François Hollande, 1er touriste de France !

On a bien ri la semaine dernière lorsqu’on a appris que le fantomatique ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux, démissionnaire pour une petite histoire ordinaire d’emplois fictifs, était remplacé par le ministre du Tourisme alors que l’État d’urgence est théoriquement toujours actif :

En effet, « ça en dit long ». Le gouvernement n’avait certainement pas l’intention de nous faire rire avec son petit remaniement précipité, et si le télescopage dans les termes est hautement cocasse, il suscite malgré tout un certain nombre de pensées qui portent moins à l’hilarité. Car à y regarder de plus près, le tourisme est clairement l’un des éléments caractéristiques du quinquennat Hollande, au propre comme au figuré. 

En 2012, on pensait qu’avec l’affreux Sarkozy, on avait atteint un point max indépassable question hyper présidentialisation et dégradation de la dignité de la fonction. C’est du moins ce dont les partisans de François Hollande cherchaient à nous convaincre à l’époque en repassant en boucle tous les épisodes exorbitants de son quinquennat, mélange essentiel de casse sociale, bling-bling et Fouquet’s.

Parmi toutes ses outrances, parmi le toujours plus qui semblait marquer sa façon de gouverner, Le Point avait relevé qu’avec 167 déplacements officiels à l’étranger, Sarkozy avait été de loin le Président voyageur le plus remuant de la Vème République.

Il s’avère aujourd’hui que dans la catégorie tourisme à l’étranger, l’agitation vibrionnante de l’infâme Sarkozy a été largement dépassée par son successeur. Le Monde nous apprend en effet que François Hollande en est à 206 séjours internationaux, soit 23 % de plus que l’horrible Sarkozy ! C’est coquet. A ce jour, il a visité 77 pays différents, dont la moitié en Europe et dont la moitié de cette moitié en Belgique et en Allemagne. (Voir détail dans le tableau ci-contre).

Depuis qu’il a annoncé sa renonciation, le rythme ne s’est pas ralenti, bien au contraire. Il a passé le début de l’année en Irak, puis au Mali, puis au Chili, puis en Colombie. Il est actuellement en tournée en Asie, avec des escales à Singapour, en Malaisie et en Indonésie.

Comme souvent, le Président se déplace avec le Rafale sous le bras. Il se trouve que la Malaisie a manifesté de l’intérêt pour notre avion de combat. S’il est un talent dont on pourra créditer Hollande, c’est bien celui de VRP pour le groupe Dassault Aviation. Jusqu’en 2015, le Rafale n’avait décroché aucun contrat à l’exportation, alors que ses premières livraisons à l’armée française dataient de 2001. Depuis, la France a signé des contrats avec Le Qatar et l’Egypte pour 24 appareils chacun et plus récemment avec l’Inde pour 36 appareils. Dire que je m’imaginais que les ventes d’armes horrifiaient les socialistes ! C’est fou les idées fausses qu’on peut se faire.

On admirera l’abnégation dont François Hollande fait preuve en pareilles occasions. Il n’hésite pas à se rendre dans des pays où l’on croyait que seul l’ignoble Sarkozy osait poser le pied tant ils sont à l’opposé de ce que notre gauche bienpensante conscientisée nous rabâche à longueur de pétitions, manifs et autres interventions télévisées sur les droits de l’homme et le « vivrensemble » consubstantiels à tout socialiste digne de ce nom.

Avant Hollande, on reprochait beaucoup au Qatar de soutenir les djihadistes, de condamner les homosexuels à mort et de maltraiter les immigrés sur les chantiers de construction pour le Mondial de foot 2022. Mais au bout de 24 Rafales, tout a changé. La signature d’un tel contrat (mai 2015) valait bien un petit déplacement et une bonne dose d’amnésie diplomatique.

De même, François Hollande n’a pas hésité à poursuivre son périple jusqu’en Arabie saoudite alors que le traitement violent et tyrannique réservé au blogueur Raif Badawi (dix ans de prison, 1 000 coups de fouet et une amende de un million de Ryals pour 14 articles réclamant plus de liberté) répandait la consternation dans le monde entier et alors que les mises à mort par décapitation au sabre se succédaient et se succèdent toujours à un rythme élevé.

Dans ce cas, pas de vente de Rafales en perspective, mais l’assurance de financements pour les appareils achetés par l’Égypte. Ce sont au total quatre déplacements qui auront eu lieu dans ce pays où François Hollande, très à l’aise avec les coutumes locales, s’est payé l’amusante distraction de manier le sabre et nous a gratifié d’une de ses fameuses petites blagues pas drôles (voir tweet ci-dessous signé Adrien Gindre, journaliste à BFM et manifestement grand flagorneur des puissants) :

Très logiquement, en remerciement d’une hospitalité riche en folklore local coloré, François Hollande s’est empressé de décerner la légion d’honneur au prince héritier d’Arabie saoudite quelques mois plus tard. Il sait comme personne reconnaître et récompenser nos vrais amis, de ceux qui pourraient constituer des modèles pour la France, patrie éternelle des droits de l’homme et de la morale en politique.

A ce titre, François Hollande n’a pas hésité non plus à se déplacer à Cuba pour rencontrer Fidel Castro et vivre un « moment d’histoire avec lui ». Il est vrai que le Líder Máximo était un homme charmant, particulièrement connu pour sa grande tolérance et son immense bienveillance pour son peuple. Il nous a quitté récemment en laissant son pays dans un état de bonheur et d’abondance indicibles.

Ses obsèques (décembre 2016) donnèrent à Ségolène Royal, ministre et ex-compagne de Hollande, l’occasion de faire elle aussi un peu de tourisme, ainsi que la preuve de son intransigeance totale en matière de droits de l’homme.  Selon elle :

« Grâce à Fidel Castro, les Cubains ont récupéré leur territoire, leur vie, leur destin. »

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Comme souvent également, le Président ne se déplace jamais sans une touche glamour apportée par la présence d’actrices à ses côtés. Il est justement prévu que Catherine Deneuve participe demain à Jakarta à un défilé de couture franco-indonésien et qu’elle fasse « rayonner » le cinéma français sur son sublime passage.

Au nombre des accomplissements majeurs du quinquennat Hollande que les socialistes aiment beaucoup faire valoir en ces temps de campagne électorale, il importe d’évoquer le succès phénoménal de la COP21, ce grand rassemblement parisien de tous les chefs d’Etat de la planète ou presque, destiné à venir à bout de l’horreur climatique.

      

Car si François Hollande a tant voyagé, ce fut aussi pour vendre sa précieuse conférence aux quatre coins du monde. Et comment faire passer le message que :

« Les scientifiques ont fait leur travail ; désormais, c’est aux gouvernants d’agir » ? (selon les mots de Laurent Fabius) 

En se faisant accompagner aux Philippines par deux charmantes actrices, Mélanie Laurent et Marion Cotillard, chargées de lancer l’Appel de Manille (ci-dessus à gauche et à droite respectivement). On voit que le Président est conquis par le spectacle, il ne se lasse pas d’applaudir – à ses propres déclarations, finalement. Comme tout ceci est bien mis en scène !

Bien entendu, les nombreux déplacements présidentiels (en avion souvent, en scooter parfois) sont à exclure d’office des émissions de CO2. Ce n’est pas comme vous et moi en voiture, ou comme la PME qui se bat pour conserver ses marchés et ses emplois. C’est complètement différent, c’est pour la bonne cause. C’est pour la lutte contre les émissions de CO2, c’est logique.

Tout globe-trotter du « vivrensemble » qu’il soit, on pressent cependant que François Hollande ne va pas se précipiter pour aller visiter la Guyane une dernière fois. D’une part parce qu’il est en Asie, excellente excuse pour tout oublier, y compris et surtout ses promesses sur le chômage. Et d’autre part parce que l’actrice géniale qui parviendrait à calmer les esprits passablement échauffés des Guyanais n’est probablement pas encore née. Les actrices du camp du bien ne sortent que si elles sont assurées d’être applaudies.

Alors que cette région d’outre-mer était totalement absente de nos écrans radars, sauf événement exceptionnel concernant la fusée Ariane ou nouvelle intervention poético-fumeuse de Mme Taubira, elle a surgi d’un seul coup en une de nos journaux, et pas pour des raisons dont il y a lieu de se réjouir. Il s’avère au contraire que tout y va très mal malgré une politique socialiste typique d’emplois aidés, d’assistanat et de subventions pour tout et tous. Terrible revers pour Hollande, le chômage, pas le moins du monde retourné, y dépasse les 20 %.

Le chômage, vous savez, ce petit problème qui monte, qui monte, qui monte, et que François Hollande, fraîchement débarqué sur son lieu de villégiature préféré, c’est-à-dire l’Hôtel de l’Elysée, avait promis d’anéantir en deux temps trois mouvements. À l’écouter à l’époque, ce devait être chose faite en septembre 2013. Or son mandat s’achève sur 3,5 millions de chômeurs fermement accrochés en catégorie A en métropole et 5,8 millions pour l’ensemble des catégories A, B et C en France entière. En mai 2012, ces chiffres étaient 2,9 et 4,6 respectivement.

S’il est un pays où François Hollande s’est montré particulièrement bon touriste, c’est bien la France.

Tout ce qu’il aurait fallu faire baisser a augmenté : le chômage, la dette, les dépenses publiques et les prélèvement obligatoires. Tout ce qui aurait dû être plus élevé est resté bas ou poussif : la confiance, la croissance, la création d’emplois marchands, etc… Symptôme de tout le reste, la popularité de M. Hollande a dégringolé (graphique).

Dans le style pom-pom girls dans ses bagages, vente d’armes aux États voyous, droits de l’homme quand ça l’arrange, chômage au plus haut, et pays au bord de la crise de nerfs d’un bout à l’autre de son mandat, François Hollande mérite plus qu’amplement le titre de premier touriste de France.


Illustration de couverture : François Hollande avec le Premier ministre indien Narendra Modi lors d’un déplacement en Inde en janvier 2016. Photo : Stéphane de Sakutin, AFP.

16 réflexions sur “François Hollande, 1er touriste de France !

  1. Féroce mais réaliste.
    Le tourisme est encore un trompe-l’oeil de ce pays. Sa dernière force mais pour combien de temps ??
    Et le touriste en chef a pris de bonnes vacances pendant 5 ans.
    Son but n’était sans doute pas de réussir mais d’accéder à la retraite de président.

    • Pas mieux! L’insignifiant opportuniste qui occupe encore pendant quelques semaines le poste de chef d’Etat va nous couter 2.5 millions d’euros par an (c’est le tarif idem chirac et vge). Et pour lui c’est la fortune sans souci jusqu’au décès avec réactualisation annuelle comme tout bon fonctionnaire…

  2. Des paillettes bas de gamme qui ne sauraient cacher le triste spectacle de ce quinquennat. A comprendre que seuls ceux qui acceptent de jouer les idiots (journalistes en premier lieu) relatent ces « bonnes actions » : « la Cop21 c’est bien », « il a vendu des rafales, quel cocorico pour la France »… Pour le reste, la majorité silencieuse qui préfère le rester pour ne pas se faire taper dessus par les bienpensants, c’en est tellement affligeant que la claque que vont se prendre les socialistes va être aussi record que l’abstention aux prochaines élections

  3. Le tourisme, c’est l’art de transporter des gens qui seraient mieux chez eux, dans une région qui serait mieux sans eux. Cela s’applique parfaitement pour Hollande à l’Elysée.

  4. Et sans vouloir défendre l’affreux Sarkozy, quelques bémols factuels à décharge :
    – Beaucoup de déplacements mais il a assuré la présidence du Conseil Européen en 2008 ;
    – Bling-bling au Fouquet’s mais je ne compte pas le nombre d’étrangers qui m’auront demandé l’adresse pour vite y courir donc pub gratis (du prestige de la France), c’est du même style que les costards ou les cravates portés par les émules.
    – Effectivement dégradation ou irrespect de la dignité de la fonction mais il se trouve que j’étais au festival d’Orange qui a directement suivi son élection (largement incontestable) et lorsqu’il est apparu deux rangs derrière moi, il y a eu sifflets et applaudissements alors qu’en d’autres époques, on aurait dû se lever en silence !
    Malheureusement le mal est plus profond et a précédé très largement l’élection de Sarkozy.

  5. Quand on a pas envie de travailler et pas de chef sur le dos, quoi de mieux qu’un petit voyage tout frais payés pour oublier que les sondages nous donnent à 10 %. En France, il est sifflé, à l’étranger applaudi.

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  7. Je ne suis pas persuadé qu’un voyage d’état soit une partie de plaisir pour un président. Nous sommes plus dans du persiflage de supporter que dans du commentaire politique. Je préfère NathalieMP quand elle prend plus de hauteur.

  8. @ Tous :
    Le ton de cet article est clairement pamphlétaire, et j’ai bien évidemment profité des stats sur les voyages présidentiels pour filer la métaphore, comme on dit.
    Mais il vise aussi à mettre en évidence une réalité particulièrement désagréable du socialisme : ses adeptes ne parlent que générosité, partage, égalité, solidarité, droits de l’homme et citoyenneté. C’est toujours la main sur le coeur – et le mépris aux lèvres pour les gens qui pensent comme moi qu’il faudrait être plus « fiscal-conservative » pour assurer une certaine réalité à toutes ces valeurs – qu’ils s’expriment et qu’ils se déclarent ravis de payer des tonnes d’impôt. Il n’empêche que quand on les voit effectivement à l’oeuvre en politique, ils sont nombreux à faire exactement l’inverse. Voir Cahuzac et Thévenoud, voir Hollande en Arabie saoudite ou avec Castro, etc…etc…
    Ce qui précède n’implique nullement que la droite n’ait pas à faire aussi le ménage chez elle. Mais elle a au moins le bon goût de ne pas faire perpétuellement la morale à tout le monde (du moins pour l’instant…).

      • Simplement que mollande a été le VRP de Dassault alors qu’il n’a pas été le VRP de ces trois là (que je n’aime pas plus que vous surtout quand on sait pour quel pays ils roulent vraiment et vers quel pays partent les données qu’ils pillent sur nos systèmes informatiques ou de communication !)

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