ont aucune chance d’être efficaces dans la lutte, nécessairement ciblée, contre le terrorisme. L’interdiction des burkinis, associée à quelques verbalisations musclées, a donné au contraire un argument de plus à Daesh dans ses recrutements contre le diable occidental.

Enfin, on restera loin de cette islamisation de la France si notre Etat retrouve sa détermination à jouer son rôle de garant des biens et des personnes, si, à travers sa police et sa justice, il met systématiquement un coup d’arrêt clair et net à toute action hors la loi, d’où qu’elle vienne.


Illustration de couverture : Bagarre de Sisco (Corse), 13 août 2016. « La crique a été le décor d’une rixe entre une famille musulmane et des villageois. Bilan : cinq blessés, l’opinion publique enflammée… et beaucoup de mensonges. » Le Parisien – Photo PQR « Corse-Matin » MAXPPP Christian Buffa.

Quitter la version mobile