Jawad relaxé : laxisme ou justice ?

Mise à jour du vendredi 29 mars 2019 :  Comme je le disais dans l’article ci-dessous, sitôt connu le jugement de relaxe de Jawad Bendaoud (fév. 2018), le parquet avait décidé de faire appel. C’est chose faite aujourd’hui : la cour d’appel vient de le condamner à 4 ans de prison pour « recel de malfaiteurs terroristes ». Cerise sur le gâteau, pendant son procès en appel, Jawad a cru bon de proférer des menaces à l’encontre d’une victime des attentats du 13 novembre qui venait de témoigner. Sur ce point-là, il écope d’un an ferme. Détails de l’affaire ci-dessous :

 Ainsi donc, Jawad Bendaoud a été relaxé. C’est ce qu’a annoncé avant-hier (mercredi 14 février 2018) Isabelle Prévost-Desprez, la Présidente de la XVIème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris au terme d’un énorme procès très médiatisé qui a rassemblé pendant trois semaines quelque 140 avocats, 650 parties civiles et trois prévenus : Jawad Bendaoud, Youssef Aït Boulahcen et Mohamed Soumah.

Enjeu du procès : ces hommes savaient-ils qu’ils avaient participé (à des degrés divers) à l’hébergement de deux terroristes du 13 novembre 2015 – dont l’un des cerveaux présumés des attentats –  afin qu’ils échappent à la police ?

Le sort de Jawad Bendaoud retient plus l’attention. C’est en effet celui que la France entière a découvert avec stupeur devant les caméras de BFMTV comme le « logeur de Daesh » peu après l’assaut donné par le RAID dans la foulée des attentats du 13 novembre 2015. C’est celui qui est rapidement devenu la risée du web tant ses déclarations « angéliques » – « on m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service » – tranchaient avec ses habitudes de petit trafiquant sans foi ni loi et son casier judiciaire lourd comme du plomb (vidéo, 01′ 24″) :

Jawad est aussi celui qui a persisté dans une attitude de pitre irresponsable pendant tout son procès. Entre autres anecdotes très intéressantes sur un rat amateur de fromage qu’il aurait croisé lors de sa mise à l’isolement à la prison de Fresnes, il a cependant gardé le cap sur sa parfaite innocence, allant même jusqu’à déclarer :

« Je préfère prendre six ans et que la vérité soit faite plutôt qu’être relaxé et toujours être pris pour un menteur, être interrogé dans la rue. »

Il semblerait cependant qu’il ait accueilli sa relaxe avec beaucoup de démonstrations de joie. Poursuivi pour « recel de malfaiteurs terroristes », il risquait six ans de prison et le procureur avait finalement requis quatre ans ferme contre lui. Le parquet a d’ailleurs fait immédiatement appel de la décision de la cour, laquelle décision a été diversement appréciée par la classe politique, l’opinion publique et les parties prenantes.

Interpellé dans le tribunal par un blessé du Stade de France : « Jawad, tiens-toi à carreau ! », il lui a crié en retour : « C’est fini, je ne fais plus rien, je te jure que je me range ! » On peut toujours l’espérer, mais sa condamnation pour blessures mortelles (qui lui a valu 5 ans de prison de 2008 à 2013) ainsi que ses 13 condamnations depuis sa sortie de prison en 2013 ne parlent pas en sa faveur.

Sa vie est une succession de délits au quotidien allant du trafic de drogue à la détention d’armes en passant par des violences aggravées, des faux et usage de faux, de la conduite en état d’ivresse et des violences conjugales. Même le squat qu’il a loué aux terroristes ne lui appartenait pas. Il en a pris possession de façon parfaitement sauvage quand les détenteurs officiels (des marchands de sommeil du quartier) ont perdu l’autorisation de louer. C’est dire l’état de décomposition sociale qui règne dans ces quartiers.

L’individu semble perpétuellement instable et immature, complètement inconscient de la gravité de ce qu’il fait ou de ce pour quoi il est jugé. Totalement insensible à la souffrance des autres, il semble s’imaginer que ses capacités d’amuseur public lui permettront de se tirer d’affaire à tous les coups. Si l’on doit évoquer une forme de laxisme à son endroit, c’est sans doute plutôt dans son parcours judiciaire avant les événements de novembre 2015.

Mais dans le cas précis que Mme Prévost-Desprez et ses assesseurs avaient à juger, autant l’instruction préalable que les audiences n’ont pas permis d’apporter les preuves qu’il savait à qui il avait affaire. Il ressort assez clairement qu’il avait ses interrogations, dont il s’est ouvert à un salarié d’une pizzeria du coin – « ils veulent seulement de l’eau et un coin pour la prière » – mais il est assez concevable que ses activités douteuses tant dans la drogue que dans la location de son squat le poussent à se montrer le moins curieux possible.

La cour, qui n’a pas manqué de souligner la vénalité de Jawad ainsi que sa médiatisation pendant le procès, y compris au détriment de sa défense, a donc prononcé une relaxe, pas par gentillesse pour lui, mais simplement parce que :

« Il n’est pas prouvé que Jawad Bendaoud a fourni un hébergement à des terroristes (…) afin de les soustraire aux recherches. »

Notons d’ailleurs que les deux autres prévenus, moins pitres et moins médiatisés, donc moins présents dans l’esprit du public, ont été condamnés pour leur part à cinq ans de prison contre quatre requis (Mohamed Soumah) et quatre ans dont trois ferme contre cinq requis (Youssef Aït Boulahcen). Pour eux, la cour a acquis la certitude qu’ils connaissaient la « qualité » de terroristes des hôtes du squat et qu’ils les ont aidés en toute connaissance de cause.

Bien que présentée partout comme une énorme surprise, la relaxe de Jawad n’en était pas vraiment une pour qui avait accès au dossier et suivi tout le procès. L’un des avocats des parties civiles, Gérard Chemla, a expliqué hier sur France Info qu’il avait prévenu ses clients dès avant la lecture du jugement que la cour pourrait trouver le dossier trop faible pour condamner Jawad, leur recommandant de ne pas donner plus d’importance à ce procès qu’il n’en avait.

D’une part Jawad Bendaoud a attiré tous les projecteurs sur lui pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec sa participation à l’affaire ; et d’autre part, si ce procès est le premier qui se tient à propos des attentats du 13 novembre 2015, il n’est qu’un procès annexe où comparaissaient des prévenus qui, selon les termes de Gérard Chemla :

« n’étaient pas dans la boucle avant le 13 novembre et qui vont éventuellement intervenir à partir du 16 novembre (2015) (…) »

.
La justice n’a cependant pas dit son dernier mot à ce sujet puisque, comme je l’ai signalé plus haut, le parquet a fait appel. Les parties civiles pourraient également déposer des recours. Un nouveau procès aura donc lieu, qui permettra peut-être d’éclaircir les points restés obscurs. Jawad n’en a pas tout à fait terminé avec l’institution judiciaire.

Mais dans l’état actuel des choses, Je trouve finalement rassurant de constater qu’en dépit de la forte médiatisation de l’affaire et en dépit de la pression d’une opinion publique légitimement bouleversée par les attentats que nous avons vécus en 2015 et 2016,  l’Etat de droit a fonctionné.

Je trouve rassurant de constater que dans notre pays, on est jugé pour des chefs d’accusation précis et seulement ceux-là, même si l’on est par ailleurs un vulgaire petit malfrat particulièrement déplaisant – et à ce titre, il n’est pas impossible que la justice ait à se mêler à plus ou moins brève échéance des affaires de Jawad.

Je trouve rassurant de voir la justice agir dans le calme et le respect du droit, à l’écart des émotions et des préjugés.

Je trouve rassurant de voir que le doute bénéficie aux accusés. Le contraire constituerait une grossière inversion de l’esprit de justice. 

Alors, laxisme ou justice ? Je pense, mais vous l’avez déjà deviné, que justice a été rendue, compte tenu des informations, des expertises et des témoignages dont disposait la cour. Ça ne fait pas de Jawad un ange.


Illustration de couverture : Jawad Bendaoud est interrogé par des journalistes de télévision après l’intervention du RAID dans son squat de la rue du Corbillon à Saint-Denis le 18 novembre 2015. Il sera mis en détention peu après.

7 réflexions sur “Jawad relaxé : laxisme ou justice ?

  1. « ne pas donner plus d’importance à ce procès qu’il n’en avait » tout est dit : Jawad est le lampiste de service. Son inculpation de « recel de malfaiteurs terroristes » , et le procès digne du Grand Guignol qui a eu lieu, avaient plus à voir avec le besoin d’un procès, la nécessité pour l’état de montrer que « justice passe », le besoin pour les victimes d’exprimer leur douleur devant un tribunal, qu’autre chose.
    L’accusation était mince, la relaxe était la seule issue acceptable sur le plan du droit. Pour la morale, et d’autres considérations , bien plus en rapport avec le cœur et l’émotion, que la raison, c’est une autre histoire …

  2. Jawad Bendaoud fait partie des centaines ou plus de petits malfrats qui peuplent la centaine de quartiers dits Zones de Sécurité Prioritaire.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_de_s%C3%A9curit%C3%A9_prioritaire
    En voilà un spécimen révélateur de l’état de décérébration profond de jeunes criminels de cité. Mi rigolard, mi barbare sanguinaire car « élevé » depuis sa tendre enfance sans absolument aucune notion du bien et du mal. Ce type de zigoto peut servir à l’occasion de tremplin entre la délinquance et le djihadisme.
    Ce coup-là, il fait semblant de ne pas comprendre pourquoi il était au mauvais endroit au mauvais moment, le prochain coup peut-être en flag, il prendra quelques mois ou quelques années….
    So what ?
    La justice a fait son boulot mais on voit bien qu’il y a un problème de fond, de courage politique qui traine depuis trop longtemps et qui dépasse très largement cet épiphénomène judiciaire émotionnel.
    Cela ne sera pas pour autant abordé à l’occasion, la réflexion de fond du moment, c’est l’héritage de Johnny !

  3. « Jawad Bendaoud a attiré tous les projecteurs sur lui pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec sa participation à l’affaire. »

    Exactement. C’est pourquoi les hurlements de la blogosophère réacque à ce sujet sont atterrants. Le politiquement correct de droite est aussi abruti que son homologue de gauche. D’ailleurs, les bons esprits qui se plaignent de la relaxe de Bendaoud omettent de se féliciter de la condamnation des autres, dont ils n’ont jamais parlé.

    Au passage, ce dont il conviendrait de s’indigner serait plutôt la faible peine infligée à ceux qui ont aidé les terroristes en toute connaissance de cause : trois et cinq ans de prison (c’est à dire, en réalité, je suppose, une année et demie et deux et demi), c’est bien léger au regard du crime facilité. Aux Etats-Unis, j’imagine, ce serait dix ans, vingt ans ou plus pour les mêmes faits. De mémoire, un Noir qui a donné un coup de poing dans la figure d’un client dans un magasin, sans la moindre provocation (et sans dommages durables pour la victime), a été condamné à sept ou dix ans de prison.

    Cela étant, l’avantage de ce procès aura été de mettre en pleine lumière la personnalité très particulière de Bendaoud, qui, à n’en pas douter, reflète fidèlement celle de nombre de ses… « collègues », on va le dire vite pour rester dans le vague.

    Une profonde stupidité proche de l’idiotie, pour commencer. Se plaindre, pour sa défense, que la mauvaise réputation infligée par le procès l’empêchera de mener une vie honnête en réalisant son projet « d’ouvrir un point de vente de cocaïne », il faut vraiment être un abruti complet.

    Simultanément, une incroyable insolence, qui témoigne d’une véritable jouissance d’humilier tout ce qui ressemble à une autorité ou à un adversaire, et de l’absence de tout respect pour quiconque ne contribue pas à ses intérêts immédiats et personnels.

    Et enfin, un talent pervers mais indéniable d’amuseur public, de tchatcheur aux dépens des autres.

    Observez bien Bendaoud, c’est exactement pour ce genre de profil que sont faites toutes les épreuves orales introduites les unes après les autres dans des examens ou des concours qui en étaient dépourvus. Sous couvert de primer les « compétences » plus que les connaissances, la « créativité » plus que le bachotage, « l’énergie » et les « voix différentes » face au bon vieux savoir traditionnel (blanc, bourgeois, patriarcal, occidental, masculin, bref ringard et dépassé), il s’agit de laisser les Noirs et les Arabes illettrés intimider un jury consentant en vertu de leurs douteux « talents », au détriment, bien entendu, des rares bons élèves restants, mais irrémédiablement français de souche.

  4. Pingback: Jawad est relaxé, mais il n’en a pas fini avec la justice | Contrepoints

  5. Laxisme ou justice ? Les deux.
    Jawad n’est pas immature, il a tout compris de notre système, il le retourne contre nous, ils se fout ouvertement de la Justice.
    C’est la stratégie des innombrables associations et autres collectifs contre l’islamophobie : se foutre ouvertement de notre gueule, tout en pratiquant l’intimidation et le chantage.
    Et quand ça tourne mal, il y a toujours l’inénarrable Cour Européenne des Droits de l’Homme.

  6. Merci beaucoup à tous pour vos commentaires !
    Je rajoute ceci afin de bien préciser ma position :

    J’ai écrit cet article parce qu’à l’annonce de la relaxe de Jawad Bendaoud, beaucoup d’indignation s’est manifestée sur le fait qu’une fois de plus la justice s’est montrée faible avec les délinquants qui pourrissent la vie des citoyens (en oubliant d’ailleurs les deux autres condamnations).
    Il m’a semblé qu’il y avait une confusion qui s’était installée entre l’objet de ce procès particulier et la personnalité générale de Jawad (dont on parle beaucoup en raison d’une médiatisation qui n’a en fait rien à voir avec l’affaire jugée).

    Jawad a un profil avéré de délinquant des cités qui pourrit la vie des citoyens, c’est vrai, mais ce n’était pas l’enjeu du procès en question.
    Pour moi, « justice a été rendue » au regard de cet enjeu (et de cet enjeu seul) qui était de déterminer si les 3 prévenus savaient qu’ils avaient participé à l’hébergement de terroristes recherchés par la police.
    Compte tenu des éléments (témoignages, expertises etc…) dont elle disposait, la cour a prononcé une relaxe et 2 condamnations. On verra ce qu’en pensera la cour qui jugera en appel.

    Mais au-delà de ce procès particulier, bien sûr, la personnalité de Jawad et son parcours judiciaire chargé soulèvent un certain nombre de questions :
    L’incurie de l’Etat (non dénuée d’arrière-pensées électorales) qui a complètement déserté certains quartiers où l’Etat de droit ne prévaut plus, sa politique carcérale qui revient à remettre en liberté les responsables de délits dont les peines de prison sont < à 2 ans, ces délits nombreux et quotidiens étant justement ceux qui empoisonnent la vie des gens (vol de portables, de voitures, cambriolages etc…), sont des réalités qui ne sont pas abordées de front depuis trop de temps.
    La personnalité de Jawad et son parcours soulèvent toutes ces questions. Le laxisme le concernant est à chercher avant son arrestation de nov 2015, et devrait inciter à y répondre.
    Mais comme je disais, ce n'était pas le sujet du procès.

    Donc, pour résumer, je pense qu'il y a deux sujets : 1) le procès spécifique qui vient d'être jugé – et dont je parle, et 2) les réflexions que le CV chargé de Jawad peut nous inspirer sur la défaite de l'Etat à faire respecter l'Etat de droit partout en France.

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