Jésus, 12 ans, indiscipliné… et fils de Dieu !

ARTICLE  DE  PÂQUES  2020  :  Jésus, 12 ans, échappe à la surveillance de ses parents qui, morts d’inquiétude, le retrouvent trois jours plus tard au Temple de Jérusalem.

Quand, dans la semaine qui précède sa mort et sa Résurrection, Jésus se rend à Jérusalem avec ses disciples pour fêter la Pâque comme le veut la tradition juive, ce n’est pas la première fois qu’il fait ce pèlerinage. Dans les quelques versets de son évangile consacrés à l’enfance de Jésus, Luc nous apprend en effet que :

« Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. » (Luc 2, 41-42)

On découvre ainsi en Marie et Joseph des parents soucieux d’éduquer leur fils dans le respect de la religion qui guide leur vie depuis toujours.

Non pas qu’il faille s’en étonner : Marie n’est-elle pas cette très jeune fille sans distinction particulière qui, confrontée à l’inouï d’avoir été choisie par Dieu pour « concevoir et enfanter un fils » qui « sera appelé Fils du Très-Haut » et dont « le règne n’aura pas de fin » (Luc 1, 31-33), répond finalement :

« Je suis la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole. » (Luc 1, 38) ?

.
Quant à Joseph, n’est-il pas cet « homme juste » qui, découvrant la grossesse de sa promise Marie alors que tous deux n’ont pas encore habité ensemble, écoute à son tour la voix du Seigneur et accepte de prendre chez lui son épouse (Mt 1, 19-25) ?

Une famille très pieuse, donc, dont la confiance en Dieu est à la fois incontestable et incroyablement puissante. Malgré cela, on ne saura rien de la façon dont elle a vécu la Pâque cette année-là. À croire qu’un événement nettement plus digne d’attention a surgi, rendant cette fête juive parfaitement anecdotique dans le récit des évangiles. 

Et de fait, c’est sur le chemin du retour vers Nazareth que l’inattendu se produit. Luc nous apprend en effet que Jésus, 12 ans seulement, est resté à Jérusalem à l’insu de ses parents. Ceux-ci cheminaient depuis une journée avec d’autres pèlerins lorsqu’ils se sont rendu compte que leur fils n’était pas dans le groupe comme ils le pensaient.

Notons, comme le fait Benoît XVI dans son volume consacré à L’Enfance de Jésus(*), combien l’éducation en vigueur dans la famille de Marie et Joseph n’avait rien de formellement rigoriste :

« Dans la Sainte famille, liberté et obéissance se conciliaient bien l’une et l’autre. L’enfant de 12 ans pouvait librement décider de rester avec les jeunes de son âge et avec ses amis pour faire le chemin en leur compagnie. Le soir, cependant, ses parents l’attendaient. »

.
Or le soir, pas de Jésus. Pour les parents d’autant plus rongés d’inquiétude qu’il leur faudra trois longs jours pour le retrouver, leur fils n’est plus dans l’exercice de sa liberté mais dans la désobéissance caractérisée. Il est cet enfant terrible, ce jeune ado indiscipliné qui a abusé de sa liberté au point peut-être de se mettre en danger et infligeant à coup sûr une angoisse insoutenable à ses parents. 

C’est du reste la première chose que sa mère lui dit lorsque, ayant rebroussé chemin, elle et Joseph finissent par le retrouver dans le Temple de Jérusalem :

« Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » (Luc 2, 48)

.
Si Marie s’attendait à des explications plus ou moins alambiquées assorties de paroles d’excuse de la part de son fils, elle en fut pour ses frais. Tout à l’inverse, celui-ci s’étonne de ses craintes et ajoute encore à la confusion, voire à la souffrance de ses parents en amorçant un discours sur sa double filiation humaine et divine :

« Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Luc 2, 49)

.
« Il me faut être chez mon Père », leur dit-il. Autrement dit, comment le taxer de désobéissance quand il montre au contraire qu’il sait parfaitement quel est son devoir de « Fils du Très-Haut » ?

Sa présence au Temple ne doit pas être lue comme une forme de rébellion adolescente vis-à-vis de Marie et Joseph, mais comme les premiers pas de l’obéissance filiale parfaite et volontaire qui le conduira à la Croix puis à la Résurrection, comme en témoigne sa prière au Mont des Oliviers la veille de sa crucifixion :

« Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Luc 22, 42)

.
Benoît XVI fait d’ailleurs remarquer que les trois jours au bout desquels Marie et Joseph ont retrouvé Jésus, s’ils paraissent parfaitement plausibles dans le déroulé du récit – un jour de marche en direction de Nazareth, un second pour retourner à Jérusalem et un troisième pour découvrir leur fils dans la ville – pourraient fort bien être interprétés comme une préfiguration des trois jours qui s’écouleront quelque vingt ans plus tard du Vendredi saint, jour de la mort de Jésus et jour de souffrance indicible, au dimanche de Pâques, jour de Résurrection et jour d’espérance indicible.

Inutile de dire que Marie et Joseph, malgré la foi immense qui les porte et malgré les expériences radicalement inédites qu’ils ont déjà rencontrées en relation avec Jésus, ne comprennent rien aux paroles de leur fils.

En revanche, ils ne manquent pas de remarquer qu’au moment où ils ont enfin l’immense soulagement de le retrouver, Jésus est assis au milieu des docteurs de la Loi sous les regards admiratifs de tous :

« Il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » (Luc 2, 46-47)

.
De quoi stimuler la légitime fierté parentale. Mais surtout, de quoi alimenter les cogitations parentales. Si Marie n’a pas encore pris toute la mesure de la double nature humaine et divine de son fils, elle pressent cependant une nouvelle fois qu’elle est en train d’assister à un événement qui dépasse largement le cadre de notre condition d’humains ancrés dans l’histoire. Alors que la famille réunie s’en retourne à Nazareth, et tandis que Jésus redevient l’enfant obéissant de ses parents, Marie « garde tous ces événements dans son cœur » (Luc 2, 51).

Douze ans plus tôt, alors qu’elle venait d’accoucher dans une modeste étable de Bethléem faute de place dans l’auberge du village, elle eut la surprise de voir des bergers venir se prosterner et prier devant son fils nouveau-né. Ceux-ci racontaient même à son sujet qu’ils avaient été avertis de la naissance d’un sauveur par des anges envoyés par Dieu et toutes les personnes présentes s’étonnaient de tels propos. Marie ne disait rien mais elle avait déjà toutes les raisons de « retenir ces événements et de les méditer dans son cœur » (Luc 2, 19).

L’évangile des 12 ans de Jésus n’est ni très long ni très sophistiqué dans son exposé, mais il est fondamental car il nous montre que Jésus est un familier de Dieu non seulement en tant qu’enfant juif élevé dans une famille très religieuse – ce qui pourrait éventuellement faire de lui par la suite un prédicateur érudit – mais surtout en tant que « Fils du Très-haut », conformément à sa double nature humaine et divine.

Cette perspective sort tellement du cadre reconnu de l’expérience humaine que ses contemporains l’accuseront du blasphème de se faire passer pour le fils de Dieu alors que tout le monde sait bien qu’il est de Nazareth, charpentier et fils de Joseph.

Pilate, le dignitaire romain rompu au droit et à la raison qui doit rendre un verdict sur Jésus, sait tout cela. Mais il finira néanmoins par lui demander : « D’où es-tu ? » (Jean 19, 9). Car ce Jésus qui lui dit que sa « royauté ne vient pas de ce monde » et qu’il est en ce monde « pour rendre témoignage à la vérité » (Jean, 18, 36-37) lui laisse une impression mystérieuse. D’où sa question, qui est celle de l’origine profonde de Jésus.

Cette question sur le « qui » et le « d’où » de Jésus est au cœur des Évangiles et revient à plusieurs reprises au fil des textes. Fils de Joseph ou fils de Dieu ? La réponse nous est donnée en ce matin de Pâques, en ce dimanche de Résurrection, fondement de la foi des Chrétiens. 
.

JE  VOUS  SOUHAITE  UNE  TRÈS  JOYEUSE  FÊTE  DE  PÂQUES  !

Si les contraintes du confinement vous donnaient l’envie de succomber à quelques lectures pieuses, je vous rappelle que tous mes articles directement religieux sont regroupés dans la page « Jésus de Nazareth ».


(*) Jésus de Nazareth, L’Enfance de Jésus, Joseph Ratzinger, Flammarion, Collection Champs essais 2012.


Illustration de couverture : Jésus, 12 ans, parmi les docteurs du Temple de Jérusalem, Arcabas (1926-2018).

13 réflexions sur “Jésus, 12 ans, indiscipliné… et fils de Dieu !

  1. Nathalie bonjour et un grand merci pour votre publication de ce jour
    Je sais que Marie et Jésus sont à vos cotés dans votre combat actuel, la foi est notre plus grande force, je prie pour vous
    Beau week-end pascal

  2. J’ai commencé ma journée en lisant un entretien entre Charlotte d’Ornellas de Valeurs Actuelles, et le cardinal Robert Sarah confiné au Vatican :
    « Il est temps d’arracher les chrétiens au relativisme ambiant qui anesthésie leurs cœurs et endort l’amour ! On mesure, à notre apathie devant les déviations doctrinales, la tiédeur qui s’est installée parmi nous. Il n’est pas rare de voir enseignées de graves erreurs dans les universités catholiques ou dans les publications officielles chrétiennes. Personne ne réagit ! Prenons garde, un jour les fidèles nous demanderont des comptes. Ils nous accuseront devant Dieu de les avoir livrés aux loups… »
    Et ce soir, vous ayant lue, il me semble qu’elles seront plus nombreuses qu’on ne le croit, ces personnes qui se lèveront pour aider nos pasteurs à défendre la bergerie.
    Très joyeuses Pâques à vous et aux vôtres, chère Nathalie !

  3. En donnant à Jésus Christ une nature humaine aussi, Dieu a choisi la meilleure pédagogie pour enseigner aux humains les Valeurs. En effets, aux messages précédents les humains invoquaient leur nature pour expliquer la difficulté de les appliquer. Jésus Christ fait homme ayant les mêmes difficultés a montré que, oui c’est difficile mais oui, c’est possible aussi. Cerise sur le gâteau il implore également le pardon et la compassion. Great !
    Joyeuses Pâques à tous

Laisser un commentaire