Régionales 2015 : auprès de ces blondes, fera-t-il si bon vivre ?

Mise à jour du vendredi 11 décembre 2015 : Après les résultats du premier tour des régionales 2015 présentés dans l’article ci-dessous, les différentes forces en présence ont fait leurs comptes et repartent pour le second tour de la façon suivante :
– Deux duels Droite / FN : Le PS arrivé troisième au premier tour en Nord PDCP et en PACA a retiré ses listes, laissant s’affronter la droite arrivée seconde et le FN arrivé premier. Les derniers sondages font état d’une victoire à droite.
Voter pour le loup– Dix triangulaires Droite / FN / PS : dans ces régions, que la Droite soit arrivée en premier ou en second (et en troisième position en Languedoc Roussillon MP) rend les choses difficiles pour elle dans la mesure où le PS peut compter sur des fusions ou des reports venant de EELV et du Front de Gauche, tandis que la droite ne peut compter sur rien sauf mobilisation de certains abstentionnistes. Il n’est finalement pas du tout exclu que la haute présence du FN dans toutes les régions permette au PS de sortir grand vainqueur de ces élections. Beau résultat, si c’était le cas, super stratégie, cette idée (voir dessin ci-dessus) de « voter pour le loup pour donner une leçon aux bergers » !
– Corse : quatre listes candidates, mélanges de régionalisme, de Droite et de PS. Pas de FN.
– Outre-Mer : Des duels Droite / Gauche ou Gauche / Gauche.


 Peu de surprise hier soir : le premier tour des élections régionales a bien eu lieu et les résultats sont à peu près comme prévus. Si l’on fait abstraction de l’abstention plutôt moindre (50 %) que lors du précédent scrutin régional de 2010 (54 %), le Front national a confirmé qu’il était bien le premier parti de France en recueillant 28 % des suffrages exprimés (soit 6 millions de voix) contre 27 % pour le bloc Les Républicains, UDI, Modem et alliés, et 23 % pour le Parti socialiste et apparentés. EELV obtient 6,5 %, le Front de gauche environ 4 % et Debout la France de Saint-Aignan 3,9 %. 

A l’issue des européennes de juin 2014, le Front national avait obtenu 4,7 millions de voix soit 24,8 % des suffrages exprimés pour une abstention de 57 %, et en mars dernier, lors du premier tour des élections départementales, il totalisait 5,1 millions de voix soit 25,2 %, avec une abstention de 50 % et l’absence de Paris et Lyon dans ce vote. Incontestablement, le Front national progresse régulièrement et sûrement dans l’esprit comme dans les votes des Français. C’est clair, net et sans bavure.

Pas de surprise non plus du côté de la réaction de Jean-Marie Le Pen, fondateur plus ou moins exclu du mouvement et père de l’actuelle Présidente : il a fallu une fois de plus qu’il implique les juifs dans sa lecture de la défaite de Christian Estrosi, candidat de droite en PACA face à sa petite fille Marion Le Pen. Il y a dans ce parti des récurrences obsessionnelles antisémites qui devraient pourtant finir par alerter.

Pour ma part, j’ai une chance inouïe. Où que je me tourne, je vis dorénavant à la pointe de la nouvelle modernité politique. Non contente d’habiter et de voter à Lille pendant l’année, avec une probabilité aussi sinistre qu’élévée de voir une dame de la famille Le Pen remporter le scrutin dans la nouvelle grande région Nord Pas-de-Calais Picardie, j’ai un tropisme très aigu pour les Hautes-Alpes pendant les périodes de villégiature. Si le mot Alpes inspire plutôt des pensées montagnardes, ce département n’en fait pas moins partie de la région PACA qui se décline en Provence Alpes Côte d’Azur, et là, à nouveau, Bingo ! c’est la nièce Le Pen qui pourrait bien récupérer la présidence de la région dimanche prochain.

ER2015 1er Tour 21 h 30A vrai dire, quel dommage pour Le Front national de n’être pas davantage pourvu en nièces, cousines, tantes, petites-filles ou toute autre parenté à la mode de Bretagne pour sa vitrine politique ! Car en réalité, contrairement à ce qu’on pouvait penser il y a seulement deux mois, ce n’est pas dans deux régions que ce parti a dominé hier soir, mais dans six sur treize, si l’on exclut pour l’instant nos quatre territoires d’Outre-Mer. Selon les résultats connus à l’heure où j’écris, le Front national a déboulé avec fracas en tête de scrutin :

– En Alsace Champagne-Ardenne Lorraine :       35 % (FN) – 26 % (Droite) – 17 % (PS)
– En Bourgogne Franche-Comté :                             32 % (FN) – 24 % (Droite) – 23 % (PS)
– En Centre Val-de-Loire :                                             31 % (FN) – 26 % (Droite) – 24 % (Gauche)
– En Languedoc Roussillon Midi Pyrénées :          31 % (FN) – 26 % (Gauche) – 19 % (Droite)
– En Nord Pas-de-Calais Picardie :                           41 % (FN) – 25 % (Droite) – 18 % (Gauche)
– En Provence Alpes Côte d’Azur :                            41 % (FN) – 26 % (Droite) – 16 % (Gauche)

Dans les sept autres régions, la gauche domine en Bretagne avec 34 %, et en Aquitaine avec 32 %,  et la Droite obtiendrait la première place dans les quatre régions restantes, dont l’Ile-de-France avec 31 % pour Valérie Pécresse. Enfin, en Corse, une liste PRG (Parti radical de gauche de Mme Taubira) et une liste régionaliste sont à égalité à 19 %.

Combien de régions le FN sera-t-il capable de remporter dimanche prochain ? Tout dépend maintenant de la façon dont les autres partis vont se comporter. S’il parait acquis que le Front de Gauche et le parti écologiste se replieront sans problème sur le Parti socialiste, reste la question délicate de la fusion ou du retrait de listes entre la droite et le PS pour contrer le FN. Pierre de Saintignon, candidat PS en NPDCP a fait un appel dans le sens de la fusion dès 20 heures hier, en soulignant que « personne ne peut avoir ce soir la prétention de gagner seul. » En face, Nicolas Sarkozy a exclu toute fusion avec la gauche, estimant que le message des français était très clair : « la République a trop reculé », en particulier depuis quatre ans. En conséquence  :

« La seule attitude à adopter pour nos candidats, dans toutes les régions, est de respecter les Français en proposant une alternance claire. Demain, lors du bureau politique, je proposerai de refuser toute fusion ou retrait de liste. » (déclaration de Nicolas Sarkozy hier soir)

Exact, la République a trop reculé, tout en s’occupant de tout et de rien. Mais on attend toujours « l’alternance claire. » C’est curieux comme ces choses s’expriment toujours après les débâcles électorales.

Et finalement, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, a défini la règle de désistement suivante :

« Dans les régions à risque FN où la gauche ne devance pas la droite, le PS décide de faire barrage républicain, notamment en Nord Pas-de-Calais Picardie et PACA » (déclaration de J.-Chr. Cambadélis, hier soir)

Il arrive que Cambadélis ait de bonnes inspirations, mais ça ne dure jamais longtemps. Virtuellement drapé dans une vertu républicaine qui, de Cahuzac en Thévenoud, et de loi Renseignement en état d’urgence prolongé, m’avait totalement échappé, et oubliant complètement que son parti est arrivé en troisième position au niveau national comme dans bon nombre de régions, il se croit obligé de faire la leçon aux autres :

« Le parti qui s’est pourtant nommé Les Républicains dit son refus de pratiquer le désistement républicain. La gauche est donc le dernier rempart de la France républicaine contre l’extrême-droite xénophobe »

La gauche, dernier rempart contre l’extrême droite ! Quelle blague ! La gauche, boulevard du Front national, oui ! Comme c’est amusant cette horreur d’un FN que le Parti socialiste au pouvoir a tout fait pour attiser, en laissant filer ses prérogatives régaliennes pour nous assommer d’impôts, de sociétal, d’antiracisme, de « vivrensemble », de censure de certaines opinions dérangeantes, d’obligations et d’interdits à propos de notre santé, etc… sans aucun résultat sur les fondamentaux de notre économie, de notre école, de nos universités, de notre système médical ou de notre police.

Alors que les pays européens comparables au nôtre, l’Allemagne et le Royaume-Uni pour ne pas les nommer, ont vu leur taux de chômage refluer vers les 6 %, une fois la crise de 2008 absorbée, nous observons chaque mois l’augmentation des demandeurs d’emplois dont les seules corrections à la baisse résultent d’emplois aidés, de radiations administratives un peu lourdes ou de bugs informatiques. Nos indicateurs les plus élevés concernent la dette publique, les prélèvements obligatoires, et l’expatriation de nos meilleurs étudiants, j’ai déjà eu l’occasion d’en faire le décompte et le mécompte dans de précédents articles. Quant aux perspectives pour 2016, elles sont d’autant plus sombres que la conjoncture internationale tend aussi à se replier alors que nous n’avons même pas mis la crise de 2008 derrière nous et que nous n’avons procédé à aucune vraie réforme de structure.

Selon moi, le pouvoir actuel est le pire que nous ayons eu depuis longtemps, incompétence et cynisme confondus. Et pourtant, le parti socialiste, donné très grand perdant de ces élections, ne s’en tire pas trop mal, relancé qu’il fut par le besoin de sécurité exprimé par les Français après les attentats du « Vendredi 13 ». Si l’on ajoute les scores du PS, du Front de gauche et d’EELV, on obtient aujourd’hui un bloc qui dépasse aussi bien le FN que la droite classique. Cette dernière est dans une situation beaucoup plus tortueuse : elle n’a pas su exprimer son opposition au pouvoir en place avec autant de conviction et de crédibilité que le Front national qui, en plus d’être le premier parti  de France, peut aussi se vanter d’être le premier opposant. Bref, on est dans un tripartisme compliqué où chaque bloc totalisant grosso modo 1/3 des voix, a face à lui une opposition de 2/3 des voix.

Et c’est là qu’on arrive à notre paradoxe français : on parle d’opposition, mais quelle opposition ? Les convergences entre le programme du Front national et celui de la gauche, notamment le Front de Gauche, ont été mille fois tracées. Dans un article paru dans Les Echos le 2 décembre, Gaspard Koenig ironisait sur le fait que le Parti communiste allait enfin dépasser son record de 28 % atteint en France en 1946 !

En effet, quel décalage entre cette France que Marine Le Pen voit « relever la tête », et cette France que je vois moi s’enfoncer dans toujours plus d’illusion étatique ! Aux échecs de la gauche, non pas imputables à un manque d’emprise étatique, bien au contraire, le Front national propose de répondre par encore plus de dirigisme, encore plus d’Etat, encore plus de fermeture et de protectionnisme, encore plus de sanction des catégories les plus entrepreneuses. Il est simplement impossible de voir repartir la croissance et refluer le chômage dans ces conditions. Le « vivrensemble » obsessionnel devient le « vivrentresoi » obsessionnel, l’anti-racisme forcené devient l’anti-migrants forcené, la construction européenne se transforme en glacis franco-russe, le ton bobo cool-sympa devient martial et autoritaire, la culture n’a qu’à bien se tenir, mais le trait fondamental demeure : rien en dehors de l’Etat. Nos deux blondes ne nous promettent rien de bon, mais elles le promettent avec un aplomb qui rassure.

Les structures régionales n’étant jamais que des structures de coûts dont le budget dépend très largement des dotations de l’Etat, il n’est pas dit que la forte présence numérique du FN entrainera des changements lourds dans les régions, d’autant que sa large accession au pouvoir va le mettre, comme tout parti avant lui, face à l’obligation de faire plaisir à ses électeurs. Par contre, il y gagne une dynamique, une envergure et des leaders de carrure nationale qui confortent clairement les ambitions de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017.

Dans cette perspective, je conclus en reprenant les termes de Gaspard Koenig, que je partage entièrement :

Le seul rempart au FN sera donc d’imaginer une offre politique alternative, fondée sur les libertés, soucieuse d’autonomie individuelle. (Gaspard Koenig, Les Echos)

Contre le Front national, et surtout pour la France, seul un vrai projet libéral a des chances de réconcilier les Français avec leurs aspirations  de sécurité, de prospérité et de liberté.


M1M 1Illustration de couverture : Marine Le Pen, Présidente du Front national, député européen et conseillère régionale dans le Nord Pas-de-Calais, et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, député FN du Vaucluse. Pour les élections régionales de ce mois de décembre 2015, la première est tête de liste dans la nouvelle région Nord Pas-de-Calais Picardie (NPDCP), et la seconde dans la région inchangée Provence Alpes Côte d’Azur (PACA). Toutes deux sont largement en tête dans leur région (41 % des suffrages exprimés). Crédit photo : © Maxppp.

8 réflexions sur “Régionales 2015 : auprès de ces blondes, fera-t-il si bon vivre ?

  1. En attendant auprès de tous ceux qui nous gouvernent depuis plusieurs décénies il ne fait plus du tout bon de vivre , pour preuve l’état de notre pays qui part en couille avec tous les problèmes que cela implique….

  2. Oui le mode industriel du ‘toujours plus’ déshumanise et c’est le grand chaos.
    C’est la conscience tranquille qui donne de la force et le Grand Défi c’est valoriser les Valeurs humaines en harmonie avec les Forces universelles et la Nature.

  3. Pingback: Régionales 2015 : l’ »alternative » FN est une impasse | Contrepoints

  4. Bonjour Nathalie,

    J’ai mis sur Facebook un commentaire qui peut également se lire à la suite de votre excellent article mais qui peut paraître redondant. Aussi je vous laisse juge de l’opportunité de l’intégrer ou non dans les présents commentaires (sans la moindre rancoeur je vous l’assure si vous ne le publiez pas).
    C’était:
    « Excellent article qui laisse en même temps une profonde amertume sur l’incapacité des libéraux à convaincre et rassembler les français vers une alternative nécessaire.
    Plusieurs raisons l’expliquent : 1) l’appellation « libéral » totalement dévoyée, jamais expliquée et toujours utilisée comme repoussoir (ils parlent en général d’« ultra libéralisme ») par l’ensemble de la classe politique pour justifier son hégémonie et son autoritarisme 2) la connotation négative d’origine marxiste attachée au libéralisme et à la liberté d’entreprendre définitivement traduite dans l’inconscient français en « affairisme/capitalisme/argent/finance/actionnaires…» . 3) l’addiction à l’Etat Providence, aux « avantages acquis », à l’assistanat que le libéralisme est supposé vouloir remettre en question 4) le déni des français en l’atteinte quotidienne à leurs libertés tant leur soumission à l’intervention permanente de l’Etat leur est habituelle, voire nécessaire.
    En bref, les français ne croient pas que l’Etat les prive de liberté ; ils ont la conviction au contraire qu’il les protège et qu’il est le dernier rempart contre l’injustice et le pouvoir sans limite des « riches ».
    Comment dés lors convaincre les français qu’une solution libérale puisse améliorer les choses, l’auteur de l’article lui-même concluant que cela « demandera du temps… ».
    Sans doute les libéraux devraient-ils se la jouer « pragmatique » car après tout cette vertu leur est consubstantielle. De plusieurs façons : 1) sortir du tout ou rien : admettre que les alternatives libérales ne viendront pas lors d’un « grand soir » du libéralisme mais seront progressivement portées par les programmes de certains candidats « installés » qu’il convient de soutenir (l’article cite par exemple Fillon, Mariton, Le Maire, on peut ajouter Macron et Valls lorsqu’ils ouvrent la voie) 2) abandonner la revendication des libertés, un peu « intello », peu comprise, peu partagée, pour d’autres vertus du libéralisme, par exemple la responsabilité, la transparence, le contrôle, la bonne gestion, l’équité dans les relations entre les individus, ainsi que les propositions sociales des libéraux tel le revenu universel et les bénéfices d’une fiscalité réduite. Il faut en effet opposer à l’opacité de l’Etat, à sa gestion lourde et coûteuse bien connue des français (voire moquée c’est dire..), à l’inefficience des services publics, à l’irresponsabilité des élus et de la bureaucratie, la transparence du libéralisme, le contrôle facile de son fonctionnement, la sanction immédiate des responsables, bref une configuration « consumériste » très attendue par les français, et très moderne. On peut y ajouter le contexte favorable qu’offre le libéralisme à l’entrepreneuriat individuel ou collectif (coopératives, mutuelles, associations) comme une forme évoluée de la relation au travail freinée pour cette raison par les régimes en place inquiets de perdre leur hégémonie sur un salarié domestiqué. Au total une image moderne, consumériste, accessible et équitable du libéralisme qu’on aurait tout lieu de rebaptiser « responsabilisme » … »

    • C’est bel et bien la grande question : comment redonner au libéralisme toutes ses connotations positives et montrer aux Français qu’ils ont tout à y gagner. Pas dans un « grand soir », mais en suivant un cheminement progressif qui recentrerait l’Etat sur ses missions régaliennes et qui redonnerait beaucoup de responsabilité aux personnes.
      C’était le thème de mon article de rentrée (24 août 2015) : « Préjugé politique français N° 1 : les libéraux sont des méchants et des escrocs »
      http://leblogdenathaliemp.com/2015/08/24/prejuge-politique-francais-n-1-les-liberaux-sont-des-mechants-et-des-escrocs/

      • Je relis donc plus attentivement votre article du 24 août à la suite duquel j’avais rebondi sur le manichéisme ordinaire entre bons de gauche et méchants libéraux, passant je l’avoue à coté de votre recommandation pour un libéralisme à vocation opérationnelle, devenu effectivement le thème de ce jour. Naturellement je partage (perso et en qualité de membre de Nous Citoyens cité dans votre article) 100 % de vos propos et tout autant votre action.

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