Chômage : le CV de rêve qui va enfin inverser la courbe

Mes amis, bonne nouvelle, je crois bien que cette fois, ça y est : le gravissime problème du chômage, à propos duquel notre Président de la République a engagé son avenir politique, a toutes les chances d’être enfin résolu ! La fameuse courbe qui s’obstinait à grimper de mois en mois est en passe d’être promptement inversée.

Sur proposition du Premier Ministre, le palais de l’Elysée a en effet annoncé mercredi 2 septembre la nomination de Myriam El Khomri à la tête du Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, enclenchant ainsi le début d’une inflexion capitale dans la lutte contre le chômage : à partir de maintenant, le nombre de femmes ministres excède celui des hommes au sein du gouvernement !

C’est un principe économique bien connu, manifestement partagé par une ancienne présidente du MEDEF, que les inflexions se propagent les unes aux autres par pur volontarisme bienpensant. Une femme de plus, et hop, des dizaines de mille de chômeurs en moins !

Cette nomination met fin à un terrible suspense, initié mi-août par la décision de François Rebsamen, ministre sortant, de reprendre la tête de la mairie de Dijon. Pas facile de remplacer François Rebsamen au Ministère du travail, car, bien que du sexe masculin, il quitte son poste sur un accomplissement notable : depuis deux mois, juin et juillet 2015, le chômage n’augmente plus trop.

Chômage FranceEnfin, disons qu’il n’augmente plus en catégorie A. Et disons aussi qu’il n’augmente plus car les méthodes de comptage ont justement changé à ce moment-là, en déplaçant une partie des chômeurs classés en catégories A, B et C vers les catégories D et E.

Explication de la DARES(*) dans son communiqué sur les chiffres de juin 2015 : les chiffres des catégories A, B et C ont été minorés de 24 800 personnes, de 10 000 pour la seule catégorie A, et cet effet se poursuit en juillet, quoique plus légèrement. (Cliquer sur le tableau ci-dessus, réalisé à partir des chiffres de la DARES, pour suivre l’évolution du chômage en France depuis mai 2012).

Nous sommes donc naturellement tous très impatients de voir comment notre toute nouvelle ministre va prolonger cet heureux effet, quelle nouvelle méthodologie elle va pouvoir inventer afin de donner de la crédibilité à un retournement suffisamment voyant pour permettre à François Hollande, fier de sa mission enfin accomplie, de briguer l’investiture de son parti et le vote de la majorité des Français en 2017.

Pour l’instant, hélas, la popularité de François Hollande pique une nouvelle fois du nez à 18 % de sondés satisfaits, comme le révèle le dernier sondage TNS-Sofres. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir promis monts et merveilles aux Français sous forme de baisses d’impôts en 2016 et d’avoir, en toute cohérence, octroyé avec libéralité (mais pas libéralisme, attention) toutes sortes de « messages d’amour » sonnants et trébuchants à toutes sortes de catégories d’électeurs.

Les plus gâtés sont incontestablement les agriculteurs qui, hier, en bloquant la capitale, ont réussi à arracher trois milliards d’euros en trois ans au gouvernement qui avait déjà lâché six cents millions cet été. Mais en vertu de la simplicité et de la limpidité qui caractérisent si souvent ce gouvernement, Manuel Valls a précisé qu’en fait il s’agira de trois cent cinquante millions par an qui deviendront un milliard par « effet de levier. » Les agriculteurs sont hésitants, ils ne savent pas s’ils doivent être contents ou non.

Il devenait donc urgent de faire rentrer au gouvernement une personnalité d’envergure incontestable comme ministre pour assurer le succès ultime du Président sur le front du chômage, décrété depuis le début priorité des priorités. C’est chose faite avec la nomination de Myriam El Khomri. L’examen attentif de son Curriculum Vitae nous indique clairement qu’elle n’a pas été sélectionnée au hasard.

Toute petite déjà, elle manifestait un intérêt hors du commun pour la chose publique, l’organisation collective et le combat politique, ce qui la poussa à se mettre au service de ses petits camarades de collège en se faisant élire déléguée de classe. Au moment de choisir sa voie pour les études supérieures, elle repoussa avec une grandeur d’âme remarquable les sirènes du droit privé, « celui des sous », pour aller sans hésiter vers le droit public. Nul doute que les chômeurs du secteur public seront charmés d’avoir affaire à une ministre aussi bien formée aux aléas de la vie professionnelle des fonctionnaires.

Au même moment, elle enrichit son expérience de terrain par de multiples « petits boulots » tels que baby-sitting, hôtesse d’accueil ou vendeuse de maillots. Nul doute là encore que cette incursion sans filet dans le secteur ultra-sauvage de l’emploi privé saura lui dicter les mesures indispensables au retour des chômeurs dans le doux giron de l’État.

Une fois son diplôme en poche, Myriam El Khomri se lance dans la recherche d’un stage. C’est à ce moment-là que commence son entreprise de séduction envers le pouvoir socialiste. Tout naturellement, elle écrit à trois hommes politiques dont Claude Bartolone, ministre de la ville dans le gouvernement Jospin. Il lui trouve un stage à la mairie du XVIIIème Arrondissement de Paris où elle finira par être embauchée. Tout aussi naturellement, elle adhère au Parti socialiste en 2002, sous le choc de l’élection présidentielle qui a vu l’élimination de Lionel Jospin, Premier ministre sortant, au profit de Jean-Marie Le Pen.

A partir de là, c’est pour elle une ascension sans fin dans les instances du parti ainsi que dans les postes d’élu, grâce à Bertrand Delanoë d’abord, puis Anne Hidalgo, dont elle confie que c’est son modèle en politique. Au moment où elle entre au gouvernement comme secrétaire d’Etat à la politique de la ville en août 2014, elle était adjointe au maire de Paris en charge des questions de sécurité et de prévention, la formation idéale pour accéder à la cour des grands des ministres en titre à l’âge de trente-sept ans.

Car à ce niveau-là, plus rien ne vous est épargné. Il convient donc de savoir assurer sa sécurité et prévenir les coup tordus de collègues plus ou moins envieux. Selon le journal Libération qui dressait son portrait en 2011, pour l’un de ses amis de la mairie de Paris « humainement, (elle) est l’inverse des politiques actuels, pas une tueuse, pas une roublarde, elle est sincère », tandis que pour un autre ami beaucoup moins complaisant « l’absence d’ambition affichée peut être une forme très forte d’ambition. » Elle est quand même attendue au tournant, la petite Myriam.

Mais au gouvernement, tout le monde l’adore et son ascension est fulgurante. Myriam El Khomri est une grande travailleuse qui ne compte pas ses déplacements. Elle en a réalisé plus de cent en un an, y compris dans des villes tenues par le Front National, lors de son passage au secrétariat d’État à la politique de la ville. Quel exploit ! Il est rassurant de penser qu’elle n’hésitera pas à parcourir la France pour serrer les mains des chômeurs, y compris dans des villes tenues par le Front National.

Myriam El Khomri est donc un pur produit de la culture socialiste. Elle a forgé toute son expérience du travail au sein des collectivités territoriales ou nationales, comme salariée ou comme élue d’instances à majorité socialiste. Elle fait partie de la famille, c’est sa plus grande qualité. Or c’est une qualité essentielle du fonctionnement politique actuel de la France.

La société civile, plus diversifiée en terme de formation et de profession, a été écartée du pouvoir au profit des seuls socialistes. La question du chômage est si importante, si délicate, si cruciale dans le projet de réélection de François Hollande, qu’il serait impensable d’en laisser les manettes à un individu extérieur qui, pourvu de toutes les compétences techniques nécessaires, pourrait avoir l’audace saugrenue d’exiger son indépendance et apporter de la nouveauté dans le traitement du sujet.

Myriam El Khomri, fidèle et loyale, a pour mission d’appliquer la politique de Manuel Valls et de François Hollande. Dans le contexte d’une croissance de l’économie qui est retombée à 0 % au second trimestre 2015, il y a fort à parier que les emplois aidés, les contrats d’insertion et tout le traitement social du chômage qu’on ne connait que trop bien en seront la pièce maîtresse.

Les recommandations récentes de Terra Nova, think tank du Parti socialiste, sur de possibles dérogations au code du travail pourraient avoir une influence positive. Mais nous sommes encore très loin de la mise en oeuvre d’une politique concrète en ce sens, sans compter les fortes luttes internes au Parti socialiste sur cette question, comme l’Université d’été de la Rochelle l’a encore amplement montré  il y a quelques jours.

L’unique morceau de bravoure de Myriam El Khomri consistera donc pour l’instant à annoncer les chiffres tous les mois. Nul doute que son expérience d’hôtesse d’accueil lui inspirera tout naturellement les mots et les attitudes à adopter à mesure que la courbe se retournera à coups de changements méthodologiques, d’embauches de fonctionnaires et de subventions diverses injectées dans les rouages de la dépense publique improductive mais assurément clientéliste.

(*) Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques du Ministère du Travail.


Myriam El KhomriIllustration de couverture : Myriam El Khomri sur le perron de l’Elysée, le 27 mai 2015. Photo : Thomas Samson – AFP.

7 réflexions sur “Chômage : le CV de rêve qui va enfin inverser la courbe

  1. Juste 2 précisions sur les agriculteurs:
    – les 600 millions dont vous parlez ne sont que des reports de charges, au lieu de crever aujourd’hui ils crèveront demain quand il faudra payer les reports
    – l’aide de 3 milliards sur 3 ans est du même style, 1 année blanche, la suivante sera noire, aide au développement, aide au crédit…
    En aucun cas ils ne toucheront un centimes de vos impôts.
    La FNSEA a floué les agriculteurs avec ses revendications, ce que les agriculteurs veulent ce n’est pas du pognon de l’état, ils veulent une baisse des charges, un prix de vente juste et une équité avec les autres pays européen pour éviter une concurrence déloyale.

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