« Nouveau monde » macronien : Ne cherchez plus, il n’existe pas !

À peine avais-je refermé mon ordinateur sur la constatation désabusée que le budget 2020 signait le retour accéléré d’Emmanuel Macron dans « l’Ancien monde » dont il prétendait extraire la France avec une ardeur toute « printanière » et l’audace du jeune loup qui défie ses aînés, que l’actualité s’ingéniait à confirmer ce sentiment. On apprenait en effet que le Président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand n’avait nullement l’intention de démissionner suite à sa mise en examen pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne.

On parle de Richard Ferrand. On parle de ce député socialiste du Finistère qui fut parmi les premiers à rejoindre Emmanuel Macron, qui devint rapidement instrumental dans la mise sur pied du parti présidentiel La République en Marche (LREM) et dont Emmanuel Macron ne peut manifestement plus se passer. Il déploie depuis lors un activisme de tous les instants qui lui vaut le surnom de « porte-flingue » de la Macronie.

Réélu en juin 2017 à l’Assemblée dans la foulée de l’élection de son poulain, il entre d’abord au gouvernement au poste plutôt obscur de Ministre de la Cohésion des territoires, mais doit le quitter quelques semaines plus tard suite aux révélations du Canard enchaîné sur son implication dans une affaire immobilière réalisée entre sa compagne et les Mutuelles de Bretagne dont il fut le Directeur général.

Un revers qui se trouve être une très bonne affaire pour lui comme pour Macron : la confiance du Président lui étant apparemment acquise à jamais, il retrouve son siège de député et prend la tête du groupe LREM nouvellement constitué afin d’en faire une force de frappe musclée et sans bavure au service de l’exécutif.

Entre temps, la plainte déposée par l’association anti-corruption Anticor est classée sans suite en octobre 2017. La vie est belle. Et la vie politique encore plus : lorsque François de Rugy entrera au gouvernement comme ministre de l’écologie en remplacement de Hulot en septembre 2018, Ferrand lui succédera au perchoir, devenant ainsi le 4ème personnage de l’État et le chef d’orchestre législatif dont Macron a besoin pour traverser la période houleuse Benalla Gilets jaunes.

Tiens, justement, Rugy. Pour lui, la vie avait commencé plutôt agréablement : homard, champagne, grands crus classés, rien n’était trop beau pour les petits dîners du Président de l’Assemblée qu’il fut. Mediapart étant passé par là, les contribuables ont eu le loisir d’apprécier ce qu’il advenait de leur « pognon » et le ministre a dû quitter précipitamment le gouvernement.

C’est qu’il existe une sorte de « doctrine » non écrite qui arrange bien M. Ferrand maintenant qu’il est lui aussi sur la sellette : un ministre étant nommé et pas élu, il doit quitter le gouvernement dès lors qu’il existe un doute sur sa virginité judiciaire. À l’inverse, un député est un élu, ce qui signifie qu’il a reçu la consécration du peuple pour le représenter. Ce que le peuple a décidé dans les urnes, seul le peuple peut le défaire dans les urnes.

D’où la décision de Richard Ferrand de rester à son poste après sa mise en examen, et d’où sa déclaration pleine de bienséance démocratique :

« Un mis en examen n’est coupable de rien. »

Ce en quoi il n’a pas tort si cette formule un peu trop générale et un peu trop péremptoire est sa façon de rappeler le principe de la présomption d’innocence.

Mais c’est aussi la formule qui nous ramène à « l’Ancien monde ». Outre que celui-ci a toujours su se montrer magnanime envers les petits arrangements personnels que la classe politique tire partout et toujours de ses positions d’autorité, cet effet étant démultiplié par l’extension constante du domaine d’intervention de l’État, il se caractérise également par un maniement des plus habiles du célèbre « deux poids deux mesures ».

À l’époque de l’affaire Fillon qui a éclaté 3 à 4 mois avant l’élection présidentielle de mai 2017, Richard Ferrand n’avait de cesse de fustiger les turpitudes du candidat de la droite au nom de la morale supérieure due par les élus à leurs électeurs :

François Fillon – un homme de « l’Ancien monde » qui n’avait pas hésité à tacler ses concurrents de la primaire de droite en disant « qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? » et qui affirmait, à raison, « qu’il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable » – avait d’abord dit que seule une mise en examen pourrait le faire renoncer à sa candidature. La mise en examen étant venue, il est revenu sur son engagement préalable au nom de cette « doctrine » dont je parlais plus haut : il ne peut plus renoncer, il le doit aux électeurs qui seuls ont le pouvoir de l’écarter de la magistrature suprême.

Résumons : Mis en examen, Ferrand ne démissionne pas. Après avoir intensément critiqué Fillon du haut d’un prétendu surplomb moral, il s’engouffre au contraire dans les mêmes contorsions et les mêmes justifications boiteuses. Quant à Emmanuel Macron, après avoir condamné de toutes ses forces de preux chevalier sans tache et sans reproche la « lèpre démocratique » dont l’affaire Fillon était l’abominable symptôme, il garde toute sa confiance à un Ferrand jugé « irréprochable » dans l’exercice de ses fonctions. Chassez le naturel, il revient au galop…

Troisième caractéristique comportementale de « l’Ancien monde », le renvoi d’ascenseur associé le plus souvent au « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». Un sport dans lequel la Macronie se montre également très à l’aise.

Il suffit de penser que Pierre Moscovici, qui fut un pitoyable ministre de l’économie de François Hollande de 2012 à 2014, a vu sa médiocrité récompensée par un poste de Commissaire européen à l’économie pour mesurer l’intensité du délabrement qui présidait aux nominations aux plus hauts postes de la fonction publique de « l’Ancien monde ».

On supposerait alors qu’un Président du « Nouveau monde » s’abstiendrait naturellement de tout comportement de cet ordre. Eh bien, on supposerait mal. Car le même Moscovici arrivant au bout de son mandat le 31 octobre prochain, Emmanuel Macron n’a rien eu de plus pressé que de lui proposer la présidence de la Cour des Comptes. Solidarité toute naturelle entre ex-ministres socialistes de l’économie, probablement. Comme c’est touchant !

Mais pour les contribuables, cela marque surtout le début de questionnements sans fin sur la rigueur à attendre de cet indispensable organisme de contrôle des fonds publics et d’information des citoyens.

Il reste à se rappeler qu’en septembre 2017, Emmanuel Macron signait en grande pompe et en direct à la télévision (photo ci-contre) la première loi du « Nouveau monde », la loi de moralisation de la vie publique.

Il reste à se rappeler qu’elle figurait dans la corbeille de mariage avec le Modem à l’instigation de François Bayrou qui, en bon vertueux qu’il est toujours, se voyait bien en justicier suprême de la classe politique.

Il reste à se rappeler qu’à peine nommés au gouvernement, le même François Bayrou ainsi que ses équipières Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard ont dû démissionner car le Modem, comme le RN, est soupçonné d’avoir financé ses permanents avec des fonds publics de Bruxelles en leur attribuant fictivement des postes d’attachés parlementaires européens.

Ce qui n’a pas empêché la France, donc Emmanuel Macron, de proposer Sylvie Goulard(*) pour la nouvelle Commission européenne.

Bref… Des histoires de la politique ordinaire. Et ne vous y trompez pas, c’est sous Macron que cela se passe. Fond ou forme de la politique macronienne, ne cherchez pas le « Nouveau monde » annoncé, il n’est qu’illusion. 


(*) Elle aurait remboursé 45 000 € au Parlement européen.


Illustration de couverture : Richard Ferrand en 2017. Photo AFP.

12 réflexions sur “« Nouveau monde » macronien : Ne cherchez plus, il n’existe pas !

    • Depuis 40 ans ? petit, demande donc à tes grand-parents, ils te diront que ça a toujours été comme ça. La différence c’est que les informations sortent plus rapidement, et ne peuvent plus être étouffées de la même façon.

  1. De toute façon, les politicards français doivent continuer à faire comme avant. Le veau d’électeur doit rester un veau. Et payer encore et encore. Et crever de jalousie avec le sentiment de ne plus être un descendant de révolutionnaires.
    Je rêve de voir des 747 décharger des « Marines » venus prendre l’or de la BdF. Avec l’accord tacite du PR.
    Je rêve de voir des Saoudiens, débarquer de leurs A380 avec des « Scorpions » tout neufs, et prendre position dans les avenues du 16ème, pour se prémunir de non paiement de la dette de la France au Royaume des Saoud.
    Et comme les « emmerdes, voyagent toujours en escadrille », je pense que les allemands trouveront bien une raison pour « envahir et annexer l’Alsace et la Lorraine » pour ne plus avoir à subir les demandes constantes et répéter des présidents socialistes progressistes français de partager la « cagnotte des bénéfices allemands de l’euro » avec la France.
    Et comme Jupiter se mêle de tout, j’imagine qu’un engin éclatera au dessus de Paris, pour éteindre la lumière universellement correcte. Tout cela pour 2020.

  2. Mais puisque madame Belloubet, Garde des Sceaux, est caution de la moralité démocratique de la Macronie, pourquoi s’insurger à cause de peccadilles ?
    Réjouissons-nous, au contraire de la bonne nouvelle de l’annonce du second quinquennat de Macron, qui relèguera définitivement le vote au rang de pratique ringarde donc inutile dans notre démocratie avancée, revue et corrigée par Macron- le-Grand !

    https://www.rtl.fr/actu/politique/quand-nicole-belloubet-evoque-sur-rtl-le-second-quinquennat-d-emmanuel-macron-7798340815

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  4. Avec un peu de chance, l’Ukraine va devenir un pays moins corrompu que la France d’ici quelques années.

    Au moins a-t-elle renvoyé son précédent président, précisément parce qu’il n’allait pas assez vite pour éradiquer la corruption.

    On cherchera en vain, chez les Gilets jaunes, un mot d’ordre contre la corruption des gouvernants. C’est qu’elle s’accopmagne immanquablement de la corruption des gouvernés…

    Un Balkany n’aurait pu mener son train de mafieux à Levallois, s’il ne s’était pas trouvé de ses administrés pour accepter ses petits cadeaux. De même que n’importe quel maire achète ses électeurs avec des logements sociaux, ou n’importe quel député achète les siens avec des subventions à « ses » associations.

    • @ Robert : Balkany, n’a pas pioché dans la caisse, il n’en a jamais eu besoin, la spéculation sur le foncier lui a assuré des revenus confortables, via les SEM. Il a transformé une ville ouvrière de la « banlieue rouge », où se trouvaient des usines Citroën, en un nouveau Neuilly … L’immobilier a explosé en 30 ans, pour le plus grand bonheur de ses administrés, au rang desquels j’ai compté 😉

  5. Faut quand même se rappeler que ce sont Mazarin et Fouquet qui ont fait la France, tout au moins son royaume parce qu’avant, il ne valait pas grand-chose, le royaume. Et ces deux-là ont piqué tout ce qu’il pouvait dans la caisse et en proportion certainement plus que les dizaines ou centaines de mille d’euros de nos zigotos professionnels de la politique.

    D’ailleurs justement la Cour des Comptes qui n’a absolument aucun pouvoir de coercition (Malheureusement Migaud ou Moscovici ne changera rien), empile des tonnes de rapports qui représentent des millions ou des milliards de dépenses électoralistes, d’emprunts exotiques (oups, toxiques), d’imprévisions, de falsifications, de tromperies, de gâchis, d’appels d’offres arrangés, voire de détournements. Et là rien ! Tous les zigotos sont blanchis comme par magie.

    Alors que dans le secteur privé de telles dérives mènent tout droit au délit de présentation de faux bilan. On ne voit vraiment pas pourquoi on ne créerait pas en secteur public une infraction qui y ressemble, mais spécifique de « faux en budget public » que comme tout Commissaire aux comptes relevant un risque de délit, la Cour des comptes serait tenue de signaler au Parquet. Cette qualification viserait tous ceux qui, aux commandes de tout ministère ou collectivité, participent d’une manière ou d’une autre à la falsification volontaire et pour des montants significatifs des prévisions de dépenses et de recettes de l’année.
    Ah bien sûr il y a le Tribunal Administratif (encore une exception française) mais comme le font remarquer certains observateurs, c’est avant tout le tribunal qui protège l’Administration et les élus plutôt que servir ou défendre le citoyen ! Essayez une procédure pour voir, vous n’allez pas être déçus.

    Alors il reste Mediapart ou Anticor (dont la marraine est la redoutable Taubira) et il suffit de faire un petit tour sur leur site pour voir vers qui sont dirigées de préférence les torpilles ou les préoccupations, affaires ADP, Alsthom, assez orientées on va dire et pas particulièrement pour un objectif libéral !

    Tout cela révèle malheureusement une connivence idéologique, sociologique et politique avec le pouvoir d’une magistrature qui n’a plus besoin de recevoir d’ordres, pour se mettre spontanément à son service. L’instrumentalisation de la justice à des fins politiques ne pose plus aucun problème. Après l’apocalypse climatique de l’été, voila l’hystérie judiciaire de la rentrée. Faut bien que le business médiatique survive, n’est-ce pas !

    En fait rien ne change, nous sommes dans l’ancien monde, c’est sûr !

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