Enigmes & Jeux du 14 juillet 2017

Avec le week-end du 14 juillet qui approche, me revoilà avec mes jeux et mes énigmes ! On connaît le goût d’Emmanuel Macron pour les belles parades ; nul doute que notre fête nationale sera l’occasion d’un défilé grandiose qui régalera nos yeux patriotes de sa sublime beauté. Voici en plus, comme l’an passé et l’été d’avant, de quoi régaler et surtout aiguillonner vos esprits joueurs, avec en prime un petit cabinet de curiosités façon Perec en fin d’article.

J’en profite pour citer à nouveau quelques lectures de vacances pas banales. Dans l’ordre de mes recensions, vous lirez d’abord le Petit traité d’anti-écologie de h16. Avec amusement, et peut-être aussi avec un peu d’étonnement car le son de cloche n’est pas habituel. Parmi toutes les possibilités pour le h de h16, je crois qu’on peut éliminer Hulot définitivement !

Vous lirez ensuite Pulp libéralisme de Daniel Tourre et vous ne manquerez pas de consulter le Dantou, c’est-à-dire le site internet associé. Là, c’est simple : Dan pour Daniel et tou pour Tourre ! Enfin, vous découvrirez le charme des MOOC grâce à l’Ecole de la Liberté dont j’ai parlé récemment.

Et maintenant, place aux jeux. Toutes les solutions seront données ici le mardi 18 juillet. A mon habitude, je commence par l’intrigante littérature des définitions de mots-croisés :

1. Tristan Bernard : « Suit le cours des rivières »                      (11 lettres)
2. Tristan Bernard : « Moins cher quand il est droit »                (5 lettres)
3. Tristan Bernard : « Arrive souvent au dernier acte »             (7 lettres)
4. Georges Perec : « Emu et bouleversé »                                  (3 lettres)
5. Robert Scipion : « Héroïne pure »                                           (12 lettres)

Et ma préférée :
6. Georges Perec : « Premier désherbant connu »                    (6 lettres)

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PREMIER PROBLÈME
: L’anniversaire de Cheryl

Le problème de raisonnement ci-dessous, rapporté par le journal britannique The Guardian, a été posé à des élèves asiatiques de 14 et 15 ans lors de la Singapore and Asian Schools Math Olympiad de 2015. Ceci correspond à nos classes de 4ème et 3ème.

On sait que Singapour est toujours très bien placé dans les baromètres internationaux qui mesure le niveau des élèves, notamment en mathématiques, mais cet exercice particulier a fait le tour du web tant il a semblé difficile aux internautes de tous âges, d’autant qu’au début, on croyait par erreur qu’il s’adressait à des enfants de 10 à 11 ans, soit l’équivalent de notre CM2.

Les organisateurs de l’Olympiade ont précisé les âges mais ils ont aussi expliqué qu’en tant qu’exercice 24 sur un total de 25, il était difficile et avait pour but de sélectionner les meilleurs concurrents.

Voici à gauche l’énoncé original en anglais, et voici ma traduction en français :

Albert et Bernard viennent de faire la connaissance de Cheryl et ils veulent connaître la date de son anniversaire.

Cheryl leur donne une liste de 10 dates possibles : 15 mai – 16 mai – 19 mai – 17 juin – 18 juin – 14 juillet – 16 juillet – 14 août  – 15 août – 17 août.

Ensuite, Cheryl dit séparément et respectivement à Albert et à Bernard le mois et le jour de son anniversaire.

Albert : Je ne connais pas la date de l’anniversaire de Cheryl, mais je sais que Bernard ne la connaît pas non plus.
Bernard : Tout d’abord, je ne savais pas quand était l’anniversaire de Cheryl, mais je le sais maintenant.
Albert : Alors je connais aussi la date d’anniversaire de Cheryl.

Question : Quelle est la date d’anniversaire de Cheryl ?

Précision : « Séparément et respectivement » signifie que Cheryl dit secrètement à Albert le mois de son anniversaire et secrètement à Bernard le numéro du jour de son anniversaire.

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DEUXIÈME PROBLÈME
 : Le serpentin de calculs

Encore un exercice de maths impossible venu d’Asie ! Du calcul, cette fois-ci, et pour des enfants vietnamiens de niveau CE2 !

Une fois de plus, les internautes, alertés par The Guardian qui a repéré l’exercice, furent complètement déconcertés ! (Je ne donne pas le lien pour l’instant car il comporte les réponses).

Il semblerait cependant que le professeur qui a proposé ce serpent amusant à ses petits élèves n’ait obtenu aucune bonne réponse. Intrigué, il l’a montré à des adultes, et même à des collègues, qui furent tout aussi perplexes, du moins avec la méthode de résolution classique « papier crayon ».

Question : En partant du haut à gauche pour arriver au résultat 66 indiqué en haut à droite, remplir les 9 cases vides du serpentin avec les nombres entiers de 1 à 9, en les utilisant tous (donc forcément une seule fois chacun).

Précisions :

1. En l’absence de parenthèses, la division ( : ) et la multiplication ( x ) sont prioritaires. Ex : 2 + 3 x 4 = 14. On multiplie d’abord 3 par 4, puis on ajoute 2.

2. Il est possible d’écrire un petit programme pour résoudre l’équation. Ceux qui ont procédé ainsi disent qu’il y a plus de 100 solutions possibles.

3. Mais on va plutôt procéder « à la main ». La méthode consiste à poser l’équation avec 9 inconnues, à la simplifier et l’organiser autant que possible, puis à procéder par tâtonnements successifs. Sur Excel, même sans programmer, ça va quand même plus vite.

4. Les calculs avec fractions doivent avoir un résultat entier.

5. J’ai abouti au bout d’une petite heure – avec une solution qui n’est pas celle qui est généralement donnée dans la presse.


Dans le même ordre d’idée mais beaucoup plus simple
: Trouver 100 en utilisant uniquement
 tous les nombres de 1 à 9 une seule fois chacun à l’aide d’opérations simples (à choisir dans +, -,  x ou :).

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TROISIÈME PROBLÈME
 : Interlude Devinettes !

Attention, c’est follement intellectuel !

1. Comment cuire des carottes sans chauffer ?
2. Comment appelle-t-on un gendarme sur un tracteur ?
3. Qu’est-ce qui est rose et dur en rentrant et chaud et mou en ressortant?
4. Comment appelle-t-on un boomerang qui ne revient pas ?
5. Quel est le plat préféré des cannibales ?
6. Un éléphant rentre dans un bar. Que prend-il ?
7. Je reste dans mon lit mais je ne dors pas. J’ai des lacets mais pas de chaussures. Je coule mais je ne me noie pas. Qui suis-je ?
8. Grâce à moi elle est belle. Qui suis-je ?

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QUATRIÈME PROBLÈME : A la recherche du faux diamant

Vous avez un lot de 9 diamants d’apparences identiques dont vous savez que l’un, et seulement un, est faux. Vous savez aussi que ce faux diamant pèse moins lourd que les autres.

Vous disposez d’une balance à deux plateaux mais vous ne pouvez effectuer que deux pesées.

Question :          ??        ??Comment procédez-vous pour identifier le faux diamant en deux pesées ?

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CINQUIÈME PROBLÈME
: Les fausses pièces d’or

Vous avez 10 sacs contenant chacun n pièces d’or (n > 10). Sur ces 10 sacs, vous savez qu’un sac et un seul contient des fausses pièces d’or pesant 2 g chacune, tandis que les vraies pièces des 9 autres sacs pèsent 1 g chacune.

Vous avez par ailleurs une balance à un seul plateau qui affiche la masse de ce qui est posé dessus, mais vous ne pouvez effectuer qu’une seule pesée.

Question :          ??        ??
Comment procédez-vous pour identifier le sac contenant les fausses pièces en une seule pesée ?

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+ AMUSONS-NOUS  AVEC  LES  MOTS  COMME  GEORGES  PEREC

Georges Perec (1936-1982) était non seulement un génial concepteur de mots-croisés, mais aussi un formidable écrivain qui a réussi le tour de force d’écrire (en 1969) un roman d’environ 300 pages sans utiliser une seule fois le E, lettre la plus fréquente de la langue française !

Titré La Disparition, ce texte touffu et digressif a plongé plus d’un critique dans la perplexité. Qui ou quoi a bien pu disparaître ? Il paraît que même le grand e imprimé sur la couverture ne les a pas vraiment mis sur la voie !

A quoi ressemble un roman sans E ? Extraits :

« Anton Voyl (le héros) n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz (marque de réveil) marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut ; mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification. »

« Il ouvrit son frigo mural, il prit du lait froid, il but un grand bol. Il s’apaisait. Il s’assit sur son cosy, il prit un journal qu’il parcourut d’un air distrait. Il alluma un cigarillo qu’il fuma jusqu’au bout quoiqu’il trouvât son parfum irritant. Il toussa. » 

La Disparition fait au fond référence à des disparitions beaucoup plus douloureuses et intimes que celle d’une simple voyelle. Perec ouvre son roman sur des scènes d’émeutes et de drame universel : « Chacun haïssait son prochain ». En particulier, la déportation de ses parents en camps de concentration n’est jamais loin, les mots père et mère, exclus par construction, rappelant en creux l’absence des disparus.

Mais Perec aimait se donner des contraintes d’écriture afin de stimuler son imagination : « Qu’a contrario tout mot soit produit sous la sanction d’un tamis contraignant » disait-il (sans E).

En langue française, un texte délibérément privé de certaines lettres s’appelle un « lipogramme », du grec leipein signifiant « enlever ». La Disparition est donc dans sa forme un immense lipogramme qui n’est pas sans contenir une multitude d’autres formes de style de qualité olympique.

Le fait de se priver du E entraîne la disparition de certains mots (père et mère, comme on l’a vu) mais aussi des ajustements souvent amusants. Par exemple, « ni une, ni deux » devient « ni six moins cinq, ni dix moins huit » !

Autre curiosité célèbre, le roman contient un « pangramme » remarqué car étant écrit sans E il est aussi lipogramme. Un pangramme est une phrase intelligible contenant toutes les lettres de l’alphabet, chacune étant répétée le moins possible. Le summum de l’art consiste à n’utiliser les consonnes qu’une seule fois chacune.

Le pangramme le plus concis de la langue française est de plus un alexandrin parfait qui a été repéré dans un manuel de dactylographie de 1924. Les pangrammes étaient beaucoup utilisés en imprimerie pour voir l’effet de toutes les lettres une fois imprimées et en dactylographie pour tester les machines à écrire :

« Portez ce vieux whisky / au juge blond qui fume. »

Chez Perec, ce pangramme devient aussi lipogramme dans La Disparition :

« Portons dix bons whiskys à l’avocat goujat qui fumait au zoo. »

En anglais, le pangramme le plus fameux a le charme pittoresques de la campagne anglaise :

« The quick brown fox jumps over the lazy dog. »
Le rapide renard brun saute par-dessus le chien paresseux.

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Georges Perec était également un grand amateur de « mots carrés ». Il s’agit de mots croisés disposés en carré ne comportant aucune cases noires. Les mots le composant peuvent se lire horizontalement et verticalement (voir exemple 3 x 3 ci-contre).

Le carré devient carrément magique lorsqu’il est aussi « palindromique » !

Aïe, qu’est-ce que c’est que ça, encore ! Eh bien, un palindrome est un mot ou une phrase dont les lettres sont disposées symétriquement : il peut se lire de gauche à droite (jusque là tout va bien …) et aussi de droite à gauche. Exemples : ici – bob – ève – radar – Laval etc… Le mot palindromique le plus long de la langue française est « ressasser ».

Perec, homme de tous les records, est l’auteur d’un palindrome de 1 247 mots et 5 566 lettres ! Consultez le lien, c’est étonnant ! Mais pour rester dans des dimensions moins impressionnantes, on peut citer en français :

« Elu par cette crapule » (Marcel Duchamp)
ou « À l’étape, épate-la ! » (Louise de Vilmorin) 

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Pour en revenir aux carrés magiques, l’un des plus anciens connus est le Carré Sator qui peut se lire de haut en bas et de bas en haut, ainsi que de gauche à droite et de droite à gauche. On en a trouvé trace en plusieurs endroits dont Pompéi et le sud de la France. Il est formé du palindrome latin :

« SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS »

Une traduction possible est : « Le laboureur Arepo utilise les roues (c’est-à-dire une charrue) pour son travail. »

Sator signifie laboureur, Tenet veut dire tient , Opera veut dire travail et Rotas signifie roues. Arepo n’a pas de signification particulière ; c’est probablement un nom propre, peut-être inventé pour les besoins du palindrome. On n’en connaît aucune autre occurrence. Un tel mot, qui n’apparaît qu’une fois, est une autre bête curieuse littéraire, c’est un « hapax » !

Et maintenant, jouons façon Perec :

On pourrait parcourir ainsi vingt ans durant tous nos mots, tous nos romans, sans un instant non distrayant ou d’affliction, pour y voir sans fin du biscornu original. Mais voilà, tout finit ! Dans six jours, solutions ICI pour adoucir tous vos tracas alpha-digitaux ! Ah ah ! Pas trop mal, non ?

Je vous laisse méditer…
BON  WEEK-END  DU  14  JUILLET  2017
et Rendez-Vous mardi 18 juillet pour les réponses !


Solutions : ICI.


Pieces d'echecsIllustration de couverture : pièces du jeu d’échecs. Photo du site internet le Palais des Echecs.

6 réflexions sur “Enigmes & Jeux du 14 juillet 2017

  1. Serpentin :
    Je n’ai calculé que les plus et les moins soit un solde de 4 c’est à dire 62 dans la première case : 62 + 4 =66 et je comble les autres cases par des zéros. Puis en continuant la lecture je constate que le 0 n’est pas admis…pas de bol !
    ça ne change pas le problème, je mets n’importe quel chiffre dans les cases, je calcule pour voir la différence avec 66 que j’indique dans la première case.
    Test classique, détourner l’attention (nœud gordien)

    • Je crains que votre méthode ne marche pas à tous les coups. Avez-vous bien lu l’énoncé ? Il faut utiliser tous les nombres entiers de 1 à 9, veiller à ce que les ensembles avec fractions restent entiers et ne pas obtenir plus que 66 avant de calculer le nombre de la première case par différence. Ca fait quelques conditions … Ce ne peut pas être « n’importe quels chiffres ».

  2. 15 mai – 16 mai – 19 mai – 17 juin – 18 juin – 14 juillet – 16 juillet – 14 août – 15 août – 17 août.
    1- Albert a eu le mois et sait que Bernard ne peut pas déterminer la date avec le seul jour, donc ce n’est pas mai ni juin car ils sont les seuls mois à avoir respectivement un 19 ou un 18 (ce qui permettrait à Bernard de connaître directement la date exacte si son n° est 19 ou 18).

    2-Donc si Bernard peut en déduire le mois avec le seul n° du jour (après l’info donnée par Albert) c’est que ce jour est unique, soit 15, 16 ou 17 (pas le 14), Bernard connaît donc la date.

    3- Si Albert peut en déduire le jour c’est qu’il a le mois de juillet, sinon il aurait 2 choix possibles si c’était le mois d’août.

    Donc 16 juillet.

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