Il y a un an, Emmanuel Macron devenait Président

Elu il y a un an, Emmanuel Macron devenait non seulement le 8ème Président de la Vème République, mais également une belle pomme de discorde au sein des cercles libéraux. Alors, avec le recul de sa première année au pouvoir, libéral ou pas libéral, Emmanuel Macron ?

Pour certains, il représentait et représente toujours un renouveau, un espoir bienvenu de modernité et de douce adaptation de la France à notre monde en vive évolution technologique, économique et géopolitique. Mais pour d’autres, dont j’étais et dont je suis encore un an après, il n’est que la forme renouvelée du socialisme qui se cherche dans une vaine deuxième voie depuis l’échec des expériences communistes du XXème siècle.

Cependant, à regarder les propositions politiques alternatives qui s’offrent à nous, force est de constater qu’il est certainement ce qui se fait de plus libéral en France aujourd’hui. Sur sa gauche, y compris à la périphérie de La République en Marche, toute l’opposition est vent debout contre sa politique qualifiée d’ultra-libérale pour les ultra-riches de l’ultra-droite. Inutile de s’appesantir ; les positions archéo-étatistes de cette portion de l’échiquier politique français sont connues malgré leur issue toujours et partout désastreuse.

Et sur sa droite, une fois qu’on a exclu le FN qui ne fait pas mystère de son anti-libéralisme, nul n’est besoin de remonter bien loin dans le temps pour saisir combien l’esprit libéral souffle faiblement du côté des Républicains – même si plusieurs membres importants de ce parti s’en réclament – comme nous le montrent les récentes déclarations de Virginie Calmels (LR) concernant les traités de libre-échange ou la polémique sur la suppression de la très symbolique « Exit Tax »(*).

A ce propos, Valérie Pécresse (LR) fustige une mesure pour les « ultra-riches » – du Mélenchon dans le texte – et s’en étonne parce que :

« Il y a un vrai besoin de recettes fiscales aujourd’hui pour remettre le pays sur pied. »

Erreur. Nos prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés du monde et les plus élevés jamais atteints en France (45,4 % du PIB en 2017). Non, Mme Pécresse, pour remettre le pays sur pied, il y a d’abord un vrai besoin de réduction des dépenses induites par notre Etat qui se veut providence, nounou et stratège.

Aussi, pour reprendre la formule de Talleyrand en la renversant, on pourrait presque dire que d’un point de vue libéral, lorsqu’on compare Emmanuel Macron à ses adversaires politiques de tous bords, on se console.

En revanche, lorsqu’on le regarde, lui, directement, lorsqu’on examine ce qu’il fait concrètement, on se désole.

Car s’il est en effet question de transformer la France en « startup nation », s’il est question de gérer efficacement l’existant, s’il est question de libéraliser ici ou là, s’il est question de donner plus d’autonomie aux particuliers et aux entreprises, toutes ces belles et bonnes intentions qui dégoulinent des discours présidentiels restent extrêmement limitées, quand elles ne sont pas carrément oubliées, lorsqu’on en vient à considérer les actes.

En particulier, la réforme du Code du travail a eu lieu mais elle n’apporte pas vraiment de changements structurels dans les relations salariés employeurs. Celle de la SNCF est sur les rails, mais sa mesure phare (la fin du recrutement au statut des cheminots à partir de 2020), si elle est  évidemment nécessaire aussi bien économiquement que symboliquement, ne suffira jamais à mettre notre transport ferroviaire au niveau de ses futurs concurrents.

En matière de fiscalité, se profile non pas des baisses (qui sont toutes compensées par des hausses) mais la confirmation de la mise en place du prélèvement à la source en 2019. Compte tenu de la complexité de notre système, tout montre qu’il risque d’inaugurer une belle pagaille administrative, très éloignée du choc de simplification qui serait effectivement nécessaire.

D’autre part, ces évolutions restent contraintes dans l’illusion de politiques « volontaristes » pour imposer le changement et dans la vision immuable d’une France étroitement et technocratiquement encadrée par sa haute fonction publiqueNulle part n’apparaît la remise en cause fondamentale du monopole de l’Etat sur les choix des individus, notamment en matière de sécurité sociale et d’éducation.

Pire, en de nombreux domaines apparaissent des contraintes supplémentaires : je pense à la réforme de l’objet social des entreprises, je pense aux obligations nouvelles pour réaliser l’égalité hommes femmes jusque dans dans les systèmes de paie des entreprises – avec « name and shame » et sanctions à la clef, je pense à la lutte contre les « fake news », je pense à la coûteuse « action climat » dont Macron s’est fait le héraut mondial.

Même traduit dans les termes budgétaires « printanisés » dont il raffole, tout ceci s’inscrit dans ce qu’on a fait depuis 20, 30 ou 40 ans, c’est-à-dire la pratique du « il faut plus de moyens » : plus de dépenses publiques, plus d’impôts et plus de dette, comme en témoigne le budget 2018.

Seul un changement complet de paradigme pourrait nous faire véritablement avancer.  Encore faudrait-il que ce soit dit clairement et que les actes suivent. Ce qu’on n’a jamais essayé, ce qu’il faudrait mettre en oeuvre enfin, c’est une révolution structurelle : vraie baisse des dépenses, vraie baisse des impôts, vraie libéralisation du marché du travail, vrai choc de simplification.

Aussi, un an après l’élection d’Emmanuel Macron, j’en reste à mon sentiment premier, formé au spectacle de sa campagne électorale débordante de communication mais guère loquace sur son programme. J’en reste à cette impression qu’il se déploie avant tout dans la mise en scène soignée du pouvoir et dans le discours enivrant du changement.

Et je constate, comme la théorie du « en même temps » le laissait prévoir, qu’à force de vouloir avancer sans trop perturber son propre électorat baigné de politiquement correct, chaque petit pas en avant est accompagné d’une véritable sarabande de mesures aussi inutiles que pieusement progressistes.

D’aucuns pourraient y voir une stratégie réformiste habile, adaptée à l’esprit moralisateur, centralisateur, étatiste et immobile de la France. Une stratégie qui ressemble pourtant à s’y méprendre à ce qu’on a toujours fait, de Rocard à Hollande, en passant par Jospin et Chirac. Et maintenant Macron.

Pour étayer mes propos et fêter ce premier anniversaire présidentiel, je vous propose  ci-après une petite sélection « spéciale Macron » puisée dans mes précédents articles :

Style politique

Macron Président : la tâche sera immense (8 mai 2017)

Donner sa chance à Macron, oui. A en perdre la tête, non. (16 mai 2017)

« Dépasser les clivages » ou le nouveau politiquement correct
(26 juin 2017)

Macron : parler, marcher, parler. Autre chose ? (5 juillet 2017)

Réformer la France : la méthode Macron peut-elle suffire ?
(17 novembre 2017)

Le libéralisme « fumeux » de la Macronie (13 février 2018)

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Action politique

Code du travail : Klur, Gloo et politique « à la com’ » (1er sept 2017)

Le méli-mélo des APL ou le (mas)sacre du « en même temps »
(7 sept 2017)

PLF 2018 : Montre-moi ton budget et je te dirai qui tu es 
(1er octobre 2017)

M. le Président, se proclamer européen ne suffit pas !
(21 octobre 2017)

Et il paraît qu’on a moralisé la vie politique… (28 novembre 2017)

Entreprises : Bruno Le Maire a un plan ! (17 janvier 2018)

SNCF : une réforme entre « OUI » et « non » (28 février 2018)

En 2017, la France toujours en tête – pour taxer et dépenser !
(28 mars 2018)


(*) Taxe instaurée en 2011 par Nicolas Sarkozy visant à dissuader les particuliers de partir s’installer à l’étranger, notamment en Belgique. Elle concernerait quelques dizaines personnes par an pour une recette annuelle de 15 millions d’euros.


Illustration de couverture : Investiture d’Emmanuel Macron le 14 mai 2017. Photo AFP / Eric Feferberg.

10 réflexions sur “Il y a un an, Emmanuel Macron devenait Président

  1. Il y a beaucoup de réformes, certes, mais lorsqu’on plonge dans le détail d’icelles, elles sont loin, très loin d’être révolutionnaire. Elles modifient les choses à la lisière, mais guère en profondeur. Mais il faut avouer que la com est efficace.

  2. Pecresse LR « Il y a un vrai besoin de recettes fiscales aujourd’hui pour remettre le pays sur pied. »
    C’est à se poignarder le c.. avec des saucisses plates comme on dit à Toulouse.
    LR est décourageant de co….ie et malheureusement on ne voit pas poindre à l’horizon l’émergence d’un candidat libéral soutenu par un parti libéral seuls capables de redresser ce pays (:
    Il faudra passer préalablement par un changement d’opinion des français via une formation économique dépolitisée (gauche, lutte des classes, etc). Sauf cataclysme pas sûr que l’on assiste à ça avant une génération.

  3. « Aussi, pour paraphraser Talleyrand, on pourrait presque dire que d’un point de vue libéral, lorsqu’on compare Emmanuel Macron à ses adversaires politiques de tous bords, on se console.
    En revanche, lorsqu’on le regarde, lui, directement, lorsqu’on examine ce qu’il fait concrètement, on se désole. »

    Tres bien résumé !

  4. Les indicateurs économiques : fiscalité, balance commerce extérieure, chômage, déficits publics, ne sont en rien amélioré et continuent à se dégrader, la cause : La compétitivité. Certes on croit mesurer un regain de croissance qui d’ailleurs, s’essouffle déjà mais il est conjoncturel et international et le regain d’investissement des entreprises, est peu dans l’appareil de production mais surtout dans leur immobilier ou pire le rachat de leurs actions.
    Donc il n’y a pas eu de choc de baisse des charges, ni pour favoriser l’innovation permanente et dépasser la concurrence mondiale mais que de trop timides mesures.
    C’est du grand spectacle médiatique avec les formules excessives comme « transformer la France » ou la « France start up », des discours esthétiquement sublimes et quelque fois obscures qui n’ont souvent que l’oreille des figures « publiques » de l’establishment français, moins sûrement à l’étranger.
    Qu’est-ce qui a changé concrètement, depuis un an, en matière de sécurité, d’économie, de social ?
    Quels sont ses indicateurs concrets pour évaluer la situation au jour le jour ? Y en a-t-il ou sont-ils le résultat d’une concertation restreinte au niveau oligarchique, les « sachants » ?
    Aucune redéfinition du périmètre de l’action publique ou même de l’évaluation de son efficacité, je n’oserais même pas évoquer une qualité de service rendu. En conséquence, il n’y a pas de vision prospective, marketing des enjeux.
    De toute façon pas de surprise, il ne fait pas plus que ce qu’il y avait dans ses promesses électorales, c’est-à-dire pas grand-chose.

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