Prix des médicaments : « Médecins du Monde » utilise la démagogie à doses chevalines

Article écrit en commun par   h16 et Nathalie MP.

Foi, ou plutôt foie de chatons mignons scandaleusement condamnés à l’hépatite C, les tarifs des médicaments sont vraiment « indécents » ! Ils le sont tellement que les traitements efficaces, les plus onéreux évidemment, vont devenir inaccessibles pour le grand public ! Mais si, bien sûr, c’est vrai, forcément. C’est l’ONG Médecins du Monde (MDM) qui le dit – presque – dans ces termes, dans une grande campagne d’affichage urbain « Le Prix de la Vie » qu’elle voulait lancer à partir du lundi 13 juin 2016. 

Malheureusement, la méchante Autorité de régulation des professionnels de la publicité (ARPP) a émis un avis consultatif défavorable sur cette campagne qui manque de sources chiffrées, et qui fait prendre le risque à l’ONG que les labos ne se retournent contre elle pour atteinte grave à leur image, d’autant qu’en France, le prix des médicaments est particulièrement réguléMéchante, méchante ARPP (qui roule, à l’évidence, pour ces affreux labos) : les afficheurs se sont rangés à son avis.

MDM, acculée à ne pas pouvoir transmettre son important message sur les abribus, en fut réduite à une véritable « guérilla marketing » sur internet et dans les grands quotidiens nationaux. Non sans succès : au bout de 24 heures, la pétition associée qui enjoint la ministre de la santé Marisol Touraine de « faire baisser drastiquement le prix des médicaments innovants » avait recueilli plus de 28 000 signatures et en compte aujourd’hui près de 197 000.

Le refus des afficheurs joue finalement pour elle, car il permet à l’ONG de crier à la censure et accrédite l’idée que les labos font la loi, nous mentent, nous volent et nous poussent à une mort injuste faute de soins accessibles (et puis même qu’on soupçonnerait qu’ils nous filent le cancer exprès que ce ne serait même pas surprenant).

Une belle campagne… Mais pleine d’erreurs

Question sidération de l’opinion et des chatons malades, c’est réussi : la campagne est déclinée en douze slogans « choc » qui mélangent maladies graves avec profits scandaleux et bonnes affaires des labos sur le dos des malades (voir photo de couverture et tweet ci-dessous) :

Malheureusement, question sidération du lecteur attentif, c’est tout aussi réussi : la campagne se vautre lamentablement en affichant certains chiffres qu’on ne peut même pas qualifier de faux tant ils n’ont strictement aucun sens.

20 000 % de marge brut, bravo, belle performance pour du labo-bashing sans chi-chi ! Mais c’est parfaitement grotesque : même en imaginant des coûts de production négligeables (!), le taux de marge sur chiffre d’affaires ne pourra jamais excéder ce chiffre d’affaires, soit 100 %, ce qui est déjà absurde. Pour arriver au 20 000 % frappeur, il faudrait non seulement que l’entreprise n’ait aucun coût de production, mais qu’en plus d’un chiffre d’affaires de 100 (par exemple), elle reçoive miraculeusement une dotation de 19 900. On voit que tout ceci n’est absolument pas sérieux. Le qualificatif « populiste » décerné par certains journaux à cette campagne est encore trop gentil.

D’autre part, malgré un système de santé toujours plus étatisé, malgré une assurance maladie qui fixe honoraires des médecins, niveau des prix et liste des médicaments remboursables, malgré une dégradation constante du niveau des soins, le Dr Françoise Sivignon, Présidente de MDM, estime assez curieusement tout à l’inverse que :

« Les autorités laissent les laboratoires dicter leurs prix et abandonnent leur mission, celle de protéger la santé des populations. »

Sans surprise, le Leem (syndicat professionnel des entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique en France) a rapidement riposté en dénonçant « la campagne de propagande mensongère de Médecins du Monde » dont il juge les propos « caricaturaux et outranciers » :

« Le prix (des médicaments innovants) est fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS) à l’issue de négociations avec les industriels. En aucun cas, les industriels ne fixent donc leur prix de façon unilatérale. »

En fait, l’enfumage de l’ONG va plus loin. Quand elle explique que le Glivec (anti-leucémique à 40 000 € par an et par patient) a un coût de production de 200 €, elle considère implicitement Novartis comme un simple producteur de génériques, en oubliant tous ses coûts de recherche et développement. Habile, mais pas très honnête.

SovaldiD’ailleurs, c’est la même chose pour le Sovaldi, nom commercial de la molécule sofosbuvir développée par le laboratoire américain Gilead Sciences, dont le cas particulier est à l’origine de la campagne de MDM.

Il s’agit d’un « antiviral à action directe » remarquablement efficace contre l’hépatite C avec un taux de guérison de 90 à 95 % pour un traitement de 12 semaines, avec très peu d’effets secondaires.

Mis sur le marché en France en 2014 au tarif de 19 000 € par boîte de 28 comprimés, son prix a été ramené dès novembre 2014 à 13 667 € dans le cadre des négociations du CEPS qui a de plus demandé au laboratoire de rembourser l’écart entre l’ancien et le nouveau prix pour les ventes antérieures à l’accord. Le prix du traitement de 12 semaines est ainsi passé de 57 000 € à 41 000 €. Il a également été décidé de le rembourser à 100 %. Actuellement, le Sovaldi bénéficie en France du prix le plus bas en Europe.

Mais pour MDM, scrogneugneu, c’est néanmoins très insuffisant car la cure de Sovaldi à 41 000 € ne coûterait que 100 € à produire.

Seulement voilà : le coût d’un médicament innovant, pas encore dans le domaine public, n’est pas seulement un coût de production sur des chaînes automatisées, mais relève d’un calcul extrêmement complexe, incluant recherche, développement et mise au point. Il inclut aussi le risque de ne jamais obtenir in fine les autorisations de mise sur le marché.

Ce risque est tel que les laboratoires sont amenés à « vendre chers leurs succès » afin de pouvoir faire le dos rond pendant les périodes de faible innovation comme ce fut le cas au milieu des années 2000. Comme le rappelle également le Leem dans son communiqué,

« pour l’industriel, ce prix doit prendre en compte non seulement les coûts de recherche des nouveaux médicaments, mais également leur durée de mise au point (11,5 ans en moyenne) ainsi que les risques qui s’attachent à leur développement (seuls 7 % des médicaments entrant dans un essai clinique de phase 1 accèderont au marché). »

Oh, et puis au fait, dans tout ça, MDM semble oublier commodément que les laboratoires pharmaceutiques sont soumis à des myriades de contraintes réglementaires de plus en plus nombreuses et sévères, tant sur les essais cliniques que pour la commercialisation des produits. Là encore, ceci accroît les coûts de recherche et développement qui peuvent atteindre un milliard d’euros pour une molécule.

En réalité, le CEPS passe son temps à négocier avec les industriels pour obtenir les meilleurs prix. Seuls les médicaments très innovants sont habilités à être vendus au-dessus du prix des médicaments déjà mis sur le marché. Et ces derniers voient régulièrement leurs prix baisser, le brevet tombant dans le domaine public ou le volume de ventes augmentant. En 2014, ces « ristournes » ont représenté 800 millions d’euros… On attend toujours l’image choc de MDM en remerciement de cette baisse.

D’autre part, les génériques représentent une part de plus en plus importante dans les ventes de médicaments, aussi bien en volume (de 19 % en 2008 à 32 % en 2014) qu’en valeur (de 11 % à 18 % sur la même période). Leurs coûts et par conséquent leurs prix sont plus faibles ce qui tend à faire baisser régulièrement le coût global.

Décidément, demander au gouvernement de faire baisser les prix (le point central de la campagne) ne semble guère sérieux. La campagne de MDM est bel et bien simpliste, idéologique, voire mensongère, sur les caractéristiques factuelles de l’industrie du médicament.

Une jolie campagne… Mais loin du compte

Plus gênant encore, elle témoigne également de la méconnaissance complète de l’ONG de l’actuelle mutation qui s’opère dans ce secteur.

Aujourd’hui, les grandes pathologies touchant des millions de personnes ont déjà trouvé leur molécule de traitement. Les coûts de développement et de test étaient élevés mais s’amortissaient sur un très grand nombre de patients, autorisant les labos à les vendre à prix modéré tout en restant très rentables, et en gardant la faculté d’investir lourdement dans la molécule suivante.

Aujourd’hui, les labos sont face à des pathologies beaucoup moins répandues (cas de l’hépatite C), à des maladies rares, parfois orphelines. Or, du fait de réglementations toujours plus strictes, les coûts de recherche et développement sont toujours plus élevés tout en ne concernant plus que des populations limitées, ce qui renchérit automatiquement les molécules. Pour les évaluer, la seule considération du prix est très insuffisante. Il faut plutôt raisonner en terme de performance.

Comme le souligne Alexandre Delaigue, professeur d’économie qui tient le blog Classe Eco, à propos du Sovaldi :

« La seule alternative, pour les malades dont la situation se dégrade, est la greffe du foie. Une greffe de foie coûte 575 000 dollars (510 k€) aux USA. »

« Le Sovaldi est l’exemple d’un système pharmaceutique qui fonctionne : un médicament réellement utile, qui rapporte beaucoup d’argent à l’entreprise qui le développe. »

Et surtout, des marges d’exploitation* confortables, de l’ordre de 15 à 20 %, réalisées par les big pharmas (Novartis, Pfizer, Sanofi, Merck, Roche …) sont une excellente nouvelle, pour les actionnaires de ces entreprises évidemment, mais aussi pour nous, car elles garantissent qu’en dépit des risques très élevés de cette industrie, elles attireront de nouveaux entrants qui proposeront à leur tour des médicaments performants, comme le prouve la multitude de petites « biotechs », plus ciblées et plus alertes que les grands groupes, qui se lancent, avec bonheur ou pertes et fracas, dans le développement spécifique d’une famille réduite de molécules destinées à des populations limitées.

Conclusion

En réalité, la campagne agressive de l’association MDM a pour but ultime d’éliminer le marché de l’équation santé. Sa présidente ne s’en cache même pas quand elle demande dans sa pétition adressée à la ministre de la santé Marisol Touraine :

« Quand il s’agit de Santé, est-ce au marché de faire la loi, ou est-ce à l’État ? »

Autrement dit, en plus d’une connaissance très superficielle du secteur qui pousse à sortir des âneries par pur esprit de propagande alarmiste, l’objectif réel est ouvertement de pousser vers une solution collectiviste, dépourvue des mécanismes de marché, qui a partout démontré son aptitude à générer des pénuries.

La fixation arbitraire des prix des médicaments par l’État aboutirait inévitablement à la disparition de la France sur ce marché, avec un départ des laboratoires et un affaiblissement de la recherche et du développement qui déboucherait à terme sur la baisse de la qualité des soins et donc sur la mise en péril de notre santé.

Quand il s’agit de Santé, peut-on vraiment faire confiance à l’État ?


* Marge d’exploitation : Résultat d’exploitation ou EBIT (bénéfice avant intérêts et impôt) rapporté au chiffre d’affaires (CA).
En milliards d’euros et en 2015 :
1. Novartis ( Suisse) :     CA =  44,4      EBIT =  7,8           Marge =  18 %
2. Pfizer (USA) :                CA =  43,1       EBIT =  9               Marge =  20 %
3. Merck (USA) :               CA =  34,9      EBIT = 4,9             Marge = 14 %
4. Sanofi (France) :          CA  = 34,5      EBIT = 5,6             Marge =  16 %

Jolies marges, mais ne pas oublier les capitaux engagés pour les obtenir : pour Sanofi, ils se montent à 66 milliards d’euros pour un CA de 34 milliards, et sont financés essentiellement (environ 80 %) par des fonds propres et fort peu par de la dette, indice certain du haut niveau de risque du business et de l’intangibilité de ses actifs.


Campagne MDM prix medocs 3Illustration de couverture : Trois affiches de la campagne « Le prix de la vie » de l’ONG Médecins du Monde contre les prix trop élevés des médicaments (13 juin 2016).

10 réflexions sur “Prix des médicaments : « Médecins du Monde » utilise la démagogie à doses chevalines

  1. Nathalie (et H16*),

    Insoluble dilemme;
    le coup de 20 000% de marge traduit le besoin de frapper les esprits,
    mais donnait le sentiment de ne pas comprendre ce qu’est une marge !
    Mais, le prix du médicament est élevé, car « la santé n’a pas de prix » et le retour sur investissement dans un tel domaine difficile à estimer !
    Nous n’avons d’autre ressource que faire confiance à l’organisation publique de négociation des prix, même si l’on sait que des deux côtés de la table se trouvent des gens de même culture … si ce n’est pas de même intérêt !

    (*) le style plutôt H16 !

  2. Tout ceci n’est que la répétition de notre société pathologiquement anti-libérale et profondément obscurantiste ..je ne dirai pas moyenâgeuse, ce serait insultant pou cette période de l’Histoire
    Anti-OGM, anti gaz de schiste, anti-Roundup, etc…
    Plus d’Etat, Moins de liberté
    les populistes démago ne sont pas ceux que l’on croit .

  3. C’est vrai qu’une société qui pari a fond sur le chimique, qui croit tout controller et qui en fait ne fait que rattraper ses erreurs constantes… est la société du future. La nature est au top actuellement; on est sur le point d’autoriser des produits qui vont mener directement à la mort des abeilles et du coup de toute culture normal, mais pas grave ! On a les OGM et pleins de truc super en réponse à nos conneries ! Et en plus ça nous fait gagner du flouz 😀 Mais elle est pas belle la vie ? En plus ce qui est cool avec les OGM les pesticides et autres truc reconstitués c’est que c’est pas cancerigène du tout. Mais merde alors comment on va faire alors ? Ah bah il nous reste toujours ces bon vieux labo pharma qui vont trouver une solution miracle et s’en mettre plein les poches 🙂
    Donc non je pense personnelement que l’état justement est là pour protéger des entreprises qui ne voient que le chiffre d’affaire et non pas la santé…
    Et pour conclure le meilleur moyen de se soigner c’est de ne pas tomber malade…

  4. « la santé n’a pas de prix  » sans doute. Mais Médecin du Monde ferait mieux de cibler le vrai problème de santé publique en France, plutôt que d’orienter les gens sur des problèmes de maladies qui ne les concernent pas. A savoir, le tabac et l’alcool. Alors, leurs affiches, je m’en fiche, je m’en contrefout.
    La grippe, le cancer du sein, la leucémie sont des maladies « guérissables » certes couteuses (mais pas trop) à l’échelle individuelle, mais pas du même ordre que nos 2 drogues « licites ». 49000 morts par alcoolisme en 2009, et 73000 morts par tabagisme pour un cout estimé à 20 Milliards d’€ en 2013, et un cout « social » (tout tout compris) de 47 Milliards d’€. Alors si Médecin du Monde veut vraiment connaitre le vrai cout des choses, qu’il aille « enquêter » dans tous les troquets et bars de France et de Navarre, comprendre que c’est là que se situe le vrai problème de la mortalité française, et pas derrière des tractation de prix de médicaments qui ne sauveront que quelques milliers de malades touchés par l’hépatite C ou ceux nécessitant des antiviraux contre l’Ebola ,et autre sida.
    Comme disait quelqu’un (Joseph Goebbels) : « Plus le mensonge est gros, plus ça passe ». Pas avec moi.

  5. Le problème avec la santé c’est que bien souvent on mélange des problèmes compliqués dont la solution n’est pas toujours la plus évidente (l’éthique, la rentabilité, la propriété intellectuelle, l’intervention de l’Etat).

    L’innovation dans ce secteur débouche presque toujours sur un monopôle (ce qui n’est pas choquant en soi vu que le dépôt de brevet est là pour protéger le créateur et l’encourager à innover, développer de nouveaux traitements). Cela se corse quand on touche à des maladies graves, en effet la société qui découvre un médicament contre une telle maladie se retrouve dans une situation indétrônable de monopole et pour longtemps…

    Dans un marché parfait des concurrents se presseraient de développer un médicament concurrent pour prendre des parts de marché. Dans le secteur médical les entreprises ne sont pas encouragées à faire cela et pour plusieurs bonnes raisons d’un point de vue de gestionnaire:
    1) les coûts sont élevés et l’on n’est pas sûr d’arriver au final à un produit compétitif.
    2) le processus de développement d’un médicament est extrêmement long.
    3) les Etats et autres organismes sont peu disposés à accorder des subventions de recherche pour une maladie que l’on sait déjà soigner.

    La conséquence est la suivante : les industries pharmaceutiques ne cherchent pas particulièrement à se faire concurrence sur des médicaments déjà existants, cela n’a aucun sens d’un point de vue business. La firme qui découvre un médicament se retrouve donc bien souvent en situation de monopole jusqu’à ce que le brevet tombe dans le domaine publique. Durant tout ce temps l’entreprise est seule maître sur son micro-segment de marché. Elle applique ou impose ses tarifs comme elle l’entend ou presque.
    S’il s’agit d’un shampoing révolutionnaire permettant de faire repousser les cheveux tant mieux! Après tout l’innovation doit être encouragée, il est normal que l’entreprise soit rémunérée, si les gens ne sont pas prêts à payer le prix ils n’ont qu’à se passer de ce remède. Seulement ici on parle de médicaments qui bien souvent permettent de soigner des maladies mortelles. Les patients ont le choix entre la souffrance (voire la mort) et le traitement, le choix est vite fait. Combien coûte un parachute quand on est en chute libre? Ça n’a pas de prix, le prix c’est tout ce que vous possédez et même plus. C’est un peu ce qui se passe avec les médicaments pour les maladies graves.

    L’argument le plus courant pour défendre le point de vue des laboratoires est la défense de la propriété intellectuelle. Ce sentiment partagé par beaucoup d’entre nous que si vous découvrez quelque chose de révolutionnaire, si vous créez quelque chose d’exceptionnel, vous devez en retirer les bénéfices, être récompensé pour vos efforts.

    Seulement la principale mission d’un laboratoire ce n’est pas de développer des médicaments, mais de les vendre! L’industrie pharmaceutique est championne en lobbying et marketing, elle y consacre d’ailleurs bien plus de budget qu’à la R&D, pour le marketing c’est en moyenne deux fois plus que le budget recherche, pour le lobbying c’est un peu plus compliqué d’avoir des chiffres… Ce qui pose problème ce n’est pas le profit mais comment il est obtenu. Ce n’est pas de la faute des entreprises pharmaceutiques si les gens sont malades mais c’est leur responsabilité quand des populations sont menacées de ne pas abuser de leur position. Sans un minimum de régulation ce n’est pas forcément le cas, on peut par exemple citer l’excellent film Fire in the Blood, qui montre comment le traitement de populations malades du SIDA a été retardé par les industries pharmaceutiques. Toujours dans les documentaires on peut citer Pink Ribbons, qui montre lui comment la quasi-totalité des fonds levés par les associations contre le cancer du sein sert à financer la recherche sur de nouveaux traitements (rentable) au détriment de la recherche sur les causes (peu ou pas rentable) alors qu’avec +40% de cancers du sein chez les femmes depuis 1950 il serait pertinent de chercher la cause de cette épidémie.

    Pour finir oui cette campagne est démagogique et exagère ou déforme la réalité, mais on peut quand même reconnaître à Médecins du monde un objectif louable qui est l’accès au soin pour un plus grand nombre et à un meilleur prix. Quand on voit des publicités Bayer ou BASF nous expliquer que ces industries rendent notre monde meilleur on se dit qu’eux ont eu le droit de s’exprimer et de diffuser leur message sur un arrière-plan de prairie bien verte avec des enfants heureux et en bonne santé, ils ont apparemment aussi le droit de passer sous silence les marges records, les subventions reçues et les sommes dépensées à Bruxelles et auprès des médecins pour que tout cela soit possible. Cette campagne soulève le problème des industries pharmaceutiques et de leur financement.

    En definitive je ne sais pas vous mais personnellement je n’irai pas pleurer pour ces industries si on leur impose des reglementations sanitaires plus importantes et des impôts plus élevés, après tout l’Etat lui aussi est un acteur de la recherche. Quand on prend conscience de la puissance qu’elles ont, se dit que finalement les victimes de l’Etat ce sont plutôt les start’up du style Heetch, Chauffeur privé, Uber, Deliveroo etc… qui créént des emplois mais pas les bons voyez-vous. Quand on veut créer un emploi en France il faut que ce soit en CDI et pour la vie, de préférence sans laisser le choix aux gens de leur horraires (ils pourraient faire des bêtises!) et avec possibilité de se syndiquer pour lutter contre ces méchants patrons!

    Je vois que je m’égare, merci en tous cas pour cet article qui montre que même en poursuivant un but louable on peut mentir et avoir des arguments faux.

  6. Le problème avec la santé c’est que bien souvent on mélange des problèmes compliqués dont la solution n’est pas toujours la plus évidente (l’éthique, la rentabilité, la propriété intellectuelle, l’intervention de l’Etat).
    L’innovation dans ce secteur débouche presque toujours sur un monopôle (ce qui n’est pas choquant en soi vu que le dépôt de brevet est là pour protéger le créateur et l’encourager à innover, développer de nouveaux traitements). Cela se corse quand on touche à des maladies graves, en effet la société qui découvre un médicament contre une telle maladie se retrouve dans une situation indétrônable de monopole et pour longtemps…
    Dans un marché parfait des concurrents se presseraient de développer un médicament concurrent pour prendre des parts de marché. Dans le secteur médical les entreprises ne sont pas encouragées à faire cela et pour plusieurs bonnes raisons d’un point de vue de gestionnaire:
    1) les coûts sont élevés et l’on n’est pas sûr d’arriver au final à un produit compétitif.
    2) le processus de développement d’un médicament est extrêmement long.
    3) les Etats et autres organismes sont peu disposés à accorder des subventions de recherche pour une maladie que l’on sait déjà soigner.
    La conséquence est la suivante : les industries pharmaceutiques ne cherchent pas particulièrement à se faire concurrence sur des médicaments déjà existants, cela n’a aucun sens d’un point de vue business. La firme qui découvre un médicament se retrouve donc bien souvent en situation de monopole jusqu’à ce que le brevet tombe dans le domaine publique. Durant tout ce temps l’entreprise est seule maître sur son micro-segment de marché. Elle applique ou impose ses tarifs comme elle l’entend ou presque.
    S’il s’agit d’un shampoing révolutionnaire permettant de faire repousser les cheveux tant mieux! Après tout l’innovation doit être encouragée, il est normal que l’entreprise soit rémunérée, si les gens ne sont pas prêts à payer le prix ils n’ont qu’à se passer de ce remède. Seulement ici on parle de médicaments qui bien souvent permettent de soigner des maladies mortelles. Les patients ont le choix entre la souffrance (voire la mort) et le traitement, le choix est vite fait. Combien coûte un parachute quand on est en chute libre? Ça n’a pas de prix, le prix c’est tout ce que vous possédez et même plus. C’est un peu ce qui se passe avec les médicaments pour les maladies graves.
    L’argument le plus courant pour défendre le point de vue des laboratoires est la défense de la propriété intellectuelle. Ce sentiment partagé par beaucoup d’entre nous que si vous découvrez quelque chose de révolutionnaire, si vous créez quelque chose d’exceptionnel, vous devez en retirer les bénéfices, être récompensé pour vos efforts.
    Seulement la principale mission d’un laboratoire ce n’est pas de développer des médicaments, mais de les vendre! L’industrie pharmaceutique est championne en lobbying et marketing, elle y consacre d’ailleurs bien plus de budget qu’à la R&D, pour le marketing c’est en moyenne deux fois plus que le budget recherche, pour le lobbying c’est un peu plus compliqué d’avoir des chiffres… Ce qui pose problème ce n’est pas le profit mais comment il est obtenu. Ce n’est pas de la faute des entreprises pharmaceutiques si les gens sont malades mais c’est leur responsabilité quand des populations sont menacées de ne pas abuser de leur position. Sans un minimum de régulation ce n’est pas forcément le cas, on peut par exemple citer l’excellent film Fire in the Blood, qui montre comment le traitement de populations malades du SIDA a été retardé par les industries pharmaceutiques. Toujours dans les documentaires on peut citer Pink Ribbons, qui montre lui comment la quasi-totalité des fonds levés par les associations contre le cancer du sein sert à financer la recherche sur de nouveaux traitements (rentable) au détriment de la recherche sur les causes (peu ou pas rentable) alors qu’avec +40% de cancers du sein chez les femmes depuis 1950 il serait pertinent de chercher la cause de cette épidémie.
    Pour finir oui cette campagne est démagogique et exagère ou déforme la réalité, mais on peut quand même reconnaître à Médecins du monde un objectif louable qui est l’accès au soin pour un plus grand nombre et à un meilleur prix. Quand on voit des publicités Bayer ou BASF nous expliquer que ces industries rendent notre monde meilleur on se dit qu’eux ont eu le droit de s’exprimer et de diffuser leur message sur un arrière-plan de prairie bien verte avec des enfants heureux et en bonne santé, ils ont apparemment aussi le droit de passer sous silence les marges records, les subventions reçues et les sommes dépensées à Bruxelles et auprès des médecins pour que tout cela soit possible.

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