Hollande et le risque des extrêmes : de qui se moque-t-il ?

Comme un peu toute la France, qui ne parle plus que de cela depuis une bonne semaine, il semblerait que François Hollande ait vu surgir des sondages un risque politique majeur : et si on avait un second tour Mélenchon Le Pen ? Et si, dimanche soir prochain, il ne restait plus d’autre choix aux Français que les extrêmes ? Il ne sera pas dit que François, presque pape en l’occasion, ne mettra pas tout son poids moral, toute sa personnalité irréprochable, toute sa force de conviction et toute l’excellence de son fantastique bilan dans la balance du débat électoral pour alerter les Français et leur éviter pareil désastre. 

Aussi, après avoir beaucoup voyagé à l’étranger pendant les derniers mois de son quinquennat, le Président profite de ses ultimes jours à l’Elysée pour sillonner la France sans relâche. Il était à Niort, Besançon et Sochaux la semaine dernière, il doit se rendre en Saône-et-Loire aujourd’hui, puis en Seine-Saint-Denis, dans le Lot et en Bretagne les jours suivants. Partout où il passe, il livre un dernier « combat » pour la France et met en garde contre les extrêmes. A son poste jusqu’au bout, et tellement proche des Français jusque dans l’épreuve du vote qui nous attend dimanche : quel dévouement exemplaire, quelle conscience remarquable !

Il est vrai que la présidentielle 2017 a pris une tournure assez curieuse. Après avoir vu émerger des candidats qui se voulaient tous anti-système – soit en se disant ni de droite ni de gauche, soit en voulant appliquer une thérapie libérale à la France, soit en préconisant un protectionnisme pointilleux, soit en nous faisant saliver récemment sur les saveurs du bolivarisme à la quinoa – nous sommes revenus à une structure idéologique assez classique : Marine Le Pen est la candidate de l’extrême-droite, François Fillon est le candidat de la droite, Emmanuel Macron est le candidat socialiste et Jean-Luc Mélenchon est le candidat communiste.

Rien de bien nouveau, donc, si ce n’est qu’en 2012 ces quatre tendances, représentées par Le Pen, Sarkozy, Hollande et Mélenchon, faisaient la part belle aux « modérés » par rapport aux extrêmes :  Hollande et Sarkozy étaient à 27 / 28 % dans les sondages quand Marine Le Pen et Mélenchon décrochaient à 16 et 14 % respectivement. Pas d’ambiguïté sur l’issue du premier tour, même en tenant compte de la surévaluation de Mélenchon et de la sous évaluation de Le Pen dans certains sondages.

Or aujourd’hui, nos quatre candidats sont dans un mouchoir de poche autour de 20 % pour les sondeurs comme pour l’analyse big data de Filteris, bien que l’ordre d’arrivée soit variable. La probabilité d’un second tour aux extrêmes n’est donc certainement pas nulle.

Toujours est-il que François Hollande a bien vu tout l’intérêt qu’il pouvait tirer d’un peu de catastrophisme aigu d’ici le premier tour. Bien qu’ayant annoncé qu’il ne se prononcerait pas en faveur d’un candidat avant l’entre-deux tours, il multiplie les indices en creux pour faire ressortir Emmanuel Macron. Il s’alarme de la dislocation de la gauche, il s’alarme de la montée de Jean-Luc Mélenchon, il alerte contre le Front national, il « fait confiance à l’intelligence des Français » et il « appelle au renouvellement ». Il demande à ses électeurs de 2012 « d’aller vers ceux qui sont plutôt dans la suite » de son mandat. Ça paraît clair.

Dans un entretien avec Franz-Olivier Giesbert paru la semaine dernière dans Le Point, il explique encore plus clairement :

« Quand on est socialiste, on mène une politique sociale-démocrate »

On a du mal à croire qu’il puisse penser à Benoît Hamon, ancien frondeur et candidat socialiste officiel et naufragé. A son propos, il dit au contraire :

« Quand on est au gouvernement, on veille à être solidaire. Sinon, on se tient en dehors du pouvoir, dans l’opposition, en attendant le grand soir… »

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Donc attention aux extrêmes ! Mélenchon « a des facilités qui quelquefois tombent dans le simplisme » tandis que Marine Le Pen, comme son père avant elle, « met en cause les valeurs de la République ».

Il est bien évident que ce dernier travers est mille fois pire que les pires simplismes de Mélenchon, comme nous le montre clairement le petit clip ci-dessous (36″) annonçant l’émission C Politique de dimanche dernier. Il n’y est curieusement question que de Marine Le Pen. Il ne faudrait pas non plus trop insulter le futur proche. Imaginez par exemple un second tour Mélenchon Fillon. On voit mal Hollande se déclarer pour ce dernier.

Comme c’est beau cette dernière mission que le Président s’assigne pour l’avenir de la France et des Français ! Et comme c’est mignon cette attitude qui consiste à feindre de croire que le quinquennat qui vient de s’écouler ne serait pour rien dans l’horrible éventualité qui le chagrine tant !

François Hollande aurait-il tout d’abord oublié que pendant sa propre campagne de 2012, il ne pensait qu’à éradiquer la finance et mettre l’Europe au pas ? Aurait-il oublié qu’il avait lui-même proposé d’instaurer une tranche d’imposition à 75 % ? Ce n’était pas encore tout à fait les 100 % prévus par notre candidat insoumis, mais l’esprit d’extrême-gauche régnait déjà dans ses meetings et on se demande vraiment si les Français ont fait preuve de « l’intelligence » anti-extrêmes qu’il leur demande aujourd’hui en lui accordant leurs suffrages il y a 5 ans.

François Hollande aurait-il oublié ensuite qu’il a rapidement mené une politique sociale-démocrate inspirée par Emmanuel Macron, déjà une sorte de ni ni sans relief et sans résultats qui ne pouvait satisfaire ni ses électeurs d’alors ni ses opposants ?

Aurait-il oublié qu’il a donné la part belle aux réformes sociétales, avec le mariage pour tous accouché aux forceps, la contrainte pénale (plutôt que la prison) qui n’a rien fait contre la délinquance, et la lutte obsessionnelle contre le racisme et l’antisémitisme dans l’Education nationale plutôt que la revalorisation des contenus des programmes ?

Puis qu’il a foncé tête baissée dans tous les poncifs de l’extrême-droite pour lutter contre le terrorisme en proposant notamment la déchéance de la nationalité ?

Aurait-il oublié que le « choc de simplification » que la France entière appelle de ses voeux s’est traduit par toujours plus de contraintes et de réglementations et que s’il y a eu choc, c’est plutôt du côté de la fiscalité qu’il faut le chercher ? Ne s’est-il pas rendu compte que les jeunes diplômés ou les entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à quitter la France tant le ras-le-bol de ne jamais rien pouvoir faire sans l’avis et la paperasse de l’administration est immense ?

Aurait-il oublié enfin que ni le chômage, ni la dette, ni les prélèvements obligatoires, ni la croissance, ni le déficit public ne sont rentrés dans les clous promis en 2012 alors que nous venons de bénéficier d’un « alignement des planètes » (dollar, taux d’intérêt et prix du pétrole bas) particulièrement favorable ?

Loin d’aboutir à une France apaisée, le quinquennat Hollande a profondément divisé le pays. Il le laisse sur un pic de chômage jamais vu auparavant et dans un creux de croissance impropre à le faire refluer. 

Comment s’étonner dès lors qu’on observe confusion politique et montée aux extrêmes, tant du côté de ceux qui espèrent que Mélenchon tiendra les promesses de Hollande 2012 que de ceux qui s’accrochent à l’idée que Marine Le Pen va « remettre la France en ordre » ?

Monsieur Hollande, vous nous amusez en prétendant vous faire passer pour un Président noble et sage uniquement soucieux de l’avenir de la France et au-dessus des basses considérations de partis. Dévoilez vos intentions de vote dans une semaine si cela vous chante et faites semblant de croire que c’est un grand secret. Mais voilà ce que vous nous direz :

• Si Emmanuel Macron accède au second tour le 23 avril prochain (combinaisons Macron Le Pen, Macron Fillon ou Macron Mélenchon), vous vous prononcerez en sa faveur.
• Si c’est Mélenchon Fillon, vous ferez un beau discours sur les valeurs de gauche et vous appellerez à battre la droite et sa brutalité.
• Si c’est Fillon Le Pen, vous appellerez du bout des lèvres à battre l’extrême-droite.

Et si par malheur c’est Mélenchon Le Pen, vous ne contemplerez rien d’autre que le lamentable spectacle qu’offre la France à la fin de votre quinquennat. Penser que vous n’y avez aucune part est grotesque. Prétendre maintenant alerter les Français sur ce possible dilemme effroyable reflète l’hypocrisie et l’incompétence qui consacrent éternellement les petits Présidents.


Illustration de couverture : François Hollande en visite chez PSA à Sochaux le 14 avril 2017. Photo : AFP / Sébastien Bozon.

 

17 réflexions sur “Hollande et le risque des extrêmes : de qui se moque-t-il ?

  1. Le message en creux de FH est clair: il encourage à voter pour son héritier dans les faits. Vous avez aimé le quinquennat de Hollande? Votez Macron! Vou aurez les mêmes recettes. On ménage la chèvre et le chou. On taxe d’un côté, on arrose son électorat de l’autre.

    Dans le cas contraire et si vous avez un tant soit peu d’amour pour la liberté, il ne reste qu’un seul choix…

    • La tension augmente à l’approche du scrutin, aussi j’espère que vous ne m’en voudrez pas d’exprimer un « avis fort » sur le ci-devant : « François Hollande ? que les vers le mangent ! »

  2. Il aura eu le talent d’être grotesque et cynique à la fois, où qu’il aille et quel que soit le propos. Père Ubu qui a systématiquement fait monter le FN pour des raisons électoralistes et qui maintenant crie au loup. Pompier pyromane.
    Nathalie, vous invoquez l’alignement des planètes, mais ne savez vous pas que l’urgent au début du quinquennat Hollande étaient les lois sociétales ? Le Mariage pour Tous ? On est toujours étonné de l’obsession de la gauche à « changer la société ».

  3. Le mot dignité dans la bouche de hollande devient une insanité…
    Pour fh seule compte sa carrière politique sur laquelle il est focalisé. Rien ne le détournera de ce seul dessin. Pour ça il est prêt à toutes les compromissions et à tous les stratagèmes, y compris les plus sordides. C’est l’exemple même du politicard vérolé au dernier degré tel que généré par notre République en décomposition. C’est un politicien retors, intelligent, tenace, persévérant. Il avait une priorité, maintenir les rapports de force dans sa majorité, c’était son seul problème, et sa seule vraie compétence. Sinon, aucun scrupule et aucun avis sur rien. On peut lui faire confiance pour avoir plus d’un coup tordu dans son sac en réserve avant de s’avouer vaincu… Et le ralliement à Macron en fait partie et on peut même imaginer qu’il a participé à la création de la bulle Macron pour se débarrasser des frondeurs et du PS…

  4. Hollande et le risque des extrêmes : de qui se moque-t-il ?
    Réponse simple : de nous…
    Hollande aurait sans doute beaucoup intéressé les historiens de l’antiquité, comme Tacite ou Suétone. Il représente en effet un archétype, celui du politicien médiocre, cynique et vaniteux. C’est à ce titre qu’il va entrer dans l’histoire, au coté de Néron et des rois fainéants, comme un exemple des dégâts que peut provoquer une erreur dans le choix d’un dirigeant, comme la preuve que la médiocrité satisfaite d’elle même est plus destructrice que tout.
    A son corps défendant, il va peut-être cependant réussir une bonne action : en soutenant Macron, il réussira, avec un peu de chance, à le couler.

  5. Bon d’accord, on peut tous l’accabler mais je rappelle qu’une majorité a voté pour lui en 2012 !
    Pourtant le récitatif  » Moi président, je … » était absolument grotesque mais j’en ai quand même entendu beaucoup autour de moi me rassurer que ce serait un bon président….
    Tant que les français croient que l’Etat et la république ont le pouvoir de réduire le chômage, déjà il y a un leurre. L’Etat peut juste créer des conditions favorables à l’embauche de la part d’entrepreneurs qui parient sur un avenir en France et pour que la confiance revienne, il faut du temps…
    Par ailleurs nos candidats sont tous des professionnels de la politique, ils n’ont quasiment jamais rien fait d’autre, Hollande et Macron (et la plupart des autres) en sont des archétypes. Ils n’ont quasiment jamais travaillé dans le réel et se payent même le luxe de n’avoir jamais été élus. Résultat logique, ce sont des as du marketing politique.
    Alors il faut pas pleurer ou pousser des cris d’orfraie si tout à coup on découvre les accointances (avec les journalistes), les connivences (avec les patrons du CAC), les usages (avec les potentats locaux), les habitudes (multi-mandats reconduits presque à vie, les emplois de complaisance), le sociétal hors champ.
    Nous avons affaire à de purs produits de la politique tels que ceux qui sont fabriqués en France, des produits presque parfaits et la règle du jeu, on peut pas la changer pendant la partie (les élections).

    • Hollande a été un accident. Merci Nafissatou, merci Dodo la Saumure.
      Sa tirade grotesque « Moi Président, je… » m’a fait, pareillement, éclater de rire, j’ai pensé qu’il était foutu, comme Ségolène avec sa « juste colère ». Et bien non, les veaux l’ont élu. Et les veaux sont tout à fait capables de revoter pour un bouffon à la Mélenchon ou un produit marketing à la Macron.
      Et on en reprend pour 5 ans de socialisme.

  6. Bravo ! article très viril et portrait du sortant magistralement brossé.
    Cinq longues années de médiocrité et d’erreurs de jugements dont les trajectoires risquent d’être longue à corriger…
    Bref, vivement que cet individu s’en aille, c’est le meilleur cadeau qu’il puisse faire à la France.

  7. @ Tous : merci beaucoup pour vos commentaires.
    « Vivement qu’il s’en aille », le souhait de toute la France, semble-t-il.
    En écrivant, j’avais en quelque sorte dans l’idée de faire mes adieux à ce personnage de la commedia dell’arte politica. J’espère vraiment que cet article est bien le dernier que je lui consacre !

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