La vie rêvée de Ségolène Royal, ministre durable de son développement personnel

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Quoi qu’on pense de la Loi Santé ou de la grève à Radio France, on ne doute pas un instant que les ministres en charge de ces dossiers sont actuellement au charbon et n’ont pas du tout l’esprit à la plaisanterie, à la poésie ou à la rêverie. Ni à l’auto-satisfaction, pour l’instant. On est vraiment désolé pour Marisol Touraine et Fleur Pellerin qui sont en train de réaliser que la vie de ministre peut être terriblement dure et ingrate, qu’il faut travailler du matin au soir et que tout le monde ne se déclare pas forcément tout acquis aux projets défendus par le gouvernement. 

On est d’autant plus désolé qu’une de leur collègue connait de son côté une expérience ministérielle tellement agréable qu’elle n’a pas hésité à se congratuler elle-même et à se juger « indispensable » alors que la presse bruissait d’un possible remaniement ministériel après les élections départementales des 22 et 29 mars derniers si celles-ci devaient être un échec trop lourd pour l’actuel gouvernement.

Dans un entretien accordé au journal Sud-Ouest le 5 avril dernier, Ségolène Royal, puisqu’il s’agit d’elle, déclarait sans rire :

« Même si je voulais partir, on me demanderait de rester. Car j’arrive à concilier ce qui paraît inconciliable comme sur la question du nucléaire par exemple. Et ça, c’est grâce à mon expérience de vingt-cinq ans d’élue de terrain et au fait que je ne m’en laisse jamais conter. »

Convaincue de son aura particulière et de sa position en surplomb dans la politique française en raison de sa candidature à la présidentielle de 2007 qui lui a permis de réunir sur son nom 47 % des suffrages exprimés et 17 millions de voix au second tour, elle souhaitait sans doute aussi verrouiller la porte de son ministère au cas où François Hollande et Manuel Valls se décideraient à faire entrer quelques écologistes au gouvernement.

Mais pour l’instant, rien de tel. Ségolène Royal règne sans discussion sur le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, elle règne sans discussion sur le gouvernement Valls II dont elle est le troisième personnage le plus important après Valls lui-même et Laurent Fabius, elle règne sur le Président de la République car elle est la mère de ses quatre enfants et elle règne sur la France qui l’a pratiquement élue Présidente, le tout dans un tourbillon d’écharpes colorées, de déclarations péremptoires et de dossiers vaillamment portés et parfois brutalement fracassés.

Ségolène Royal nous a habitués à ses déclarations à la fois hautement comiques et invariablement narcissiques. Claude Allègre a souvent raconté comment elle avait l’habitude, alors qu’il était ministre de l’Education nationale et elle ministre déléguée à l’Enseignement scolaire, de débouler dans son bureau pour le saisir de sujets extrêmement graves et urgents tels que l’interdiction du port du string à l’école.

Peu après la première élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis, elle confiait sans sourciller au journal Le Monde : « Oui, j’ai inspiré Obama et ses équipes nous ont copiés. (…) Chez nous, (l’équipe d’Obama a) enregistré les idées de gagnant-gagnant, de citoyen-expert. » 

Quand Madame Royal dit qu’elle « arrive à concilier ce qui paraît inconciliable », on ne peut s’empêcher de se demander si elle parle des tarifs autoroutiers qu’elle voulait geler, au mépris des accords tarifaires passés avec les dirigeants des sociétés concernées, et qui vont finalement augmenter de 0,57 % cette année.

Et lorsqu’elle met en avant « son expérience d’élue de terrain », on a furieusement envie de lui rappeler la calamiteuse gestion du dossier Heuliez et le retentissant échec de Mia Electric, affaires dans lesquelles l’argent public a coulé à flots (20 millions d’euros selon l’opposition locale), prouvant une fois de plus que lorsqu’il n’y a pas alignement entre le risque financier pris et les décisions prises, l’échec est assuré. C’est sans doute pour cela qu’elle a été nommée vice-présidente de Bpifrance pendant une petite année jusqu’à son arrivée au ministère de l’écologie en avril 2014.

Le fait est que de tels propos laissent songeur et invitent inéluctablement à s’intéresser de plus près au parcours et à l’emploi du temps de la dame qui tient régulièrement pareil discours satisfait.

Le parcours est très simple : Ségolène Royal est passé du berceau à l’école, puis de l’école à la fac, de la fac à l’ENA et de l’ENA aux cabinets ministériels, aux portefeuilles de ministre et aux mandats électifs. On peut l’absoudre d’une chose, elle n’est pas passée par l’UNEF, case pourtant assez fréquemment cochée par les membres du Parti socialiste. Par contre, l’expérience professionnelle propre est mince et restera mince.

Elle est élue pour la première fois en 1988 comme députée dans le département des Deux-Sèvres grâce à la bienveillance de François Mitterrand auquel elle a demandé une circonscription pour se présenter (Vidéo 0′ 24″). C’est là que commence sa carrière de déclarations chic et choc : elle promet aux agriculteurs de la région de leur faire donner des cours d’anglais afin qu’ils puissent exporter leur chabichou.

Son plus long mandat sera celui de Présidente du Conseil régional de Poitou-Charente (2004-2014) qu’elle quitte pour entrer au gouvernement en avril 2014 après la défaite socialiste aux élections municipales de mars 2014. Elle est vice-présidente (comme trente-quatre autres personnalités) de l’Internationale socialiste depuis 2008, sous la présidence de George Papandréou, qui s’est aussi fait remarquer comme premier ministre grec.

Agenda SR du 6:4                    Agenda SR du 13:4

Agenda SR du 30:03Pour l’emploi du temps, il va falloir faire confiance à la presse et à Twitter. La consultation du site du ministère de l’écologie hier à 23 h 00 ne permettait pas de prendre connaissance de l’agenda de Ségolène Royal pour la semaine du 13 avril, c’est à dire cette semaine-ci, ni pour la semaine précédente : pas encore disponible, contrairement à celui de son ministre délégué aux transports Alain Vidalies, parfaitement disponible (cliquer pour agrandir les agendas).

Mais grâce à Twitter et aux médias, on sait que les journées de Ségolène Royal ne sont pas toutes trop désagréables : le 4 avril à La Rochelle, elle remet le certificat de navigation de la frégate de La Fayette Hermione qui s’élancera vers les Etats-unis le 18, en sa présence et peut-être également celle du chef de l’Etat ; le 11 avril elle visite le Parc naturel des Ballons des Vosges et signe la création des quatre premiers « territoires à énergie positive pour la croissance verte », mais ne veut pas parler de Fessenheim ; et le 12 elle va au cinéma.

Et pour le reste, Ségolène Royal s’appuie sur le trait de caractère qu’elle a elle-même souligné dans sa déclaration : elle « ne s’en laisse jamais conter. » Le reste, c’est principalement la Loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, les portiques installés à grands frais par Ecomouv’ pour une écotaxe finalement abandonnée et que Ségolène Royal souhaitait voir réutilisés par la gendarmerie, le gaz de schiste, la circulation alternée à Paris, l’avenir des centrales nucléaires et les tarifs de la SNCF qu’elle souhaite geler, eux aussi, c’est une manie, après avoir validé la hausse prévue.

A la voir procéder, on comprend que l’expression « ne pas s’en laisser conter » veut dire dans son esprit : lancer une idée de but-en-blanc et du jour au lendemain, voir se lever une polémique, dire qu’on l’a mal comprise ou qu’elle n’a jamais dit ça, fustiger les opposants et capituler tout en disant qu’elle l’avait bien dit. Des animosités personnelles à l’égard d’Anne Hidalgo ou de Cécile Duflot ne sont pas non plus étrangères à ses prises de position intempestives.

La Loi sur la transition énergétique avait été présentée par Ségolène Royal en Conseil des ministres en juin 2014, puis amendée par l’interdiction des sacs plastiques et des couverts jetables et enfin votée par les députés en octobre 2014. Présentée au Sénat début mars, elle devra repasser par l’Assemblée nationale, les sénateurs n’ayant pas voté la date butoir de 2025 pour faire baisser la part du nucléaire dans l’électricité de 75 % à 50 %.

Ce qui est typique dans cette loi, c’est le mélange de l’anecdotique avec l’important. Ségolène Royal s’est accrochée avec les écologistes sur la question de savoir si l’utilisation des couverts en plastique est un marqueur de famille modeste ou de famille aisée, alors que les décisions qui nous engagent énergétiquement pour des décennies sur la base de la lutte contre un réchauffement climatique anthropique annoncé comme catastrophique mais pas solidement constaté ni étayé ne donnent lieu à aucune controverse.

Pour finir, deux mots sur la circulation alternée à Paris en raison de la pollution aux particules fines. Les mêmes seuils d’alerte ne provoquent pas les mêmes traitements, c’est le moins que l’on puisse dire. Non pas qu’on s’interroge le moins du monde sur la pertinence de ces seuils ou sur les dommages effectifs d’une telle pollution sur la santé des parisiens. On est purement et simplement dans une partie de bras de fer entre Ségolène Royal et Anne Hidalgo, partie que la première maîtrise entièrement pour l’instant, sauf si François Hollande devait choisir d’arbitrer ce conflit ridicule.

On l’aura compris, je pense, en tout cas je l’espère, cet article ne traite pas de l’écologie, du développement durable et de la transition énergétique, il traite de Ségolène Royal et de la façon dont elle s’acquitte de son ministère. On pourra facilement m’opposer que j’ai dressé un portrait entièrement à charge, mais à vrai dire, je le conçois plus comme une réponse à la déclaration entièrement satisfaite d’une personne très imbue d’elle-même.

Quand donc Ségolène Royal fait-elle preuve de distance, de discernement et de questionnement ? Troisième personnage du gouvernement, d’un âge où il n’est plus permis de se comporter en gamine sans être ridicule, on attend de la ministre qu’elle ait une certaine sobriété personnelle et une bonne dose de sérieux au travail ; qu’elle ne se prenne pas pour la reine des abeilles de la ruche gouvernementale, même si d’après elle, les « Français ont envie de revoir des papillons et des abeilles » – déclaration faite hier 13 avril à Laurence Ferrari sur I-télé.


Mise à jour du mercredi 24 février 2016 : L’histoire racontée ci-dessous est sans fin. Ce serait formidable si le titre qui vient immanquablement à l’esprit n’était « Echec, faillite et catastrophe ». Aujourd’hui, h16 nous en conte sans plaisir un nouveau chapitre (celui des 132 millions d’impayés de la région Poitou-Charente, dont Ségolène Royal fut Présidente de 2004 à 2014), tout en insistant bien sur le fait que vu le niveau de faillite économique, morale et intellectuelle que cela représente, il y a peu de chance que ce soit le dernier.

Mise à jour du samedi 9 avril 2016 : La désastreuse gestion de la région Poitou-Charente vient d’être officialisée dans les conclusions d’un audit réalisé par le cabinet EY à la demande du successeur PS de Ségolène Royal à la tête de la région. Réponse de la dame : « Ma réussite fait des jaloux. » Du Ségolène pur jus.

Voir également l’article « Hé oh, la gauche, ta foutue morale est en lambeaux ! » du 5 décembre 2016 qui raconte comment Ségolène Royal, représentante toujours très bullshit et choc de notre gouvernement, elle a eu à coeur de laisser parler sans entrave le surmoi totalitaire de la gauche française : selon elle, El comandante fut un homme admirable qui « redonna vie » à ses compatriotes. 


Illustration de couverture : Ségolène Royal sur le plateau de TF1 avant une interview, 2008.

7 réflexions sur “La vie rêvée de Ségolène Royal, ministre durable de son développement personnel

  1. Texte remarquable, avec juste la pointe d’humour qui détend.
    Le personnage de Ségolène n’existerait pas comme tel, si elle n’était en couple.
    C’est un attelage qu’il convient de considérer et c’est cette réalité occultée, celle de l’attelage avec le Président qui explique ce que l’on pourrait appeler le culot de Ségolène.
    Elle est bien sur comme cela, culottée, elle ne doute semble-t-il de rien, mais c’est parce qu’ elle sait qu’elle est couverte. Sans jeux de mots grivois. Elle touche les dividendes de ses tolérances passées et présentes.
    Son emprise à la fois forte et dérisoire sur le père de ses enfants, nous dit-on a été renforcé par l’épisode Trierweiler. Hollande n’a pas envie de se retrouver avec le ridicule de nouveaux déballages humiliants.
    Ce qui laisse pantois, c’est l’absence de critique de fond. Aussi bien lors de la nomination à la BPI que lors de la nomination à la tête d’un grand ministère vide, mais dépensier, nous sommes en présence d’un détournement de fonds publics, de fonds nationaux. Le président paie à la fois sa pension alimentaire et le silence de la dame sur les deniers de la collectivité.

    Autre sujet d’étonnement … la discrétion dont Médiapart fait preuve sur tout ce qui touche de près ou de loin à Ségolène.

  2. Pingback: Y a-t-il un mystère Hollande ? | Contrepoints

  3. Très juste portrait de Ségolène, probablement encore au dessous de la réalité car il y manque un trait de caractère à ajouter à son culot bien décrit : une avidité sans limite ainsi qu’on avait pu la voir réclamant à Mitterrand, son premier mentor, une circonscription électorale : « vous ne pouvez pas faire quelque chose pour moi ? ».
    Cette anecdote caractérise exactement le personnage dont il faut absolument revoir l’attitude ce jour là (http://www.ina.fr/video/I07002981) : peu importe pour elle le but de la cérémonie, la foule des invités, le rôle officiel du président… ce qui compte c’est sa carrière, son avenir; on le lit immédiatement dans son regard qui ne lâche pas le président..
    Mille anecdotes sont connues et rapportées par mes concitoyens de la région Poitou-Charentes qui l’ont cotoyée incidemment dans le TGV au retour de Paris ou dans le cadre de cérémonies locales : son arrogance, sa brutalité de langage, le mépris de son entourage, sa suffisance, son acidité, son absence totale d’empathie…tout en sachant parfaitement jouer sur le surcroît de sensibilité qu’on prête généralement aux femmes et dont elle use lorsque les circonstances l’exigent et que les cameras (qui la rendent hystérique) sont présentes : il faut par exemple revoir ses larmes à la sortie des primaires socialistes…
    Il est une expression un peu désuète qui dit bien ce qu’elle veut dire : être « bien élevé ». Ce n’est pas le cas.

    • Merci pour la vidéo. Je la mets en lien dans mon texte car elle illustre parfaitement mon propos : « Elle est élue pour la première fois en 1988 comme députée dans le département des Deux-Sèvres grâce à la bienveillance de François Mitterrand auquel elle a demandé une circonscription pour se présenter. »

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