Hamon / Primaires : Aïe, encore un « vrai » candidat de gauche !

Mise à jour du dimanche 29 janvier 2017 : Benoît Hamon remporte les primaires de gauche avec environ 59 % des voix contre 41 % à Manuel Valls. Portrait et péripéties du premier tour ci-après.

Mise à jour du lundi 23 janvier 2016 –  matin : La primaire de la Belle Alliance Populaire, dite aussi « primaire citoyenne » ou primaire de gauche en vue de l’élection présidentielle d’avril et mai 2017, a réuni hier 1,6 millions de votants (selon les décomptes laborieux et contestés du PS), soit nettement moins qu’en 2011 (2,6 millions) et nettement moins que la primaire de droite de novembre 2016 (4,3 millions).
A l’issue du 1er tour, Benoît Hamon est arrivé en tête avec 36 % des voix et Manuel Valls le suit avec 31 %. Arnaud Montebourg, en 3ème position avec 17 %, s’est désisté sans surprise en faveur de Benoît Hamon.

Mise à jour du lundi 23 janvier 2016  – 19 h : Devant la polémique sur les chiffres de participation à la primaire qui a pris de l’ampleur toute la journée, le PS admet un bidouillage malheureux dans ses reports de résultats et l’attribue avec courage à la connerie d’un permanent ! Il a ensuite fait de son mieux pour essayer de retomber sur ses pattes de petite brebis innocente : communiqué de la haute autorité de la primaire. Ah, le PS de Cambadélis, quel parti honnête et sympathique !

Pour faire connaissance avec les candidats du second tour, voici un portrait de Benoit Hamon. Un portrait de Manuel Valls est également à lire ici. 

contrepoints-2Enfin la rentrée. Quel soulagement pour les hommes politiques ambitieux qui se verraient bien incarner dès l’an prochain un destin glorieux pour la France ! Ceux qui ne sont pas encore vraiment déclarés piaffent d’impatience depuis des mois dans leurs starting-blocks. Septembre arrivant, ils peuvent enfin se lâcher ! Politique française, élection présidentielle de 2017, primaire à droite, primaire à gauche : les affaires reprennent dans le droit fil de ce qu’on pouvait attendre avant l’été.

Et à gauche justement, les candidatures s’égrènent comme prévu : après Gérard Filoche, Marie-Noël Lienemann, François de Rugy, et Jean-Luc Bennahmias, qui ont pris les devants, toujours pas de Martine Aubry, malgré ses éruptions sporadiques typiques contre le gouvernement (elle a déclaré forfait vendredi), mais un Hamon très sérieusement officiel depuis mardi 16 août dernier, qui vient compliquer la tâche d’un Montebourg probable dès ce dimanche lors de sa Fête de la Rose.

En réalité, tout n’est pas exactement « comme prévu » à gauche. La tradition voulant que le Président sortant soit le candidat « naturel » de son camp politique, le Parti socialiste merveilleusement réuni avec tous ses partenaires « pluriels » n’aurait dû concourir que sous la bannière étoilée des mille réussites de François Hollande. Las, acrobate réputé de la synthèse entre le chaud et le froid, le vrai et le faux, le pathétique et le médiatique, le « ça va mieux » et le « pas de bol », ce dernier a juste réussi à dégrader un peu plus la situation économique et sociale de la France et à réunir contre lui depuis tous les azimuts politiques une opposition à peu près aussi nombreuse qu’il y a de Français et de formations politiques en France.

Sous ses dehors Belle Epoque, guinguettes et promenades en barque à la faveur des acquis du Front Populaire, même la « Belle Alliance Populaire », dernière martingale marketing du roué Cambadélis, n’est qu’un pauvre cache-misère de l’éclatement de la gauche. En fait d’alliance, s’y retrouvent les rangs clairsemés du PS, du PRG et des écologistes fidèles au Président. Ni le PCF, ni le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, ni ce qu’il reste d’EELV ne souhaitent se mêler à cette affaire de primaires organisées par défaut (et fixées aux 22 et 29 janvier 2017). Pour ceux qui se disent encore fidèles au Président, il n’en est pas moins question d’ouvrir un débat sur les orientations souhaitables d’une candidature de gauche et de faire de la concurrence au futur « candidat naturel » François Hollande.

Quant à Arnaud Montebourg, si sa candidature est imminente, il n’est pas du tout certain qu’elle se fera dans le cadre des primaires (MAJ 18 h : Arnaud Montebourg a annoncé se présenter à l’élection présidentielle sans parler de primaires et il invite François Hollande à « bien réfléchir à sa décision » de se représenter, dans l’intérêt supérieur du pays !)

Dès janvier 2016, des voix s’étaient élevées au sein du PS et sur sa gauche pour demander l’organisation d’une primaire à gauche compte tenu du grand écart constant de François Hollande par rapport à ses promesses de campagne de 2012. Les pétitionnaires déploraient notamment « les renoncements face aux inégalités sociales, à la dégradation environnementale, aux discriminations et à l’affaissement démocratique. » 

Benoît Hamon ne dit pas autre chose. Dans son annonce officielle de candidature à la primaire de gauche, il fait le constat que :

« Les quinquennats se succèdent, les hommes providentiels aussi, mais les problèmes des Français restent sans solutions. (…) C’est le chômage de masse qui s’aggrave, c’est la pauvreté qui augmente, c’est l’égalité qui va mal dans notre pays. (…)

Vous imaginez ce qu’on est prêt à sacrifier pour 1/2 point de croissance ? Le code du travail, des milliards d’argent public, la remise en cause de notre environnement. (…)

Pire que cela, c’est aussi notre modèle démocratique qui est en crise. » 

Plus spécifiquement, Benoît Hamon propose de lutter contre le chômage et la pauvreté par l’abrogation de la loi Travail, qui ne pourra que « fragiliser » les salariés, l’instauration d’un revenu universel d’existence (celui-là même que les Suisses, dans leur grande sagesse, ont refusé) et la continuation de la baisse du temps de travail. La justification de telles mesures est classique mais alarmiste : selon lui la révolution numérique en cours menace 43 % des emplois – la précision à l’unité du chiffre donné étant probablement censée en garantir la totale exactitude.

Sur le plan de la vie démocratique, échaudé par l’utilisation répétée du 49.3, il prône une évolution constitutionnelle afin que « le chef de l’exécutif ne soit plus irresponsable devant le Parlement et qu’on ait les moyens de contrôler l’action de l’exécutif. » Il est favorable à l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les élections législatives, ainsi qu’à la reconnaissance du vote blanc.

Enfin, dans la lutte contre les violences générées par l’économie souterraine, il se prononce pour la dépénalisation du cannabis dont la distribution serait contrôlée par l’Etat – vive les taxes !

On ne sait pas encore exactement ce qu’Arnaud Montebourg va nous dire aujourd’hui (dimanche 21 août 2016), car il s’est fait une spécialité des déclarations tonitruantes quitte à changer souvent d’approche et de partenaire de contestation, mais dans l’ensemble, on ne peut que constater les grandes similitudes qui existent entre les nombreux candidats de gauche prêts à en découdre face à Hollande. Ils souhaitent avant tout l’application d’un programme bien identifié à gauche comme l’extrême-gauche les affectionne, avec retraite à 55 ou 60 ans, 32 heures de travail par semaine et semaine de quatre jours, hausse brutale du salaire minimum, autorisation administrative de licenciement et patriotisme économique, quitte à se retrouver dans la situation catastrophique actuelle du Vénézuela, pays qui a eu à coeur d’appliquer scrupuleusement la plupart de ces mesures avec un accroissement garanti de la pauvreté et l’effondrement tout aussi garanti des forces productives.

Ça pourrait presque passer pour amusant quand on se rappelle qu’Arnaud Montebourg, selon un titre qu’il avait lui-même concocté, était ministre du « redressement productif » dans les gouvernements Ayrault et que Benoît Hamon y fut lui-même ministre délégué à l’économie « sociale et solidaire ». Qu’ont-ils fait à leurs postes ? Eh bien, ils ont beaucoup intrigué pour évincer le premier ministre Jean-Marc Ayrault jugé affaibli sans possibilité de rebondir, et le remplacer par un homme plus jeune, plus dynamique et plus populaire dans l’opinion, j’ai cité Manuel Valls.

Ce fut chose faite après la défaite de la gauche lors des élections municipales de 2014. Hamon quitte le portefeuille de l’économie sociale et solidaire où il a travaillé à l’introduction des actions de groupe dans la cadre d’une loi consommation pour rééquilibrer les rapports entre les consommateurs et les grosses entreprises, et il devient ministre de l’Education. En dépit du changement de Premier ministre qu’il a encouragé, ses vives critiques à l’égard de la politique économique du gouvernement persistent. Fin août 2014, il est contraint de quitter le gouvernement, tout comme Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti. Il sera donc resté moins de cinq mois en poste rue de Grenelle avec pour mission essentielle d’adoucir les tensions nées des réformes prévues par Vincent Peillon sur les rythmes scolaires et les ABCD de l’égalité.

Né en 1967 en Bretagne, Benoît Hamon est au civil un joueur amateur de rugby estampillé beau gosse et titulaire d’une licence d’histoire. Il a travaillé pendant quatre ans pour l’institut de sondages Ipsos (de 2001 à 2004).

Pendant son adolescence, il suit son père, chef de travaux à l’arsenal de Brest, lorsque celui-ci est envoyé en coopération pendant quatre ans au Sénégal. De retour en France, il est choqué par « l’uniformité blonde » qui règne dans les salles de classe.  Il adhère alors à SOS racisme, se rapproche de l’UNEF à la faveur des manifestations lycéennes contre la Loi Devaquet (1986) et adhère finalement au PS à l’âge de 19 ans. Il s’y engage à fond tout en se faisant une spécialité des sécessions et des petites révolutions de palais : sous sa houlette, le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) quitte le Parti socialiste sous le nom de Nouvelle Gauche en 1993, puis en 2002, après l’échec de Jospin, il crée le Nouveau Parti Socialiste (NPS) avec Arnaud Montebourg, Julien Dray et Vincent Peillon.

Cette apparente indépendance d’esprit ne l’empêche pas de se placer successivement dans le sillage de poids lourds du PS tels que Rocard, Aubry (il sera son conseiller politique au ministère du Travail), Fabius (après son élection comme député européen en 2004), puis Hollande (premier secrétaire) qui le nomme porte-parole du PS en 2007.

Lors du congrès de Reims de 2008, il est le premier signataire d’une motion (C) qui rassemble toute l’aile gauche du PS. Elle arrive en quatrième position avec 18,5 % des voix. Certains signataires, dont Jean-Luc Mélenchon, quittent le PS et fondent le Parti de Gauche. A l’inverse, Benoît Hamon se présente au poste de premier secrétaire, obtient 22 % des voix au premier tour contre Royal et Aubry et se désiste en faveur de Martine Aubry (qui l’emportera finalement dans un scrutin célèbre pour ses nombreuses et rocambolesques irrégularités).

Sur le fond, Benoît Hamon est un ardent partisan de l’intervention de l’Etat et de la limitation du libre-échange. Il explique lui-même son positionnement à la gauche de la gauche en ces termes :

« En travaillant sur le modèle social français, sur la régulation de l’économie et la puissance de l’Etat, j’ai enraciné mon engagement à la gauche du parti. »

Actuellement, il est député des Yvelines et conseiller régional d’Ile de France. Souvent jugé par certains collègues du PS comme très opportuniste, souvent raillé pour son archaïsme économique façon Henri Emmanuelli ou Gérard Filoche, il est aujourd’hui candidat à la primaire de gauche contre François Hollande.

Avec l’exemple de Benoît Hamon, on voit qu’il ne suffit pas d’être un opposant à la politique de François Hollande pour faire des propositions positives pour la France et les Français. Il existe encore chez nous tout un courant de pensée politique qui n’a tiré aucune leçon de l’effondrement de l’Union soviétique ni des tentatives « sociales et solidaires » dont on voit aujourd’hui les effets délétères en Amérique latine, que ce soit à Cuba, au Brésil ou au Vénézuela. 

François Hollande a échoué car il ne s’est pas franchement détaché des politiques de dépenses publiques, de dette et d’impôts qui plaisent tant à son camp, tout en prétendant en permanence vouloir mener une politique moderne de « libéralisation » à la Macron dont le seul mot, même prononcé en chuchotant, donne des vapeurs à toute la gauche. Rien de tel pour resserrer les liens d’une gauche électoralement fragmentée mais bien d’accord pour dénoncer une austérité et un ultra-libéralisme purement fantasmagoriques (rappelons-nous : la dépense publique atteint 57 % de notre PIB).

Hamon Président, comme Montebourg, Filoche ou Lienemann Président, c’est la certitude que l’échec sera au bout du chemin. Soit les candidats appliquent leur programme sans trembler (comme Mitterrand et son programme commun en 1981) et la catastrophe sera directe. Soit les candidats, une fois « aux responsabilités », s’aperçoivent soudain que la France fait partie d’ensembles plus grands qu’on appelle l’Europe, qu’on appelle le monde, et ils tentent d’appliquer leur programme tout en ménageant plus ou moins bien le contexte économique global, et la catastrophe sera identique à celle de Hollande.

Car, rappelons-nous, lors de la campagne de 2012, Hollande  parlait comme Hamon et Montebourg aujourd’hui. 


Benoit Hamon Rose AFPIllustration de couverture : Benoît Hamon en 2014 à la Fête de la Rose (animation Montebourg) – © Photo d’archives Jeff Pachoud – AFP.

5 réflexions sur “Hamon / Primaires : Aïe, encore un « vrai » candidat de gauche !

  1. Y’a pas à dire, le socialisme c’est une religion avec ses prophètes et ses dogmes … et ses croyants !
    Sinon, on ne peut que se réjouir de cette multitude de candidatures , qui fragilisent Hollande un peu plus.
    Pour moi, les socialistes sentent venir la catastrophe historique, genre avril 2002 au cube pour 2017, et sont en mode « sauve qui peut » ! Et ce n’est que le début ! Parce que ça va être l’hécatombe aux législatives pour le PS et que pour le parti et nombre de ses cadres, c’est une question de survie, pas seulement politique, mais alimentaire. Des gens qui n’ont jamais travaillé, sinon émargé à la MNEF ou dans des syndicats ou associations, vont avoir du mal à se recycler …
    La rentrée s’annonce saignante à gauche, et j’attends avec gourmandise la curée que sera leur primaire 😉

  2. Autre problème, c’est qu’il y en aura tellement de « mis sur le carreau » qu’on ne pourra même pas les mettre en « prison ». Car avec l’État d’Urgence, « ils » n’ont pas « vidés » les prisons pour faire de la place pour les fichés « S ». Donc, étant nombreux, et chers, car bénéficiaires des largesses des lois qu’ils se sont « votées », il ne reste qu’une solution , prendre tous les « prisonniers fichés et les autres extra-territoriaux et nos ex députés « gochos » et les envoyer en Terre Adélie ou sur Cliperton. Cela permettrait de réaliser l’égalité devant la justice populaire ou populiste suivant le point de vue politique de chacun.

  3. J’ai bien aimé le titre du Figaro, expliquant que le programme de Montebourg serait très « coûteux » parce qu’il prévoyait… de baisser les impôts.

    Donc, notez bien : quand vous êtes écrasés d’impôts, c’est que ça ne coûte rien, la France est bien gérée ; c’est quand les impôts baissent qu’il faut commencer à s’inquiéter.

    Dans le même ordre d’idées, article du Figaro sur la « crise du lait ». Le journaliste demande : « Qui fixe le prix du lait ? ». Ben… le roi de France, bonhomme, ça va de soi. Ou le secrétaire général du parti communiste, j’ai oublié.

    Son interlocuteur n’est pas en reste, qui lui a expliqué : il faut que ce soient les producteurs qui fixent le prix. En fonction de leur prix de revient.

    Bref, tous ces gens-là vivent dans un conte de fées. C’est Martine apprend l’économie chez tonton Marx. Ah, et puis Le Figaro est un journal ultra-libéral, bien entendu.

    • Merci Sam. Si je devais me tourner vers un travail d’écriture plus intense, je crois que je choisirais le théâtre : écrire une pièce sur les faux dévôts de l’Etat de droit (Valls, Estrosi) qu’on voit à l’oeuvre ces temps-ci à propos du burkini, par exemple (article demain, votre avis m’intéressera 🙂 )

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