« Daesh » et « Boko Haram » : Barbarie superlative à domicile et à l’export

→  Cet article a également été publié le mercredi 29 avril 2015 sur   icone_redacteur3

Mise à jour du 17 octobre 2017 : Raqqa, le fief de Daesh en Syrie est tombé ce jour. L’avenir de la ville, éclatée entre de multiples forces combattantes, reste pourtant incertain.

Mise à jour du mercredi 11 octobre 2017 : Bonne nouvelle ! Alors que Mossoul (Iraq) a été définitivement reprise au djihadistes islamistes en juillet 2017 après une longue offensive et alors que Raqqa, fief de Daesh, est en pleine reprise du côté syrien, Daesh a perdu 80 % de son territoire en Syrie et en Iraq depuis 2014. Voir carte détaillée ici (décodeurs du Monde). Selon une évaluation américaine de mars 2017, les effectifs de combattants seraient tombés en dessous de 20 000, contre un pic à 100 000 en 2015.

Note du 27 juillet 2016 : Les (trop nombreux) attentats et exactions concernant cet article sont à lire dans Terrorisme islamiste : journal de la barbarie. Tous les articles en lien avec Daesh, le terrorisme islamiste, la lutte anti-terroriste et les sujets apparentés sont à découvrir dans la page Daesh et conséquences.


Après le 11 septembre 2001 et les attentats de Madrid en 2004 et Londres en 2006, les attaques de ce début d’année à Paris et à Copenhague ainsi que les décapitations d’otages nous ont rappelé brutalement que l’islam radical ne partage aucune de nos valeurs. En fait l’islam radical ne partage les valeurs de personne et poursuit un projet de retour à l’islam des origines qui se traduit par des dizaines de milliers de morts y compris et surtout dans les pays musulmans. Dans le sillage de notre porte-avions le Charles-de-Gaulle, officiellement envoyé hier (23 février 2015) pour combattre le fondamentalisme islamiste, je me propose dans cet article de faire un point modeste sur les deux organisations terroristes les plus violentes et les plus menaçantes aujourd’hui : Daesh et Boko Haram. 

Précisons d’abord certains points de vocabulaire. Le Coran retranscrit verbatim les paroles qu’Allah a directement dictées au prophète Mahomet. Il comprend 114 sourates (chapitres) elles-mêmes divisées en versets. La Sunna est formée de plusieurs milliers de Hadiths qui restituent les paroles, les pratiques et les actes du prophète tels que rapportés par ses compagnons et des musulmans fidèles. Fondée sur le Coran et la Sunna, la Charia est la loi islamique venue d’Allah. Elle codifie les aspects publics et privés de la vie des musulmans et règle les rapports sociaux dans les moindres détails.

Précisons maintenant quelques points d’histoire. Le schisme de l’islam entre sunnites et chiites intervient dès la succession du prophète Mahomet qui, à sa mort en 632, était à la tête d’un vaste territoire acquis par conquêtes militaires et razzias. Les compagnons de ce dernier désignent l’un d’entre eux comme premier Calife et suivent le Coran et la Sunna de façon littérale, ce sont les Sunnites. Parallèlement, les « gens de la maison du prophète », c’est à dire sa famille, désignent son cousin et gendre Ali comme héritier, ce sont les chiites. Ils suivent aussi le Coran et la Sunna, mais ne reconnaissent pas la législation établie par le premier Calife et ses deux successeurs. Selon eux, elle altère trop la Sunna. Les chiites se distinguent également par la place importante accordée au libre arbitre et par un clergé très organisé (imams). Actuellement, ils ne représentent que 10 % du monde musulman et on les trouve principalement en Iran et en Syrie.

Revenons à l’islamisme radical. Daesh et Boko Haram en sont incontestablement les organisations totalitaires les plus violentes. Ce sont des mouvements armés islamistes appartenant à la tradition sunnite dans sa composante salafiste djihadiste. Le salafisme revendique un retour à l’islam des origines et préconise l’application littérale du Coran et de la Sunna. Le salafisme peut se limiter à la prédication (les Frères musulmans égyptiens sont assez proches de ce courant) ou prendre la forme du djihad, ou guerre sainte, afin de libérer les pays musulmans de toute occupation étrangère et renverser les régimes des pays musulmans jugés infidèles pour instaurer un État authentiquement islamique.

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Daesh, qui se nomme lui-même Etat islamique (ou EI), a été créé en 2006 dans un Irak fragilisé par la guerre, par Al Qaïda et d’autres organisations djihadistes locales et se considère à partir de cette date comme le véritable Etat d’Irak. En 2013, Daesh s’étend en Syrie à la faveur de la déstabilisation de ce pays consécutivement à la guerre civile, et le 29 juin 2014, il annonce le rétablissement du califat dans les territoires qu’il contrôle. Abou Bakr al-Baghdadi se proclame calife, successeur de Mahomet, sous le nom d’Ibrahim. La carte ci-contre indique les positions de Daesh en Irak et en Syrie. Cela représente un territoire d’environ 8 millions d’habitants disposant d’une superficie supérieure à celle du Royaume-Uni. Daesh a également pris pied dans la Libye morcelée de l’après-Kadhafi et s’y livre à ses activités terroristes habituelles : encore récemment, enlèvement de 21 coptes égyptiens (chrétiens) qui seront décapités et autodafé d’instruments de musique trop symboliques de la culture occidentale.

Côté finances, Daesh est le groupe terroriste le plus riche de la planète. Sa fortune se compte en centaines de millions de dollars. Selon certaines sources, son budget pourrait dépasser le milliard de dollars.
Mise à jour du 19 novembre 2015 : Voir ici article du Figaro du 19 novembre 2015, très détaillé sur les finances de Daesh, qui situe son budget 2015 à 2,5 milliards d’euros et son patrimoine théorique à 2,3 milliards.
Daesh reçoit des dons de donateurs privés des pays du Golfe (2 % de ses revenus), mais ce n’est rien par rapport à la manne tirée du pétrole qu’il contrôle et qu’il revend en dessous du cours mondial (48 % de ses recettes). A cela s’ajoute de nombreux impôts, des vols de banques, des rançons d’otages et divers trafics. Il lui est ainsi facile de s’équiper militairement et de payer ses 25 à 30 000 combattants 100 000 combattants au 19 novembre 2015 selon le journal l’Opinion.

L’implication directe de pays sunnites tels que l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Koweit était peut-être vraie tant qu’il s’agissait de faire tomber le régime chiite de Bachar El Assad en Syrie, mais maintenant, Daesh a été déclarée organisation terroriste par la plupart des grands pays arabes qui se sentent également menacés. L’implication indirecte est néanmoins fortement suspectée (mise à jour du 3 mai 2015).

Daesh est considéré par l’ONU, l’Union européenne, les Etats-Unis et la Ligue arabe comme une organisation terroriste responsable de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.

Mise à jour du 13 novembre 2015 : La vidéo ci-dessous, publiée par le journal Le Monde en juin 2015, reprend ces éléments explicatifs et en rajoute quelques autres (7′ 45″) :

La création de Boko Haram a eu lieu en 2002 dans le Nord-Est du Nigeria. Proche des talibans à sa création, ce mouvement s’est maintenant rapproché d’Al Qaïda et de Daesh. Tout comme ce dernier, il prône le retour à un islam des origines extrêmement rigoureux et a pour projet d’instaurer la Charia dans tout le pays. Début janvier, son chef actuel Abubakar Shekau a annoncé son intention de rétablir l’ancien califat de Sokoto du XIXè siècle sur des territoires du Nigeria et du Cameroun. Boko Haram signifie « l’éducation occidentale est un péché ». De ce fait, les cibles de ses violences sont souvent des écoles et des lycées dont l’enseignement est jugé trop occidental. Les enlèvements et les massacres se succèdent touchant par centaines tous ceux qui font obstacle de près ou de loin à l’établissement du califat : lycéens tués, lycéennes enlevées pour être mariées de force, chrétiens, juifs, musulmans fidèles au gouvernement, otages étrangers, personne n’est à l’abri de la barbarie de Boko Haram qui utilise les femmes et les fillettes pour commettre des attentats et recrute en permanence des enfants soldats. Les financements de Boko Haram sont les mêmes que ceux de Daesh, le pétrole en moins.

Face à cette barbarie, face aux provocations permanentes des djihadistes et face à leurs avancées territoriales très concrètes, la communauté internationale a décidé en 2014 de former une coalition militaire composée de 22 pays aussi bien arabes qu’occidentaux afin d’aider les forces irakiennes et les autorité kurdes à contrer les avancées de Daesh en Irak et en Syrie. Les premières opérations ont eu lieu à partir du mois d’août. Il s’agit de frappes aériennes effectuées principalement par les Etats-Unis et visant du matériel militaire, des bunkers, des postes de combat et de nombreux bâtiments. Certains pays fournissent également de l’aide humanitaire. La France participe à cette coalition dans le cadre de l’opération « Chammal » depuis septembre 2014. Hier, lundi 23 février, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a annoncé avec une certaine satisfaction que la France apportait des avions de chasse supplémentaires aux forces de la coalition internationale, ainsi que son porte-avions le Charles-de-Gaulle.

Au Nigéria, la coalition formée par le Tchad, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Bénin a reçu le soutien de l’ONU et des pays occidentaux, tandis que l’Egypte a bombardé lundi dernier les positions de Daesh en Libye afin de venger les 21 coptes égyptiens décapités. (Sur tous ces fronts, les deux organisations terroristes ont du mal à maintenir leurs positions et commencent à subir quelques revers.)

Mise à jour du 28 août 2015 : J’ai précisé les points suivants dans mon article Sauver « Palmyre » : Jusqu’au printemps 2015, la coalition a réussi à enrayer la progression territoriale du groupe terroriste, mais ce dernier a pris le dessus en mai 2015 avec la prise de Ramadi en Irak et celle de Palmyre en Syrie. La stratégie de la coalition est donc à repenser du tout au tout. Les raids aériens sont-ils suffisants ? Faudrait-il envoyer des troupes au sol ? Est-il possible d’envisager une coopération avec la Syrie de Bachar El-Assad ? Ce sont quelques unes des questions que la coalition doit se poser. 

Pour nous occidentaux, le fondamentalisme islamiste armé de Daesh et Boko Haram représente incontestablement un défi majeur tant ces organisations prennent plaisir à nous narguer, nous menacer, et nous terroriser en représailles de tout acte, même anodin, qui pourrait passer pour une remise en cause du prophète Mahomet.

Mais c’est surtout un défi majeur de l’humanité tout entière qui voit des pans entiers de la planète passer sous le contrôle de l’inhumanité la plus totale. Je parle ici de deux zones géographiques précises, mais de nombreux autres secteurs, tels que Yémen ou Somalie, sont concernés.

La coopération internationale parait essentielle pour lutter, et serait encore plus puissante si elle recevait l’appui le plus clair des très nombreux musulmans horrifiés par tant de haine qui souhaitent se ranger sans ambiguïté avec nous dans le camp de la liberté.


P.S. : Le sujet est vaste et complexe. Je ne suis pas à l’abri d’inexactitudes. Merci de me les signaler 🙂


Illustration de couverture : Photo datant de 2010 montrant des combattants du groupe terroriste somalien Al-Shabaab lié à Al-Qaïda.
Mise à jour du 13 novembre 2015 : Ses membres, les Shebab, sont notamment responsables de l’attentat de l’université Garissa au Kenya qui avait fait environ 150 morts parmi les étudiants chrétiens le 2 avril 2015.

3 réflexions sur “« Daesh » et « Boko Haram » : Barbarie superlative à domicile et à l’export

  1. Concernant les musulmans qui « veulent se ranger avec nous sans ambiguïté dans le camp de la liberté  » il y a beaucoup à dire sur ce sujet très vaste. Je n’ai pas eu l’occasion de lire les réactions des sommités de l’islam sur les meurtres de Paris, sur l’l’invitation des musulmans à massacrer les enseignants ou sur les meurtres de boko haram. Or, qui ne dit rien consent. Si effectivement c’est le cas, la situation est d’autant plus préoccupante que ces sommités devraient réagir sans aucune suggestion extérieure, étant donné que qu’il s’agit d’une question d’ultime conviction. Cette non réaction impliquerait alors une surveillance de l’islam, et par extension de tous les radicaux.
    Sauf observations contraires.

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