Faire payer les NON-VAX pour leurs frais hospitaliers : idée ILLÉGITIME qui ne résoudra RIEN !

Marquée par une explosion de cas de Covid-19 en raison de la progression « fulgurante » du variant omicron en France, la trêve des confiseurs a vu réapparaître avec force les « discours de la peur » sur la sauvegarde de l’hôpital et le rôle des non-vaccinés dans sa submersion annoncée. Notamment, l’avocat et chroniqueur Charles Consigny s’est offert quelques minutes de célébrité dans l’émission Les Grandes Gueules de RMC du 20 décembre dernier en préconisant de faire payer les non-vaccinés pour leur accès hospitalier aux soins Covid :

Je vous laisse apprécier la curieuse logique globale de l’intervention de Charles Consigny.

Disons seulement que se proclamer confiant dans la science, espérer néanmoins que les vaccins ne déclencheront pas des maladies neuro-dégénératives d’ici deux-trois ans « sinon on aura l’air fin avec nos obligations », batifoler ensuite sans intérêt et sans humour sur les neuro-dégénérescences évidentes de certains débatteurs des Grandes Gueules puis conclure « pour être sérieux » qu’on préférerait carrément une obligation vaccinale universelle votée par l’Assemblée nationale plutôt que l’obligation implicite du pass vaccinal – disons que tout ceci respire plus le désir de se faire mousser par des propos calculés pour être iconoclastes que celui de nourrir le débat vaccinal avec cohérence.

Si l’on ne veut pas « avoir l’air fin avec nos obligations », il n’existe qu’une seule façon de procéder : permettre à l’information médicale de circuler librement et laisser à chacun, avec le conseil du médecin de son choix, la responsabilité de décider comment se protéger et protéger les autres du Coronavirus. Ce peut être la vaccination. Pour beaucoup, ce sera la vaccination, si ce n’est déjà fait. Mais dans un contexte médical mal connu et incertain qui continue à nous réserver beaucoup de surprises, ce ne peut être l’obligation vaccinale, quelle qu’en soit la forme plus ou moins explicite.

Mais passons et parlons maintenant de sa proposition de faire payer leur hospitalisation et leur éventuelle réanimation aux patients non-vaccinés arrivant à l’hôpital pour Covid-19. Tout découle de cette idée que face à une vague pandémique irrépressible, notre système de soins ne tiendra pas le coup par la faute des non-vaccinés. Moins bien protégés que les vaccinés, ils arriveront en masse aux urgences, obligeant les services à déprogrammer des interventions et traitements pour leur faire de la place.

Charles Consigny n’est pas le seul à vouloir trouver une solution à ce scénario catastrophe. Dimanche dernier dans le JDD, le professeur émérite du CHU Pitié-Salpêtrière André Grimaldi suggérait que pour répondre à la question du « tri » entre malades que les médecins auraient éventuellement à faire en réanimation compte tenu du nombre limité de places, les personnes « revendiquant le libre choix de ne pas se faire vacciner » devraient peut-être assumer aussi « leur libre choix de ne pas se faire réanimer ». D’où sa préconisation de demander aux non-vaccinés adultes de rédiger des « directives anticipées » indiquant si elles « souhaitent ou non être réanimées en cas de forme grave de Covid ».

Deux propositions, payer pour ses soins dans un cas, renoncer aux soins dans l’autre. Mais au final, la même approche malthusienne dans le contexte d’un système de santé systématiquement menacé de submersion, Covid ou pas Covid, comme on le constate tous les ans aux urgences lors des épidémies de grippe, de bronchiolite, de gastro-entérite ou lors des épisodes caniculaires.

On discerne chez Consigny une gourmandise certaine à passer pour le méchant capitaliste de service des Grandes Gueules. De plus, on comprend que sa suggestion vise plus à acculer les non-vaccinés à la vaccination sous la menace de rétorsions pécuniaires non négligeables, comme le fait le pass sanitaire en interdisant leur accès aux restaurants et autres salles de sport, qu’à les faire payer effectivement :

« J’ai proposé que les non-vaccinés paient eux-mêmes leurs frais d’hospitalisation, et qu’ils les payent, d’ailleurs, à l’entrée à l’hôpital. Et tout à coup, je vais te dire, il y aurait des gens qui se feraient vacciner. (…) S’ils doivent vendre leur maison, etc., ça ferait réfléchir du monde. »

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Il n’en reste pas moins que son idée et celle du Pr Grimaldi sont parfaitement illégitimes. Elles s’apparentent même à une forme de vol qui ne dit pas son nom, car tous autant que nous sommes, vaccinés ou non-vaccinés, salariés ou indépendants, nous payons déjà par avance les soins dont nous avons et/ou aurons besoin via les cotisations sociales prélevées sur les salaires et autres émoluments, sans oublier la CSG et la CRDS.

Et disons tout de suite qu’en ce domaine notre pays n’est pas en retard de prélèvements. Les déficits de l’assurance maladie se creusent et pourtant, Dieu sait que la France consacre chaque année une part importante de sa création de richesse annuelle à la santé – 11,2 % de son PIB en 2018, à égalité avec l’Allemagne, soit le niveau le plus élevé après les États-Unis et la Suisse selon le Panorama de la santé 2019 de l’OCDE : 

Dieu sait aussi que tous ceux qui ont voulu quitter « la Sécu » et adhérer à un autre système d’assurance maladie au niveau entreprise ou au niveau individuel pour alléger leurs charges et retrouver une liberté de choix s’y sont cassé les dents en vertu de l’implacable monopole de ladite sécu, solidarité collective oblige.

Oh, bien sûr, entre les impératifs solidaires de la redistribution des revenus et les politiques récurrentes de baisse des cotisations sociales sur les bas salaires – car on a fini par comprendre que leur ampleur pouvait nuire à la compétitivité des entreprises donc à leur capacité à créer de la richesse et de l’emploi – il est exact de dire que tout le monde ne paie pas sa santé au même tarif. Mais en aucun cas cette différence n’est motivée par les comportements sanitaires, alimentaires, sportifs, etc. des patients.

Le Pr Grimaldi le rappelle lui-même dans sa tribune, les médecins ont fait le serment (d’Hippocrate) de soigner les patients en fonction de leurs besoins médicaux, pas en fonction de leur plus ou moins grande observance des recommandations de santé publique.

Ces dernières – par exemple manger moins gras ou moins sucré ou moins carné ; utilité ou inutilité des masques – sont du reste très variables au cours du temps, parce qu’il y a des modes, parce qu’il y a des avancées dans la recherche médicale et aussi parce qu’il y a des agendas politiques à préserver. On ne saurait donc se fonder là-dessus pour « trier » les bons malades et les mauvais malades sauf à se retrouver à quelques mois ou quelques années de distance à écarter les patients qu’on avait privilégiés d’abord et vice-versa.

De plus, la pente est glissante. Tout le monde sait maintenant que le tabagisme est le premier facteur de risque du cancer du poumon, lequel se situe en France au second rang des cancers incidents chez l’homme et au troisième rang chez la femme. Faut-il pour autant refuser de soigner un fumeur – ou le faire payer pour ses soins anti-cancer ou lui demander de renoncer volontairement à se faire soigner dans notre système de santé ? Faut-il refuser de soigner un sportif qui s’adonne à une activité sportive particulièrement risquée ? Faut-il refuser de soigner les accidentés de la route qui étaient en excès de vitesse au moment de l’accident ?

Peu de gens, et certainement pas les soignants, répondraient oui à ces questions. On voit mal dès lors pourquoi une telle perspective deviendrait acceptable avec la non-vaccination contre le Covid-19.

Il s’agit de responsabiliser les gens sur la question de leur santé, entend-on parfois. Louable perspective !

Mais la réalité, c’est que la pandémie de Covid a révélé avec encore plus d’acuité que d’habitude que notre système de soins, bien que très coûteux, est avant tout rigidifié par une organisation collectiviste, centralisatrice et bureaucratique – « caporalisé et soviétisé » pour reprendre les termes de Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie à l’hôpital Cochin, lors de son audition au Sénat hier – qui s’avère incapable d’allouer ses ressources avec souplesse au moment et vers les domaines où l’on en a besoin.

Loin de la solidarité dont il se pare, il génère de la pénurie et place en conséquence les malades en concurrence les uns par rapport aux autres pour l’accès aux soins. Pas exactement la concurrence dont on rêve. Qui aurait cru, en 1945, quand fut institué le glorieux monopole de la Sécurité sociale tel qu’on le connaît encore aujourd’hui, qu’on verrait un jour les bénéficiaires se battre entre eux pour y accéder ? Ou jouer sur leurs relations pour avoir un rendez-vous chez l’ophtalmo ou le gynéco un peu avant les autres et si possible dans moins de trois mois ? 

Ouvrons plutôt ce monopole dont on ne peut sortir, dont les prix, habilement masqués par une apparence de gratuité, sont élevés et dont on constate qu’il n’est pas en mesure de répondre correctement à nos besoins. Introduisons de la concurrence, pas chez les patients, mais entre les établissements de santé et les compagnies  d’assurance santé. C’est à ce prix seulement que l’on verra les propositions de soin s’améliorer et s’accroître, sans nul besoin de pratiquer un tri des patients injuste et, en fin de compte, fort peu « solidaire ».


Complément du 7 janvier 2022 : Si l’on veut commencer à réfléchir à la meilleure façon de transformer notre système de santé, il serait certainement utile de prendre connaissance du système du « Direct Primary Care » qui se développe actuellement aux États-Unis.
Il consiste grosso modo à offrir aux patients les soins de notre médecine générale prolongés par un certain nombre de tests et de petites interventions chirurgicales plus spécialisées ainsi que des soins d’urgence sans complication (réduction de fracture simple, sutures, ablation d’un kyste, etc.), le tout pour un forfait mensuel, sans tiers (ni assurance privée, ni sécu publique, ni complémentaire) entre le malade et le médecin.
Sur le sujet, je vous invite à lire :
« Médecine générale : et si l’on faisait confiance au marché ? » (5 mars 2021).


Illustration de couverture : À droite, Charles Consigny dans l’émission Les Grandes Gueules de RMC le 20 décembre 2021. Capture d’écran.

20 réflexions sur “Faire payer les NON-VAX pour leurs frais hospitaliers : idée ILLÉGITIME qui ne résoudra RIEN !

  1. Excellent article de fond qui aborde tous les aspects du sujet. On ne peut que vous donner raison sur toute la ligne. Deux questions: comment en sommes nous arrives la, Comment avons nous perdu notre vocation humaniste? Et sommes nous déjà allés trop loin dans la caporalisation et le sovietisme?

  2. Bravo, cette mise en perspective du remplacement de la concurrence des uns par rapport aux autres pour l’accès aux soins par la concurrence entre les organismes de santé est d’une redoutable efficacité démonstrative.
    Par ailleurs, si personne n’a envisagé en 1945 les conséquences de la sécurité sociale et de son monopole, il se trouve que Bastiat l’avait déjà prévu en 1850 : http://bastiat.org/fr/secusoc.html

    • Ben voyons !
      Relisez cet article dix fois, et aussi le serment d’Hippocrate… exemple extrême et « choquant pour les représentants du progressisme » de l’infâme « paternalisme blanc masculin »…
      N’importe quoi ! 🤬

  3. Énorme organisation centralisée à la soviétique qui est loin de prodiguer la qualité des soins que nous serions en droit d’attendre.

    Combines pour accéder aux soins pour les assurés et connivences pour nous diriger vers les remèdes qui procurent les meilleurs profits mais pas la meilleure qualité du résultat. L’exemple du Professeur Grimaldi est assez gratiné :
    https://www.eurosfordocs.fr/dashboard/professionnel_beneficiaire

    Le personnage ne manque pas de culot pour oser lancer l’idée du triage, hein !

    Quelle éthique à l’heure de l’oligarchie des experts ?

    • Ne mettez pas Natacha Polony dans le lot. Aucune revendication au libéralisme chez elle. Si elle appartient à une gauche universaliste qui s’inquiète de la montée du wokisme et de l’islamo-gauchisme dans les rangs de la gauche, elle est totalement Conseil national de la Résistance sur le plan économique et social. C’est dans Marianne qu’elle dirige qu’on peut voir l’économiste de la FI Jacques Généreux expliquer que la France sombre dans l’abus de néolibéralisme depuis 40 ans.

  4. Depuis que je suis revenu sur les terres du christianisme , je suis bien plus fort pour comprendre et surtout ne pas être dupe des mensonges des diablotins qui se prennent pour des dieux avec un tout petit d.

  5. « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder… Donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout, c’est ça la stratégie » Dixit notre Président.

    Il me paraît que la catastrophe pour celui-ci qui est en campagne et pour toute la classe gouvernante et ses prolongements médiatiques, autorités sanitaires, etc, serait que finalement l’omicron se confirme comme la fin de l’épidémie vers la fin janvier ou début février plutôt que mars.

    Ce serait toute une stratégie vaccinale mais pas seulement, qui s’écroule et l’occasion de faire les comptes (financiers mais aussi sociaux, psychologiques) en pleine campagne. Il faudra pouvoir clamer qu’heureusement on a vacciné à fond et cramé un maximum de pognon, c’était la bonne stratégie, la seule.

    Entretenir l’opinion dans cette atmosphère anxiogène de crise et de volontarisme forcené, c’est pouvoir se présenter au bon moment en sauveur !
    Le planning (et la com’) est soigné, ajusté au millimètre au % près de votes, car l’opinion est éphémère, versatile, oublieuse et ingrate.

  6. Suite à une remarque d’un lecteur économiste vivant aux Etats-Unis, et dans la ligne de la libéralisation de la santé dont je parle en fin d’article, j’aimerais ajouter ceci :

    Si l’on était dans un système de marché libre de l’assurance maladie (plusieurs compagnies d’assurance santé en concurrence), ces dernières calculeraient bien évidemment leurs primes (ce que les assurés doivent payer) en fonction des risques sanitaires assurés (exactement comme pour une assurance habitation ou auto). Donc les fumeurs ou les non-vaccinés etc. se verraient appliquer des primes plus élevées si les assureurs constataient dans leurs statistiques que leur probabilité de se retrouver à l’hôpital était plus élevée que pour les non-fumeurs ou les vaccinés ou…

    Le petit problème, c’est qu’en France nous ne sommes pas dans un marché libre de la santé, et que donc l’idée de « faire payer les non-vaccinés » ne peut pas s’entendre dans la mesure où ils ont déjà payé leurs soins, sauf à libéraliser complètement le système et l’appliquer à toutes les situations sanitaires, pas seulement au Covid. Or malheureusement, personne ne parle de sortir de notre monopole et préfère rebondir sur la logique du bouc-émissaire, le non-vacciné devenant la cause unique des carences de notre système de soin que l’on se gardera bien de réformer.

    • J’ajoute également que si l’on veut commencer à réfléchir à la meilleure façon de transformer notre système de santé, il serait certainement utile de prendre connaissance du système du « Direct Primary Care » qui se développe actuellement aux Etats-Unis. Il consiste grosso modo à offrir aux patients les soins de notre médecine générale prolongés par un certain nombre de tests et de petites interventions chirurgicales plus spécialisées ainsi que des soins d’urgence sans complication (réduction de fracture simple, sutures, ablation d’un kyste, etc.), le tout pour un forfait mensuel, sans tiers (ni assurance privée ni sécu publique) entre le malade et le médecin.

    • Ce ne serait exact que dans un régime libéral intégral, conforme à la théorie. Dans les faits, les régimes de santé les plus libéraux comportent, et c’est heureux, un cadre légal dans lequel les assureurs privés en concurrence doivent s’inscrire.

      Si l’Etat se contentait de dire : jouez ensemble et que le meilleur gagne, il est manifeste que des règles perverses s’instaureraient, du genre : si vous avez le cancer, on va multiplier vos primes par dix puisque vous nous coûtez plus cher.

      Un bon système d’assurance privé libéral est un équilibre entre la liberté de concurrence et la régulation des abus.

      Donc non, il n’est pas certain du tout que dans un tel régime les non vaccinés payent leur assurance plus cher.

      Par ailleurs, même dans les systèmes d’assurance maladie étatisés, on peut pénaliser les non vaccinés. Je ne prends pas position sur la légitimité de la mesure, je la constate. Ainsi, au Canada, où la santé est nettement plus étatiste que chez nous, les non vaccinés du Québec vont se voir infliger… un impôt spécifique. En plus de ceux qui financent l’assurance maladie d’Etat.

      Incidemment, il faut s’intéresser au système de santé de Singapour. Je ne le connais pas dans les détails, mais il semble qu’il soit particulièrement performant — et intéressant d’un point de vue libéral. Même si la cité-Etat est une autocratie politique, comme cela a souvent été évoqué ici.

  7. Bonjour Nathalie et merci pour vos articles toujours super intéressants.

    Ces crapules de Consigny et Grimaldi je leur dis « chiche », je le signe ton papier qui dit que j’accepte de payer mes soins ou de ne pas étre réanimé. Mais en échange, vu que je quitte le système, tu me rends mes libertés. Je redeviens libre de travailler, de prendre l’avion, et de me soigner avec les traitements interdits . Sous ces conditions je signe tout de suite. Je signe aussi pour mes enfants qui ont autant de chance de finir en rea que de gagner au loto, et qui pourront reprendre le sport. Et je pense que des papiers ils en recevraient des millions les covidistes, ça leur ferait tout drôle…

    • Bonjour Monsieur Violette,
      Méfiez-vous du vocabulaire que vous utiliser pour parler d’un médecin, qui en fait fait son travail. Il n’a malheureusement pas les moyen de vous rendre nos liberté qui ont été prises par d’autre à d’autre moments. Je pense que le professeur en question est lui-même pris dans un système qui le dépasse. Il est responsable d’un hôpital qu’il voit se submerger de patients. Il ne peut pas agrandir son hôpital, changer sa politique tarifaire, ou refuser des patients. Il est donc coincé, ce qui explique ses interventions, qui ne sont qu’un aveu d’impuissance. Dans un bon système libéral, où le marché peut jouer, je pense que les primes d’assurances seraient modulées en fonction, entre autre, de votre statut vaccinal. Libre à vous de souscrire où non à ces assurances. Une non souscription, vous oblige cependant à payer l’intégralité de vos soins.
      Bonne année 2022!
      Carl

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