Pécresse et sa banque des jeunes : Le goût du risque a l’odeur du fisc

Valérie Pécresse entend « redonner le goût du risque à notre jeunesse ». Une nouvelle que toute personne un tant soit peu libérale, ou simplement inquiète de voir à quel point notre modèle social est devenu le théâtre grotesque d’une politique récurrente et coûteuse de chèques-cadeaux tous azimuts, accueillera certainement avec joie.

Hélas, ce serait se réjouir beaucoup trop vite.

D’une part parce que nous sommes en France et qu’aucune politique économique et sociale digne de ce nom ne saurait exister sans que l’État y mette encore un peu plus sa grosse patte redistributrice. Valérie Pécresse a d’ailleurs pleinement confirmé cette théorie, se récriant à l’idée d’être taxée de libérale et se revendiquant encore et toujours du gaullisme social. Deux mots qui ne signifient rien d’autre que dirigisme et redistribution.

Et d’autre part parce que tout ce qui se rapporte aux idées de risque, de concurrence et de prise de responsabilité est considéré dans notre pays comme une injure faite à la belle idée d’égalité. Ce que Valérie Pécresse s’est également employée à nous confirmer. Car à écouter la candidate présidentielle des Républicains, il s’avère en fait que son « goût du risque » signifie « droit à l’échec » financé par nos impôts – tout cela étant débité en quelques minutes dans la même séquence télé !

Invitée avant-hier (lundi 31 janvier 2022) à développer son programme face à un panel de six Français abstentionnistes dans la nouvelle émission politique de LCI « Mission Convaincre », Mme Pécresse a souligné qu’elle comptait exonérer 95 % des Français de droits de succession et améliorer un certain nombre de mesures de transmission du patrimoine (notamment ramener la durée entre deux donations de 15 à 6 ans).

La France navigue en effet depuis longtemps dans le peloton de tête des pays du monde développé qui prélèvent le plus en taxes et impôts proportionnellement à la richesse créée chaque année – et les droits de succession ne font pas exception. Comme le dit Mme Pécresse, si ce type de politique hautement confiscatoire apportait de la prospérité et résolvait les problèmes d’égalité, ça se verrait ; or ce n’est manifestement pas le cas.

De plus, les Français eux-mêmes se montrent massivement hostiles à l’idée que des personnes ayant constitué par leur travail un patrimoine petit ou grand qui a déjà subi la taxation sur les revenus du travail ou du capital, sur la consommation (TVA, TICPE…) et éventuellement sur la fortune (ISF puis IFI) sans oublier la taxe foncière et la taxe sur l’audiovisuel public, soient dépouillées de la possibilité d’en disposer à leur guise par une énième taxation.

Selon un récent sondage OpinionWay-Square pour Les Echos, ils sont 81 % à souhaiter une diminution des droits de succession, considérant  qu’il « est juste pour les parents de transmettre le plus possible à leurs proches ». En 2018 déjà, 82 % d’entre eux jugeaient cette taxation illégitime.

Jusque-là tout va bien, tout va même très bien, dans un alignement rare entre les souhaits des Français et les premiers jalons possibles d’une politique fiscale favorable à l’investissement donc à la croissance et à l’emploi. Mais l’économiste Thomas Piketty et le think tank Terra Nova, l’un et l’autre orientés à gauche, n’auront pas parlé ou écrit en vain. D’où objection immédiate : et l’égalité des chances, et les inégalités de naissance, et l’inégale répartition du capital ? Comment comptez-vous réparer tout cela, Mme Pécresse ?

Et c’est là que tout s’effondre.

Car bien sûr, en bonne gaulliste sociale qu’elle est, Valérie Pécresse a tout prévu : c’est l’État qui va se charger de doter ceux qui n’ont rien au départ. Elle va créer une « banque des jeunes » qui distribuera des prêts afin d’aider les jeunes sans patrimoine à poursuivre des études ou créer une entreprise. Mais attention, pas n’importe quels prêts : des prêts garantis par l’État que le bénéficiaire n’aura pas à rembourser s’il ne parvient pas à un certain niveau de salaire ou un certain niveau de chiffre d’affaires.

Et d’annoncer fièrement :

« C’est la banque du droit à l’échec ! Vous vous lancez dans des études et si ça ne marche pas, vous ne remboursez pas, c’est l’État qui prendra à sa charge si ça ne marche pas. » (…) « Je permets avec cette banque des jeunes de redonner le goût du risque à notre jeunesse et surtout de réduire les inégalités de départ. » (vidéo ci-dessous, à partir de 1 h 21′ jusqu’à 1 h 25′ 10″)

Le goût du risque ? Quel risque ? En revanche, on voit bien l’effet d’aubaine. Quel jeune hésiterait à contracter ce prêt puisqu’on lui annonce dès le départ que cela ne l’engage à aucun résultat et, précisément, à aucune prise de risque ?

À partir du moment où l’échec est purement et simplement effacé, à partir du moment où la responsabilité de cet échec retombe non pas sur le jeune mais sur la société en général via l’impôt et la dette publique, le prêt a beaucoup de chance de devenir une simple allocation de plus, un chèque jeune comme on en a déjà tant vu, pour quelqu’un qui n’aura eu au départ aucune incitation à se décarcasser dans ses études ou dans un projet professionnel. Cela revient pratiquement à admettre que par construction, les prêts étudiants peuvent être annulés à volonté par les pouvoirs publics. On dirait du Bernie Sanders.

De plus, puisqu’on parle de la sacro-sainte égalité qui doit régner au millimètre près entre tous les citoyens, pourquoi celui qui réussit ses études devrait-il rembourser son prêt quand son copain qui échoue sera exonéré de tout ? Le signal donné à la jeunesse à travers cette mesure qui accentue la dépense publique est le contraire exact d’une incitation au goût du risque.

Quant à Valérie Pécresse qui se flatte de vouloir remettre la France sur ses pieds, sa proposition a-t-elle la moindre chance d’amorcer le début d’un commencement de transformation structurelle du pays ? S’il s’agit d’avoir toujours plus de chômeurs indemnisés et de populations pauvres soutenues par toujours plus de prestations sociales, sans doute, tant qu’il y aura assez d’argent des autres pour subventionner notre modèle social dangereusement exponentiel.

Mais s’il s’agit de voir la croissance repartir, le chômage refluer, le pouvoir d’achat augmenter et les individus être restaurés dans leurs possibilités de choix, leur sens des responsabilités et leur capacité de travail et d’initiative, comme cela s’est fait chez la plupart de nos grands voisins par des politiques conjointes de baisse des dépenses et des impôts et par démonopolisation des services d’État, on peut sans risque affirmer que non. Toute notre histoire depuis 50 ans l’atteste.

Oh, bien sûr, je tombe aujourd’hui à bras raccourcis sur Valérie Pécresse qui nous a offert lundi dernier un joli festival de contradictions. Mais ne nous leurrons pas, tous les candidats en sont à chercher leur électorat à travers une belle débauche de dotations et autres sympathiques allocations.

Du côté d’Emmanuel Macron, on ne compte plus les chèques énergie, les stages « remise en selle » et autres contrats d’engagement jeunes, mais ce n’était évidemment pas suffisant. Au moment où Mme Pécresse passait son grand oral devant des abstentionnistes, il faisait du « teasing » sur Twitter à propos du pass culture qui devient accessible aux jeunes de 15 à 17 ans. Quant à Éric Zemmour, il compte accorder une bourse de 10 000 euros à chaque naissance dans une vraie famille de la vraie ruralité de la vraie France profonde. Je ne parle même pas des candidats de gauche.

À chacun sa clientèle, à chacun son constructivisme. Mais dans tous les cas, l’État mène la danse, les contribuables continuent de payer, et le pire, c’est que personne n’est content. Ça promet.


Illustration de couverture : La candidate présidentielle des Républicains Valérie Pécresse dans l’émission « Mission Convaincre » du 31 janvier 2022 sur LCI. Capture d’écran.

28 réflexions sur “Pécresse et sa banque des jeunes : Le goût du risque a l’odeur du fisc

    • @Higgins : un peu en dessous de la ceinture comme attaque. Quand à la prévision, n’est elle pas un peu prématurée ? Cette présidentielle va nous réserver bien des surprises. Je me souviens qu’aux régionales et aux départementales personne ne donnait les LR gagnants et c’est pourtant bien ce qui s’est passé.

  1. Belle démonstration. Et pas de candidat libéral ce qui est révélateur de l’état d’esprit en France. Un zeitgeist selon lequel Hollande et Macron sont des ultra-libéraux. Et pourtant il faudra choisir. Je note que Denis Payre a expliqué que le programme de Valérie Pécresse était le plus proche du sien, ce qui ne signifie pas qu’il est parfait. Qui d’autre sinon ?

    • Bonjour Lionel,

      vous préférez la balle, la corde, la lame, l’injection, le gaz, l’électrocution ? Puisqu’il faut choisir…

      Qui d’autres vous dites ? et bien Macron. Tant qu’à faire préférez l’original à la copie.

      Ne pas oublier que les camps de concentration pour non vaccinés ne favoriseront pas un terreau sain pour un développement économique solide.

      La seule personne qui permettra à notre pays de relever la tête est celle qui arrêtera la folie en cours et par rebond, d’emmerder les français. Traitresse n’est pas de celles-là. Nathalie l’a souligné : Dirigisme, dirigisme, encore du dirigisme, toujours du dirigisme. Voué à l’échec !

      • @Bob : je comprends votre point de vue, par contre je ne considère pas que Macron et Pécresse c’est la même chose. Je pense qu’il y a une vraie différence sur la conception de la vie politique et des institutions. Macron : autoritarisme, pouvoir personnel. défiance envers les corps intermédiaires, dérapages extrémistes de toutes sortes.

        Dans le panel de candidats déclarés, je n’en vois pas qui soient plus libéraux que Valérie Pécresse. Les candidats reflètent la situation politique en France et les français ne sont pas favorables au libéralisme, hélas pour nous. Est-ce que vous voyez quelqu’un qui serait plus libéral ?

      • « Est-ce que vous voyez quelqu’un qui serait plus libéral ? » Moins soviétique vous voulez dire…
        Pas vraiment, non. Les votants vont encore jouer la carte du « moins pire ». Mais je pense sérieusement que Traitresse est pire que macron.
        A voir si dans le paquet, un candidat osera se démarquer en annonçant clairement la fin de la folie de la pikouze et du qrcode. Ca sera déjà une sacrée avancée.

    • @Mildred : c’est une variante de « jacques a dit ». Ceci dit je ne prends pas mes ordres chez Alain Minc dont je m’enorgueillis de n’avoir lu aucun livre malgré leur apparente omniprésence dans toutes les bibliothèques de France. Quand les archéologues du futur tomberont sur ces vestiges ils vont se faire une drôle d’opinion de nous.

      Sur le fond, vous avez raison de pointer du doigt le fait que tout le monde essaie d’instrumentaliser tout le monde. Du coup, c’est pas facile de garder le cap. D’autant plus qu’il n’y a pas de bonne solution, du moins pour moi, et qu’on essaie de choisir entre la moins mauvaise.

  2. La vache ! à ce point-là de n’importe quoi, je pense que Valérie Pécresse devrait se lâcher. Si elle est capable de faire la promo de « la banque du droit à l’échec », et de prétendre qu’un prêt non remboursable va redonner le goût du risque, elle pourrait aussi bien se permettre de rigoler un peu.

    Je lui suggère donc de dire que puisqu’elle est une humaniste généreuse et sociale, alors elle appelle à gazer les Juifs qui tiennent la finance et les médias ; ou bien que, puisqu’elle est une républicaine laïque, alors elle réclame l’instauration de la charia en France.

    Ça ne serait pas plus absurde, mais au moins ça mettrait un peu d’animation.

    Je note aussi, au passage, qu’elle veut « du soutien scolaire pour tous ». Euh… donc, en fait… l’école, quoi ? Si tous les élèves ont besoin de soutien scolaire, ça veut dire soit qu’ils sont tous des abrutis (n’excluons pas l’éventualité, partis comme on est), soit que les profs sont tous des nuls qui font mal leur boulot.

    Ou bien il y a un truc qui m »échappe ?

  3. Et bien sûr nous sommes déjà les champions des dépenses publiques consacrées au marché du travail , les plus élevées de la zone euro.
    Mais comme ça ne marche pas, c’est qu’on en avait pas mis assez donc tous les candidats concourent de promesses, Pécresse comme les autres :
    https://fr.irefeurope.org/publications/articles/article/depenses-publiques-consacrees-au-marche-du-travail-la-france-est-championne-de-la-zone-euro-pour-quels-resultats/

    • @Tino: article très intéressant, merci. S’agissant des promesses, il faut insister sur le fait que c’est la forme même de l’élection présidentielle qui l’encourage : scrutin majoritaire concernant le seul poste qui compte vraiment dans les institutions de la 5ème république. Chaque candidat doit aller chercher les quelques ultimes pourcentages qui feront la différence. Pas étonnant donc que l’on assiste à chaque fois à une surenchère de promesses toutes plus absurdes et démagogiques les unes que les autres.

      D’ailleurs on le voit à nouveau dans cette élection. Les programmes sont relégués au second plan voire ignorés. On vote pour une personne pas pour un programme. Rien n’engage le candidat sur son programme une fois élu. C’est ce qu’avait dit Sarkozy en son temps lors d’un renoncement à je ne sais quelle lubie : « c’est moi que vous avez élu pas mon programme ». C’est la technique du bras d’honneur, celle qui a créé en son temps les déçus du Mitterandisme, du Chiraquisme, etc.

      La solution c’est de revenir à des institutions qui mettent en avant les projets plutôt que les ambitions personnelles, c’est de passer du mythe de l’homme providentiel à la perspective moins spectaculaire mais plus efficace de la vision politique. On ne peut pas dire qu’on va dans cette direction, le grand n’importe quoi des présidentielles a de beaux jours devant lui.

  4. Vu d’une petite métropole dont les zones commerciales ont remplacé les usines depuis longtemps et dont certains quartiers basculent dans une spirale de violence je dirais que ces figures ne font pas rêver. Macron, Pécresse représentent les beaux quartiers disons Versailles Neuilly c’est joli, propret mais ce n’est pas la nation française. Loin de moi l’idée de basculer dans l’autre extrémité d’une Christiane incapable de sortir une banalité d’usage sur une question relative à la misère sociale. Depuis des lustres je vote contre et je crains qu’il en sera de même. Pourtant ce ne sont pas les sujets qui manquent : la dette, la désindustrialisation, l’énergie, la mondialisation, la place de l’Islam, l’environnement, Etc… Ils sont où les profils des Churchill, De Gaulle et de ces grands qui ont fait notre civilisation que nous ne sommes même plus capable de défendre.. Nous ne sommes même plus capables de construire proprement une centrale nucléaire et nous voulons faire la guerre à la Russie, les Fadas.. Clairement, la fabrique de nos élites est en panne et il devient urgent de s’atteler à cette faiblesse avant la catastrophe..

    • @ Louis

      « Nous ne sommes même plus capables de construire proprement une centrale nucléaire et nous voulons faire la guerre à la Russie, les Fadas..  »

      Euh… non. C’est la Russie qui claironne partout son intention de nous faire la guerre, nucléaire en première frappe, le cas échéant. Votre masochisme et votre inversion des responsabilités font peine à voir.

      Quant aux « de Gaulle » et aux « Churchill », il est inutile de pleurnicher après eux. Ce genre de personnage ne se rencontre que très rarement dans l’histoire — et heureusement en ce qui concerne de Gaulle, ce mégalomane, ce menteur, ce fasciste, ce prétentieux, ce petit colonel intrigant auquel nous devons le coup d’Etat communiste silencieux de 1945, sous le régime duquel nous vivons encore aujourd’hui.

      Si nous n’avions pas eu de Gaulle, et donc Maurice Thorez au gouvernement, nous ne serions pas, aujourd’hui, « assujettis » à la Sécurité sociale, nos entreprises ne seraient pas quasiment nationalisées par l’URSSAF, et nous ne vivrions pas sous la férule d’une fonction publique écrasante, bénéficiant de l’impunité grâce à son « statut », et générant la dépense publique délirante qui fait son pouvoir tout en asservissant le citoyen.

      Je vous ferai remarquer qu’un Churchill contemporain se dresserait contre la Russie, contrairement à ce que les gaullistes d’opérette contemporains (y en a-t-il d’autres ?) nous assurent. C’est ce que fait Boris Johnson, qui est loin d’être un Churchill, mais qui est encore un géant face à nos poutino-lécheurs hexagonaux, de François Fillon à Eric Zemmour.

      Avoir le courage de ne pas céder au chantage et à l’intimidation de Poutine aujourd’hui, c’est l’équivalent de ne pas céder à la collaboration en 1940. Pas l’inverse.

      Mais dans les temps sans repères que nous vivons, les lâches s’affublent des oripeaux du courage. Se vendre à l’argent des kleptocrates du Kremlin passe pour du patriotisme, et abandonner les Européens de l’Est au terrorisme poutinien (cyber-sabotages, assassinats, torture, subversion, invasions, annexions…) passe pour le summum de l’indépendance nationale.

      De Gaulle avait bien préparé le terrain, en feignant de travailler pour la Résistance, alors qu’il travaillait essentiellement à garantir son pouvoir personnel à la Libération, en s’alliant secrètement avec Staline, dans l’espoir déclaré de gouverner l’Europe à deux une fois la paix revenue.

      On a vu ce que ça a donné : il a fui la queue entre les jambes en 1946, en nous laissant une URSS d’où il ne manquait que le nom.

      Et quand il est revenu en 1958, ce fut pour foirer royalement, une fois de plus, la décolonisation de l’Algérie, ce qui n’est pas pour rien dans le fait que la France est l’un des pays les plus islamisés d’Europe aujourd’hui.

      A lire : De Gaulle et les communistes, de Henri-Christian Giraud ; De Gaulle, une certaine idée de la France, de Julian Jackson.

      • @Robert : intervention tonique contre De Gaulle. Il faut se souvenir qu’à la libération existait un risque réel de prise du pouvoir par les communistes et ça a duré jusque dans les années 60. De Gaulle a permis de trouver un compromis historique adapté à la France. Et s’il a pris en compte les communistes c’est par nécessité.

        Le point le plus négatif de son passage au pouvoir c’est notre constitution actuelle qui a empiré avec le temps et dont l’esprit réside dans l’idée du Grand Homme, espèce de sauveur à mi-chemin entre François Hollande et le Messie.

      • De Gaulle ou un autre c’était pareil. Il fut l’homme en vue pour le compromis à trouver à la libération. Un compromis dans la continuité de la IIIe République qui avait patiemment construit un État providence continué par le gouvernement de Vichy puis en continuité dans les années 1944-1947.
        La tragédie vient surtout du fait que nous sommes incapables de sortir du statu quo, même une fois De Gaulle disparu…Car finalement les anglais avaient suivi un parcours similaire finalement cassé par Mme Thatcher en 1979.

        Voyez comment un historien français analyse tout récemment les années 1944-1947 de façon si peu critique :
        https://journaldeslibertes.fr/article/la-france-liberee-1944-1947/

    • Au sujet des Churchill et De Gaulle, je parle des profils et de la fabrique des intellectuels de haut niveau, ils sont où les équivalents des Lavrov en UE. Supprimons brutalement les Sciences PO et autre Docteur en doctologie..

  5. @ Lionel

    « De Gaulle a permis de trouver un compromis historique adapté à la France. Et s’il a pris en compte les communistes c’est par nécessité. »

    C’est ce que je croyais encore très récemment. C’est la légende gaulliste sous laquelle nous vivons. Et puis j’ai lu De Gaulle et les communistes, de Henri-Christian Giraud (1 000 pages). Et j’ai complètement changé d’avis sur le bonhomme. Je ne peux que vous conseiller cette lecture.

    Je suis en train de lire le De Gaulle de Julian Jackson, monumentale biographie qui se veut objective, et qui l’est en effet. L’auteur se paye même de luxe de présenter le banc d’essai des grands biographes qui l’ont précédé. Citant le dernier en date, Eric Roussel, il déplore qu’il ait produit le meilleur travail, selon lui, tout en étant insidieusement hostile à son personnage, position inhabituelle dans cet exercice. Mais en fait, son propre travail est extraordinairement incriminant pour de Gaulle.

    Curieusement, Julian Jackson omet complètement les faits cruciaux rapportés par Henri-Christian Giraud, concernant le comportement de De Gaulle pendant la guerre. Faits étayés sur des documents historiques indiscutables. Les deux livres sont complémentaires.

    Quant à sa constitution, vous avez raison. Lisez la genèse qu’en retrace Julian Jackson, vous verrez que cela va encore plus loin que tout ce que vous pouvez imaginer.

    Car non seulement cette constitution est mauvaise en soi, non seulement elle a été faite sur mesure pour de Gaulle et n’a jamais été appliquée par ses successeurs (quel président a mis en oeuvre ce principe fondamental : « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » ?), mais de Gaulle s’est torché avec dès le premier jour.

    Quelques faits parmi d’autres : de Gaulle a fondamentalement modifié l’esprit de la constitution à deux reprises, dans deux directions contradictoires, par une simple déclaration arbitraire de sa part. Le référendum qu’il a organisé pour la modifier, et aboutir à l’élection du Président au suffrage universel, a été déclaré… inconstitutionnel… par le Conseil constitutionnel qu’il avait lui-même créé par sa constitution de 1958 ! De Gaulle est passé outre, naturellement…

    Pour se dédouaner d’une telle désinvolture, de Gaulle a eu le culot d’expliquer que, de toutes façons, une constitution était ce qu’on en faisait, et que vu les innombrables constitutions successives qu’avait connues la France, un petit écart de plus par rapport au texte n’était pas bien grave.

    Alors que depuis 1946 et avant, de Gaulle avait justement cassé les bonbons à tout le monde en expliquant que les institutions françaises étaient pourries, et que lui seul pouvait sauver la France en nous apportant la Bonne constitution, la constitution définitive qui allait régler tous les problèmes !

    Un bel exemple de la formidable mauvaise foi qui pouvait être celle du général — il y en a de nombreux autres dans le biographie de Jackson.

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