CORONAVIRUS : pas question qu’il TUE aussi la PARITÉ H/F ! 🙂

S’il est une chose que le Coronavirus ne parviendra pas à tuer, c’est bien la sacro-sainte égalité entre les hommes et les femmes érigée en grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron lui-même ! Marlène Schiappa s’y engage, qui a missionné dimanche 5 avril dernier la député LREM Céline Calvez afin qu’elle fasse des propositions pour assurer à la virgule près « la place des femmes dans les médias en période de crise ».

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Vous riez ? Vous vous dites que cette préoccupation semble complètement hors-sol alors que la pandémie de Covid-19 a déjà tué plus de 88 000 personnes dans le monde dont près de 11 000 en France (au 8 avril 2020) et alors que l’on continue à déplorer quantité de couacs et de retards à l’allumage de la part de nos pouvoirs publics concernant le port des masques de protection, la généralisation des tests de dépistage et le nombre de lits disponibles en services de réanimation ?

Vous avez tort ! Le risque de voir revenir les heures les plus sombres du patriarcat triomphant n’est pas du tout une vue de l’esprit.

Au contraire, il s’est matérialisé ce week-end sous la forme d’une « une » absolument scandaleuse publiée par Le Parisien (photo ci-contre). Figurez-vous que ce quotidien a eu l’ignoble réflexe réactionnaire de n’interroger que des hommes, quatre en tout, pour amorcer une réflexion sur le monde de l’après-coronavirus !

Réactions immédiates, automatiques et indignées de toute la planète féministe !

Petit florilège des lamentations : Les hommes veulent écrire le monde d’après sans les femmes ! Les femmes ont déjà perdu le droit de penser le monde d’après ! Les femmes n’ont pas le droit d’être des experts ! Le Parisien montre un monde d’après sans femmes ! Etc. Quelle régression terrible et honteuse ! 

Ce qui est particulièrement révélateur dans cette affaire, et qui confirme que la bruyante indignation est avant tout militante, c’est que personne ne s’est interrogé sur ce que les quatre hommes en question – le climatologue Jean Jouzel, le commissaire européen Thierry Breton, l’essayiste Yascha Mounk et le généticien Axel Kahn – ont dit sur le monde d’après.

Leurs analyses sont-elles intéressantes, ouvrent-elles des pistes de réflexion utiles ? On n’en saura rien. Dans leurs contributions, ont-ils expressément dessiné les contours d’un après-Covid-19 d’où les femmes seraient explicitement exclues de toute position experte ou décisionnelle ? Apparemment non.

Mais détails sans importance que tout cela. Le fond du sujet ne compte pas. Seul le respect d’une parité formelle dans les personnes interrogées permettrait de décider du sérieux de la publication. 

Dès lors, il est particulièrement désolant de voir que la direction de la rédaction du Parisien s’est empressée de courber l’échine devant l’invective et le politiquement correct :

Que la « une » incriminée « n’illustre en rien la ligne éditoriale » du journal, ligne hâtivement cataloguée comme sexiste par des militants en mal de cause, je le crois volontiers. Mais justement, dans ces conditions, qui sont ces militants pour décider à la place de la rédaction de qui doit être invité, interrogé, photographié ? 

Il est plus que probable qu’en préparant leur dossier sur le monde d’après, les journalistes du Parisien n’ont pas pensé une seule seconde à cette affaire de parité visuelle. Ils ont trouvé quatre intervenants connus prêts à leur répondre dans les temps, peut-être même du jour au lendemain comme cela arrive souvent dans une presse quotidienne prise par le rythme trépidant de l’actualité, et l’affaire s’arrête là. Les taxer de patriarcat, même subliminal, relève du procès d’intention pur et simple.

Du reste, en quoi Le Parisien, ou tout autre média, est-il forcément l’unique arbitre des élégances sur le monde d’après ? En quoi ses décisions rédactionnelles vaudraient-elles loi sur les réalités du monde ? Qu’est-ce qui empêche une autre rédaction de faire rebondir le débat en demandant à d’autres intervenants, hommes ou femmes, peu importe, de s’exprimer ? Absolument rien, bien au contraire !

· Tellement rien qu’hier, Le Point interrogeait la nouvelle porte-parole du Parti socialiste Gabrielle Siry sur sa vision « localiste » de l’après-Coronavirus dans le cadre d’une série d’entretiens sur le thème : « Une personnalité politique se confie sur les lendemains de la crise ».

· Tellement rien qu’hier également le journal Le Monde ouvrait ses colonnes à une tribune de la Présidente de la BCE Christine Lagarde venue plaider pour une action conjointe des pays de l’Union européenne « face à un choc commun » et qu’avant-hier, il faisait de même pour l’ancienne ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem pour laquelle la réponse à l’épidémie mondiale de Coronavirus doit être mondiale.

· Tellement rien que quelque temps auparavant, c’est France Inter qui donnait longuement la parole à l’économiste Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, laquelle a déclaré à cette occasion que cette crise du coronavirus était « vraiment le moment keynésien par excellence » et qu’il serait imprudent, après cela, de revenir trop vite à l’orthodoxie budgétaire. 

· Tellement rien que parmi les experts réunis par le gouvernement pour former un tour de table médical anti-coronavirus, figurent en bonne place Karine Lacombe, chef du service d’infectiologie de l’Hôpital Saint-Antoine à Paris ainsi que la virologue Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008.

· Tellement rien qu’on ne compte plus les interventions intempestives de Ségolène Royal dans la presse. Encore récemment, elle se faisait le « relais des inquiétudes des soignants » dans un entretien à rallonge accordé au magazine Challenges.

Il est certes difficile de trouver chez elle la moindre expertise en quoi que ce soit hormis en gaspillage compulsif des fonds publics et en déclarations loufoques assez opportunément dictées par ses ambitions présidentielles encore vivaces. Mais il est également difficile de dire que l’ex-ministre de l’écologie serait d’une façon ou d’une autre réduite au silence ou contrainte de raser les murs tandis que ses collègues hommes auraient tous les honneurs des médias.

· Tellement rien, enfin, que chaque nouvelle déclaration de la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye depuis le début de la crise du Coronavirus est une bourde de plus lancée dans le flux incessant des contradictions du gouvernement. Guère d’expertise à signaler de ce côté-là non plus, mais une présence féminine évidente en place publique.

Bref, cette « in-vi-si-bi-li-sa-tion » des femmes dans le débat public relève assez largement du fantasme.

Dans ce contexte, la « une » du Parisien apparaît surtout comme un prétexte en or qu’il aurait été dommage de ne pas exploiter à fond, quitte à empiler procès d’intention, déni de réalité, bien-pensance surjouée et intimidation à peine masquée pour mieux y parvenir. Vous pensez, une photo avec quatre hommes et aucune femme ! C’est presque trop beau pour être vrai !

Alors que l’épidémie de Covid-19 mobilise toutes les attentions, toutes les pensées, toutes les manchettes des journaux et toutes les inquiétudes des citoyens, quelle occasion inespérée de faire remonter à la surface la question passablement annexe de l’égalité H/F !

Voici donc Mme Schiappa à nouveau en affaires et voici donc la députée Calvez priée d’élaborer des pistes pour assurer au mieux la représentativité des femmes dans les médias. Pour mieux faire passer le sujet, notons l’ajout de l’expression « en temps de crise », histoire de donner l’impression que cette initiative s’inscrit tout naturellement dans les mesures à prendre pour lutter contre les ravages du Coronavirus.

À lire les consignes de la Secrétaire d’État qui invite la députée à conduire ses analyses « au moyen de tout critère qu’elle jugera pertinent » mais qui lui suggère cependant de s’intéresser à la quantité, au temps de parole, aux horaires de diffusion et aux biais de genre, on sent déjà se profiler une volée de contraintes et de quotas supplémentaires.

Ce faisant, c’est à la liberté éditoriale, c’est à la liberté de la presse qu’on tord le bras. Une malheureuse habitude de ce gouvernement. Ça promet.


Illustration de couverture : Mission Schiappa sur « la place des femmes dans les médias en temps de crise », 5 avril 2020.

19 réflexions sur “CORONAVIRUS : pas question qu’il TUE aussi la PARITÉ H/F ! 🙂

  1. On a l’art des priorités dans ce gouvernement.

    Outre d’être inepte, Mme Schiappa est, en fait, perpétuellement en temps de crise(s).

    Ils ne sont bons qu’à faire de la comm’ , nullement à gouverner; cette période tourmentée en témoigne.

      • Façon de parler. Ils ne sont disposés qu’à faire de la comm’ si vous préférez. Prêts à tout et bons à rien.

        Les postures affectées (dont est friand notre poudré), les tons compassés et les coups de comm’ ne servent qu’à masquer ce qui se voit de plus en plus en période de crise.

        Le confinement massif est une mesure par défaut, prise par des incompétents dépassés par les évènements et incapables de prendre une décision probante, de gérer les priorités et d’anticiper.

  2. J’admire que, dans cette société devenue complètement cinglée (ce que vous décrivez nous le prouve abondamment), vous trouviez l’énergie et la force morale de pondre un article. Il me semble que tous ces phénomènes surréalistes méritent description et dénonciation lorsqu’ils apparaissent, comme Muray l’a fait par exemple (sans doute aujourd’hui resterait-il muet). Maintenant que nous sommes submergés, ça revient à vider l’océan à la petite cuillère. Mais il reste le plaisir de vous lire, ça n’est pas rien. L’absurdité du spectacle ne vaut rien sans sa description, talentueuse si possible, ce qui est le cas ici.
    Je note au passage qu’Esther Duflo, « prix Nobel d’économie », semble souhaiter le retour de Keynes (comme s’il était jamais parti…). Ça donne une idée de la valeur de ce prix.

  3. Concernant les inégalités et tracas divers subis par les femmes, vous auriez pu parler de la baisse du nombre d’IVG qui inquiète certains députés et notre ministre de la justice. C’est vrai quoi, on a des objectifs à tenir!
    A part ça, j’ai encore vérifié ce matin, toujours pas de parité H/F, pardon, F/h, chez les éboueurs.

  4. Le covid 19 tue essentiellement les hommes (70% d’après les dires). Si on veut l’égalité H/F commençons par assurer l’égalité H/F devant la mort par Covid-19 ! M’Enfin !

  5. Pas non plus de personnalités « issues de la diversité » à la une du Parisien. C’est pas juste, elles ne sont pas moins qualifiés que les autres, d’autant que les pronostics sur l’avenir sont systématiquement démentis par la réalité, quels que soient les pronostiqueurs. Les nombreuses associations donneuses de leçons n’ont pas réagi, il y avait là un beau sujet pourtant. Avec ce virus, on ne peut plus compter sur personne, il y a du laisser aller…

  6. Sibeth Ndiaye, Agnès Buzyn, Marlène Schiappa, Ségolène Royal…

    Et on voudrait laisser la parole aux femmes? Un bêtisier à elle seule, une science infuse qui savait tout avant tout le monde mais qui s’est tu, une mouche du coche et une purge. La belle parité que voilà!

    Plus sérieusement, j’en ai marre de toutes ces excuses, ces repentances, presque des auto-flagellations dignes des jésuites à chaque fois que l’on vous soupçonne d’avoir « dérapé ». Que ce soit dans la presse ou sur tweeter, on s’empresse de faire amende honorable devant le mécontentement d’une minorité, renonçant soudainement à sa liberté de penser et de s’exprimer. Assumez, p…! Quitte à déplaire encore plus et débattons, par exemple, sur la ou les personnalités féminines qui auraient mérité de figurer à la une du Parisien. Le débat est ouvert. Mais il est vrai que le verbe « assumer » est sans doute un des plus difficile à conjuguer, à n’importe quel temps et dans n’importe quelle langue. Et qu’il est la preuve d’un courage moral certain, plus difficile à obtenir que le courage physique.

  7. Il y aurait plein d’autres raisons de s’indigner de cette « une ». Par exemple: le 3/4 ont les cheveux blancs, place aux jeunes! C’est à eux de construire le monde d’après.

    Et d’ailleurs pourquoi s’arrêter aux inégalités de genre? Que font les associations de défense de [complétez avec la communauté de votre choix] ?

  8. Ma chère Nathalie MP, si vous me le permettez, pourriez dorénavant passer l’écriture une fois sur deux à un homme ? Cette propension que vous avez à monopoliser votre blog me dérange au point que je vais demander au secrétaire d’état à la condition masculine de vous faire rentrer dans le rang
    Avec tout mon respect

  9. Je demande au Parisien de faire l’analyse de ses abonnés(ées) pour savoir s’il n’y aurait pas un déséquilibre de mâles au détriment de la gente féminine qui a tout autant le droit d’être abonnée (ée)

  10. Well, ce n’est pas défendre la cause féministe que de faire du systématisme. C’est vrai que la Société (et pas seulement en France) est à préférence masculine…c’est un héritage lourd de l’histoire humaine, mais il y a de multiples façons plus smartes pour rendre la Société plus équilibrée. Je ne dis pas égalitaire car cela n’a aucun sens mais que chacune et chacun puisse avoir sa place sans distinction de genre

  11. Et bien, Nathalie on laisse comme cela l’éléphant au milieu du salon, sans rien dire ??? Une mission sur la parité confiée à une seule représentante du beau sexe, nous sommes d’accord, mais laissée sans garde-folle par l’absence d’un représentant de l’autre sexe alors que bien évidemment, la parité se doit d’être intraitable sur l’équilibre de la représentation des deux types d’impétrants !!!

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