Pourquoi, comme Hayek avant moi, « I am not a conservative »

Au détour des conversations que j’ai pu avoir avec différents membres de la famille libérale, il arrive souvent que mon interlocuteur me dise en substance : « Pour ma part, je suis libéral-conservateur, c’est-à-dire libéral en économie et conservateur sur le plan sociétal. » Et il me demande ensuite où je me situe selon cette variante particulière du libéralisme. 

La famille libérale est certes petite en nombre, mais il est vrai qu’elle se rattrape largement quand on en vient à faire la liste extensive de ses mille et une nuances. À supposer que vous vous sentiez une petite inclination libérale, savez-vous si vous êtes anarcho-capitaliste, libéral-libertaire, minarchiste, libertarien, libéral classique, ordo-libéral… ?

La multiplication des étiquettes qualifiant les libéraux tient d’abord au fait que le mot anglais « liberal » a été progressivement préempté par la gauche américaine, rendant nécessaire l’adoption de nouveaux vocables, notamment celui de « libertarian ». Mais en règle générale, les différences entre ces termes s’expliquent par la place plus ou moins grande – quoique toujours limitée – accordée à l’État.

Avec « libéral-conservateur », rien de tel. L’ampleur étatique n’est pas en cause. Elle est naturellement souhaitée la plus réduite possible, notamment dans le domaine économique, par opposition à l’interventionnisme et au dirigisme propres au socialisme ou même à la social-démocratie. Nombreuses sont les personnes qui souhaiteraient que l’État les laisse travailler en paix, sans les harasser de contraintes absurdes et sans leur prendre en impôt des portions confiscatoires de leurs revenus. Mais le terme renvoie plutôt à un tri effectué dans les activités humaines afin de voir quels domaines peuvent relever ou pas du libéralisme.

À la question posée ci-dessus, je réponds ainsi : « Je suis totalement libérale, donc sur le plan sociétal, je suis ravie que des personnes puissent bénéficier de la liberté de fumer, divorcer ou avorter (par exemple). Mais à titre personnel, je mène une vie des plus classiques ; je trouve que fumer est idiot car dangereux pour la santé, et serais-je confrontée à une situation d’avortement ou de divorce, que je me trouverais face à un grave problème de conscience. »

À titre personnel. Voilà le petit détail qui fait, je crois, que le terme « libéral-conservateur » associe deux qualificatifs qui ne sont pas situés au même niveau. « Libéral » renvoie au principe général de responsabilité et de liberté des personnes dans une société qui valorise les droits naturels, c’est-à-dire la liberté, la propriété et la sécurité, tandis que « conservateur » donne une indication sur les préférences spécifiques de la personne qui parle. Préférences que, dans un contexte libéral, elle est parfaitement en droit d’avoir, mais qui ne sauraient s’imposer à tout le monde.

Il est certain que nous vivons dans une société où s’épanouit tous les jours un peu plus un constructivisme progressiste rampant. Par exemple, il faut désormais se déclarer officiellement opposé au don d’organe pour ne pas être considéré comme donneur d’office, et il existe maintenant un délit d’entrave numérique à l’IVG qui consiste à pénaliser les sites internet coupables, aux yeux du gouvernement, de diffuser de « fausses informations » dans le but de décourager  les femmes d’avorter.

Si « conservateur » signifie qu’on refuse, à titre personnel, d’être entraîné à marche forcée par décision gouvernementale dans les valeurs obligatoires du progressisme et qu’on souhaite avoir le droit d’adopter un mode de vie qu’on pourrait qualifier de « classique » ou « traditionnel », tout en reconnaissant aux autres le droit de faire des choix différents, il devient inutile d’accoler ce mot à « libéral » dans la mesure où le libéralisme est justement l’environnement qui laisse la société évoluer par elle-même et permet à chacun de vivre à sa façon dès lors qu’il n’y a pas d’atteintes aux personnes et aux biens.

Mais l’on peut songer à une autre définition du « conservateur ». Pour Friedrich Hayek dans son texte « Why I am not a conservative »(*) – en français ici -, il s’agit de quiconque se montre hostile aux changements radicaux. Dès lors, le « conservateur » sera enclin à protéger l’ordre établi, y compris en recourant à l’autorité de l’État, afin de ralentir la marche de la société et graver dans le marbre de la loi l’ordre ancien qui lui est cher contre le « déplorable relativisme » qu’il attribue à toute personne qui se déclare ouverte aux valeurs qui ne sont pas les siennes.

Cette attitude n’est pas libérale, mais le contexte socialiste (au sens large) dans lequel nous vivons depuis plusieurs décennies a contribué à créer une confusion et une forme d’assimilation erronée entre le libéralisme et le conservatisme.

Dans un précédent article, je notais que lorsque le gouvernement est de gauche, il pratique avec enthousiasme une politique typiquement socialiste selon la trilogie « lubies écolo-sociétales, dépenses, impôts », ce qui déclenche chez le blogueur libéral des réflexions peu amènes qui lui attirent la sympathie de personnes qui détestent les socialistes mais qui ne sont pas nécessairement très libérales.

De façon conjoncturelle, libéralisme et conservatisme se rejoignent dans leur opposition au progressisme à marche forcée dont je parlais plus haut, mais ces deux approches sont cependant à l’opposé dans leurs valeurs essentielles. Car dans cette configuration, le libéral refuse le terme « marche forcée » tandis que le conservateur refuse le terme « progressisme », quitte à imposer d’en haut son conservatisme.

Le libéral ayant des préférences personnelles conservatrices rejettera éventuellement l’avortement pour lui-même, mais il ne l’interdira pas aux autres. Dans la formulation de Hayek, que je partage totalement, cela donne :

« Il y a maintes valeurs des conservateurs qui me conviennent mieux que celles des socialistes ; mais aux yeux d’un libéral, l’importance qu’il attache personnellement à certains objectifs n’est pas une justification suffisante pour obliger autrui à les poursuivre aussi. »

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À l’inverse, le conservateur tel que défini par Hayek n’aura de cesse de mettre en place un gouvernement qui l’interdira. Notre conservateur n’est certes pas progressiste, bien au contraire, mais il est néanmoins tout autant « constructiviste » que le socialiste et use des mêmes coercitions pour faire advenir, ou plutôt revenir l’ordre social auquel il aspire. Hayek à nouveau :

« Comme le socialiste, il (le conservateur) est moins soucieux de la façon dont les pouvoirs du gouvernement devraient être limités, que du choix de qui les exercera, et comme le socialiste il se considère autorisé à imposer aux autres par la force les valeurs qu’il révère. »

Dans cette seconde acception du terme « conservateur », il y a bien un mot de trop dans la formule « libéral-conservateur », mais contrairement à la première définition, c’est le mot « libéral », le mot le plus important, qui n’a plus sa place.

Le mot composé « libéral-conservateur a-t-il un sens ? J’ai tendance à répondre que non. Soit le conservateur est conservateur pour lui-même sans chercher à voir ses opinions prévaloir pour l’ensemble de la société, et dans ce cas il n’a pas besoin d’ajouter le terme conservateur à libéral dans la mesure où son cas est prévu dans le libéralisme.

Soit le conservateur ne sera satisfait dans ses convictions que si celles-ci s’imposent à tous. Pour ne pas être progressiste, il n’en est pas moins constructiviste selon ses propres valeurs. Ceci l’écarte à tout jamais de la philosophie libérale qui appelle à la tolérance et à l’esprit de responsabilité des individus, dans l’unique limite du respect des personnes et des biens. Dans ce cas, le terme libéral est non seulement de trop ; il est incompatible avec le conservatisme en question.

C’est pourquoi, comme Hayek avant moi, « I am not a conservative ».


(*) « Why I am not a conservative » a été publié en postface de The Constitution of Liberty (p. 397), Friedrich Hayek, The University of Chicago Press, 1960. Version française de l’Institut Coppet ici.


Illustration de couverture : Friedrich Hayek (1899 – 1992) et le début de son texte « Why I am not a conservative » (1960).

23 réflexions sur “Pourquoi, comme Hayek avant moi, « I am not a conservative »

  1. Il est quand même possible d’essayer de convaincre son interlocuteur. Le libéral ne veut pas imposer, mais il a le droit de défendre son conservatisme. Il a des arguments, et il a le droit de les faire valoir, mais il ne les imposera pas par décret.

  2. Bonjour,

    Je maintiens que le terme conservateur-libéral a un sens. À titre individuel je suis libéral, mais au nom de la société, concernant les mœurs, et instruit de l’expérience de milliers de générations avant nous, je préfère ne pas forcer les choses, aller trop vite dans les expérimentations hasardeuses, et mettre des gardes-fous.

    Un exemple : si un frère et une sœur veulent se marier, cela me semble préjudiciable pour la société. Un autre exemple extrême : une personne souhaite mourrir et cherche un exécuteur qui accepte : c’est inacceptable même si les deux parties sont adultes et consentantes (je ne parle pas du cas de l’euthanasie, auquel je suis plutôt opposé personnellement, j’avais plutôt à l’esprit le cas de cet allemand qui avait souhaité être mis à mort et dévoré, il y a quelques années).

  3. Tout votre blog étant consacré au libéralisme depuis des années, je n’aurai pas la légèreté de vouloir vous donner des leçons de libéralisme, ni même de langage politique. D’autant que je viens d’arriver chez vous.
    Touchant la formule « libéral-conservateur », laissez-moi dire ici qu’elle se justifie pleinement. Vous avez amplement montré pourquoi l’on doit être « libéral ». Je n’y reviens pas.
    Parmi les anticommunistes, les antisocialistes, on rencontre en effet des « libéraux libertaires ».
    Chacun sait le sens de ces mots. On est , en matière économique, pour le libéralisme. Dans le domaine sociétal, on est pour une foule de libertés et d’audaces. Il me semble que le chef de l’Etat fait partie de cette famille-là. Une très grande partie des médias est libérale-libertaire.
    Le conservatisme ne se repère pas seulement par l’attitude que l’on a face au divorce ou face à l’avortement. Ce que l’on pense, dans ces deux domaines, est surtout lié à des croyances religieuses.
    On est conservateur, et fier de l’être, dans bien secteurs de la vie. Dans le domaine de la langue française, dans ses goûts littéraires, dans son soutien aux forces de l’ordre (et pas seulement après les attentats islamistes), dans sa façon de vivre, dans son absence de laxisme, dans son respect des lois…
    Comme je me considère comme un « libéral-conservateur », une question se pose à moi, périodiquement : parmi les candidats qui se présentent à une élection, lequel est « libéral conservateur ». Je vote pour lui. C’est souvent le…moins pire. Il peut décevoir. Mais, au moins, j’évite le trotskiste, le communiste, le libéral libertaire, et plusieurs variétés de cinglés, par exemple
    au premier tour de la dernière présidentielle.

  4. Il y a deux aspects dans la notion de conservatisme : le refus du changement radical (ce sur quoi Hayek met l’accent, il me semble), et la défense de règles applicables à tous (et en l’occurrence, de règles conformes aux valeurs dites conservatrices). C’est très différent.

    Je postule qu’aucune société ne peut être viable sans règles applicables à tous. Dire : moi, je suis contre l’avortement, mais les autres peuvent le pratiquer s’ils le veulent, ça ne marche pas. Extrapolons : moi, je suis contre le meurtre, mais les autres peuvent le pratiquer s’ils le veulent.

    Cette illusion concerne essentiellement les moeurs. Elle repose sur la supposition fausse que les moeurs ne concernent que l’individu qui les pratique. Ce n’est pas vrai. L’homme est un animal social, et en conséquence ne peut vivre que si des règles s’appliquent à tous.

    D’ailleurs, ce postulat fallacieux est réduit à néant par le fondement du libéralisme : ce dernier est une théorie du droit, et le droit édicte précisément des règles qui s’appliquent à tous. On ne peut pas avoir une loi par personne. L’avortement est soit autorisé, soit interdit. Mais s’il est autorisé, cela affecte également ceux qui sont contre. Par exemple, le mari d’une femme qui souhaiterait avorter. Ou l’inverse, si vous préférez.

    De plus, une société n’est pas seulement régie par des lois inscrites dans le code, et heureusement. Quand je me cogne dans quelqu’un dans la rue, je m’excuse. Aucune loi n’y oblige, et c’est heureux. Mais la loi morale y contraint, et c’est heureux aussi. Le conservatisme, c’est ça. C’est, entre autres, reconnaître que ces lois coutumières sont nécessaires, et que tous les comportements ne se valent pas.

    Remarquez que ces lois, si elles contiennent un fond commun, diffèrent d’une société à l’autre. Par exemple, il est des pays où il est parfaitement grossier de remercier pour un service rendu, parce que ce dernier est considéré comme une obligation. Remercier suggérerait donc que le récipiendaire pourrait envisager de ne pas remplir son devoir. Ce serait offensant.

    Prenons un autre exemple, dont Hayek ne parle pas, parce que ce n’était pas de son temps : le « racisme » et l’immigration. (Il évoque cependant le patriotisme, le nationalisme et l’impérialisme). Vous ne pouvez pas dire : moi je suis contre l’immigration et le métissage, mais les autres font ce qu’ils veulent. Ou l’inverse. Il est bien évident qu’en la matière, ce que fait chacun a des conséquences pour tous.

    A défaut d’admettre cette évidence, on est obligé d’adopter le délire logique des libertariens, qui échafaudent une utopie selon laquelle moi je pourrais inviter des immigrés sur ma propriété puisque c’est chez moi, tandis que le voisin pourrait refuser puisque c’est chez lui ; ou bien selon laquelle toutes les routes sont privées, donc moi je laisse passer qui je veux dessus, et les autres se débrouillent de leur côté, etc.

    Inutile de dire que les libertariens seraient bien en peine de nous montrer une seule société qui fonctionne, ou ait fonctionné, selon ces « règles ». C’est tout simplement impossible.

    Non seulement le conservatisme n’est pas antinomique avec le libéralisme, mais le libéralisme ne peut pas exister sans conservatisme. D’ailleurs, le libéralisme n’est né et n’a pu fonctionner que dans une société chrétienne, donc conservatrice. Les libéraux d’origine n’incluaient pas le conservatisme chrétien dans leur doctrine, parce que, de leur temps, il allait de soi. L’assemblée constituante des poissons ne rappelle pas que les poissons doivent vivre dans l’eau : c’est évident pour tout le monde.

    D’ailleurs, les sociétés libérales qui marchent, celles qui existent, pas celles qui sont dans la tête des libéraux, sont conservatrices. En Suisse, si vous vous garez mal dans la rue, vous allez avoir quelqu’un qui va sortir de la foule pour vous remonter les bretelles. La Suisse est libérale, et « raciste » : si vous voulez acquérir la nationalité suisse (en dehors du fait que c’est très difficile), on va demander l’avis de vos voisins : ils ont un droit de veto. Si vous produisez « du bruit et des odeurs », si vous avez une gueule qui ne leur revient pas, eh bien ils ont la faculté de dire : vous ne méritez pas d’être suisse.

      • Le meurtre est un exemple extrême, mais il n’y a pas de solution de continuité. L’avortement contrevient au respect des personnes selon certains (le foetus est un être humain), il ne le fait pas selon d’autres (le foetus est un amas de cellules). D’après certains, faire des roues arrière à moto dans la rue contrevient au respect des personnes (c’est bruyant, dangereux), d’après d’autres c’est le fait de critiquer ceux qui font des roues arrière à moto qui contrevient au respect des personnes (c’est « raciste »).

        D’ailleurs, même le meurtre se discute. Il est un homicide légal dans certaines circonstances (légitime défense), il est un crime dans d’autres. Ces circonstances ne sont pas les mêmes en France et aux Etats-Unis (par exemple). Certains voudraient voir ces circonstances changer (tuer un cambrioleur serait autorisé, par exemple) ; d’autres non.

        Dans un pays, dire « merci Madame » est un signe de respect des personnes, dans d’autres c’est peut-être « ta gueule grosse pouffe » qui est une marque de respect (je caricature, bien sûr, mais tout le monde trouvera aisément des exemples plus vraisembables : essayez donc de faire la bise à la maîtresse de maison quand vous êtes invité dans un pays musulman conservateur, et dites m’en des nouvelles). Etc.

      • Question : n’est ce pas précisément ce qui fait débat dans votre exemple sur l’avortement? Partant du principe qu’un foetus est une personne. C’est là tout le débat.
        Sur la PMA ou le mariage pour tous, rien à voir puisque rien ne remet en cause le respect d’une personne tierce. Même l’euthanasie : techniquement, si ça se passe entre adultes consentants, peu importe. Mais sur l’avortement j’ai un doute. Je prétend pas avoir la réponse, a priori je serais plutôt pour malgré tout, mais je ne suis pas très à l’aise avec ça. Idem avec la GPA qui pose la question du trafic d’être humain.

        Quelque part, les débats sur l’avortement et la GPA sont similaires car ils dépendent de ce qu’on met derrière « être humain ».

  5. Le libéral est conservateur parce qu’il sait que les formidables progrès engendrés par la liberté ne sont possibles que si l’on en respecte le moteur civilisationnel. Le libéralisme n’est pas seulement l’exaltation abstraite d’une valeur, il est une civilisation.
    On ne peut renier une foi commune, une fidélité commune, c’est-à-dire un attachement partagé à des valeurs que nous avons reçues et que nous avons à charge de transmettre. On ne peut accepter de nous laisser déconstruire collectivement par un Etat qui outrepasse ses fonctions. Nous imposer de nouvelles valeurs post-modernes globalistes, la théorie du genre etc…, encourage une réaction conservatrice qui n’est pas forcément antagoniste du libéralisme. Et il ne s’agit plus de fumer, d’avorter ou de divorcer, c’est beaucoup plus grave et profond de notre nature humaine.
    Plus que jamais, par les temps qui courent, libéralisme et conservatisme — défini comme le respect des traditions, normes et institutions dont est née la liberté — se marient de façon presque naturelle. Entre libéralisme économique et libertarisme des mœurs, un libéralisme bien compris ne se conçoit pas sans un respect minimal pour les traditions.
    Le conservatisme, « populisme » comme certains aiment à le caricaturer, qui ne sont certainement pas libéraux, est opportunément l’allié du libéralisme pour chasser l’Etat d’un domaine où il ne devrait avoir aucun droit. Hayek n’en parle pas parce que ce n’était pas de son époque.
    Le meurtre est jugé et puni par l’Etat qui a l’obligation de remplir son autorité régalienne !
    Sinon il n’y aura bientôt plus de liberté.

  6. Donc si l’on résume : 1) il y a débat libéral à propos de la place de l’Etat dans les activités humaines ; 2) il y a débat conservateur… pour les mêmes raisons, mais plutôt en terme de limites aux conséquences du premier, sinon le caractère libéral disparait mécaniquement. La démonstration de Nathalie (on ne peut être conservateur que pour soi-même sinon on n’est pas libéral) s’avère donc logique, le conservatisme devenant un sujet du second ordre au débat libéral, utile néanmoins pour régler les questions de délais et transition (la feuille de route) vers une société entièrement libérale au regard du contexte conservateur ambiant. J’ai bon ?

  7. Il y a effectivement presque autant de chapelles libérales que de libéraux…
    En un sens, tant mieux, on ne peut pas prôner la liberté d’opinion sans admettre des divergences de vues. C’est sain, c’est tout à l’honneur du libéralisme, et c’est une force, car l’intelligence étant dialectique, elle est stimulée par le cadre libéral.
    Le problème, c’est que cette diversité rend le message libéral parfois inaudible, ce qui, à mon sens, est la grande faiblesse actuelle du libéralisme sur la scène politique.

  8. On peut aussi être conservateur un peu, beaucoup à la folie……On peut être pour l’ avortement et le divorce mais contre l’ immigration incontrolée………..Bref c’ est une manie que de vouloir ranger les gens dans un grand tiroir. Et puis comme vous savez bien on est tous le conservateur de quelqu’ un.

  9. En France on adore disserter sur le sens mots. On adore aussi coller des étiquettes. C’est tellement pratique de savoir qu’on vote (ou pas) pour untel ou untel parce qu’il a le bonne (ou la mauvaise étiquette). Je reconnais que le sens des mots c’est important, mais personnellement je serais incapable de me coller une étiquette et j’essaie d’éviter d’en coller sur les autres. Par contre je suis parfaitement capable de me positionner par rapport au programme du parti libertarien français https://www.partilibertarien.fr/en-pratique Ce programme en est à l’état d’ébauche mais je le trouve prometteur…

  10. Toute l’ambiguïté est dans le terme conservateur. De quoi s’agit-il ?

    C’est c’est défendre un statu-quo, alors notre (très, très) chère administration est intrinsèquement conservatrice. En effet, elle tire prestige, pouvoir et ressources de sa position dominante, qui est une véritable rente de situation. Or, toute remise en cause de la situation est une remise en cause de la rente, d’où un immobilisme forcené de la fonction publique. Comme ses intérêts sont défendus par la gauche, la gauche est conservatrice.

    Comme le signalait Robert Marchenoir un peu plus haut, il existe une seconde manière de concevoir le conservatisme, à savoir la défense et illustration d’un certain nombre de valeurs nécessaires à la vie en société, qui ont vocation à être stables et partagées.
    Vues comme bourgeoises, ces valeurs n’ont eu de cesse d’être attaquées, raillées, combattues et rabaissées. On en voit aujourd’hui le résultat, tout le monde se défie de tout le monde, le sentiment d’avoir un destin commun s’est évanoui, tout est prétexte à affrontement ou à scandale. Et les donneurs de leçon sont les premiers à avoir travaillé à cette décadence.
    Dans ce contexte, le conservateur est un dissident paradoxal, marginalisé de vouloir défendre des valeurs normatives, incompris de chercher à comprendre, isolé de vouloir unir, méprisé de vouloir respecter.
    De fait, le libéralisme est une philosophie du droit, qui nécessite de la confiance, donc un socle de valeurs communes. Tocqueville dans DA ne dit pas autre chose, quand il voit la religion comme le creuset moral et culturel nécessaire en complément du libéralisme économique.

  11. Bonsoir,

    A titre personnel, J’ai toujours vomi le socialisme depuis ma jeunesse, quand on voit et comprend les implications de la chute du mur de Berlin à l’âge de 10 ans, ça marque. J’ai toujours été favorable à la liberté économique même si la concurrence a parfois des effets désagréables pour soi, il est tellement plus confortables d’esquiver ses propres manques. J’ai donc vite compris que le libéralisme était une école de pensée incroyablement exigeante requérant une très grande humilité.

    A côté, n’ayant jamais voté autrement qu’à droite, attachant beaucoup d’importance à des idées d’héritage civilisationnels, de valeurs et de traditions ainsi qu’une idée assez conservatrice de « ciment » social que constitue la Nation, cadre assez naturel pour l’expression de la démocratie, je me considérait comme libéral/conservateur.

    Depuis une petite dizaine d’année, je constate que dans les discours mais surtout dans les actes, les figures politiques qualifiées de libérale conservatrices rangeaient rapidement au placard leurs inclinaisons libérales. De plus, historiquement, depuis la révolution, la droite française n’est ni conservatrice ni libérale. Aucun penseur contemporain ou peu après d’un Burke. Juste une cohabitation douloureuse entre bonapartistes étatistes et jacobins avec une droite orléaniste consternée par le socialisme primaire qui s’est imposé à gauche et qui doit composer avec son allié/rival de droite, les deux s’accusant éternellement d’être le cocu de l’autre (preuve d’une alliance contre-nature soit dit en passant).

    L’évolution néfaste de notre pays me fait renoncer un à un à mes attaches conservatrices. Seule la violation de la subsidiarité par l’UE technocratique me laisse du répit sur mes réflexion sur l’état-Nation (anglais j’aurais voté le brexit sans la moindre considération pour les arguments mêmes recevables sur l’immigration).

    En conclusion, je pense que libéral/conservateur ne veut pas dire grand chose mais surtout dans un pays qui a facilement cédé à la dictature de la pensée mai 68 qui dénigre le conservatisme et le libéralisme n’étant défendu que par à peu près personne. Cette question libéral/conservateur agite régulièrement les colonnes de Contrepoints ces 10 dernières années, les commentaires à votre article Nathalie sont amusants. Toujours les mêmes à chaque fois…

    cdlt

  12. Pingback: Essai sur le mode de vie européen | Groupe Gaulliste Sceaux

  13. A titre personnel, je me crois avant tout pragmatique (et un peu zététicien), par conséquent je privilégie les solutions accessibles dont je pense qu’elles marchent (et cette pensée se base autant que possible sur des données disponibles).
    La conséquence évidente de ce positionnement c’est que je pourrai être le plus fervent socialiste si je pensais que ça marche, mais pour l’instant je suis plutôt dans ce que je définis depuis longtemps comme « libéral à tendance conservatrice ».
    La principale composante est donc bien un libéralisme que je résume à « du moment que toutes les personnes impliquées sont d’accord ».
    Néanmoins j’ai tendance à être prudent, d’ou la « tendance conservatrice », qui se retrouve très bien dans la phrase « avant de retirer la vieille clôture, je m’assure de savoir pourquoi elle a été mise en place » (et que les raisons ont donc disparu).
    Ainsi, si je préfère un Etat réduit autant que possible, j’ai du mal à imaginer sa disparition pure et simple (en en revenant aux données, puisque cela a existé d’après ce que des partisans m’ont dit, pourquoi cela n’existe plus ou quasiment plus ?).
    Sans être un religieux radical (apathéiste convaincu que je suis), je comprend que la religion donne un cadre et l’anticlericalisme primaire que l’on trouve souvent chez les progressites ne me convainc pas (pourtant je pourrais tomber d’accord avec le « la religion est l’opium des peuples », comme pour beaucoup de sujets tout n’est ni blanc ni noir).
    Et caetera et caetera…

  14. Je dois reconnaître humblement avoir été vite larguée par la lecture de votre article, Nathalie, et cela tient évidemment à ma grande ignorance de ces penseurs anglo-saxons qui vous sont familiers.
    Aussi c’est avec soulagement que j’ai lu le commentaire de Robert Marchenoir qui, oserais-je le dire, m’a paru plus familier parce que sans doute plus « catholique » que « protestant » dans son esprit.
    Mais la question que je me pose c’est de me demander si ces discussions ont tellement d’intérêt au moment où la Caste qui prétend nous gouverner a décidé, comme l’affirme Thierry Lentz, le « saccage » de l’État en détruisant un à un tous les grands corps de l’État ?

  15. Bien que tolérant et ouvert, je crois qu‘il faut protéger nos enfants des mensonges et de l‘endoctrinement qu‘ils subissent quotidiennement à l’éducation nationale ou à la télé (pour ceux peu nombreux qui la regardent).

    Je suis par exemple du côté des hommes qui s‘identifient à des femmes, je les soutiens, je les comprends et je ressens de l’empathie à leur égard. Mais je ne dirai jamais « elle » en parlant d‘eux et j’explique bien à mes enfants qu‘il est impossible de changer de sexe et qu‘on leur ment en disant le contraire.

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