Santé : les remèdes « diafoireux » de la Cour des Comptes

Notre système de santé déjà très étatisé ne donne pas de résultats satisfaisants ? Facile ! Etatisons-le encore un peu plus !

Comme son nom l’indique, la Cour des Comptes surveille les comptes de la nation France. La fourrure d’hermine qui garnit le col de son premier Président Didier Migaud dans les grandes occasions est là pour nous rappeler qu’en République française, on ne plaisante pas avec l’argent des autres.

On en manipule tous les ans un peu plus, avec un « volontarisme » redistributeur qui nous assure régulièrement une place de choix sur le podium des pays les plus dépensiers et les plus taxateurs, mais la Cour des Comptes veille et tape sur les doigts des prodigues et des étourdis ! Ce n’est pas chez nous qu’on verrait un budget « insincère » tromper longtemps les contribuables !

Mercredi dernier, c’était au tour de l’assurance maladie de passer dans son impitoyable moulinette. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à lire le rapport de la Cour des Comptes, tout ne va pas pour le mieux dans ce que la France prend depuis 1945 pour le meilleur des mondes sanitaires possibles, celui de la collectivisation pratiquement complète de la santé.

D’après les sages de la rue Cambon, les Français sont très attachés à un système de protection sociale qui a parachevé sont universalisation en 2016 en reconnaissant à toute personne résidant en France un droit à la prise en charge de ses dépenses de santé indépendamment du montant des cotisations versées. C’est beau. C’est généreux. C’est solidaire.

Mais – parce que oui, il y a un petit « mais » de 4,4 milliards d’euros de déficit attendu en 2017, après une série de déficits chroniques depuis 25 ans :

« Les déficits répétés de l’assurance maladie depuis vingt-cinq ans et l’accumulation de la dette sociale qui en découle minent la solidité et la légitimité du système de protection sociale. »

Et ce ne sont ni le vieillissement de la population, ni le développement des maladies chroniques, ni le coût très élevé des technologies modernes de santé qui vont nous aider à résorber ces déficits, bien au contraire.

Si encore on en avait pour notre argent. Mais non. La Cour des Comptes, comme tout un chacun en attente d’être pris en charge aux urgences d’un hôpital ou en recherche désespérée d’un rendez-vous pas trop tardif chez un spécialiste ou un généraliste, en ville ou à la campagne, ne peut que constater que la France s’installe lentement mais sûrement dans l’extension des déserts médicaux et les pénuries de médecins et de certains équipements de pointe comme les IRM.

Le pire étant qu’en nombre de médecins (stable à 3,3 pour 1000 habitants depuis l’an 2000 environ) on ne peut même pas dire qu’on serait en sous-effectif manifeste par rapport à d’autres pays. De même, la France occupe le 4ème rang mondial en dépenses de santé par rapport au PIB après les Etats-Unis, la Suisse et l’Allemagne (voir graphique ci-contre).

La réalité de notre système de santé est exactement celle que l’on retrouve inéluctablement (et malheureusement) dans tous les systèmes socialistes. Le libre choix des médecins et des patients, la loi de l’offre et de la demande et la clarification de l’information par le système des prix libres ont été évincés du système au profit d’une planification bureaucratique qui prétend savoir mieux que les médecins où, quand et comment ils doivent soigner, et mieux que les patients s’ils sont malades et où et quand ils doivent se faire soigner.

Aujourd’hui en France, le numerus clausus du concours de la première année de médecine fixe arbitrairement le nombre de diplômés qui seront médecins 7 à 10 ans plus tard, le prix de la consultation est décidé par les autorités, le tiers payant qui déresponsabilise les patients a été généralisé et l’installation, tout en restant formellement libre, est soumise à une multitude d’incitations techniques concoctées par des fonctionnaires sans tenir compte des aspirations multiples et diverses des acteurs du système.

Tout ceci contribue à fausser complètement le marché de la santé et tend à rendre les médecins parfaitement identiques et interchangeables entre eux et à dévaloriser leur travail. Dans cette situation de fonctionnarisation rampante et de disparition de l’esprit d’émulation, comment s’attendre à ce que la profession cherche à se perfectionner en permanence ? La politique que nous subissons va à l’encontre de la liberté des médecins, à l’encontre de la liberté des patients et à l’encontre du progrès humain.

Au vu des piètres résultats observés,  il n’a pas échappé aux rédacteurs du rapport de la Cour des Comptes qu’il était grand temps d’agir. Ils se sont donc fait un devoir de recommander vivement un certain nombre de mesures pour notre système de santé afin de :

« contribuer à la préservation et à l’amélioration de cet instrument essentiel de solidarité des citoyens devant la maladie. »

Mais patatras ! Rien qu’avec cette idée de préserver quelque chose qui ne marche pas, c’était mal parti. Comme souvent dans ce pays, le raisonnement qui a présidé aux recommandations tient au mieux de la persistance maladroite dans l’aveuglement, avec cependant toutes les caractéristiques de la persistance malsaine dans l’idéologie socialiste. Notre système déjà très étatisé ne donne pas de résultats satisfaisants ? Facile ! Etatisons-le encore un peu plus !

Et voilà que nos « sages », habituellement très habiles pour pister les hypothèses incohérentes dans les données budgétaires et plutôt clairvoyants quand le gouvernement se livre à une cavalerie trop manifeste, se sont transformés en véritables Diafoirus socialistes de la santé en préconisant une batterie de mesures toutes plus coercitives les unes que les autres. Si les gens – les médecins, les patients – ne sont pas d’accord, obligeons-les ! Et s’ils refusent encore, punissons-les !

Pour lutter contre les déserts médicaux, les incitations ne suffisent plus, il faut passer à des contraintes d’installation. Pour augmenter l’accès aux soins, il faut réglementer tous les honoraires et élargir autoritairement les horaires d’ouverture des cabinets. Pour assurer la qualité des soins, il faut définir administrativement des parcours de prise en charge déterminés.

Tout refus sera puni d’un déconventionnement dont on suppose qu’il fera fuir les patients, inquiets de n’être pas remboursés. Aparté : Il serait amusant que les praticiens, lassés d’être traités comme des gamins irresponsables, répondent « chiche ! » et que tout ce déconventionnement, à l’inverse de la peur qu’il est censé instiller pour maintenir le système, soit le point de départ d’une médecine vraiment libérale et performante !

Mais ce n’est certes pas l’intention profonde de la Cour des Comptes qui, tout à ses délires dirigistes, s’est mis en tête de transformer la médecine en un service public totalement fonctionnarisé et régulé d’en haut et de loin depuis le ministère de la santé. Le rapport le reconnaît sans peine :

« Ceci limite de facto la liberté de choix du patient et la liberté des professionnels dans leur pratique. »

.
Mais il y a longtemps que la liberté est devenue chez nous une notion abstraite, voire carrément nauséabonde. Nous sommes en France, le « laissez-faire » ne passera pas !

Notons toutefois avec plaisir que le gouvernement a pris ses distances avec ce rapport sorti tout droit des tiroirs soviétiques et souhaitons maintenant qu’il aille jusqu’à travailler à la restitution des marges de manoeuvre de tous les acteurs de la santé en brisant un monopole coûteux, ingérable et potentiellement médiocre en terme de performance médicale.


Illustration de couverture : Médecin en consultation. Photo Getty Images / AFP.

19 réflexions sur “Santé : les remèdes « diafoireux » de la Cour des Comptes

  1. Euh, Nathalie, je voudrais pas donner l’impression du sentiment d’avoir l’air , mais il me semble d’après votre graphique que « la France occupe le 3ème 4ème rang mondial …
    Et merci de râler pour nous, au sujet de ce rapport, et des suggestions reprises en chœur par une presse de plus en plus servile !

  2. Excellent article qui ne sera jamais dans la presse officielle.
    A propos du numerus clausus, je me suis toujours demandé s’il n’y
    aurait pas un discret lobbying du Conseil de l’Ordre pour qu’il
    ne soit pas augmenté, qu’en pensez-vous ?

    • Il est de notoriété publique que le numerus clausus est fait pour créer une rente de situation pour les médecins déjà installés.
      Le système est déjà largement gangrené par la connivence.

  3. Toutes choses égales par ailleurs, il n’est pas du tout absurde d’imposer des contraintes de localisation pour les médecins. Les études de médecine sont gratuites, pour ainsi dire, sauf erreur de ma part, et surtout il s’agit d’un impératif d’intérêt général.

    On pouvait jadis compter sur un certain dévouement des personnes embrassant ce métier, dorénavant le cynisme a pris le pas sur toute autre considération, comme un peu partout dans la société.

    Ceux des étudiants en médecine qui ne choisissent pas d’exercer comme salariés (ces derniers étant majoritaires, d’après ce que j’en sais), se précipitent évidemment sur les quartiers les plus riches des villes les plus aisées, là où l’on pourra se faire du bon pognon, aller à l’Opéra le soir et permettre à Madame de courir les expositions.

    Je n’ai rien contre l’argent, au contraire, mais il ne me paraît pas juste de condamner les ploucs et les pauvres à se faire soigner par des médecins incapables de parler le français, venus de Roumanie ou de je ne sais quel trou du cul africain improbable (cela étant évidemment la moindre de leurs incompétences).

    Naturellement, pour cela, il conviendrait d’autoriser les docteurs à se faire payer un peu plus cher que les coiffeurs — plus deux-trois trucs ultra-libéraux.

    On parle beaucoup de rétablir le service militaire obligatoire, ce qui n’aurait aucune utilité ; mais lorsque la nation a vraiment besoin d’un service national comme celui des médecins, alors un minimum de contrainte dans le système me paraît légitime et même possiblement souhaitable.

    Après tout, les professeurs, les policiers et une tripotée d’autres catégories de travailleurs sont mutés géographiquement selon le bon plaisir du prince, ou plus exactement pour répondre (en principe) aux besoins des Français. Curieusement, ce n’est pas cette sujétion qui mobilise le plus les syndicats de fonctionnaires. Il faut donc croire qu’il y a des contreparties.

    Les médecins sont certes « libéraux », mais enfin ils sont en pratique payés par l’Etat. Donc à moins que les Français ne souhaitent une privatisation totale de l’assurance-maladie, et encore, à moins que les jeunes gens brillants et leur famille n’acceptent de payer la peau du Q pour des études assurant de confortables revenus à leurs rejetons, il ne me paraît pas scandaleux que la nation leur demande quelques contreparties rigoureusement nécessitées par l’objectif même de leur métier.

    L’époque veut que bientôt, il va falloir prier les gens d’accepter de travailler. C’est bien gentil de promouvoir le « bonheur au travail », le « droit à la paresse », le « revenu garanti » et autres « empowerment des collaborateurs », mais à force de flatter les caprices de chacun, la seule façon de faire fonctionner le système sera d’y injecter une dose de dictature (tout en important de plus en plus d’esclaves à la peau marron — comme quoi, rien n’a changé).

    Croyez bien que ce n’est pas mon genre de beauté, mais il serait regrettable qu’on en arrive à la situation de l’URSS, pardon : de la Russie, où les gens, dans les campagnes, en sont réduits à acheter des faux médicaments au marché parce qu’ils n’ont pas les moyens d’aller à la pharmacie, et où ils meurent sur place parce que non seulement il n’y a pas de médecins là où ils vivent, mais en plus ils ne peuvent même plus aller à l’hôpital, parce que la ligne de chemin de fer, seul moyen de s’y rendre, a été supprimée.

    • Les études de médecine ne sont gratuites qu’en théorie. Un étudiant qui ne suit pas des cours complémentaires (les écuries), privés et payants, n’a à peu près aucune chance au concours.

      Ce qui est amusant, c’est que des universités de médecine étrangère (portugaise en l’occurence, installée, il me semble, à Toulon) peuvent ouvrir des antennes en France. Des étudiants français peuvent ainsi devenir des médecins portugais et, avec le jeu des équivalence, exercer en France. Cela leur permet de contourner le sacro-saint numerus clausus et d’échapper à une bonne part des contraintes administratives à l’installation.

    • Entièrement d’accord avec Robert.
      J’aimerais connaître le coût de la formation d’un médecin pour le contribuable.
      Le problème est aussi que le jeune médecin français* est une femme qui n’a aucune envie de se tuer à faire des heures et des visites à domicile. Dont l’idéal est d’être fonctionnaire, genre médecin scolaire. Son mari est cadre sup, et les déserts médicaux sont aussi les déserts de la France périphérique sans emploi, sans entreprises, sans perspective.
      Même les Roumaines.

  4. La cour des comptes fait une analyse financière de gestionnaire sans évaluer aucunement la qualité du service rendu. Pourtant le panorama de santé 2017 OCDE qui vient juste d’être émis, a l’avantage de nous comparer aux autres pays et d’évaluer les performances. Et il y a de quoi s’interroger :
    – Perception de son état de santé, juste dans la moyenne OCDE et en dessous pour les plus de 65 ans
    http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/8117302e.pdf?expires=1512128302&id=id&accname=guest&checksum=9042968EF0C5A5D0F43DA90061EA025C
    – Fréquence de consultations moyenne par patient ; l’inflation en nbre d’examens IRM et scanners souvent inutiles ; et les dépenses pharmaceutiques
    – Les médecins les plus vieux de l’OCDE ce qui ne présage pas d’une amélioration future
    Certes, il peut y avoir beaucoup de facteurs qui interviennent mais quand même il y a des pistes…
    « tend à rendre les médecins parfaitement identiques et interchangeables entre eux et à dévaloriser leur travail
    et son symétrique :
    « tend à rendre les patients parfaitement identiques et interchangeables entre eux et à évacuer le principe de leur individualité.
    Des protocoles s’appliquent aveuglément. Dans la vie socialiste, on a le choix de choisir qui (le garage), quand et comment, soigner sa bagnole mais on n’a pas le choix pour sa carcasse !
    Les dépenses de santé à la charge du patient 1,4 % sont les plus faibles de l’OCDE, nous sommes champions dans l’irresponsabilité totale, de toute façon c’est gratuit !
    Pourquoi la CC préconise de développer des indicateurs de résultats bien technocratiques au lieu de laisser tout simplement le patient juger de la qualité des soins en fonction de ce qu’il a choisi et payé lui-même. A force de s’occuper de tout, l’Etat est en échec partout, pourquoi doit-il être aussi un mauvais assureur santé ?
    Au final, la CC préconise d’aggraver le mal pour mieux le soigner !

      • La médecine britannique est 100 % communiste, et c’est une vache sacrée des Anglais, pas question d’y toucher. Même la mère Thatcher n’a pas osé.

        Les journaux britanniques (plus honnêtes que les nôtres) sont bourrés d’histoires d’horreur concernant des erreurs de diagnostic élémentaires ayant provoqué la mort du patient (exemple : je vais dix fois chez le généraliste-fonctionnaire pour me plaindre d’une migraine anormale, dix fois il me dit que je suis une chochotte et que c’est juste un mal de tête, à la onzième fois on s’aperçoit que c’est un cancer au cerveau et je meurs peu après) ; ou bien, des cas innombrables de maltraitance criminelle à l’hôpital (le nombre de vieillards qui meurent de faim et de soif pendant qu’ils sont sous la garde des médecins communistes à l’hôpital est effarant).

        Cela étant, ils ont deux fois moins de lits d’hôpital par habitant que nous, ce qui n’est pas forcément un signe que notre système est bien organisé.

        [Rhââââ, la neige sur les blogs… pourquoi pas des GIFs animés de chatons, aussi ? D’ailleurs, donnez-nous des GIFs animés de chatons, tiens, ça nous changera de toutes ces conneries étatistes…]

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  6. L’autre truc rigolo, c’est que la Cour des comptes, éminente institution du monstre étatique françoué, joue le rôle (la plupart du temps) de think-tank ultra-libéral bourré d’ennemis du genre humain et de la justice sociale.

    Depuis quand a-t-elle adopté cette mission ? Qui a permis cette dérive ? Autant il est rafraîchissant de constater qu’une poignée de hauts fonctionnaires qui s’autorisent à s’autoriser nous jouent une autre musique que l’étatisme forcené de leurs collègues, autant il est étrange, et à mon avis anormal sur le plan constitutionnel, voire inquiétant sur le plan de la séparation des pouvoirs et donc des libertés, que des juges fassent profession de se prononcer non pas sur des infractions au droit, mais sur des points de doctrine économique et politique.

    Après tout, si la Cour des comptes a le pouvoir d’émettre des injonctions, ou même des conseils directifs en matière politique, qu’est-ce qui l’empêcherait de promouvoir, un jour, le dogme de la dépense publique bienfaisante, de la vertu de l’impôt et de l’interventionnisme de l’Etat ?

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