L’écologie et l’histoire du FAUX cachalot en polyester à 30 000 €

Vous adorez payer vos impôts. Vous en êtes même fier. Rien ne vous donne plus l’impression d’appartenir à la nation que ce geste citoyen et solidaire. Où seraient nos écoles, nos hôpitaux, nos transports, où seraient tous ces services à la renommée mondiale sans cette contribution heureuse et désintéressée de tout un chacun en faveur de l’intérêt général ? 

Eh bien, soyez comblé, car en matière de bien commun, rien n’arrête plus nos édiles, comme en témoigne l’abracadabrante histoire du faux cachalot échoué sur le rivage du lac de Serre-Ponçon pour l’édification écologique des masses.

Vendredi 8 juin dernier avait lieu la Journée mondiale de l’océan parrainée par les Nations unies. Objectif : sensibiliser les populations sur la fragilité des océans et les alerter sur la pollution par le plastique qui affecte l’ensemble de l’éco-système océanique.

Pour l’occasion, la commune de Savines-le-Lac, charmante bourgade balnéaire située sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), a décidé de frapper fort. Il est bien évident que le « désastre écologique » qui se prépare demande des réponses originales et énergiques, sans compter qu’un petit coup de projecteur touristique balayé au passage sur la station ne sera pas de refus non plus.

Aussi, en partenariat avec le théâtre La Passerelle – Scène nationale de Gap et avec l’aide du collectif artistique belge Captain Boomer qui n’en est pas à son coup d’essai, elle a décidé de se lancer ni plus ni moins que dans la grande mode artistique du moment, le « canul’art ».

C’est ainsi que la dépouille d’un cachalot de 15 m de long, 3 m de large et pesant une tonne a été retrouvée au petit matin, échouée sur une plage du village :

Tandis que les promeneurs s’interrogent – un cétacé antédiluvien libéré par la fonte des glaces, un bébé cachalot introduit dans le lac et devenu grand … ? – et se montrent plutôt dubitatifs – car un cachalot qui descendrait effectivement un torrent comme la Durance, ce serait un scoop planétaire – un périmètre de sécurité est installé à bonne distance de l’animal, des policiers arrivent, ainsi qu’une équipe de scientifiques de l’International Whale Association (IWA) dédiée à l’étude et la protection des baleines.

Ces derniers s’empressent autour du cadavre, prennent des mesures, effectuent des prélèvements à la recherche de plastique, de cadmium ou de plomb possiblement ingérés par le mammifère, lequel serait un jeune mâle d’une quinzaine d’années. Ils vont ensuite à la rencontre des habitants et des touristes afin d’échanger avec eux sur l’urgence écologique qui se fait à l’évidence de plus en plus pressante.

Sauf que tout cet aimable fait divers est une mise en scène, une « installation artistique » visant à « reconstruire » quelque chose qui ne s’est jamais vu sur les bords du lac de Serre-Ponçon. Le malheureux cachalot victime des malversations humaines est en fait une « statue » en polyester qui a déjà été exposée en différents endroits du globe ; les « scientifiques » sont des acteurs et l’association IWA est bidon.

Le buzz avait été préparé la veille grâce à une photo « troublante » publiée dans le quotidien La Provence. Toute ressemblance avec le monstre du Loch Ness n’était évidemment pas fortuite. Il s’agissait bel et bien de frapper les faibles d’esprit que nous sommes :

.Bravo aux artistes !

L’illusion a été parfaite dans les moindres détails, des traces de sang et des odeurs caractéristiques de la bête jusqu’au vrai 4 X 4 et au vrai hélico (vidéo) utilisés par la fausse équipe de faux scientifiques de la fausse ONG pour faire encore plus vrai (vidéo, 01′ 44″) :

Qu’on ne se méprenne pas. L’objet de cet article n’est pas de contester la possibilité de s’amuser ni, surtout, celle d’intéresser les gens aux problématiques économiques et écologiques des océans – comme à toute autre problématique environnementale, du reste. Tout ce qui contribuera à apporter des connaissances effectives et à éclairer les enjeux écologiques auxquels nous sommes confrontés sera toujours bienvenu.

Encore faudrait-il que tout ceci soit fait dans un esprit véritablement scientifique, loin des préjugés idéologiques et de l’instrumentalisation des peurs et des émotions, le tout abusivement financé par l’argent des contribuables.

Or ce n’est pas du tout ce qu’on observe ici. Là où l’on attendrait un discours informé tenu par de vrais spécialistes des cachalots et de la vie océanique, nous avons seulement droit à un spectacle de rue moralisateur. Là où l’on parle de sensibiliser les personnes à des thématiques incontestablement scientifiques, on leur sert une parodie de science, un happening coûteux, mais à peine amusant, qui revendique son caractère artistique déconnecté du réel.

A propos du coût, France 3 PACA nous révèle que cette aimable farce aurait coûté la modique somme de 30 000 €. Comme l’opération résulte d’un partenariat entre une municipalité et un théâtre lourdement subventionné, ce sont donc vos impôts qui la financent, que vous le vouliez ou non.

La somme peut paraître dérisoire, mais il faut bien voir que si nos dépenses publiques ont atteint le montant colossal de 57 % du PIB, soit un total de 1 292 milliards d’euros sonnants et trébuchants en 2017, si le ministère de la culture dépense chaque année 6 milliards d’euros en plus des 4 milliards qu’il consacre à l’audiovisuel public, c’est aussi parce que les dizaines de milliers d’euros s’empilent un peu partout les unes sur les autres pour des prestations aussi inutiles que prétentieusement intellectuelles.

Dans cette optique, la baleine échouée du collectif Captain Boomer est évidemment à comprendre comme « une métaphore géante de la disruption de notre système écologique » !

Tout se passe donc comme si les pouvoirs publics – dont font partie la mairie de Savines-le-Lac et le théâtre subventionné La Passerelle – ne prenaient même plus la peine de s’abriter derrière la pseudo-rationalité scientifique qui entoure actuellement les discours sur le catastrophisme écologique – on pense au GIEC qui fait la pluie et le beau temps sur le thème du changement  climatique – pour s’en remettre directement et sans vergogne à la manipulation des émotions.

Pour Philippe Ariagno, qui dirige La Passerelle :

« Les gens ont besoin de mythes, de super-héros, de légendes, de se construire des récits extraordinaires, on est exactement à cet endroit-là. Évidemment, c’est impossible un cachalot dans le lac de Serre-Ponçon, donc on construit vraiment une légende. »

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Il n’est donc plus du tout question d’aborder l’écologie à travers une analyse scientifique fine et argumentée de ce qui se passe dans l’environnement réel. Avec ce genre de « performance », on passe au stade supérieur de l’arnaque intellectuelle et du grand n’importe quoi avec la prétention d’impressionner notre imagination à travers une confusion établie volontairement entre la réalité et la fiction plutôt qu’éveiller notre esprit critique et en appeler à notre raison. Écoutons encore Philippe Ariagno (audio, 01′ 03″) :

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Voilà, la boucle est bouclée. Nos scènes nationales, dont l’art est si subtilement qualitatif qu’il faut le subventionner pour le faire vivre, viennent à la rescousse de l’idéologie écologiste. Ou comment démontrer avec éclat qu’il n’est pas une seule seconde question de science environnementale mais de préjugés qu’il faut enfoncer dans le crâne des gens par tous les moyens possibles de l’illusion, de la suggestion et de la manipulation. 

Ceci dit, à écouter les réactions du public après l’opération du faux cachalot de Savines, il n’est pas dit que cela fonctionne aussi bien que nos « artistes » le souhaiteraient. Il y a même eu quelques personnes (honteusement malveillantes et dénuées de tout esprit durable et solidaire, c’est la seule explication) pour s’étonner qu’une campagne anti-pollution se fasse à grand renfort de polyester, hélico, 4 x 4 et autres véhicules encombrants pour transporter la bête sur le lieu fantasmé du crime écologique fantasmé. 


Illustration de couverture : Les acteurs du collectif artistique Captain Boomer en train de jouer aux scientifiques auprès d’un cachalot en polyester « échoué » sur une rive du Lac de Serre-Ponçon, le 8 juin 2018. Photo : France 3 Régions.

6 réflexions sur “L’écologie et l’histoire du FAUX cachalot en polyester à 30 000 €

  1. Prochaine étape : il fait si chaud à cause du RCA que l’Assemblée Nationale prend feu. De faux pompiers viennent expliquer la catastrophe et on enferme les dirigeants des entreprises polluantes !

  2. J’ai bien rigolé. L’installation, un happening éphémère pas plus scandaleux que certains ronds-points tout aussi dispendieux et qui restent à demeure.
    Les écolos ont des modes tournantes avec lesquelles ils nous culpabilisent successivement. Quand la chasse au Grand Satan Monsanto s’épuise un peu, c’est le réchauffement (merci, on se les gèle encore en juin, les factures EDF explosent pour ceux qui se chauffent à l’électrique), ou le plastique.

    Ah le plastique. On monte de grandes opérations de nettoyage citoyen. Je croyais pourtant que le plastique pouvait se recycler en « polaire », ce textile omniprésent dans toutes les bonnes boutiques de vêtements de sport. Faudrait payer ceux qui ont du plastique à jeter, ils s’empresseraient de le rapporter au point de collecte.

  3. Bon, j’ai beau essayer, mais non, je ne trouve pas de mots, pour commenter !
    Alors je vais essayer cette prière magique que j’entends régulièrement sur les ondes locales « il faut que les autorités/l’état/la région/le département/les élus/la commune (au choix ) fassent quelque chose », à chaque fois q’une question est posée. Un délégation permanente de la faculté d’analyse et de réflexion.

    Et je suis convaincu que ce serait la réponse d’un bon nombre de personnes, si, avant que la supercherie ne soit révélée, on les avait interrogées par « que pensez vous de la situation ? »
    Dé-pri-mant !

  4. pour paraphraser De Gaulle : « je n’aime pas les écologistes parce qu’ils ne sont pas écologistes ». Il n’y a rien de plus stupide que le fasciste d’aujourd’hui qui deviendra celui de demain. Il faut se méfier de tout ce petit monde , il n’a qu’une envie : régenter tout le monde et se remplir les poches

  5. Salopards. Et encore, je reste aimable.

    Il est urgent de supprimer le ministère de la Culture (et des farces et attrapes), ainsi que le trop fameux « statut des intermittents ». Quant aux millions d’inutiles qui bossent à ne rien faire dans des « assoces » alacon, qu’ils aillent donc « faire les métiers que les Français ne veulent pas faire » (il paraît qu’il y en a).

    Au passage, on voit ici à l’oeuvre les ravages de l’idéologie diffusée par les canaux de désinformation poutinistes (la vérité n’existe pas, le faux et le vrai c’est pareil, de toutes façons tout le monde ment), alliés à ceux de l’idéologie moderniste, déconstructiviste et n’importe quoi-iste (l’art contemporain ça « interroge », mon cul sur la commode c’est une « métaphore » de chépaquoi, etc). Sans oublier la culture du faux (caméra cachée, faux événements qui sont des pubs, « blagues » idiotes pour vendre je ne sais quoi…).

    A force de « déconstruire », on va bien finir par se prendre la baraque sur la tête. C’est bien gentil de jouer au con, mais au bout d’un moment, on finit par le devenir vraiment.

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