Problèmes du 14 juillet 2016

Les grandes vacances reviennent. Avec un peu plus de lumière et de chaleur, on pourrait même se croire en été. Faisons comme si. Comme l’an passé, je vous propose quelques distractions à base de chiffres et de lettres, ainsi que l’exposé vulgarisé d’une sorte de curiosité mathématique qui fut finalement assez rapidement remise à sa place par les vrais experts.

Selon ma jeune tradition, commençons par quelques définitions de mots-croisés célèbres et amusantes :

1. Michel Laclos : « A du foin dans ses bottes » (5 lettres)
2. Michel Laclos : « Opération boursière catastrophique » (12 lettres)
3. Michel Laclos : « Bander pour une infirmière » (6 lettres)
4. Robert Scipion : « Du vieux avec du neuf » (11 lettres)
5. Robert Scipion : « Fait aller au cabinet » (3 lettres)
6. « Avec lui, les ennuis commencent à partir de 39-40 » (11 lettres)

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Toutes les réponses seront données sur ce blog le lundi 18 juillet 2016. 

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PREMIER PROBLEME : Périmètres

Le problème de géométrie ci-dessous a été donné récemment comme devoir du soir à des élèves anglais âgés de 10 ans, c’est-à-dire d’une classe équivalente à notre CM2.

%22Impossible Math Question%22 070616Apparemment, il a plongé enfants et parents dans la plus extrême perplexité. Un père de famille de 43 ans titulaire du A-level (baccalauréat britannique) en mathématiques et économie a confié au journal local qu’il avait passé une heure dessus sans aboutir : « I spent an hour or so trying to work it out but found it impossible ».

Sentiment partagé par de nombreux parents à tel point que le problème s’est rapidement retrouvé dans la presse ainsi que sur Facebook et Twitter, déclenchant soit des commentaires scandalisés de voir qu’on donne des problèmes insolubles à de jeunes enfants, soit des commentaires moqueurs à l’égard des parents qui ne sont même pas capables de résoudre un problème aussi simple.

Des commentateurs avisés ont fait remarquer, non sans quelques bonnes raisons, que le problème en lui-même n’était pas compliqué, mais qu’il était très mal posé : figures pas à l’échelle, indications de mesures pas très claires, nulle mention nulle part que tous les angles sont droits. Mais d’après moi, ça reste un problème facile, et je m’excuse d’avance auprès de tous ceux qui seraient aussi de mon avis.

Comme l’article de presse où j’ai lu cette petite affaire comporte les réponses, j’en donnerai le lien en même temps que mon article de solutions.

Voici donc deux figures polygonales simples dont tous les angles sont droits :

Pb eleves anglais 10 ans juin 2016Question : Calculer les périmètres de chacune des deux figures ci-contre.

Remarques :

1. Les figures ne sont pas représentées à l’échelle, mais cela n’a aucune importance pour calculer leur périmètre.
2. L’indication « 2 cm » de la seconde figure correspond au côté vertical le plus petit situé à gauche du 2.

3. Les deux « rectangles » situés à droite, ne sont pas des rectangles mais des encadrés dans lesquels inscrire la réponse. Ils n’ont donc rien à voir avec les deux figures et n’ont aucune incidence sur le calcul du périmètre.

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DEUXIEME PROBLEME : Suite de chiffres

On écrit à la suite chaque nombre entier autant de fois que sa valeur. On écrit donc l’entier 1 une fois, l’entier 2 deux fois, l’entier 3 trois fois, … , l’entier 10 dix fois, etc…

On obtient ainsi : 1 22 333 4444 55555 666666 7777777 88888888 999999999 10101010101010101010 1111111111111111111111 …… etc…

J’ai mis un espace entre chaque paquet d’entiers identiques pour faciliter la lecture de la suite, mais ces espaces n’interviennent pas dans ce problème. On considère que tous les entiers sont écrits à la suite les uns des autres.

Question :
Quel chiffre occupe la 2001ème place ?

Remarques :
1. J’ai bien dit quel « chiffre », pas quel « nombre. » Par exemple, on voit sur le début de la suite écrite ci-dessus que la 23ème place est occupée par le chiffre 7 et que la 62ème place est occupée par le chiffre 1.
2. Il pourra être utile de se rappeler que la somme des entiers de 1 à n est égale à n(n+1)/2.
3. De même, il sera nécessaire de se rappeler comment résoudre une équation du second degré du type ax2 + bx + c = 0 :
Il faut d’abord calculer le discriminant : Δ = b² – 4ac
S’il est positif, il y a deux solutions : x1 = (-b-√Δ)/2a  et  x2= (-b+√Δ)/2a
4. On pourra vérifier la réponse en faisant un tableau Excel (très simple).

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TROISIEME PROBLEME : Histoire d’âge

J’ai deux fois l’âge que tu avais quand j’avais l’âge que tu as aujourd’hui.

Quand tu auras l’âge que j’ai aujourd’hui, la somme de nos deux âges sera 90 ans.

Question : Quels sont nos âges ?

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QUATRIEME PROBLEME : Cocktails

Verres 1 et 2On dispose des Verres 1 et 2. Le Verre 1 contient un volume X du liquide A (bleu) et le Verre 2 contient le même volume X du liquide B (rouge).

Avec une cuillère, on prélève un volume C du liquide B, on le verse dans le liquide A du Verre 1 et on mélange. Puis on effectue un prélèvement du même volume C dans le Verre 1 (contenant maintenant un mélange des liquides A et B) et on le verse dans le Verre 2.
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Question :
Le Verre 1 contient-il plus ou moins de liquide B que le Verre 2 ne contient de liquide A ? Ou bien les dosages sont-ils équivalents (autant de liquide B dans le Verre 1 que de liquide A dans le Verre 2) ? Démontrer.

Remarque :
On remarquera qu’à l’issue de ces opérations, les volumes contenus dans les Verres 1 et 2 sont à nouveau identiques et égaux à X.

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CINQUIEME PROBLEME : Allumettes

Allumettes
Voici une pelle formée de quatre allumettes. Elle contient une fleur.

En déplaçant seulement deux allumettes, et sans toucher à la fleur, on reformera une pelle identique, mais la fleur se trouvera à l’extérieur.
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Question :
Comment garder la même forme de pelle tout en mettant la fleur à l’extérieur en ne déplaçant que deux allumettes ? 

Remarque :
La fleur ne bouge pas.

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+  VRAIE  FAUSSE  CURIOSITE  MATHEMATIQUE :

Début janvier 2014, le blog Numberphile, qui publie régulièrement des énigmes mathématiques plus ou moins complexes, a posté une vidéo dans laquelle deux mathématiciens britanniques montrent (à défaut de démontrer) que la somme des entiers 1 + 2 + 3 + 4 + 5 + …. etc …. vaut …

Vaut quoi au fait ? Vous avez envie de répondre, et moi aussi, « l’infini. » Ah, mais ça, c’était avant, maintenant on nous a changé tout ça ! La somme de tous les entiers positifs vaudrait tout simplement, tout négativement et tout « finiment » :  -1/12 !

Voici la vidéo en question (07′ 49″) :

Gros branle-bas de combat dans le monde des amis des nombres ! Le paradoxe semble magnifique, le monde devient extraordinairement insaisissable, les possibilités ouvertes par ce résultat totalement contre-intuitif paraissent immenses, d’autant que ce (-1/12) n’est pas totalement inconnu de certains adeptes de la théorie des cordes (un des domaines actuels de recherche de la physique théorique).

Quelques jours plus tard, un blog de Slate consacré aux sciences et à l’astronomie reprend et commente cette vidéo. Sans remettre en cause le résultat, l’auteur conclut néanmoins sur le malaise qui le saisit :

« And then you find out that, in a sense, infinity lives a second life as a small negative fraction. It feels more than just weird. It feels pernicious. »

Et de rappeler, à très juste titre, la remarque attribuée au mathématicien Niels Abel (1802-1829) : « Les séries divergentes sont une invention du diable, et il est honteux de les utiliser dans la moindre démonstration. »

Cet article provoque immédiatement une avalanche de commentaires qui pour la plupart contestent fortement la démonstration et le résultat, ce qui amène l’auteur du blog a publier une mise au point dès le lendemain :

Non, S = 1 + 2 + 3 + 4 + …  n’est pas égal à  -1/12  au sens algébrique classique. Et, oui, il y a tout lieu de se méfier des séries « divergentes. »

Numberphile VideoLa (fausse) démonstration s’articulait ainsi :

Soit les sommes S, S1 et S2 :
S    = 1 + 2 + 3 + 4 + 5 + …
S1 = 1 – 1 + 1 – 1 + 1 – 1 + …
S2 = 1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + …

•  Pour calculer S1, calculons d’abord 2 fois S1 en écrivant la somme S1 sur deux lignes et en décalant la seconde somme d’un cran sur la droite :
2 S1 = 1 – 1 + 1 – 1 + 1 – 1 + …
……….        + 1 – 1 + 1 – 1 + 1 –  …
En additionnant colonne par colonne, on obtient : 2 S1 = 1 + (1 – 1) + (1 – 1) + …  = 1
D’où S1 = 1/2 (premier résultat problématique).

•  Procédons de la même façon pour calculer S2 :
2 S2 = 1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + 7 – …
………..       + 1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + …
En additionnant par colonne, on a 2 S2 = 1 + (- 2 + 1) +(3 – 2) + (- 4 + 3) + (5 – 4) + …
c’est-à-dire une suite de 1 et -1 : 2 S2 = 1 – 1 + 1 – 1 + 1 – …. = S1
D’où S2 = (S1)/2 = 1/4 (second résultat problématique).

•  On en arrive à la somme S qui nous intéresse :
Calculons S – S2 = (1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 +… ) – (1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + … )
S – S2 = 1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + …. – 1 + 2 – 3 + 4 – 5 + 6 – ….
…….. = 2 +2 + 4 + 4 + 6 + 6 + …
…….. = 4 + 8 + 12 + …..
Or on peut observer que 4 S = 4 x (1 + 2 + 3 + 4 + 5 + …  ) = 4 + 8 + 12 + 16 + …
Donc S – S2 = 4 S
En remplaçant S2 par sa valeur 1/4 dans l’équation ci-dessus, on trouve ainsi que
S = – 1/12

Tout ceci a l’air très solide, mais en réalité, ce résultat ne tient pas :

• Il se trouve tout d’abord que toutes les séries considérées ci-dessus sont divergentes. Ceci veut dire que la suite de leurs sommes partielles ne converge pas vers un nombre réel.

Exemple de série convergente : La série de terme général Z = (1/2)n est convergente. La suite de ses sommes partielles (SP) converge vers 2 :
Pour n = 0,  Z = 1          et SP(0) = 1
Pour n = 1,  Z = 1/2     et SP(1) = 1 + 1/2
Pour n = 2,  Z = 1/4     et SP(2) = 1 + 3/4
Pour n = 3,  Z = 1/8     et SP(3) = 1 + 7/8
Pour n = 4,  Z = 1/16  et SP(4) = 1 + 15/16 … etc… sans jamais dépasser 2.

Par contre, la série utilisée pour calculer S1 ci-dessus est une série divergente. Il s’agit de la série de terme général Z1 = (-1)n.
Pour n = 0,  Z1 = +1  et SP(0) = 1
Pour n = 1,  Z1 = – 1   et SP(1) = 1 – 1 = 0
Pour n = 2,  Z1 = +1   et SP(2) = 1 – 1 + 1 = 1
Pour n = 3,  Z1 = – 1    et SP(3) = 1 – 1 + 1 – 1 = 0
Pour n = 4,  Z1 = +1    et SP(4) = 1 – 1 + 1 – 1 + 1 = 1 … etc…
Les sommes partielles prennent alternativement les valeurs de 1 ou 0 sans jamais converger d’un côté ou d’un autre. Dire que S1 = 1/2 est faux car la suite des sommes partielles ne converge pas vers 1/2. C’est une première façon de réfuter la fausse démonstration du -1/12.

• Autre méthode : La technique qui consiste à calculer le double d’une somme en décalant la série d’un cran vers la droite, comme fait ci-dessus, conduit à des résultats incohérents qui viennent du fait qu’on ne peut appliquer aux séries divergentes infinies les mêmes principes qu’aux séries algébriques finies.

Exemple : Soit la somme ∑= 1 + 1 + 1 + 1 + ….
∑ – ∑= (1 + 1 + 1 + 1 + …. ) – (1 + 1 + 1 + 1 + …. )  = 0
Mais décalons vers la droite :
∑ – ∑ =  1 + 1 + 1 + 1 + …
………….         – 1 – 1  – 1  – 1  – …
Puis additionnons par colonne :
∑ – ∑ = 1 + 0 + 0 + 0+ …..
Formidable résultat : 1 = 0 !

Cela est absurde et montre les limites de l’utilisation du calcul algébrique classique sur des séries divergentes infinies dont on masque les particularités par un « + … » habilement et vaguement ajouté à la fin.

Cependant, il existe des façons légitimes d’attribuer une valeur à des séries divergentes infinies. Celle qui conduit à la conclusion que dans certaines conditions 1 + 2 + 3 + 4 … est égal à -1/12 s’appelle la sommation de Ramanujan. Cette « sommation » n’est pas une somme traditionnelle, mais elle présente des propriétés mathématiquement utiles dans l’étude des séries divergentes infinies.

En particulier, l’un des problèmes les plus recherchés des mathématiques, la célèbre hypothèse (non résolue) de Riemann (1859), fait un appel fondamental à ce type de techniques pour la définition de la fonction analytique complexe zêta de Riemann (à tout nombre complexe s, la fonction zêta associe la somme des 1/ns pour n allant de 1 à l’infini).

Le défaut de la vidéo ci-dessus vient de ce qu’elle présente un problème extrêmement complexe portant sur des séries divergentes infinies comme si c’était un simple petit calcul algébrique niveau collège portant sur des séries finies genre 1 + 2 + 3 + 4 = 10.

Je vous laisse méditer…

BON  WEEK-END  DU  14  JUILLET  2016

et Rendez-Vous lundi 18 juillet pour les réponses !


Réponses : Ici.


Pieces d'echecsIllustration de couverture : pièces du jeu d’échecs. Photo du site internet le Palais des Echecs.

5 réflexions sur “Problèmes du 14 juillet 2016

  1. Premier problème : bon sang mais c’est bien sûr!!
    Indice : on demande le PERIMETRE, et pas la surface. Le périmètre, pas l’aire. Je dis ça, je ne dis rien…

    Il faut que je regarde le reste un peu plus longtemps.

  2. Pour les périmètres, il suffit juste d’additionner les valeurs de chaque coté qui forme les figures.
    Et on doit trouver : la somme des chiffres donnés sur l’image que l’on multiplie par 2.
    Pour la 2ème figure, on fait exactement pareil que précédemment mais on pourra donner aux coté que l’on ne connait pas les valeurs, X, Y et Z. Et l’on trouvera comme pour la 1ère figure le même nombre de centimètres. En l’occurrence, la somme des chiffres donnés multipliée par 2 donne le périmètre recherché. Mais en ce qui concerne les enfants de 10 ans en France, je ne sais pas si leurs maitres actuels les ont « initiés » aux calculs avec des inconnues du genre X ou Y et Z, mais vu qu’ils auront à 88,5% leur Bachot, ce n’est pas grave qu’ils ne trouvent pas ce calcul de périmètres, ce sera la société qui paiera les « incompétences » de nos « instituteurs ou plutôt de nos professeurs d’école » qui, voteront encore à 21% pour leur grand « timonier de pédalo ». Je sais, mélanger des calculs primaires avec de la politique, ce n’est pas bien, mais comme dans notre pays, ceux qui en détiennent les rennes, sont incapables de poursuivre le liant de base de toute société « normalement instruite », à savoir, lire écrire, compter, afin que chacun puisse aller dans sa vie avec le bagage minimum pour comprendre les difficultés de la vie en société.
    Mais que cela n’empêche pas ceux qui vont cogiter sur la figure de la pelle et de la fleur, de résoudre le problème en nommant les allumettes en A pour celle de gauche, en B pour celle Horizontale , en C pour le manche et en D pour celle de droite. Et ils verront qu’effectivement en déplaçant 1 allumette et demi, on peut résoudre le problème.

    • Fascinant, gebe, Fascinant !
      Et pour ceux qui auraient du mal à résoudre ce casse-tête rédactionnel il leur suffira d’assigner les lettres C, H, U, T aux paragraphes et ils verront qu’effectivement, en déplaçant certains guillemets d’un mot et demi, ils trouveront un indice à la définition de mots-croisés proposée ci-dessous par Franck… Et en plus c’est vrai (Si tant est que j’aie bien trouvé la réponse attendue).

      Fascinant !

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